Hunaudières, 20 ans déjà : Vraiment dangereuses ? Imprimer Envoyer
Lundi, 17 Mai 2010 22:33

th_1985_LM_Rondeau_25Le titre est volontairement provocateur. Circuler à plus de 100 mètres à la seconde est intrinsèquement dangereux. Surtout au cœur des années 1980 lorsque la plupart des voitures n'étaient encore équipées que de châssis tubulaires ou de coque en aluminium. Mais pour autant, la ligne droite n'a pas « tué » tant que ça. Malheureusement, un seul mort est toujours un mort de trop. Revenons sur ces drames survenus avant le « tronçonnage ».

Des drames évidemment...

Bravo à vous...

J'ai pu me rendre à plusieurs reprises dans la première chicane des Hunaudières. En ces occasions, je ne manque jamais d'aller voir la ligne droite en face, à l'intérieur du premier gauche. Je n'y reste jamais longtemps. Le temps de faire quelques clichés et je déguerpis aussi sec. La sensation de danger ne me cueille jamais autant qu'en cet endroit. Les voitures y arrivent pour les meilleurs à environ 330 km/h et se présentent parfois à plusieurs de face dans la zone de freinage. On sent bien que tout ne tient qu'à un fil, qu'un rien peut tout détraquer.

Ces hommes et ces femmes, eux, y restent durant 24 Heures. La concentration totale et permanente est indispensable. Juchés sur leur petit promontoire juste derrière ce rail si dangereux, ils sont deux. L'un tient le drapeau jaune ou bleu, l'autre scrute la piste prêt à éjecter son collègue au cas où. Eux ne déguerpissent pas, ils ne le peuvent pas. Sans eux, pas de course. Alors ils y restent. Malgré les risques énormes. Et ils aiment ça probablement. Alors bravo à vous, messieurs-dames. Bravo et merci...

En ayant une pensée pour tous ceux d'entre vous qui, un soir de course, n'ont pas rejoint leur foyer...

1981, année terrible... Le début de ces 24 Heures pourtant très ensoleillées est très difficile et nous vaudra de voir le pace-car intervenir pour la première fois dans l'histoire des 24 Heures afin de neutraliser la course. Au tout début de la deuxième heure, Thierry Boutsen, à bord de sa WM, va percuter le rail sur la droite de la piste, peu avant la grande courbe des Hunaudières. « Je n'ai rien senti si ce n'est un choc dans le volant » déclarera le pilote belge. Si la cellule de la voiture résiste bien au choc protégeant parfaitement son pilote indemne, l'onde de choc qui se propage le long du rail de sécurité touche mortellement un commissaire de piste, Monsieur Mabillat. Deux de ses collègues sont également grièvement blessés.

Une heure plus tard, au début de la ligne droite alors que la voiture n'a pas encore atteint sa vitesse maxi, un panache de fumée se dégage soudainement de la Rondeau n°25 de Jean-Louis Lafosse. Elle échappe au contrôle de son pilote et oblique vers la droite de la piste. Elle percute le rail, blessant deux commissaires puis s'immobilise sur la partie gauche de la piste. Dévasté par le décès de son ami, Jean Rondeau cherchera longtemps à comprendre ce qu'il s'était passé. Au vu de divers clichés pris peu avant l'accident, il apparaît que le capot avant de la Rondeau commençait à être détérioré et le globe de phare ne tenait plus vraiment dans son logement. Dans son livre « Victoire au Mans », Jean Rondeau, qui disposait également d'une vidéo prise en caméra embarquée par une auto située juste derrière, en était arrivé à la conclusion que le globe de phare pouvait s'être détaché, s'être logé dans le passage de roue avant droit et avoir bloqué celle-ci en position légèrement braquée. Hypothèse comme il l'ajoutait « qui n'avait qu'une seule horrible conséquence, elle ne rendrait pas la vie à Jean-Louis. »

1984, funeste duo. Les deux Nimrod Aston Martin font la joie des spectateurs britanniques et effectuent un début de course tout à fait honorable. Mais à 21H15, la n°32 de John Sheldon échappe à son pilote dans la Courbe des Hunaudières, probablement suite à une crevaison. Elle va taper les rails côté gauche, puis traverse la piste pour se désintégrer à droite et y prendre feu. C'est l'un des morceaux qui s'échappe de la voiture qui malheureusement, tue Monsieur Lefebvre, commissaire de piste. Les voitures suivantes découvrent une piste obstruée et la seconde Nimrod, la n°31 de Drake Olson part en tête à queue et tape également les rails sans dommage humain heureusement. John Sheldon quant à lui souffre de brûlures au visage et aux mains.

