24 H 2015 : Les clés de la 17ème victoire Porsche ! Imprimer Envoyer
Mardi, 14 Juillet 2015 18:00

Porsche 919 #19 LM 2015Finalement, cette 83ème édition, classée grand cru avec ses 27 changements de leader, s'est fait un plaisir de nous réserver quelques surprises. Après Silverstone et Spa, après la Journée Test, on avait bien compris que la victoire se jouerait probablement entre Audi le tenant et Porsche le challenger. Ce fut le cas et nous eûmes à vivre quelques passes d'armes en piste qui firent monter l'adrénaline. On pensait toutefois que Porsche aurait un petit avantage en terme de performance pure ce qui ne s'est pas confirmé en course. On pensait qu'Audi peinerait en début de relais pour mieux rattraper les Porsche lorsque l'usure des pneus commencerait à jouer. Les R18 mirent en fait la pression dès les premiers tours rendant le début de course exaltant. Et les 919 furent rapidement en mesure de faire elles aussi, des quadruples relais. On s'était donc trompé. On pensait que Toyota ne serait pas réellement en mesure de suivre le rythme. On avait malheureusement vu juste. On pensait que Nissan serait... nul part. Et ils furent... nul part. Les deux constructeurs japonais à des degrés bien différents, évidemment, se sont tous deux fourvoyés cette année. On espère qu'ils redresseront sérieusement la barre pour 2016. Toyota histoire de jouer de nouveau avec les allemands pour la gagne, Nissan histoire de redresser sérieusement son image auprès des fans d'endurance après deux années consécutives de prestations catastrophiques...

LM_2015_122Un peu comme en 2014, on s'attendait à quelques problèmes de fiabilité mécanique sur ces LMP1 hybrides développées à outrance, les séances de préparation ne s'étant pas forcément passées aussi bien que le laisse penser les communiqués de presse... Dans le cas de Nissan, on savait très bien que pas plus que la performance, la fiabilité ne serait au rendez-vous. Elle ne fut effectivement pas là, et voire l'une des GTR-LM passer la ligne d'arrivée reste anecdotique étant donné que la n°22 a couvert bien moins des deux tiers de la distance des vainqueurs...

Chez TMG, on misait beaucoup, faute de pouvoir tenir le rythme de Porsche et Audi, sur cette fameuse fiabilité. Et si les deux Toyota TS040 passèrent effectivement au travers des gouttes, cela ne suffit pas à les replacer dans la course au podium, sans même parler de celle à la victoire. Il s'en fallut même de seulement 2'35" pour que la n°2, épargnée par les incidents de piste contrairement à la n°1, ne soit devancée par l'Audi n°9, la moins bien placée des 6 voitures du groupe VW et qui fut pourtant obligée de marquer un arrêt de 18 minutes afin de réparer son système hybride... Bref, cela prouve à quel point Toyota était vraiment loin du compte en performance pure !

Pépin technique interdit...

th_LM_2015_145Finalement au jeu de la fiabilité, deux des trois 919 passèrent au travers des ennuis. Ce qu'aucune des R18 ne parvint à faire. La n°7 subit une crevaison lente dans la soirée du samedi puis un capot arrière déchiré provoqua quelques dégâts à l'arrière imposant un arrêt de 7 minutes au lever du soleil. La n°8, connut tout d'abord un incroyable accident en début de soirée, au cours duquel plus d'un pilote se prit les pieds dans le tapis de ces slow-zones apparues l'an passé... Feu allumés au jaune, commissaire agitant le drapeau vert, certains pilotes étaient perdus et ralentirent inutilement et surtout dangereusement. Loïc Duval, ayant correctement interprété l'ordre des commissaires qui prime sur les panneaux lumineux, arriva tel un obus dans un peloton arrêté ou presque. Il aurait presque pu réussir dans sa manœuvre d'évitement si sa R18, déjà dans l'herbe, n'avait pas été légèrement heurtée par l'une des Ferrari AF Corse. La R18 s'en alla donc taper le rail de face de l'autre côté de la piste et l'on pensait tous que sa course s'arrêtait là. Or non seulement, Loïc ramena sa voiture assez rapidement aux stands mais l'équipe technique renvoyait-elle la R18 en piste quelques 3 minutes plus tard seulement et profitant du safety-car, la n°8 ne perdait ainsi qu'un tour ! Incroyable... Mais ce tour ne fut jamais repris sur la piste. L'écart s’aggrava même encore vers midi, la voiture marquant un arrêt de plus de 3 minutes qui scellait son sort, là encore, le capot arrière faisait des siennes... Quant à la n°9, après le « long » arrêt matinal de la n°7, elle demeurait le meilleur atout dans la manche d'Audi Sport, distancée de seulement un tour par la n°19. Mais juste après que les safety-cars quittèrent la piste pour la dernière neutralisation de la course, à 8H10 du matin, ses relances semblèrent moins franches et la n°17 n'eut aucun mal à la déposer à la sortie de la deuxième chicane. Deux Porsche venaient de s'installer aux deux premières places et cela n'allait plus changer... D'autant que le problème sur la n°9 alla en s'amplifiant imposant un double arrêt avant midi dont celui de 18 minutes déjà évoqué.

