24H du Mans 2010 : Audi créé sa légende ! Imprimer Envoyer
Samedi, 19 Juin 2010 14:56

th_LM_2010_Finish_AudiLes quatre anneaux ont donc implacablement mis au pas les quatre Peugeot. Et quatre chiffres résument on ne peut mieux cette extraordinaire édition 2010 des 24 Heures du Mans. 225,228 km/h de vitesse moyenne sur les 86400 secondes de course soit 5410,713 km parcourus (malgré quatre neutralisations de l'épreuve représentant 70 minutes sur un rythme ralenti !). 3'19"074 pour le meilleur tour en course soit 246,463 km/h de vitesse moyenne. Deux nouveaux records absolus toute époque et tous circuits confondus. Deux records que l'on n'est pas prêt de battre étant donné que 2011 verra la mise en application d'un règlement plus restrictif. C'est la preuve que les deux constructeurs majeurs de cette épreuve se sont livrés une bataille d'une intensité sans égale, Audi finissant par triompher sans partage au terme d'un suspense matinal dantesque. Désarçonné par un manque étonnant et total de fiabilité, Peugeot a du prématurément baisser les rideaux devant chacune de ses 908. Le mot qui revenait le plus souvent dans la bouche de tous les observateurs était : Incroyable...

 


L'art de renverser une situation !

D'autant plus incroyable que l'équipe allemande a su renverser une situation mal embarquée. A l'issue des essais du mercredi, on était tous un peu abasourdi de voir un tel écart entre la 908 et la R15 Plus : un peu moins de 4 secondes. Et les pilotes exprimaient d'ailleurs leurs inquiétudes. Après une journée complète d'analyse et de travail, les techniciens du clan allemand permettaient à leurs pilotes de retrouver une partie de leur sourire. Soucieux le jeudi matin, Romain Dumas trouvait bien plus de raisons d'espérer le lendemain, même s'il avait un peu de mal à en convaincre les membres de la presse. La voiture était facile à conduire, certes. Son comportement sur les bosses s'était nettement amélioré, soit. Il n'en restait pas moins un écart de plus de deux secondes vis-à-vis de la meilleure des 908... Et Romain exprimait toujours certains doutes. Notamment sur la pluie attendue le vendredi et qui aurait pour action de laver la piste et de la priver d'une partie de son grip, sur le fait de devoir réduire les marges de sécurité au maximum lors des dépassements. Tout cela, à ses yeux allait dans le sens de Peugeot. Avec plus de puissance, les 908 pouvaient rouler avec un peu plus d'appui, ce qui minimise l'importance de la perte du grip mécanique puisque le grip aéro compense. Cette puissance facilite également, évidemment, les dépassements, que ce soit par les reprises supérieures ou par la vitesse de pointe plus élevée... Pour se rassurer dans le clan Audi, on faisait également mention à 2008. La R10, alors largement dépassée en performance pure par la 908, s'était pourtant imposée. Ce à quoi on pouvait rétorquer que la 908 était encore récente à l'époque et l'équipe Peugeot Sport encore en phase d'apprentissage. En 2010, avec la victoire 2009 dans la poche et une 908 éprouvée, ce n'est plus tout à fait la même donne du côté du Lion...

th_Start_04Après une belle pré-grille et une procédure de départ en épi fictif, assez bien suivie par les pilotes, le lancement du tour de chauffe nous laissait avec beaucoup de doutes sur les chances réelles des allemands, mais surtout sur leur capacité à nous offrir une course serrée, donc fertile en émotions. La réponse ne tardait pas. Si lors du départ, les quatre 908 conservaient bien les quatre premières places dans l'ordre de la grille (3-1-2-4), les trois R15 plus, sous la conduite de McNish, celui-ci ayant immédiatement débordé Timo Bernhard, se cramponnaient bien mieux que l'an passé. L'écossais, moyennant une belle attaque, parvenait à se maintenir dans les roues de Nicolas Lapierre jusqu'à la nouvelle portion. Le handicap de la vitesse de pointe moins importante des R15 Plus semblait alors gommé (ce qui sera infirmé par la suite) mais pas celui du grip. Car dès le virage Porsche, Nico creusait un léger écart suffisant pour se maintenir hors d'atteinte. Dès lors, les Peugeot parvenaient à creuser l'écart sur les Audi mais à un rythme moindre que l'an passé. En 2008 et 2009, les 908 avaient creusé exactement le même écart sur les Audi : 13 secondes. Cette année, après 4 tours, l'écart ne se montait qu'à 8 secondes...