1986, bye-bye Jo. On est en plein cœur de la nuit mancelle et la Porsche Joest Taka-Q livre un combat sans merci aux 962 officielles. On se tiraille à coup de secondes, échangeant sans cesse la place de leader. Soudain, à 3H17, les Pace-cars entrent en piste. En face de votre serviteur, la Porsche n°12 du team Kremer rentre alors à son stand. Et alors que tout semble aller bien sur la voiture, on la pousse vers le paddock. A ce moment là, on n'a encore aucune info mais le présage est funeste. Il nous faudra attendre bien longtemps, dans le pesant silence d'une course neutralisée avant d'apprendre que Jo Gartner a subi un accident mortel dans les Hunaudières. Sa Porsche Kremer n°10 a quitté brutalement la trajectoire au début de la ligne droite (peu après la courbe à droite visible depuis le Tertre Rouge). Elle a obliqué brutalement à gauche, escaladant les rails de sécurité (en pliant, ceux-ci faisaient souvent office de tremplin) cisaillait un poteau téléphonique, revenait en piste pour s'immobiliser côté droit sur le toit avant de commencer à prendre feu. Le pilote était vraisemblablement mort sur le coup.

Mais de purs miracles également !

Mais si la Ligne Droite prenait parfois des vies, elle savait également en épargner certaines. Retours sur quelques uns des miracles qui ont jalonné sa dernière décennie.

Les conséquences mécaniques

La panne la plus classique des Hunaudières, c'était le fameux pignon de cinquième. Au petit matin, combien de culs de boite ont été ouverts par les mécanos afin d'aller changer la pignonerie et notamment celle du plus haut rapport, martyrisé durant 50 secondes d'affilée à chaque tour ? Combien d'espoirs déçus ? Evidemment, les moteurs, eux aussi, étaient très largement mis à contribution et souffraient le martyr.

Lors des discussions de l'hiver 89-90, l'une des inquiétudes concernait aussi les voitures elles-mêmes. Les équipes allaient-elles avoir le temps d'apporter les modifications indispensables afin de tenir aux nouvelles contraintes ? L'on pensait principalement aux transmissions qui allaient devoir encaisser 7000 changements de vitesse supplémentaires ! Effectivement, les craintes furent confirmées et les boites de vitesses notamment souffrirent. Il s'avéra tout de même que c'était désormais les pignons des rapports intermédiaires qui souffraient...

L'une des conséquences inattendues de la création des chicanes fut l'apparition des freins carbone au Mans. Cela faisait déjà quelques années qu'ils existaient en F1. Même en protos, certains en étaient déjà équipés sur les courses du championnat. Mais au Mans, les teams revenaient irrémédiablement aux freins aciers. La raison en était toute simple. 50 secondes de vitesse maxi auraient beaucoup trop refroidi les disques qui ont besoin d'une température élevée pour fonctionner correctement. Les deux chicanes permettaient donc de remettre un coup de chaud et les disques carbone s'imposèrent doucement, Nissan initiant le mouvement. Et ce malgré l'obligation de les changer deux fois en cours de course à cause de leur usure prématurée en ces premières années. Cela nous permit de découvrir ces jolis disques rougissant...

th_1990_LM_Nissan_24

th_1980_LM_Porsche_431980, coupez, on va la refaire... Jean-Louis Trintignant est non seulement acteur de cinéma mais il est également pilote à ses heures. Neveu de Maurice, victorieux des 24 Heures en 1954 et double vainqueur du Grand-Prix de Monaco, il a reçu la passion de la vitesse en héritage comme en témoigne son rôle dans le célèbre (et excellent) film de Claude Lelouch « Un homme et une femme ». Un an après la seconde place de Paul Newman, c'est son tour de piloter une Porsche 935 au Mans. Peu après 8 heures du matin, « j'ai bien cru mourir. Quand j'ai déchapé (pneu ARG peu avant la courbe de Hunaudières) je devais être à 300km/h. J'ai fait un tête à queue après avoir roulé de bord à bord. Mais il fallait bien rentrer. Et la seconde vitesse ne passait plus. » Malgré les efforts des mécaniciens, la voiture du team Kremer ne repartira pas, la transmission étant, par trop, endommagée.