LM_2015_131Porsche fut donc plus fiable qu'Audi et ce n'est pas là la moindre des surprises de cette course. Seule la n°18, celle de polemen, connut de réels problèmes, là encore avec son système hybride. Problèmes qui poussèrent Romain et Neel à la faute, exactement au même endroit : Mulsanne. Les deux pilotes tirèrent tout droit et la n°18 perdit là deux tours que, chanson bien connue, jamais elle ne reprit... La n°19 passa également par son stand mais ce fut uniquement pour changer le capot arrière abîmé dans la touchette avec l'Aston Martin de Roald Goethe. L'impact de l'Aston avec le mur ne fut pas sans provoquer une frayeur énorme, rappelant un mauvais souvenir encore bien présent. On peut réellement se demander pour quelle raison le mur, qui à cet endroit n'est pas parallèle à la trajectoire, n'était pas protégé par des éléments absorbants. Il est suffisamment éloigné de la piste pour espérer que l'auto ne soit pas renvoyée sur la trajectoire par effet de rebond en cas d'impact. Toujours est-il que dans ce cas précis, des piles de pneus ou tout autre système d'absorption auraient bien atténué les conséquences de l'accident.

Les R18 plus rapides que les 919 !

LM_2015_143La n°17 ne connut aucun pépin de fiabilité mais elle eut à subir un stop&go pour un non respect de slow-zone. L'écart avec la n°19 s'explique donc avant tout par le rythme en course. Attardons-nous donc sur les chronos de cette course en tentant de mettre en valeur le niveau de performance des pilotes et des voitures. Car l'autre surprise de cette course fut bien évidemment de voir les Audi s'accrocher dès les premiers tours aux basques des Porsche. En fait, les R18 s’avérèrent finalement plus rapides sur un tour que les 919. Les essais nous avaient laissé totalement pensé le contraire mais fidèle à son habitude, Audi Sport n'avait pas cherché à définir un set-up spécifique pour les essais. Porsche fit le contraire, veillant ainsi à s'assurer la Pole. D'où cette impression trompeuse également entrevue, à moindre niveau, lors de la Journée Test. A l'issue de ces 24 Heures, les trois Audi sont passées sous la barre des 3'18" au tour. Non, il n'y a pas de faute de frappe. Moins de trois minutes dix-huit secondes pour boucler les 13,629 km du circuit de la Sarthe ! Songez que André Lottere, signant le meilleur tour en course en 3'17"475 a roulé en moyenne à 248,5 km/h... Les Peugeot 908 de 2008 sont reléguées aux oubliettes... Réellement, les R18 étaient bluffantes et elles vendirent très chèrement leur peau. Quant aux trois 919, si aucune n'est pas sous cette barre des 3'18", elles sont toutes groupées sous celle des 3'19". La meilleure des Toyota n'est même pas sous celle des 3'20"... Quant à Nissan, on est au niveau des meilleures P2. Pour une marque qui, quelques semaines avant l'épreuve, escomptait encore, au travers de ses déclarations publiques, jouer avec les autres usines lors des qualifs, c'est juste, juste, juste, heu ?... Tiens, je ne trouve pas le mot !