Survenait alors très vite, le premier fait de course majeur. Nigel Mansell abrégeait considérablement le temps de course de sa Ginetta-Zytek n°5 entre Mulsanne et Arnage après un premier tout-droit dans la première chicane des Hunaudières. Percutant très violemment le rail de gauche suite à une crevaison lente apparemment, il était renvoyé vers celui de droite ou il échouait en marche arrière. Vue ainsi, la voiture ne semblait guère endommagée mais les safety-cars entraient rapidement en piste de même que la voiture médicale. Car Nigel tardait à s'extraire de la voiture. Les nouvelles sont en fait relativement rassurantes. Après avoir été emmené au PC médical du circuit puis hospitalisé pour une commotion cérébrale, il a pu rentrer chez lui.

Les 908 intouchables...

Mais cette neutralisation de l'épreuve avait également pour conséquence de séparer un peu plus les Audi des Peugeot. En effet, dès les drapeaux jaunes et les panneaux SC brandis par les commissaires, la Spyker située devant les trois Audi se mettait à ralentir considérablement le rythme. Bloqués derrière elle du fait des drapeaux jaunes, les pilotes des R15 Plus avaient le malheur de voir l'un des trois safety-cars s'intercaler entre eux et les Peugeot. Des 8"5 d'écart enregistrées lors du 5ème passage, celui-ci grimpait à 57"1 pour la n°7, par exemple, à la fin de la neutralisation... En fin de première heure soit au 13ème tour, la R15 Plus n°9, revenue en tête des Audi pointait avec 1'03" de retard sur la 908 n°3, toujours au commandement de l'épreuve. Dans le clan des « essence », les deux Lola Aston Martin se détachent facilement de leurs adversaires ainsi que des Audi R10 du team Kolles, tout en perdant 5 secondes au tour en moyenne sur les Peugeot 908. Comme on s'en doutait, le duel pour la victoire au scratch ne concernera que les R15+ et les 908. Concentrons-nous donc dessus...

La Peugeot Oreca profitait de la neutralisation pour ravitailler et changer les pneus. Nicolas Lapierre y était contraint car ses pneus étant tombés trop bas en température, il était parti en tête à queue derrière le safety-car... Les deux Lola Aston Martin en faisaient de même.

Au drapeau vert, Pedro Lamy et Franck Montagny s'amusaient entre eux. Le français, repassé en tête au 15ème tour à la faveur de l'arrêt aux stands du portugais, se voyait débordé lors du 19ème passage. Un tour plus tard, il était de nouveau au commandement ! Étonnante baston entre coéquipiers, si tôt dans la course... D'ailleurs, Pedro, restera collé aux roues de Franck jusqu'à ce que celui-ci marque son second pit-stop au 25ème tour, Marc Gené n'étant que 4 secondes derrière et McNish, sur la première Audi à 1'15" ! 5 boucles plus tard, soit à la fin de la deuxième heure, les quatre Peugeot 908 caracolent en tête dans l'ordre 2-3-1-4. A ce moment là, la citadelle semble imprenable...

Mais 60 minutes plus tard, une première grosse lézarde apparait dans le mur d'enceinte. Soudain, les images de télévision montre un Pedro Lamy aux prises avec un avant-droit affaissé. Le pneu semblant intact, on pense à une suspension cassée. En fait, c'est bien plus grave et le troisième arrêt aux stands de la n°3 sera également son dernier. L'auto est rentrée dans le box ou l'on s'aperçoit que la coque carbone est détériorée à l'endroit ou la chape du triangle de suspension vient s'ancrer. C'est irréparable, la bâche est mise sur l'auto, le rideau tiré, Sébastien Bourdais craque et Audi se retrouve à égalité numérique...

...mais fragiles !