1985 : ma bonne dame, je vous mets trois miracles pour le prix d'un seul.

Lors des essais du Jeudi, la Porsche 962 n°55 de Dudley Wood et l'Alba n°81 de Jean-Pierre Frey s'accrochent. Les deux voitures franchissent les rails à la même hauteur ou les deux Aston Martin Nimrod avaient connu leur accident un an plus tôt. Seul le pilote anglais souffre d'une jambe cassée...

Même si l'on n'espère pas encore d'elle qu'elle s'impose dès cette année, elle est tout de même l'une des attractions majeures de cette édition car elle symbolise le retour d'un moteur Mercedes au Mans ce qui est pour le moins symbolique. De plus, la Sauber C-8 est assez jolie ce qui ne gâche rien. Peu après que la piste ait été rendue aux bolides après l'accident entre la Porsche et l'Alba, John Nielsen arrive sur la bosse des Hunaudières à 360 km/h. Au sommet, l'auto s'envole ! Un photographe japonais présent à Mulsanne immortalise le moment, comme le fera Fred Le Floch' en 1999 lorsqu'une Mercedes CLR effectuera une figure très semblable lors du warm-up... La Sauber effectue un ou plusieurs loopings mais coup de chance immense, se repose sur ses roues après le pied de la bosse. John Nielsen est totalement indemne. L'équipe a même envisagé un temps de pouvoir la réparer avant de se raviser. Il se pourrait que l'envol ait eu pour origine un décrochement d'un élément du fond plat.

Le jour décline gentiment sur le circuit du Mans et les deux Porsche 956 des teams Joest et Richard Lloyd ridiculisent les usines en tête de la course. 20H58, les pace-cars prennent la piste. Rapidement, on apprend que Jean-Claude Andruet est sorti de la piste dans les Hunaudières à bord de sa WM. Les images de la télévision prouveront rapidement que le pilote est OK, debout à côté de sa voiture, se tenant la tête, bien incapable de comprendre ce qui est arrivé... La coque a bien tenu le choc, heureusement !

1986 : Jaguar à terre...

Après l'accident fatal de Gartner, la Porsche Joest a du abandonner lors de la neutralisation de la course, le rythme trop lent étant fatal à son flat 6. Il ne reste plus alors que la Jaguar n°51, seule survivante des trois XJR6 pour empêcher les Porsche de tourner en rond. Mais au petit matin, le démarreur donne des signes de faiblesse laissant croire à une fin de course difficile. La Jaguar vient d'ailleurs de perdre sa deuxième place lors du dernier ravitaillement. Mais elle roule vaillamment et Jean-Louis Schlesser entame son relais. Soudain, les caméras montrent des morceaux de carrosserie épars sur la ligne droite. Il est évident qu'il s'agit de la Jaguar. Rapidement, on est rassuré, on voit la Jaguar rouler, au ralenti, certes mais l'essentiel est ailleurs (voir photo dans le premier article sur les Hunaudières). En fait, le pneu ARD a explosé, détruisant au passage le capot arrière. Heureusement, sur la Jaguar, l'aileron est solidaire de la boite, pas de la carrosserie et il est resté en place ne privant pas l'auto d'appuis. Jean-Louis Schlesser, plein de sang-froid parvenait donc à maintenir sa voiture sur la piste sans toucher quoi que ce soit. Il ramène l'auto aux stands mais l'abandon sera vite officialisé. Et Jean-Louis n'aimera plus jamais les Hunaudières n'hésitant pas à le faire savoir...

th_1987_LM_Jaguar_51987 : Mon casque a frotté la piste !

