24H du Mans 1990 : TWR double la mise pour Jaguar Imprimer Envoyer
Vendredi, 04 Juin 2010 20:47

th_1990_LM_Jaguar_arriveeDeuxième tome de notre petit retour dans le passé à l'approche de la 78ème édition, je vous replonge cette fois-ci 20 ans en arrière. L'ère des Groupe C s'approche d'une fin prévue et planifiée, alors qu'elle nous offre un plateau superbe. Le Mans en bénéficie avec les présences officielles de Jaguar, Mazda, Nissan et Toyota. Porsche est dignement représenté par ses clients, le Joest Racing en tête qui est véritablement soutenu par l'usine comme en atteste la robe intégralement blanche des n°7 et 8, nous rappelant la belle époque des Porsche 907, 908 et 917. Mais le fait que l'épreuve ne compte pas pour le Championnat du Monde nous prive de la présence des Mercedes . Est-ce vraiment grave pour l'intérêt de l'épreuve ? Pas réellement car cela laisse présager d'une course plus ouverte tant les C11 dominent désormais le monde de l'endurance...

Un plateau magnifique !

Par conséquent, le favori logique de l'épreuve est Jaguar pour le compte de qui, Tom Walkinshaw engage quatre XJR-12, une évolution de la XJR-9 toujours à l'aise au Mans et victorieuse deux ans plus tôt. On a donc conservé le gros V12 atmosphérique chez les anglais et non pas le tout nouveau V6 turbo, qui pour l'instant, ne donne guère satisfaction dans les XJR-11 (dont deux exemplaires sont pourtant présentes dans le paddock). Un gage de fiabilité qui, allié à une équipe technique aguerrie, donne toute confiance. Reste que l'équipe de pilotes est peut-être un peu moins forte que la concurrence et surtout moins homogène. La preuve en sera d'ailleurs apportée en course au détriment du pauvre Eliseo Salazar, engagé sur la n°3...

Nissan offre une réplique de haute volée. Depuis l'an passé, la firme japonaise fait confiance à Lola en lieu et place de March pour la conception de ses autos. Le résultat ne s'est pas fait attendre et les R89C ont donné de beaux espoirs avant d'abandonner. Une victoire à Diepholz, face aux meilleures Porsche 962C privées, deux mois après les 24 Heures, achève de convaincre que la voiture est bien née. Il est donc décidé de poursuivre l'effort en 1990, voire de l'intensifier. La voiture évolue en deux versions distinctes, la R90CK, directement issue de la R89C, et la R90CP à la carrosserie bien différente (et probablement moins esthétique). L'effort en vue d'être le premier constructeur nippon à s'imposer au Mans est colossal. 7 voitures sont engagées ! Deux R90CK pour la branche anglaise de Nismo (n°24 & 25), deux autres pour la branche américaine (n°83 & 84) et une R90CP pour la branche nippone (n°23). Quatre de ces cinq voitures font débuter les freins carbone au Mans (seule la n°84 n'en est pas équipée), une possibilité offerte par la présence des chicanes qui évitent un refroidissement trop important du système de freinage dans les Hunaudières... En complément, deux anciennes R89C sont confiées à des teams privés, une pour Yves Courage et l'autre à la magnifique robe gris métal pour le Team Le Mans, une équipe japonaise. Mais en complément de ces 7 autos sont amenés deux mulets ! Il s'agit d'une R90CK spéciale qualif pour la n°24 (reconnaissable à ses rétros blancs en lieu et place des jaunes fluos.) et une R90CP de secours pour la n°23 mais qui ne sera pas utilisée.