Malgré tout, la position de Peugeot Sport apparaît encore très forte. Après 3 heures de course, la première R15 Plus (de nouveau la n°7) pointe à près de 2 minutes derrière une triplette de 908... Au gré des ravitaillements, les positions s'échangent entre la n°1 et la n°2 et surtout, c'est bientôt au tour d'Audi de subir une anicroche. A 19H25, Tom Kristensen se présente à l'entrée du virage Porsche. Devant lui, la BMW Art car n°79 qui connait une course laborieuse, est au ralenti par la faute d'une crevaison à l'avant. Tom choisit de la déborder par l'extérieur pile au moment ou Andy Priaulx décide de lui laisser la trajectoire intérieure. Trop tard... Tom parvient à éviter le contact mais pas le tête à queue. Il tape dans les pneus à une vitesse raisonnable. Cependant, l'arrière est touché et il faut intervenir en changeant l'ensemble crash-box-aileron arrière ainsi que le capot avant. Avec le temps nécessaire aux commissaires pour le sortir du gravier, Tom perd là deux tours et se trouve rejeté à la 7ème place derrière la Lola Aston Martin n°007 ! Dans un tel contexte, ce sont les chances de victoire qui s'enfuient pour Dindo, Allan et Tom, les atouts majeurs d'Audi. Et cela rend fou furieux le Dr Ullrich que l'on a jamais vu entrer dans une colère pareille. Le pauvre Charly Lamm, patron de BMW Motorsport était tout penaud face à l'ire de son homologue chez Audi. Voilà qui prouve la tension qui régnait chez les deux protagonistes majeurs de l'épreuve...

La situation se stabilise durant trois heures. Mais l'évènement suivant touche de nouveau le Lion. A 22H17, Marc Gené reprend le volant de la 908 n°1 alors que celle-ci est désormais installée sans discontinuer en tête depuis la fin de la 4ème heure. A 22H27, il revient aux stands, ce qui est bien trop précoce. La n°1 est rentrée dans son box. Un court-circuit a mis en rideau le boîtier électronique qu'il faut changer ainsi que l'alternateur et le démarreur. 14 minutes sont perdues soit un gouffre dans l'endurance moderne... La n°1 est condamnée à la chasse effrénée et ses pilotes vont désormais s'y employer... Marc Gené repart en 7ème position. Il déborde rapidement la Lola Aston Martin n°007. Peu avant minuit, il s'offre le record du tour en course en 3'19"644 ! Il profite même de l'arrêt ravitaillement de la n°7 pour reprendre la 5ème place provisoirement.

En tête de la course, la 908 n°2 a désormais légèrement baissé sa cadence, s'alignant sur le rythme des Audi : environ 3'25"-3'26" de moyenne au tour. La n°1, quant à elle, n'a pas le choix. Davidson qui a relayé Gené poursuit l'effort et à mi-course, il se hisse au 4ème rang. Mais il a été bien aidé en cela par le nouveau problème touchant une 908, celle d'Oreca alors classée seconde. 11 minutes avant la mi-course, la n°4 rentrait en effet prématurément aux stands, poussée immédiatement dans son box par les mécanos. On attaquait un changement de l'arbre de transmission ARD suite à la casse du cardan : près de 14 minutes sont perdues et cela repousse la n°4 au 6ème rang à 4 tours de la Peugeot n°2. Cette fois-ci, les fondations de l'édifice Peugeot sont très sérieusement entamées. Tout repose sur la voiture de Franck, Nicolas et Stéphane, toujours aussi sages au cœur de la nuit et comptant un tout petit peu moins d'un tour d'avance sur les deux R15+ n°9 et 8 qui roulent quasi groupées. Le droit à l'erreur n'est plus permis.

Peugeot perd la tête !

th_Peugeot_2_Ab_04Lorsque le ciel commence à retrouver un peu de couleurs à l'horizon, Nicolas Minassian prend un rythme plus élevé repassant sur une moyenne de 3'22"-3'23" établissant même le meilleur tour de l'auto lors de son 240ème tour vers 5h30 du matin en 3'20"943. Les Audi sont incapables de suivre ce rythme et l'écart se creuse de nouveau, imperceptiblement mais sûrement. A 6H19, Franck Montagny relaie Nico et maintient la même cadence. A 7H01, il marque un pit-stop pour faire le plein de gazole. A 7H02, à peine relancé, il passe dans les Esses du Tertre Rouge avec une flamme qui s'échappe du côté des échappements droits. Sur l'élan, il parvient à passer le virage du Tertre Rouge mais la course vient bel et bien de changer de camp. Franck s'immobilise au début des Hunaudières devant un magasin d'articles mortuaires. Ca ne s'invente pas... L'Audi n°9 (qui vient juste de réaliser son meilleur tour en course !) passe à hauteur de la 908 meurtrie et la firme aux anneaux pose sa griffe sur la course... L'abandon de la n°2 est très vite officialisé à 7H19.