30.000 anglais sont venus assister à la revanche des Jaguar. La firme anglaise a dominé sèchement Porsche en début de saison provoquant une vague d'espoir énorme pour ses supporters. Nombre de Porsche 962 étant décimées dès la première heure de course par la faute du carburant, différent des essais, l'espoir repose sur des racines de plus en plus solides à mesure que l'on s'enfonce dans la course. Trois XJR8, toujours vaillantes tiennent en tenaille l'unique Porsche officielle rescapée... Las, la n°5 connait à 1H18 une perte du capot arrière qui lui fait perdre du temps. Peu de temps après, Tom Walkinshaw décide d'octroyer un peu de repos à ses deux pilotes de pointe (Cheever-Lammers) et envoie Win Percy en piste pour son premier relais au cœur de la nuit. Lors de son 4ème tour, Winston entend « une explosion soudaine du pneu arrière droit. J'arrivais dans la Courbe des Hunaudières à fond absolu, pas loin de 350 km/h. J'ai entendu un choc sourd derrière moi et la Jaguar a filé droit vers le rail, à toute vitesse. Ensuite, je me rappelle moins bien. La voiture a fait plusieurs tonneaux, j'ai le sentiment d'être resté en l'air assez longtemps, puis de redécoller ensuite. Comme les portes avaient disparu, à un moment, mon casque a raclé sur la piste. C'est un accident insensé, je ne parviens pas à croire que je suis en vie. Je me sens bien un peu raide mais je suis sûr que je me serai fait plus mal si j'avais trébuché sur une caisse à outil dans les stands. Je viens de téléphoner à ma femme pour la rassurer. J'y suis allé doucement. Je lui ai dit que j'avais eu un problème sur la piste, que je n'étais pas parvenu à redémarrer la voiture. Et puis j'ai ajouté qu'en fait, je n'étais pas arrivé à retrouver la voiture, elle était éparpillée dans la nature sur plusieurs centaines de mètres. » La 5 est out. Au petit matin, il en sera de même pour la 6. La 4, quant à elle, fera son chemin de croix le dimanche matin passant quasi plus de temps à l'arrêt qu'au roulage. The cat will be back !

1988 : Sauber Mercedes fâché avec les Hunaudières...

Cette fois-ci, ça y est, elles sont fiables. Les suisses de Peter Sauber sont parvenus à fiabiliser la transmission de la C9 qui parvient donc à encaisser sans broncher l'énorme couple du V8 turbo 5 litres Mercedes. L'appui de moins en moins caché de l'usine n'y est pas pour rien. L'on s'attend donc à un féroce combat tri-partite Jaguar-Porsche-Sauber pour ces 24 Heures qui promettent monts et merveilles. Le Jeudi, votre serviteur est posté à Indianapolis bien décidé à photographier les Sauber que j'ai loupées la veille et pas vues lors du Pesage, par la faute de mes cours à l'IUT. Hélas, on ne verra jamais les Sauber ce jeudi. Ni pour la course. La veille, Klaus Niedzwiedz a déchapé à l'arrière gauche avec la n°62 dans la Courbe des Hunaudières. La voiture est pourtant peu touchée mais l'équipe ne trouvant pas d'explications valables au problème et le géant Mercedes étant certainement encore très prudent après la catastrophe de 1955, le forfait est officialisé 10 minutes seulement avant la reprise des essais. Je n'aurai pas mes photos. Mais nous aurons tout de même une bataille royale. Et le chat anglais triompha enfin !

Pouvait-on faire autrement ?

Réactions populaires

Les chicaneries de ce funeste hiver et les craintes qu'elles engendrèrent quant à la survie de l'épreuve, ne laissa pas les foules insensibles, tant s'en faut. Au Mans, une association loi de 1901 fut créée pour apporter son soutien aux 24 Heures. « Le Mans pour toujours » organisa même une soirée qui réunit 2000 personnes en février 1990. Plusieurs élus locaux étaient présents mais également l'ancien président de la FFSA, Claude Bourillot qui dénonçait, non les chicanes mais les façons de son successeur. Celui-ci avait d'ailleurs envoyé deux huissiers afin d'enregistrer les débats. Bonjour l'ambiance...

Dans Auto-Hebdo, la fameuse rubrique du courrier des lecteurs (les forums de l'époque...) regorgeaient de lettres traitant du sujet (dont une de votre serviteur, larmoyante à souhait...). L'Hebdo organisa même un sondage via le minitel demandant l'avis des lecteurs quant à savoir si la ligne droite devait être préservée. Sans surprise aucune, 87,9% des lecteurs se déclaraient favorable au maintien de celle-ci...

Tout cela ne représente que partiellement les divers accidents qui émaillèrent l'histoire des Hunaudières. Je me suis volontairement cantonné aux années 1980. D'autres drames eurent lieu, d'autres miracles (nombreux) se produisirent. Pouvait-on et devait-on la conserver ? Dans notre société moderne ou le risque se doit toujours d'être minimisé, cela apparaît peu probable. Toutefois, la façon dont le « problème » a été réglé, dans l'urgence absolue et sous la pression a abouti à une solution qui ne pouvait pas être optimisée.