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Porsche a donc décidé de soutenir officiellement le Joest Racing. Toutefois, il faut distinguer les 962C n°7 et 8 des n°6 et 9. Les deux premières sont plus directement surveillées par l'usine, disposant notamment du moteur 3,2 litres pour les essais alors que les deux dernières se contentent du 3 litres. Les ordinateurs de Weissach ont conclu que la queue longue serait encore la plus performante sur l'ensemble des 24 Heures, malgré les chicanes. Cette version, plus fine, devrait notamment permettre d'améliorer la consommation, toujours limitée en Groupe C. Ce choix déterminé à l'avance, ne sera jamais remis en cause. Le team Obermaier en fait de même avec ses deux 962C aux couleurs Primagaz, imité par Vern Schuppan (n°33 et 55) ainsi que les japonais du Trust Racing (n°63).

Par contre, les autres privés hésitent, se cherchent et parfois panachent leurs chances. Ainsi, au sein du team de Walter Brun, la n°15 conserve la longue queue, alors que la n°16 hérite de la courte, plus généreuse en appuis. Les deux 962 Kremer n°10 & 11 reçoivent une nouvelle carrosserie dénommée CK6, s'inspirant de ce qui marche chez la concurrence et qui se rapproche plus de la queue courte que longue. Les japonais du Alpha Racing Team compare les deux versions et choisissent finalement la courte pour la course (n°45). Le team de Richard Lloyd panache lui aussi. Si la n°44 reste une 962C longue classique, la n°43 reprend la carrosserie maison apparue l'an passé et qui rappelle les Jaguar. Carrosserie maison aussi pour la 962 engagée en IMSA GTP par le team Momo Gebhardt tandis que le Team Davey engage deux 962C courtes à la préparation douteuse... On n'oubliera pas d'ajouter dans le clan Porsche, les deux Cougar C24S dont la n°13 voit le retour en compétition de Michel Trollé après son très grave accident à Brands Hatch en 1988.

Des mulets en pagaille...

Toyota engage trois voitures via ses deux teams satellites à savoir Sard et Tom's. Le premier engage la n°38, tout en disposant d'un mulet. Le second engage les n°36 et 37, s'appuyant là encore sur un mulet pour la seconde. Cinq autos présentes pour trois engagées, quel gâchis pourrait-on presque dire, d'autant que cette année, on n'aura que 48 voitures sur la ligne de départ... Les trois Toyota sont des évolutions de la 89CV apparue l'an passé. Le moteur V8 offre plus d'espoirs que l'ancien 4 cylindres en ligne utilisé jusqu'en 1988, toutefois, les 90CV ne se présentent pas en tant que favorites mais plutôt telles d'honnêtes outsiders.

Il en est de même pour les trois Mazda dont le quadri-rotor ravit les mélomanes. Mazdaspeed présente cette année une toute nouvelle auto, la 787. Deux exemplaires sont engagés en catégorie IMSA-GTP portant les numéros 201 (blanche) et 202 (orange et verte). Une seconde auto orange et verte est engagée (n°203). Il s'agit, comme le veut une tradition Mazda désormais solidement établie, du modèle de l'année précédente, la 767B. Divines à entendre, ces autos ne peuvent toutefois pas encore tout à fait prétendre jouer les premiers rôles. Hormis dans le coeur des mélomanes !

Deux Spice à moteur Cosworth 3,5 litres sont engagées aux côtés des Groupe C mais ces autos répondant à la réglementation du futur ne peuvent quasiment rien espérer sur une distance aussi longue. Pas plus que ne peut le faire l'antique Lancia privée du team Mussato. Deux autres autos sont engagées en Groupe C1 mais elles ne passeront pas le cap des essais. La Norma ne recevra jamais son moteur révolutionnaire et stagnera dans le paddock tandis que la belle Eagle américaine (châssis Lola) ne parviendra jamais à tirer un parti convenable de son MONSTRUEUX V8 de 10,2 litres ! On croit rêver...

Le groupe C2 est en perte de vitesse et ne met aux prises que des voitures « anciennes », principalement des Spice. Mais on trouve également des Tiga, ADA, ALD, Argo ainsi qu'une Cougar, seule à utiliser un Flat 6 Porsche face à cette horde de V8 Cosworth 3,3 litres.