Deux 908 officielles out, la troisième classée troisième justement, avec près de deux tours de retard (6'24"), et celle d'Oreca, 5ème à plus de trois, voilà le clan Peugeot bien désarmé et pour le moins obligé de forcer la cadence. A quoi sert de finir second ou troisième ? C'est la victoire qui s'impose. Tout le monde est d'accord dans le clan Peugeot jusqu'à la plus haute hiérarchie. Olivier Quesnel l'annonce haut et fort : Le tout pour le tout ! Et il faut le faire sans tarder car avec une piste désormais très adhérente, les Audi parviennent à rouler régulièrement en 3'24"-3'25".

Une fin de course de folie se met en place. Les deux 908 remontent petit à petit leur handicap. Sur la n°1, Davidson relaie Marc Gené à 7H47. Marc a déjà réduit l'écart à 5'14". Anthony est très rapide et constant. Son tour le plus « lent » sur ce premier relais est bouclé en 3'23"1 soit quasiment l'équivalent du meilleur des Audi qu'il poursuit ! Hallucinant. Il améliore le record du tour lors de son 281ème tour en 3'19"527. Le tour suivant est en 3'19"789, puis 3'20"067... Mais lors d'un dépassement plus que limite dans la nouvelle portion (8H25), même s'il ne touche pas la Corvette, il surprend Manu Collard, obligé de freiner sur la partie sale de la piste. La Corvette part en tête à queue et tape violemment de l'arrière dans le mur dans cette zone ou les dégagement sont inexistants. Manu parvient à rentrer mais la course de la Corvette est foutue. th_Dimanche_50Davidson rentre également aux stands dans la foulée pour ravitailler mais on doit intervenir sur le flanc gauche de l'auto ou la grille d'évacuation de l'air chaud frappait au vent depuis pas mal de temps. A coups de Rilsan, on la remet en place mais un peu du temps durement gagné en piste est perdu. L'écart, descendu à 4'39" juste avant cet arrêt sera en effet revenu à 5'08" lors du pit-stop suivant à 9H17... Le Mans se gagne aussi dans les stands, c'est bien connu.

Tout pour l'attaque !

Anthony reste au volant pour un quadruple relais avec les mêmes pneus ce qui, à ce rythme, donne le vertige quant à l'endurance de ceux-ci. Il donne le volant à Alexander Wurz à 10H37. L'écart est passé sous les 4 minutes. Il reste alors 4H30 de course. La folle remontée n'apparaît pas impossible. Le suspense est total. D'ailleurs chez Audi Sport, on a demandé à Romain Dumas d'accélérer le rythme sur la R15 de tête, lors de son ultime quadruple relais. Un effort que maintient voire amplifie Rockenfeller. Quant à la n°8, là aussi, sous la pression, on hausse la cadence.

De pression, il semble pourtant que l'on en manque chez Peugeot, Alex Wurz ne peut boucler que 7 tours avant de devoir repasser par les stands. On lui change les pneus de nouveau : crevaison lente ? L'écart repasse au dessus des 5 minutes ! C'est à refaire. Mais Lotterer sur la R15 Plus n°8 maintient tout de même son effort. Il claque plusieurs tours en 3'22" et remonte progressivement sur la n°9. Il réduit même l'écart à 17"7 lorsqu'il fixe le meilleur tour de son auto en 3'21"541 lors de son 334ème passage ! Les deux Audi ne vont tout de même pas s'entre-déchirer ? Non, car André stoppe pour ravitailler au tour suivant. Mais il repart à l'attaque. Un peu trop ? Toujours est-il qu'à 11H33, la course rebondit lorsque l'on voit la n°8 manquer son freinage à Arnage. Lotterer tape les pneus de front à faible vitesse mais suffisante toutefois pour lui imposer un arrêt aux stands afin de changer le capot avant ! Il repart juste devant un Alexander Wurz qui vient de signer une série de tours super rapides dont le record en 3'19"241 lors du 339ème passage ! Les trois pilotes de la n°1 auront donc, chacun leur tour, amélioré ce record...