Mais creusons le sujet des chronos un peu plus en profondeur. Pour cela, j'ai analysé les relais de chaque pilote LMP1 et établi le chrono moyen établi par ceux-ci pour chacun de leurs relais. J'ai volontairement exclu de ce calcul les chronos un peu aberrants, ceux qui sortent de la norme pour des raisons X ou Y (une slow zone, un pépin technique, les tours du relais d'arrivée pour la parade ou un léger écart de trajectoire par exemple) car le but n'était que de mettre en évidence la pointe de vitesse des pilotes et des autos. De mêmes les tours de rentrée et de sortie des stands sont exclus de ce calcul, seuls les tours lancés sont pris en compte. Preuve de la vitesse de cette course cette année, cela signifie dans les cas de Audi, Porsche et Toyota, tout chrono supérieur aux 3'30" se voyait immédiatement exclu de ces calculs ! Lors de certains relais, certains pilotes n'ont donc pu établir aucun chrono significatif, étant confrontés soit à de nombreuses slow-zones, soit à une neutralisation, soit aux deux ! Ces relais figurent en italique dans le tableau récapitulatif dont vous voudrez bien excuser la largeur. Il fallait caser près de 400 tours ! (cliquez sur l'image ci-dessous pour l'ouvrir en totalité) Un tableau dont Nissan est absent car la différence de performance aurait impliqué que le 100ème tour de la meilleure Nissan aurait été, par exemple, bouclé de nuit tandis que celui de la voiture de tête l'était encore de jour... Ou que la troisième neutralisation serait intervenue lors du 122ème tour pour les meilleures alors que la Nissan n°23 n'en était encore qu'à son 99ème passage. Bref, ces comparaisons n'étaient plus pertinentes et faussaient le tableau.

24H 2015 : Relais par relais

Les vainqueurs 2014, sprinters de 2015 !

LM_2015_147Alors, puisque ces Audi R18 étaient les plus rapides sur un tour, l'étaient-elles aussi sur un relais complet ? La réponse est positive, du moins dans le cas de celle des vainqueurs 2014. L'Audi n°7 est en effet la seule à afficher un relais moyen bouclé sous la barre des 3'22" par tour ce qui est proprement bluffant : 3'21"81 très exactement. Ce qui est encore plus bluffant, c'est l'incroyable homogénéité affichée par cet équipage en cette année 2015. Benoit Tréluyer est le plus rapide des trois sur l'ensemble de ses relais en 3'21"53 mais André Lotterer en 3'21"99 et Marcel Fässler en 3'21"91 sont extrêmement proches... Cela est encore mieux que leur performance de 2014 ou ils étaient groupés en 7 dixièmes à l'avantage de Marcel Fässler cette fois-ci. Le comparatif avec 2014 est également très intéressant sur le plan chronométrique. Les Audi R18 ont en effet gagné plus de 6 secondes en une année ! Le relais moyen de Marcel Fässler en 2014 s'établissait en 3'28"07... Si André Lotterer fut apparemment le moins rapide du trio, il fut pourtant le sprinter de l'épreuve, une nouvelle fois. Il signe en effet le relais le plus rapide de la course en 3'19"86, ce au cours de la matinée du dimanche. Les deux relais suivant étaient du même niveau en 3'20"35 et 3'20"28... Incroyable triple relais au cours duquel André est passé à 14 reprises sous la barre des 3'20" au tour ! Mais ce rythme échevelé s'est peut-être fait au détriment de la tenue de ses pneumatiques car juste avant cela, Marcel sortait d'un quadruple relais au cours duquel il signait son meilleur relais de la course en 3'20"54. Benoit lui est en 3'20"81.

Les vainqueurs 2015 ? Tellement proches !