Le plateau est présenté, les chicanes des Hunaudières viennent de sortir de terre, changeant comme jamais l'image du circuit. Tout est « prêt » pour la 58ème édition des 24 Heures du Mans.

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Mark Blundell : Un tour à plus de 1000 chevaux !

C’était l’un de ces moments ou tout le monde veut qualifier la voiture. Nous avons fini par tirer cela à pile ou face avec mon coéquipier Julian Bailey et celui qui l’emportait gagnait le droit de tenter sa chance ! J’ai fait ma tentative au soleil couchant. Je n’avais pas fait un seul tour lancé avec cette auto et je ne savais pas non plus comment les pneus allaient réagir. Je suis sorti avec des pneus de course. C’était mieux qu’avec des gommes de qualifs qui n’auraient pas supporté la puissance énorme dont nous disposions.

J’avais fait la moitié du tour lorsque je reçus un petit message à la radio de la part de l’un des ingénieurs japonais. Il me demandait de stopper ma tentative « car le moteur encaisse une trop grande pression de turbo ». Donc, j’ai coupé la radio et j’ai pensé « Je m’en fous, j’y vais ». J’avais attendu toute la semaine, le truc pouvait partir en fumée, je m’en foutais un peu, je voulais juste faire un tour avec la voiture et c’est ce que j’ai fait.

C’était la première fois que je disposais de 1128 chevaux en enfonçant la pédale d’accélérateur. Il y avait une puissance énorme. Je me souviens qu’en me dirigeant vers la première chicane, les roues arrières patinaient encore alors que j’étais sur le quatrième rapport !

C’était une super voiture et avec ce moteur, elle se transformait en fusée. Je pense que nous avons pris 237 miles à l’heure alors que les chicanes coupaient pour la première fois les Hunaudières (soit 381 km/h contre 366 km/h officiellement relevé par l’ACO)

Dans mon tour de retour aux stands, j’ai rebranché la radio et j’ai appris que nous avions la Pole avec une avance de 6 secondes. Je pense que c’est le plus gros écart jamais enregistré à ce jour. J’étais également le plus jeune pilote à aller chercher la Pole Position au Mans mais c’était aussi la première fois pour la voiture d’un constructeur japonais.

En rentrant aux stands, il y avait beaucoup de sourires dans le stand mais quelques japonais ne rigolaient pas vraiment. Ils n’étaient pas contents de moi car ils avaient eu très peur pour leur moteur. De mon point de vue, j’étais là pour me faire un nom et par chance, c’est ce que j’ai réussi.

D'après un communiqué Lola.

Les essais officiels sont l'occasion pour Nissan de lancer sa R90CK spéciale dans la bagarre. Je laisse Mark Blundell (voir encadré) présenter lui-même son tour historique qui laissa le paddock pantois. Et la concurrence à plus de 6 secondes ! Trois autres Nissan se placent groupées de la 3ème à 5ème place, la dernière R90CK, la n°84, celles aux freins acier étant très loin sur la grille.

La concurrence, en l'occurrence, c'est la Porsche n°16 pilotée par Larrauri avec la queue courte. Etant donné que la n°7 du Joest Racing est à 3 secondes de la n°16, on peut déjà conclure que le Brun Motorsport a fait le bon choix pour la perf pure. Reste à voir cela sur la durée de la course... Toujours est-il que Porsche a encaissé un gros coup dur lors de ces essais. Jonathan Palmer a connu un problème mécanique à très haute vitesse dans les Hunaudières avec la n°8 et la voiture est détruite. Le Joest Racing ne dispose donc plus que de trois autos et doit recaser Wollek et Alliot, initialement prévus sur la n°8. Philippe sera finalement placé sur la Kremer n°11 au détriment de Thierry Salvador tandis que Bob sera placé sur la n°9 en lieu et place de Will Hoy.

Jaguar de son côté, sait ne pas pouvoir lutter contre les turbos qui peuvent « overbooster » durant les qualifs. Les trois premières XJR12 s'échelonnent de la 7ème à la 9ème place tandis que la n°2 n'est que 17ème. La meilleure Toyota suit les trois félines tandis que les deux Mazda 787 sont 22ème et 23ème.