Cette fois-ci, on l'a notre duel roues dans roues ! Alex se rapproche à toucher l'Audi avant Indianapolis mais sagement, il attend un peu. Loupant légèrement son freinage à Arnage, il élargit sa trajectoire et salit légèrement ses pneus. A la ré-accélération, il secoue la voiture de gauche et de droite afin de les nettoyer. Il lui faut toutefois attendre les Hunaudières pour recoller. Et cela nous permet de prendre pleinement conscience de l'avantage de la 908 en Vmax. A la sortie de la première chicane, Alex est proche d'André mais pas collé à lui non plus. Pourtant, avant même le freinage de la deuxième chicane, il a débordé l'allemand par l'extérieur ! Peugeot reprend la deuxième place mais la n°9 compte encore un peu plus de 4 minutes d'avance. Et Alex s'arrête ravitailler à l'issue de ce 341ème tour. La n°8 reprend donc la seconde place !

Mais le rythme de la 908, supérieur à celui de la R15 Plus permet de reprendre, plus confortablement cette fois, la seconde place lors du pit-stop de la n°8 au 351ème tour : 32 secondes d'avance. L'objectif est donc maintenant la voiture de tête et il faut commencer par se dédoubler. A 12H25, L'Audi n°9 et la Peugeot n°1 repartent au même moment. La ligne droite des stands les séparent. A 12H40, Alexander colle à l'Audi. Nouveau duel ! A 12H42, toujours en profitant de sa Vmax, il passe. Il est dans le même tour... Il reste un peu plus de deux heures de course, pourquoi pas ?

La victoire choisit son camp !

Hélas, à 12H50, le suspense s'écroule de même que le rythme de la Peugeot n°1. Entre Mulsanne et Indianapolis, l'Audi repasse devant et une fumée s'échappe de l'échappement côté droit de la 908. Problème de pression d'huile signale Olivier Quesnel. Alex ramène l'auto aux stands en laissant une trainée sur la piste. On pousse très vite la n°1 dans le box, le pilote retire ses gants, l'huile couvre le sol, il n'y a plus de Peugeot officielle en course ! Incroyable...

Cette fois-ci, la victoire Audi semble acquise. Le doublé semble même certain. Mais pour la troisième marche du podium, il reste Oreca qui peut troubler le bel ordonnancement germanique. Depuis le changement de l'arbre de transmission, Nicolas Lapierre et Loïc Duval se relaient pour ramener la 908 n°4 au contact de l'Audi n°7. Eux aussi, tout comme les pilotes de l'équipe officielle, alignent avec constance des chronos impressionnants. De 3'37" de retard sur l'Audi des multiples vainqueurs lors de l'abandon de la 908 n°2 au petit matin, l'écart est maintenant descendu à moins de 50 secondes alors que la n°4 se retrouve seule représentante des Peugeot. La philosophie qui animait l'équipage de la n°1 est la même qui propulse nos duettistes d'Oreca. A fond, à fond, arrivera ce qui arrivera. Il faut sauver l'honneur de la marque.

La calice jusqu'à la lie...

Loïc Duval reprend le volant juste après l'abandon de la n°1 et se jette à corps perdu dans la poursuite. Il commence par aligner un 3'19"732, meilleur tour de la voiture lors de son 365ème passage au moment même ou Kristensen rentre aux stands pour donner le volant à Capello sur la n°7. Après cet arrêt, l'écart a fondu à 33". Puis 27. Puis 24. Puis 19 lors du 369ème passage. Il est 13H28. Loïc Duval vient de signer ce qui restera comme le meilleur tour de la course : 3'19"074 ! On sent bien que c'est jouable. 3 boucles plus tard, il est à 8 secondes de l'italien qui pourtant, donne tout, lui aussi. La n°7 tourne en 3'22"-3'23" quand ses sœurs, dégagées de la pression, sont en 3'26"... Au 373ème tour, Loïc rentre aux stands pour son pénultième ravitaillement. Qui sera le dernier en fait... En effet, entre Mulsanne et Indianapolis, les flammes viennent lécher le flanc droit de l'auto. Le symptôme est exactement le même que celui aperçu sur la n°2 au petit matin. Loïc gare sa voiture à Arnage et bondit derrière le rail. L'équipe Oreca, tout comme celle de Peugeot Sport, est effondrée. Aucune des voitures de la marque tenant du titre ne franchira la ligne d'arrivée ! Peugeot Sport avait bien dit que la quatrième 908 serait strictement identique aux officielles. C'était bien le cas. La vitesse de l'auto et son abandon le prouvent... Audi a donné la leçon, l'une des plus rudes jamais administrées. Incroyable...