LM_2015_138Bluffante la prestation des pilotes Audi ? Tenez-vous bien, celle du trio vainqueur 2015 est encore plus incroyable. Certes, Nico Hulkenberg, Nick Tandy et Earl Bamber furent très légèrement moins rapides que le trio de la n°7 : 3'22"01 sur l'ensemble des 24 Heures. Mais l'harmonie était de mise au sein de cet équipage puisque entre le pilote de F1 et ses collègues issus des formules de promotion Maison, il y avait moins de 2 dixièmes ! C'est même Nick qui se montre le plus rapide des trois en 3'21"92 contre 3'22"03 à Hulk et 3'22"07 à Bamber... Groupés en 15 centièmes... Nico Hulkenberg a tout de même signé le relais le plus rapide sur cette auto en 3'19"99 à l'heure ou le jour commence timidement à poindre. Nick est en 3'20"90 et Earl en 3'21"34. Quant à la progression de la 919 en course sur une année, elle est comparable à celle des 908 lors de leur deuxième année en 2008 : 8 secondes au tour ! Imaginez la puissance de développement et l'investissement financier et humain que supposent de telles améliorations. Surtout lorsque cela s'accompagne de la fiabilité...

L'Audi n°8 vient ensuite. En 3'22"443, elle est toutefois déjà nettement distancée par la n°7 et la n°19. Lucas Di Grassi et Oliver Jarvis se montrèrent plus rapides que Loïc Duval sur l'ensemble de la course : 3'22"09 pour le premier, 3'22"26 pour le second et 3'23"09 pour le troisième soit une seconde d'écart entre Lucas et Loïc. Ce différentiel est même porté à 1"7 si l'on regarde le meilleur relais en course de ces pilotes : 3'19"911 pour le brésilien et 3'21"606 pour le français, relais tout deux effectués le dimanche en fin de course.

LM_2015_135L'Audi n°9 fut moins rapide sur l'ensemble de la course mais il faut tenir compte de son gros problème avec l'hybride qui perturba considérablement son rendement lors du dernier tiers de course. Si sa moyenne ressort donc à 3'23"48 sur les 24 Heures, elle s'établit à 3'22"69 sur les 16 premières heures. Cela reste donc meilleur que les deux Porsche 919 n°17 et 18 sur l'ensemble de la course. Quant à l'équilibre au sein de l'équipage, Filippe Albuquerque et René Rast peuvent être considérés comme également rapides. 4 centièmes seulement les séparent sur les 24 Heures à l'avantage de Filipe (3'23"48 contre 3'23"52). Mais si l'on ne tient compte que de la période ou leur R18 fonctionnait de manière optimale, c'est René qui s'en sort le mieux en 3'22"21 contre 3'22"29 à Filipe. Leur performance est donc tout à fait comparable à celle de Lucas et Oliver sur la n°8. Marco Bonanomi quant à lui était un cran en-dessous. Laissons de côté la performance sur les 24 Heures car c'est lui qui fut au prise avec la voiture au moment ou elle ne fonctionnait plus du tout. Mais sur les 16 premières heures, il est tout de même distancé de plus d'une seconde en 3'23"38. Il fut donc le moins rapide des 9 pilotes Audi.

Inversions de tendance entre 2014 & 2015...

LM_2015_107La Porsche n°17 a tourné en moyenne en 3'22"73 sur les 24 Heures. Soit 72 centièmes de plus par tour que la n°19. Les deux voitures n'ayant connu aucun problème mécanique mais la n°19 ayant passé plus de temps à son stand, c'est bien en piste que les trois « petits jeunes » de Porsche ont bâti leur succès ! Depuis ses débuts chez Porsche l'an passé, Mark Webber a pris le temps de s'habituer à la 919. Lui qui était le plus lent des pilotes du constructeur allemand l'an passé (relais moyen en 3'32"42 contre 3'30"86 à Timo sur la même voiture, la n°20 étant sensiblement plus lente que la n°14) il était le plus rapide du même trio cette année : 3'22"62 sur l'ensemble de la course. Mais là encore, les trois pilotes Porsche sont très proches. Timo Bernhard est en 3'22"69 et Brendon Hartley en 3'22"84 soit 22 centièmes entre les trois pilotes. Brendon signe tout de même le relais le plus rapide des trois en 3'20"76 contre 3'21"05 à Timo et 3'21"93 pour Mark.