Le soleil brille lorsque le départ est donné. Bailey et Larrauri maintiennent leur position de départ et s'enfuient. Le peloton, quant à lui, est déjà privé d'une unité : la Nissan n°25 a abandonné dans le tour de chauffe : Transmission. Fait amusant, un reporter de Canal+ interroge Olivier Grouillard sur ses ambitions alors que le toulousain sait déjà que sa course est finie ! Premier coup dur dans le clan Nissan...

Nissan Europe  : on rit, on pleure !

A force de rester dans le sillage de la Nissan n°24, Oscar Larrauri finit par la déborder et prendre les rênes de l'épreuve dans le 4ème tour. On s'attendait certes à ce que Porsche reste une force vive dans cette course mais on comptait pour cela avant tout sur le Joest Racing, pas sur le Brun Motorsport. La tendance est alors de penser qu'il s'agit d'un feu de paille du sprinter de l'équipage, Walter Brun et Jesus Pareja n'ayant pas la pointe de vitesse d'Oscar...

Si la course en tête donne un peu une impression « tout feu, tout flamme », la course des Jaguar semble bien plus sage et maîtrisée. Les quatre voitures roulent groupées et les premiers ravitaillements vont donner l'image d'une mise en scène superbement mise au point. L'espace est compté dans les vieux stands du Mans donc avec quatre autos engagées, il vaut mieux ne pas se gêner comme avait pu le faire l'usine Porsche lors du premier arrêt en 1988. Mais pour éviter de trop pénaliser une auto en la faisant rentrer très tôt pour son premier ravitaillement en échelonnant les quatre arrêts, TWR a décidé de faire rentrer les autos par ordre des numéros. Ainsi les n°1 et 3 s'arrêtent en premier. Puis les n°2 et 4 ensuite. Cette technique permet d'éviter des manœuvres compliquées dans les stands car il y a toujours un emplacement d'écart entre les voitures arrêtées : bien vu. Cette stratégie se maintiendra jusqu'à ce que les aléas naturels de la course finissent par espacer les quatre Jaguar sur la piste.

Les premiers ravitaillements permettent à la Nissan R90CP japonaise de pointer en tête avec un pilote japonais au volant, Champagne ! Mais dans le même temps, Nissan encaisse encore un coup dur car la n°84 roule au ralenti : il s'agit simplement d'une roue mal positionnée mais c'est le début des ennuis pour cette auto qui est désormais hors du coup...

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Côté Porsche, on enregistre aussi un pépin sur la n°19 qui perd une roue devant les caméras mais cela est anecdotique car on n'attendait rien ou presque du Team Davey. Par contre, chez Joest, c'est bien plus décevant. La queue longue ne semble pas offrir l'avantage espéré en consommation, par contre, elle empêche bel et bien les autos de rouler au rythme de la concurrence. Comme il est impossible de changer son fusil d'épaule en cours de course, en remettant la queue courte (car il faut aussi modifier le dessous de l'avant de la voiture), les dés sont jetés et le double-six ne semble pas prêt de sortir. Autre mauvais point, les plaquettes de freins vont donner quelques soucis supplémentaires en étant plus difficiles à changer que prévu. Les écarts vont donc se creuser d'autant plus vite...

En tête, à la fin des deuxièmes relais, la Nissan n°24 a repris la tête et Larrauri semble peiner. Il laisse même passer la meilleure des Jaguar, la n°1 d'Alain Ferté. En fait, Oscar souffre. Le matin même, lors de la course d'ouverture des R21 turbo, il a été impliqué dans un sévère accident ayant eu lieu dans la ligne droite des stands, quasi devant votre serviteur. Il va peiner durant toute la course, laissant même dans la matinée, la quasi totalité du travail à ses coéquipiers, ce qui semble être un gros handicap pour la « Repsol »...