Et Audi va maintenant pouvoir faire le spectacle. Mais avant, c'est l'Aston Martin n°009, désormais 4ème, qui s'arrête après Mulsanne avec pour elle aussi, le feu au compartiment moteur ! Quelle fin de course dramatique... A 14H24, les trois Audi, qui ont très logiquement levé le pied, rentrent simultanément aux stands pour le dernier ravitaillement. Elles en ressortent ensemble pour la parade finale. Lors du 397ème passage, les commissaires déploient leurs drapeaux pour le salut aux vainqueurs et ajoutent à la magie de cette image. Ce n'est pas le premier triplé Audi de l'histoire mais c'est bel et bien le plus glorieux, salué par le drapeau à damiers de Daniel Poissenot. La R15 version 2010 méritait décidément ce petit Plus donné au cours de l'hiver... Quelle performance incroyable !

Audi Sport : Incroyable !

th_LM_2010_Podium_AudiIl est vraiment phénoménal que le clan Audi ait donc pu reproduire ce qu'il avait fait en 2008, à savoir réaliser la course parfaite pour s'imposer. Il ne fallait pas moins que cela. Les écarts vus lors de la journée d'essais du jeudi se sont confirmés en course. Les R15 Plus valaient 2 à 3 secondes de plus au tour que les 908. Pour s'imposer, la perfection était indispensable. Et c'est ce que les pilotes se sont appliqués à faire. Jouant des coudes lors des dépassements afin de perdre le moins de temps possible. Le seul pépin survenu sur l'Audi victorieuse s'est produit à 18H55 lors du retour aux stands pour un ravitaillement de Romain Dumas. Le pilote alésien percutait malheureusement un caméraman, causant des fractures multiples à celui-ci et son hospitalisation. On sait que lors de leurs arrêts, les pilotes ne font pas de sentiments, c'est à vous de vous retirer de leur trajectoire. Ils ne sont pas là pour perdre du temps à vous éviter. C'est à vous d'être attentif à eux. Pas facile pour un cameraman mais c'est la règle du jeu... Le remplacement du rétroviseur arraché dans l'incident est la seule intervention hors-programme réalisée sur la n°9. Et c'est ce qui vaut à Romain, Mike Rockenfeller et Timo Bernhard d'aller décrocher chacun, leur premier succès manceau. Avec le fameux record à la clé qui vous fait rentrer dans la légende. Que dire d'autre que Bravo !

Sur la n°7, les « anciens » réalisent eux aussi, la course parfaite. Ou presque. Tom pouvait-il éviter la BMW Art Car en début de soirée ? A la vitesse à laquelle tout cela se déroule, on peut en douter. Pourtant, lors de la conférence de presse, l'immense champion danois s'attribuait une part de responsabilité dans l'incident et demandait à ce que l'on n'en parle plus. Et à ce que l'on n'accable pas Andy Priaulx, débutant au Mans. La grande classe... A part, cela, RAS. Le meilleur tour de l'auto est très proche de celui de la n°8. Toujours verts les anciens, même si Allan McNish est bien le sprinter de l'équipe et Dindo Capello désormais un poil moins rapide.

La n°8 pouvait s'imposer. L'erreur de Lotterer à Arnage décide définitivement du sort de la course et évite surtout au Dr Ullrich d'avoir à gérer une bataille interne à quatre heures de l'arrivée. C'est la seule erreur notable des trois pilotes et elle est lourde de conséquence. Mais au vu de cette première prestation chez Audi Sport au Mans pour chacun d'entre eux, on peut penser que la belle seconde place va booster les carrières de Marcel Fässler, André Lotterer et Benoît Tréluyer, lequel efface parfaitement la sortie de piste de 2009 dans le clan d'en face !