Le problème principal de la Ligne Droite était évidemment la crevaison lente. Problématique car quasiment indétectable par le pilote ce qui explique que beaucoup la redoutait et que quelques-uns refusaient carrément de « faire Le Mans » à cause d'elle. Tom Walkinshaw expliquait donc à l'époque que la bonne solution aurait été la création de virages rapides (environ 200 km/h) obligeant tout de même à un ralentissement mais moins que ces deux « verrues ». Ils auraient eu pour double vertu de permettre au pilote de détecter la crevaison lente par l'appui que la voiture devait prendre, sans prendre le risque que cela se produise à la vitesse maxi. De bons dégagements créés autour de ces virages auraient minimisé les risques en cas de sortie de piste. Le Mans aurait ainsi conservé un peu plus son aspect mythique et ses très hautes vitesses. Cela aurait également renforcé l'aspect « circuit d'hommes » ou les bons font la différence tout en résolvant une partie du problème.

Pour cela, il aurait par contre fallu anticiper un problème qui ne pouvait que survenir. On le savait, on le sentait. Il aurait peut-être alors fallu prévoir et étudier tranquillement un tel tracé, procéder sans urgence à l'achat des larges terrains nécessaires (plus larges que celui nécessaire pour les chicanes, c'est évident...). Et lors du resurfaçage intégral (au laser !) de la ligne droite effectué en 1988, on aurait alors pu ajouter ces courbes. Procéder à tout cela dans l'urgence de l'hiver 1989-1990 était impossible. C'est bien facile à dire aujourd'hui, c'est évident. Mais cela aurait peut-être évité une telle crise ?

Les chicanes ont-elles résolu les problèmes ? Les pilotes à l'époque disaient qu'il n'en serait rien, qu'elles ne feraient qu'ajouter deux points chauds au tracé, en diminuant légèrement la Vmax. Tout cela semble avéré aujourd'hui. On ne compte plus les voitures ayant perdu leurs espoirs dans les chicanes, bien souvent la première d'ailleurs : la Bugatti détruite en 1994, la Toyota de Brundle avec deux pneus explosés en 1999, la Pescarolo n°17 qui tire droit dans le mur en 2006, la Lamborghini JLOC qui l'imite aux essais de 2007, la Porsche RS Spyder Goh qui glisse sur une flaque d'huile en 2009. La liste est longue et je n'ai pas cherché à la rendre exhaustive. Par contre, et sauf erreur ou omission de ma part, les chicanes n'ont jamais provoqué de blessures aux pilotes ou aux commissaires lors de ses accidents. Il semble donc bien qu'elles aient accru le niveau de sécurité. On ne peut pas en dire de même de ce qu'il reste de la Ligne Droite. En 1995, Patrick Gonin se retourne avec sa WR après un aquaplaning à la sortie de la Courbe des Hunaudières. Bilan, une omoplate fracturée et quatre cotes cassées. Alors, quelles conclusions en tirer ? Principalement qu'il faut mettre un mouchoir sur sa nostalgie et vivre avec ces ralentisseurs. Il est impensable que l'on revienne en arrière. Le moindre accident aux conséquences plus ou moins dramatiques provoquerait immédiatement une levée de boucliers sans précédent au point, probablement de mettre en danger l'épreuve elle-même. Peut-on espérer que le tracé en soit un jour revu ou amélioré ? C'est peu probable. De toute façon, l'environnement des Hunaudières est de plus en plus urbanisé, ne laissant que peu de place à d'éventuelles solutions de repli. Apprenons donc à les apprécier... Même si l'on ne peut s'empêcher de penser que jamais les américains ne remettront en cause l'ovale d'Indianapolis ou l'on atteint des vitesses aussi élevées qu'au Mans. Même si le vieux circuit du Nürburgring, qui sert de cadre au championnat VLM et notamment aux célèbres 24 Heures qui viennent juste de se dérouler, dispose d'une ligne droite qui dépasse allègrement les 2 km maxi pourtant réglementés par la fédération. Deux poids, deux mesures ? Comme c'est étrange...

Et que pensent les pilotes actuels de ce « nouveau » tracé ? Pour le savoir, je vous propose de revenir dans les prochains jours pour découvrir le troisième et dernier tome de ce dossier consacré à La Ligne Droite...

Laurent Chauveau

Ce dossier n'aurait pu être réalisé sans les annuels consacrés aux 24 Heures du Mans de Christian Moity et Jean-Marc Teissèdre. Merci à eux.