Mais de handicap, Nissan va en subir un bien plus important en début de soirée. Tandis que les Porsche longue queue effectuent une belle valse de figures prouvant leur instabilité, Toyota et Nissan vont également improviser un pas de danse. A 20H21, Gianfranco Brancatelli sur la n°24 touche Aguri Suzuki et sa n°37, la mieux placée des Toyota. A l'amorce de la courbe Dunlop, celle-ci reste pour le compte dans les rails, les commissaires devant extraire le pilote (conscient) de l'épave. La Nissan quant à elle, peut finir son tour au ralenti. On change le capot avant et le pneu avant gauche explosé et ça repart avec deux tours de retard : on a eu chaud. Heureusement, la R90CK n°83 est toujours là et pointe désormais au premier rang. La course en tête est d'ailleurs animée comme le prouve les classements en fin d'heure qui laissent souvent apparaître des bouleversements au premier rang... 30 changements de leaders seront d'ailleurs enregistrés sur l'ensemble de la course. Ca bouge sans cesse, notamment entre la Nissan n°83, les Jaguar n°1 et 3 et la Porsche n°16 qui s'accroche parfaitement à ces redoutables adversaires.

Pépins chez Jaguar

Lorsque débute le second quart de l'épreuve, une première faille apparaît dans le clan Jaguar. La n°1 souffre de petits problèmes de surchauffe. Un quart d'heure est perdu. Au même moment, la Nissan n°83 prend un tour plein d'avance en tête. Avantage Nissan ? Oui mais les trois autres félines sont en embuscade...Et il ne faudra plus compter sur la R90CK n°24, le lièvre du début de course va devoir quitter la course peu avant la mi-course du fait de son moteur. Mais l'embrayage l'avait déjà stoppée à Mulsanne vers minuit, lui ôtant ses derniers espoirs.

C'est sur la piste en doublant la Nissan n°83, et non en profitant d'un ravitaillement, que la Jaguar n°3 prend la tête peu avant la mi-course. Dans le même temps, la n°2 a également dépassé la Porsche n°16. Toutefois à la mi-course, ces quatre autos sont groupées dans le même tour et le suspense reste total !

Mais c'est le clan Jaguar qui connait la première anicroche au sein de ce quatuor majeur. Une sortie de piste de Franz Konrad, à l'heure ou blanchit la campagne, fait perdre 4 tours et 4 places à la n°2 (au petit matin, perdre autant de places pour seulement 4 tours prouve l'intensité de la bataille...) Second coup dur pour les anglais, la n°1 quitte l'arène à 6H52. La pompe à eau a lâché entrainant la température à des valeurs insoutenables, le V12 en est mort... Mais Tom Walkinshaw avait déjà « condamné » cette auto. Sachant que son handicap de la soirée serait insurmontable, il avait ordonné à Brundle d'aller se reposer pour le garder en réserve. Sitôt acquis l'abandon de la n°1, il replace Martin sur la n°3 venant ainsi soutenir Nielsen et Cobb qui roulent seuls depuis le départ. Eliseo Salazar, ainsi débouté, aura donc le drôle de privilège de voir son nom inscrit sur la voiture victorieuse sans avoir la chance de figurer au palmarès. Ainsi est Tom Walkinshaw. Seule compte la victoire, les sentiments n'ont pas lieu d'être... Eliseo aura tout de même le plaisir de piloter la n°4 mais celle-ci finira par abandonner peu après midi. Quand ca veut pas...

La Porsche Joest n°6 donne du fil à retordre à Jacques Laffite au petit matin. Le pilote est obligé de mettre les mains dans le cambouis pour ranimer sa mécanique. Après ¾ d'heures d'effort, il ramène l'auto à son stand. Chapeau...