Côté mécanique, les trois R15 n'ont connu strictement aucun pépin. Que l'une d'entre elles passe à travers les gouttes, soit. Pourquoi pas ? Audi nous a habitué à cela. Mais en cette année de performance absolue, comment est-ce imaginable de ne remettre que du gazole ou de changer les pneus de temps en temps ? Il faut tirer là un très grand coup de chapeau aux hommes de Ralf Jüttner, le directeur technique. C'est véritablement stupéfiant. Comme il le dit lui-même : « les seuls problèmes que nous avons connu, venait de l'extérieur, pas de nous-mêmes. » C'est bien clair et cela donne à réfléchir...

Oreca sèche ses larmes...

th_LM_2010_Oreca_6Étant donné le côté exceptionnel de la catastrophe survenue dans le clan Peugeot, je vous proposerai une analyse à part, qui paraîtra demain. Abordons donc maintenant le cas des autres LMP1. Et à tout seigneur, tout honneur, commençons par le team d'Hugues De Chaunac qui se venge du problème survenu sur la 908 en amenant la Oreca 01 à la quatrième place. Un rêve probablement inaccessible en début de course... Après un changement de capot avant lors du premier arrêt, on a pourtant cru au chat noir à nouveau en voyant la voiture laisser une trainée sur la piste après un dépassement hasardeux d'une LMP2 à Mulsanne par Soheil Ayari. En fait, il s'agissait simplement d'une quille shootée par l'auto et coincée sous le fond plat. Elle finit pas partir toute seule quelques kilomètres plus loin. La suite de la course est plus tranquille jusqu'à la mi-course. La n°6 rejoint alors la Peugeot dans le box pour une grosse réparation. Heurté à l'arrière dans la nouvelle portion, Didier André ramenait une voiture nécessitant un changement complet du bloc arrière ! 20 minutes perdues et la n°6 redescendait de la 10ème à la 13ème place. La deuxième moitié de course n'est que remontée au classement, en profitant des malheurs des autres. Malgré une réparation du démarreur défaillant à midi, la Oreca 01 fait mieux qu'en 2009, performance rare parmi les LM P1 essence ! Cela console-t-il suffisamment de la déception avec la 908 ? Pas sûr. Mais une chose l'est cependant après cette course. Oreca est vraiment un top team à tout point de vue. Sa gestion de la 908, aussi rapide que les usines, le prouve. Le choix des pilotes également même si Olivier Panis ne s'est pas montré tout à fait au niveau de ses jeunes coéquipiers.

th_LM_2010_Aston_007On peut parler de déception dans le clan Aston Martin. Quatrièmes l'an passé avec la Lola n°007, les hommes de David Richards n'ont pu faire mieux que 6ème avec le même numéro. Pourtant, jusqu'au deux tiers de l'épreuve, les « bleu et orange » avaient produit une course semblable, voire meilleure à celle de l'an dernier puisque les deux autos officielles étaient alors groupées aux 5 et 6ème rangs. Mais peu après, la 007 s'immobilisait plus d'une heure à son stand, le couple conique ayant cassé. Après une course sage mais régulière, la n°009 prenait le relais mais explosait son moteur en vue de l'arrivée. La victoire des « P1 essence » s'échappait... Et ce n'est pas la n°008 de l'équipe Signature qui pouvait sauver la situation. Malgré une belle course l'ayant amené au 8ème rang à 10 heures du matin, la Lola s'encastrait dans le mur de pneus de la première chicane des Hunaudières et n'en repartait pas. Vanina Ickx admettait avec courage qu'elle avait commis une faute et qu'elle était seule responsable de l'accident... Vivement 2011 et la nouvelle voiture serions-nous tentés de dire. Reste à s'assurer que celle-ci sera bel et bien lancée et que cette fois-ci, George Howard-Chappell n'aura aucun compromis technique à faire. Et que les équipages seront dignes d'un team d'usine, ce qui n'était pas tout à fait le cas cette année...

Déception pour les Lola

Le bilan des Lola Rebellion est plus que mitigé. Leur niveau de performance les plaçaient sans surprise dans les meilleures des « essence » mais la fiabilité a péché. La n°12 connaissait de constants problèmes de température de la boite de vitesses et c'est bien elle qui causa l'abandon de la voiture au cœur de la nuit. La n°13 s'était retirée vers minuit avec Jean Christophe Boullion au volant. Tapant violemment de l'arrière dans la première chicane Ford, la voiture ne pouvait plus rentrer seule aux stands et Jean-Christophe restait prostré en bord de piste. La semaine a été dure pour lui avec une autre grosse sortie lors des essais. En course, il semble que les phares fonctionnaient par intermittence ce qui lui a fait manquer le point de corde et sortir de piste.