LM_2015_148La n°18 fut affectée par ses problèmes de freinage dus à son système hybride défaillant. Il n'y a donc pas de surprise à la voir donc moins rapide que les autres 919 : 3'23"18 sur l'ensemble de la course. Côté pilotes, c'est Romain Dumas qui a le mieux compensé ce problème en signant des relais en 3'22"64 sur les 24 Heures. Bravo donc au pilote alésien d'autant que l'an passé, c'est lui qui était le moins rapide du trio sur la n°14 (3'30"31 en 2014). Marc Lieb lui, était en 3'23"22. Quant à Neel Jani, l'homme de la pole, il s'est « contenté » de 3'23"62 ! Étonnant... Des trois, c'est Marc qui a signé le relais le plus rapide de la n°18 en 3'21"18. Romain est en 3'21"28 et Neel en 3'21"67. Étonnant, on vous disait...

L'énigme Wurz !

th_LM_2015_133Dans le clan Toyota, le trio de la n°1 fut quasiment aussi homogène que celui de la Porsche victorieuse. Sébastien Buemi, Anthony Davdison et Kazuki Nakajima se tiennent en 17 centièmes seulement sur les 24 Heures... La voiture a tourné globalement en 3'25"10, Anthony en 3'24"98, Kazuki en 3'25"14 et Sébastien en 3'25"15. Joli tir groupé ! Mais éloigné de Porsche et Audi... L'écart est bien plus conséquent sur le meilleur relais en course. C'est le pilote suisse qui en 3'22"46 devance le nippon en 3'23"31 et l'anglais en 3'24"29. Sur la n°2, le relais moyen sur ces 24 heures s'établit en 3'26"36 ce qui est notablement plus lent que la n°1. Là encore, l'équipage est très homogène. Mike Conway et Stéphane Sarrazin signent une performance quasi identique : 3'26"20 pour l'américain et 3'26"23 pour le français. La « bizarrerie » vient d'Alexander Wurz. Il était le pilote le plus rapide l'an passé chez Toyota. Il était le plus lent cette année : 3'26"63. Plus étonnant, il n'a pas réussi en 2015, au cours de son relais le plus rapide, à faire aussi bien qu'en 2014 ! L'an passé, il partait en flèche en début de course et signait un relais en 3'24"69. Cette année, il n'a pas pu faire mieux que 3'25"60! Près d'une seconde de moins... Il est bel et bien le seul pilote Toyota dans ce cas, les quatre autres pilotes déjà présents en 2014 ont tous amélioré leur performance. Stéphane a quant à lui signé son meilleur relais 3'24"42 (soit plus de 2 secondes de mieux qu'en 2014) et Mike en 3'24"63.

LM_2015_144Ces chronos mettent en exergue une autre caractéristique des TS040 au cours de cette course : une moins grande constance des performances tout au long de la course en comparaison des R18 et 919. L'écart entre le meilleur et le moins bon relais de la n°1 se monte à près de 4"7. Sur la n°2, c'est encore au-delà : 5"3 même si cela est à nuancer, nous le verrons plus loin. Les 919 et R18 restaient aux alentours des 4 secondes, voire moins : 3"6 pour les Porsche n°18 et 19. Cela s'ajoute au fait que les TS040 ne purent jamais aligner de véritable quadruple relais avec les mêmes pneus. Les deux seules tentatives réussies de ce point de vue, une sur la n°1 et une autre sur la n°2 le furent lorsque l'un des relais fut ralenti par une neutralisation de la course. Une seule tentative d'un véritable quadruple relais fut menée par Stéphane Sarrazin mais il fallut sérieusement écourter le quatrième stint car la performance s'effondrait ce qui explique l'écart de 5"3 précédemment évoqué entre le meilleur et le moins bon relais de cette auto. Tout cela n'est finalement pas si étonnant. Le V8 des TS040 manquant de puissance moteur en comparaison du 4 cylindres turbo de Porsche et du 6 cylindres diesel de l'Audi, on avait du compenser par une aéro un peu plus légère, ne pénalisant pas trop les TS040 en Vmax mais les privant d'un peu d'appuis. Le grip mécanique devant alors compenser le grip aéro, les pneus étaient plus sollicités et ils s'usaient plus vite... Mais il est certain qu'en n'ayant augmenté leur niveau de jeu que d'un peu plus de 2"5, les ingénieurs de TMG avaient visé trop bas. Peut-être cela est-il dû au potentiel de développement de la TS040 qui était trop limité ? Le choix de reconduire le V8 atmosphérique avait semblé étonnant l'an passé lors de la présentation de la voiture. L'excellent système hybride de la voiture lui avait permis de compenser les limites de son bloc mais en fin de saison, une fois le titre mondial obtenu. Il semblait évident que le potentiel de progrès de la Porsche 919 était bien plus important que celui de la TS040 surtout que celle-ci dut se contenter de demeurer dans la catégorie 6MJ au contraire de la 919. Les 24 Heures 2015 ont cruellement mis cela en évidence.