Alors que vers 7 heures du matin, la Nissan n°83 avait déjà dû laisser repasser la Porsche n°16 au second rang, c'est peu avant neuf heures que la marque japonaise perd son dernier atout majeur. L'arrêt ne semble pas dramatique puisque la voiture roulait encore normalement. Mais il s'éternise et les mécaniciens donnent l'impression de ne pas trop savoir comment intervenir. En fait, une fuite d'essence s'est déclarée et le remplacement du réservoir d'essence est si compliqué que l'abandon finira par être déclaré. Nissan ne peut plus compter que sur la n°23 des japonais mais cette auto n'est plus tout à fait dans le coup. Dans le même temps, la Porsche n°16 doit effectuer un changement de batterie mais elle conserve tout de même la seconde place à trois tours de la tête.

Avec tous ces incidents, la Porsche Joest n°7 est parvenue à remonter au troisième rang. Mais la Jaguar n°2 n'a pas abdiqué. Elle repassera devant lors de la 20ème heure, puis la Porsche n°7 devra également subir la loi de la 962C privée japonaise du team Alpha, à queue courte...

Jaguar semble tenir son succès mais un changement de plaquettes un peu long rapproche la Porsche n°16 à un seul tour de la n°3. Incroyable auto, au « potentiel pilotes » pourtant diminué et qui résiste encore et toujours. L'arrivée se dessine et le podium que l'on devine est on ne peut plus moral. Jaguar place deux XJR-12 sur le podium, encadrant la vaillante Repsol.

Incroyable, la n°16 fume...

Oui mais non... Cette course folle nous offre un dénouement dramatique qui va faire pleurer dans les chaumières sarthoises. Alors que les deux Jaguar ont marqué simultanément, pour les caméras, leur dernier arrêt ravitaillement, repartant de concert pour la parade, la Porsche n°16 se met à fumer entre les deux chicanes des Hunaudières à 15 minutes du « damiers ». Jesus Pareja lève le pied, parvient à passer la seconde chicane puis la bosse de Mulsanne et la fumée s'est arrêtée. Espoir ? Non, car si la fumée s'est arrêtée, le moteur lui, s'est tu... A Mulsanne, Jesus parque sa bête blessée à l'intérieur du circuit et va rejoindre son stand de panneautage à pied sous les acclamations de tous les autres panneauteurs concurrents, qui reconnaissent ainsi la valeur de la course formidable offerte par la Porsche et ses pilotes. Jesus s'effondre en pleurs sur le muret. Le moment est triste et beau.

Au même instant, les supporters anglais sont fous de joie dans les tribunes. It's a one-two for Jaguar ! Les deux XJR-12 rescapées sont au deux premiers rangs ! Les ultimes boucles sont marquées par une parade des quatre premières voitures de le course, groupées dans l'ordre du classement : 3-2-45-7. Un très beau final qui n'enlève pas la boule d'émotion coincée dans la gorge en pensant à la tristesse du clan de Walter Brun. Nissan, l'autre grand animateur de cette course, a raté le coche. La n°23 sauve l'honneur au cinquième rang, juste devant la Toyota n°36 distancée d'un seul tour. Yves Courage a la satisfaction de voir sa n°13 rejoindre l'arrivée au septième rang. Dans une course d'un tel niveau, c'est une sacrée performance.

Chez Mazda, les nouvelles 787 n'ont pas tenu. Il faudra revoir la copie. Avec un an d'ancienneté, elles seront prêtes comme l'a été la 767B qui termine l'épreuve même si ce n'est qu'au 20ème rang. Alors rendez-vous en 1991 pour les quadri-rotors hurlants ? Sûr qu'au soir de ce 17 juin 1990, ils ne sont pas nombreux à penser que des trois constructeurs japonais, c'est le plus petit qui réussira, douze mois plus tard, ce que Nissan vient de manquer : une victoire au Mans...

Laurent Chauveau

Pour l'illustration de cet article, je tiens particulièrement à remercier Christian Vignon qui m'a fourni une quantité impressionnante de clichés. Alliés à quelques uns de miens, nous sommes ainsi en mesure de vous offrir une galerie photo pléthorique de cette 58ème édition avec au moins un cliché de chaque voiture vérifiée au Pesage...