Ce n'est guère plus flatteur pour le team Kolles. Les deux Audi R10 ne sont plus dans le coup sans oublier que leur niveau de préparation et de présentation laisse à désirer. Indignes de leur statut d'ex-Reines du Mans, ces R10 là. Toutefois, la n°15, très bien conduite, était 7ème à moins de 3 heures de l'arrivée lorsque la boite de vitesses cassée causa l'abandon. Sur la n°14, l'équipage était beaucoup moins homogène, c'est le moins que l'on puisse dire. Manuel Rodrigues finissait par sortir de la route pour le compte, peu après la mi-course, après une première grosse sortie dans la soirée. Espérons que l'on ne verra plus l'Audi R10 au Mans. Elle ne mérite pas de poursuivre ainsi un chemin de croix.

Les concurrents américains ont eux aussi connu une course difficile. La Lola Drayson n'a guère brillé de la semaine. On est loin de la perf du début de course de Sebring. Connaissant des problèmes de suspension récurrents, la belle n°11 termine seule non classée de l'épreuve. Frustrant mais logique. Pour la Lola Autocon, la course n'aura duré qu'un tour mais au vu de la préparation inexistante d'une auto qui ressemble à un puzzle mal assemblé, c'est presque normal. On peut se demander si cette auto justifiait vraiment son invitation...

2010 devait marquer une étape charnière pour les 24 Heures du Mans. La dernière ou il nous serait donné de voir les LMP1 actuels. En 2011, en simplifiant, ce sont les LMP2 qui deviennent des LMP1 ce qui place le nouveau record de 5410 km bien à l'abri. L'ACO nous a pourtant appris que les LMP1 2010 pourront encore courir l'an prochain afin de garnir le plateau. Cela s'est fait notamment à la demande d'Olivier Quesnel mais ces autos seront bridées afin de laisser les nouvelles autos briller. Soit. La mesure a du sens dans cette période ou l'argent manque cruellement à notre sport. Créer ou s'acheter une nouvelle voiture mettrait le couteau sous la gorge à nombre de teams. Cela fait toutefois une nouvelle équivalence à gérer. Le sujet a déjà été brûlant ces dernières années, nous voilà maintenant avec plusieurs autres types d'équivalences à gérer. Il ne va pas falloir s'emmêler les pinceaux. J'y reviendrai prochainement.

Equivalence ?

Mais permettez-moi juste un petit mot pour conclure sur le sujet de l'équivalence qui a tant fait jaser. J'ai toujours été de ceux qui disaient que l'on pouvait difficilement comparer les performances d'une auto d'usine avec celles d'un team privé et que cela faussait le débat essence-diesel. Observez bien le résultat du LMP2. La HPD n°42 s'impose devant la Pescarolo Oak n°35. Deux autos bien pilotées avec probablement une meilleure homogénéité de pilotage sur la seconde toutefois. Comparez leurs meilleurs tours en course : 3'33"742 pour la HPD ex-Acura, une vrai voiture d'usine, et 3'41"915 pour la Pescarolo Judd, une vraie voiture privée dont beacoup s'accordent à dire qu'elle dispose d'un excellent châssis. Plus de huit secondes d'écart ! 6 tours à l'arrivée avec une course claire pour les deux. Comptez aussi quatre secondes d'écart entre la même HPD n°42 et la Lola Judd n°25 disposant du même moteur HPD. Enlevez une ou deux secondes pour les pneus (seules les HPD roulent en Michelin, les autres en Dunlop) et il reste un joli différentiel. Et pourtant, toutes roulent à l'essence. Vous avez dit équivalence ? Ou bien simplement savoir comparer ce qui est comparable...

Au fait, avez-vous remarqué qu'il s'est passé un autre truc de fou ce week-end ? En comptant neuf victoires chacune au Mans, Audi rime désormais avec Ferrari...

Laurent Chauveau (avec mes excuses pour ce roman fleuve mais Le Mans 2010 valait bien cela !)

Retrouvez tous les résultats de la course ici-même.