Toyota doit lâcher les chevaux !

Sur le plan technique, il semble que TMG n'ait pas attendu le soir des 24 Heures du Mans pour se tourner vers l'avenir. Le passage au moteur turbo est quasiment déjà confirmé. Quant au stockage de l'énergie électrique, il sera confié sans surprise aux batteries. Sans surprise car dès 2012, lors de l'arrivée de la TS030 sur la scène mondiale, Pascal Vasselon avait déjà laissé comprendre que les batteries supplanteraient les super-condensateurs dans un avenir proche. TMG a probablement attendu un an de trop. Reste à savoir pour quelles raisons, TMG a du maintenir ses choix techniques pour 2015. Excès de confiance après une saison 2014 en fanfare ou choix « imposé » par un manque de budget en comparaison des deux représentantes du groupe VW qui alignent les millions d'euros par gros paquets de dix ? Peut-être un peu des deux. Mais s'il est bien une leçon que le géant japonais doit désormais retenir de cette édition, c'est qu'il est temps de réellement lâcher la bride sur ce programme technique. La TS050 sortira en janvier 2016, bardée d'innovations à tout niveau, innovations que l'équipe devra prendre le temps de maîtriser. La performance reviendra donc très probablement mais qu'en sera-t-il de la fiabilité avec un délai de développement si court ? Les constructeurs allemands sortent leurs nouvelles autos bien plus tôt que cela en règle générale... Même si on ne le leur souhaite pas du tout, on peut donc presque déjà penser, en étant pessimiste, que Toyota ne sera réellement prêt pour la gagne que pour 2017 ! Ou les cartes seront rebattues avec un nouveau règlement...

LM_2015_137Porsche et Audi ont placé tellement haute la barre du développement technique que Toyota doit absolument en faire de même pour suivre le rythme. Libre au constructeur japonais de ne pas investir autant que ses concurrents allemands dans le marketing. Cela nous semble tellement anecdotique. Mais il faut maintenir franchir un cran dans l'investissement technique même si cela paraît presque déjà trop tard pour la TS050 de 2016 dont nombre de paramètres techniques doivent déjà être figés ou sur le point de l'être. Et puis, il va bien falloir être en mesure de financer cette fameuse troisième voiture qui fait tant défaut ! La touchette de Davidson dans la soirée du samedi et l'arrêt qu'elle a imposée prouve bien, s'il en fallait encore une preuve après 2014, qu'avec deux fers au feu, on est plus en danger qu'avec trois, surtout sur une course aussi longue. On peut aussi se demander, en constatant la différence de performance entre la n°1 et la n°2, s'il ne va pas falloir revoir quelque peu les équipages, aussi peu agréable que ce constat soit à formuler. Les 24 Heures 2015 ont eu un goût amer pour Toyota. Et cette année, TMG n'aura même pas le titre mondial pour se consoler ! La fin de saison va être longue pour les pilotes des TS040...

Audi pêche par là ou Audi gagnait !

LM_2015_142La saison 2014 avait lancé un signal d'alarme chez Audi Sport. Certes, la R18 avait gagné la course qu'il ne faut pas manquer mais le reste de la saison avait démontré un manque de compétitivité flagrant de la voiture : un système hybride insuffisamment puissant, une R18 qui bouffait ses pneus. Il fallait réagir et fort. Audi Sport l'a fait et c'est franchement bluffant de voir à quel point cette équipe, pourtant blasée de succès en tous genres, parvient chaque année à retrouver l'énergie pour repartir au combat. Il faut dire que cette année, la concurrence venait de « l'intérieur » et qu'il n'était certainement pas question de laisser Porsche s'accaparer les lauriers sans combattre ! La R18 avait donc vu son flywheel passer dans la catégorie des 4MJ ce qui permettait en partie de remettre l'auto à niveau sur le plan de la puissance disponible, le diesel faisant le reste et le faisant plutôt bien... Mais sur le plan aéro, l'équipe avait énormément bossé également et si l'on avait été scotché en découvrant la nouvelle version « forts appuis » de la R18 2015, on le fut tout autant en découvrant la version Le Mans. Jamais depuis que Audi est présent en endurance, les deux versions de la même voiture ne m'avait semblé aussi différentes sur le plan visuel ! La R18 a été bluffante cette année. Sincèrement, qui s'attendait à ce qu'elle soit la voiture la plus rapide en course ? Tout le monde donnait Porsche en sprinter, Audi en marathonien. Les deux furent finalement placés sur un quasi pied d'égalité. Avant la course, une rumeur courait sur le fait que les Audi seraient peut-être capables d'aligner 6 relais avec le même train de pneumatiques. Ce qui imposait de changer de pilote plus souvent que les pneus ! Finalement, les R18 ne furent pas en mesure de confirmer cette rumeur. Mais si les nombreuses averses du vendredi n'avaient pas lavé la piste, la privant d'une partie de son grip, peut-être que la situation eut été différente... Toujours est-il qu'elles durent se contenter de quadruples relais mais au contraire des 919, elles furent en mesure de la faire dès le début de course et ce sans perte de performance. Elles avaient vraiment la gnaque ces R18. Et le double dépassement en l'espace de deux virages de Lotterer sur les deux 919 de tête le samedi juste après la première neutralisation était au moins autant inattendu que savoureux !

Recap Pit-stopsReste que si elles étaient les plus rapides en piste, elles furent aussi moins fiables que les Porsche. Oh rien de dramatique puisque la n°7 finit à deux tours, la n°8 à 3 et qu'aucune R18 n'abandonne. Mais après une édition 2014 ou de manière inattendue, toutes les LMP1 de pointe connurent des ennuis, 2015 est revenu au schéma classique de ces dernières années : il ne faut connaître strictement aucun pépin mécanique pour espérer l'emporter. Les R18 ont cumulé trop de petits contre-temps pour cela et l'on pense notamment à la n°7 qui était, une nouvelle fois, la meilleure arme d'Audi Sport avec son trio triplement victorieux. Elles ont passé trop de temps aux stands et il faudra d'ailleurs comprendre, pourquoi les R18 ainsi que les TS040 d'ailleurs, perdaient systématiquement de 4 à 5 secondes sur les 919 lors des simples refuellings ! Même en admettant que les 919 étaient en fait capables de boucler 13,9 tours avec leur capacité de réservoir contre 13,1 aux TS040 et R18, cela ne peut pas expliquer les 4 secondes de marge car il ne faut pas 4 secondes pour mettre les 5 litres d'essence que représente cette marge de sécurité mais moins de 2... Alors, à moins de considérer que les 919 possédaient encore plus de marge, qu'elles étaient en fait capables de boucler 14 tours (voire presque 15) mais que l'on n'a pas voulu prendre ce risque cette année ou tout simplement ne pas dévoiler cet avantage à la concurrence tant que la course ne l'imposait pas, il faut forcément orienter les recherches vers le système de refuelling utilisé par Porsche. Mais ou se trouve l'astuce ? C'est aux ingénieurs Audi et Toyota de trouver... Une chose est toutefois certaine concernant cette différence : en observant et chronométrant les arrêts des uns et des autres, c'est bien sur le seul refuelling et non sur les remises en vitesse de la voiture que cet écart de 4-5 secondes se fait... Lorsque l'on songe qu'il y a eu 30 arrêts pour les leaders, cela fait de 120 à 150 secondes à reprendre sur la piste ! Les Audi n'ayant finalement l'avantage de longévité escompté sur la tenue des pneumatiques, ce handicap dans les stands s'avérait véritablement crucial même si ce n'est pas lui qui finalement, suffît à faire pencher la balance définitivement dans le « clan d'en face ». Bref, il y a dans l'optique de 2016, des pistes de progrès chez Audi. Et si l'on songe que la R18 devrait encore voir son système hybride monter en gamme, on se dit qu'il y a même une sacrée marge de progression. Marge qu'il n'y a peut-être plus tout à fait chez Porsche...

Quelle marge de progression reste-t-i à la 919 ?

LM_2015_140Car les 919 étaient dès leur deuxième saison, drôlement optimisées. Le choix de la catégorie 8MJ a prouvé depuis le début de saison tous ses bienfaits. Les remises en vitesse des 919 ont quelque chose d'hallucinant ! Mais une fois la féé électricité arrivée à bout de souffle sur les longues lignes droites du Mans, le coffre du V6 TDI des R18 tenait la dragée haute au 4 cylindres turbo des 919 et permettait même aux Audi de sortir légèrement les Porsche de leur aspiration ! Alors, certes, les ingénieurs de Stuttgart parviendront toujours à améliorer leur création en vue de la revanche de 2016 mais il reste peu probable que l'amélioration soit aussi conséquente que celle dont nous avons été témoins cette année. S'il est un point dont on peut subodorer que Porsche améliorera l'année prochaine, c'est peut-être celui de l'autonomie. Car le gain dans les stands doit tout de même, en partie, être dû à un moindre besoin en carburant que ses concurrentes. Il ne serait donc pas étonnant de voir les 919 être en mesure de boucler 14 tours l'année prochaine. Si les petits « coups de frein » d'ores et déjà envisagés par les législateurs pour calmer les performances étonnantes des LMP1 ne les privent pas de cette possibilité.

LM_2015_149L'une des forces des 919 tout au long de cette course fut leur constance dans la performance. Mais il a beaucoup été dit que c'est au cours de la nuit que l'écart s'est fait avec Audi. L'analyse des chiffres n'est pas aussi claire. Faisons un comparatif entre la Porsche n°19 et l'Audi n°7. A 23 heures, l'écart est de 1"5 à l'avantage de la Porsche alors que l'Audi compte un pit-stop de plus. Bref, elles sont roues dans roues. 7 heures plus tard, l'Audi compte toujours un pit-stop de plus mais l'écart est monté à 56". En première lecture, effectivement, Porsche a creusé l'écart mais 54 secondes en 7 heures de course, ce n'est pas vraiment considérable. De plus, c'est surtout en début de nuit que l'Audi a lâché du temps. L'écart est en effet progressivement monté jusqu'à 1'16" à la mi-course avant qu'un superbe relais de Tréluyer, très constant, ne ramène cet écart à 56" au lever du jour. La domination nocturne de Porsche fut donc réelle mais plutôt marginale et ce n'est pas seulement là que la 919 n°19 a construit sa victoire. Car ces 54 secondes perdues sur la piste ne sont rien en comparaison des 7 minutes perdues au stand au petit matin. Il est donc clair que c'est surtout sur la fiabilité que Porsche a cueilli ses 17èmes lauriers... Au terme d'une édition qui fut un grand cru. Mais avouons-le, il nous reste un tout petit mais alors très petit goût d'inachevé. Ce fut serré, très serré pendant les deux tiers de l'épreuve et c'est déjà bien lorsque l'on se souvient d'avoir parfois suivi de véritables processions sur de précédentes 24 Heures. Mais nombres des 27 changements de leader évoqués en introduction ont eu lieu lors des arrêts aux stands. On peut encore franchir un cran dans l’intensité des duels en piste. Silverstone et Spa nous l'ont prouvé. On espère donc encore un peu mieux pour 2016. On espère des Toyota revenues au niveau. On espère des Audi et Porsche toujours aussi proches les unes des autres. On veut ces sommets d'intensité que cette course sait nous offrir. On veut un grand cru millésimé ! Soyons gourmands. N'est-ce pas cela qui fait le sel de notre passion ?

Laurent Chauveau