Bilan du WEC 2012, Tome 2 : Privés, P2, GT et communication... Imprimer Envoyer
Vendredi, 04 Janvier 2013 09:55

Rebellion_SpaLes cas Audi et Toyota ayant été abordés dans l’article d’hier, passons maintenant du côté des privés. Au rang desquels Rebellion Racing est évidemment le grand vainqueur de l’année. On ne peut plus parler de révélation après la belle saison 2011 mais on peut parler de confirmation ce qui n’est jamais simple. Bonne fiabilité , performance, équipage de haut niveau avec une mention spéciale à Neel Jani et Nico Prost, régulièrement devant Andrea Belicchi et Harold Primat, valent à l’équipe suisse de décrocher le trophée FIA pour les teams LMP1 avec 6 succès à la clé dont la 4ème place du Mans, brisant au passage l’attendu quadruplé Audi... Les soucis affectant Lola aurait pu déstabiliser l’équipe. Il n’en fut rien. On n’oubliera pas la victoire du Petit Le Mans qui, si elle n’a malheureusement rien à voir avec le WEC, constitue néanmoins une très belle ligne au palmarès, peut-être même encore plus belle ou en tout cas plus prestigieuse... Et cela n’est sans doute pas étranger à la décision de Bart Hayden d’aligner une voiture à temps complet en ALMS cette année…

Rebellion Racing, meilleur team privé !

Du côté des HPD, Strakka a dominé JRM, dont le niveau de performance a longtemps été assez décevant avant de s’améliorer en fin de saison, la n°22 obtenant même la pole des P1 à Shangaï pour la dernière course... Les ARX-03a ont toutefois souffert de deux facteurs face à Rebellion. Tout d’abord, chaque team HPD n’avait qu’une seule auto à sa disposition contre deux aux noir et or. Cela prive de jokers quand il s’agit d’aller chercher les 25 points de la première place. Chez Rebellion, lorsque la n°12 a connu des ennuis, c’est la n°13 qui a pris le relais et marqué les points.. Strakka et JRM n’avait pas cette latitude. De plus, les voitures étaient toujours équipées des pneus « étroits » Michelin dont le développement n’était plus assuré. D’après Adam Carter, ce choix avait été fait car les gommes larges impliquent l’utilisation de technologies peu souhaitables pour des privés. Pourtant, dès 2013, la ARX-03c utilisera bel et bien les pneus « larges »…

Starworks_SebringEn LMP2, les grandes satisfactions viennent de ADR-Delta et à un degré supérieur de Starworks qui assortit son excellente saison en WEC (trophée FIA pour les teams LMP2) d’une seconde place en Grand-Am ! Difficile de faire mieux surtout pour une première saison en endurance à l’européenne. La HPD blanche a été performante tout au long de la saison, remportant trois courses dans la catégorie dont Le Mans. Le clou de la saison est probablement venu de la première épreuve de l’année à Sebring. La troisième marche du podium au scratch malgré la présence de trois Audi et devant l’intégralité des LMP1 privées était évidemment un résultat totalement inattendu.

Quels débuts pour Starworks et ADR-Delta !

ADR-Delta_LMQuatre victoires de catégorie au cours de la saison n’ont pas suffi à ADR-Delta pour contrecarrer la domination de Starworks. L’équipe de Peter baron a été un peu plus régulière que celle de Alan Docking et la victoire du Mans ou les points comptaient double, pèsent lourd dans la balance à l’heure des comptes… Il est tout de même étonnant de constater à quel point cette saison LMP2 a été totalement dominée par deux équipes néophytes. Dur pour les habitués et l’hiver 2012-2013 doit imposer un certain nombre de remises en cause…

AF_Corse_LMEn GTE-Pro, AF Corse a marqué sa domination sur une Aston Martin Vantage officielle, souvent rapide mais moins régulière. Comme dans le cas des HPD face aux Lola Rebellion, Aston Martin a également souffert de n’avoir qu’une seule voiture à opposer aux deux Ferrari AF Corse. Dommageable pour un engagement officiel… Dans ce contexte, la Porsche 997 a souffert et même si Felbermayr a pu s’offrir un succès à Fuji, il est temps que la 991 vienne se dégourdir les jantes sur les pistes… Une chose est certaine concernant cette catégorie : lorsque l’on constate la qualité du plateau aligné en ALMS, celui présent en WEC n’est pas aussi riche en diversité. L’absence de BMW notamment est fort dommageable.

AF Corse et Larbre Compétition : à deux contre un !

Pour ce qui concerne le GTE-Am, je reste très sceptique quant à la présence d’une telle catégorie dans un championnat du Monde. Non pas tellement sur le niveau de pilotage qui n’est pas forcément toujours au summum dans les autres catégories (voir certains exemples affligeants en P2…) mais plutôt pour l’image qu’une telle catégorie renvoie. Une catégorie « amateur » dans un championnat qui se veut pro me parait être une totale incongruité. Je n’aime pas non plus l’idée d’imposer des quotas de pilotes argent ou bronze dans un championnat qui a enfin acquis l’appellation mondiale et qui devrait donc tirer le niveau vers le haut. Il est évident qu’à l’heure actuelle, le championnat ne vivrait pas sans ces gentlemen-drivers. Mais doit-on pour autant leur décerner un trophée ? Larbre_LMToujours est-il que dans ce contexte Larbre Compétition a dominé Felbermayr-Proton, donnant à Corvette son second titre de la saison avec celui acquis en ALMS par Corvette Racing ! Mais une nouvelle fois, l’équipe championne possédait deux voitures contre une seule à ses adversaires. Et cela a très nettement joué en faveur de l’équipe de la Vienne lors des manches de Silverstone et São Paulo ou la numéro 50 fut exclue. Ce fut alors la n°70 qui ramena de précieux points…

Au rang des franches déceptions de ce championnat, je classerai le OAK Racing. L’équipe a subi comme beaucoup d’autres, les problèmes dus au V8 Judd en LMP1 et si la voiture a souvent été performante, elle n’était pas fiable. Cela a même conduit les hommes de Jacques Nicolet à opter pour un changement de moteur en cours de saison en faveur du V8 HPD. Une opération lourde menée au cours de l’été et qui n’a pas été couronnée de succès, faute de temps pour la mise au point. En LMP2, le constat est quasi le même avec la frustration supplémentaire de posséder l’une des voitures les plus rapides du plateau mais pas assez fiable. Là encore, l’équipe a délaissé son Judd dès Silverstone mais le V8 Nissan connait des problèmes de démarreur récurrents qui ont affecté l’équipe. La quatrième place finale au classement LMP2 n’est probablement pas au niveau de ce que les bleus et orange attendaient… Pas plus que la sixième de Signatech Nissan. L’équipe de Philippe Sinault n’a guère été en réussite et ce même avec la seconde voiture qui ne participait pas au championnat. Là aussi, les problèmes de démarreur ont affecté les Oreca 03 noires et l’on peut s’étonner qu’un problème apparu en 2011 soit encore présent… Gulf Racing Middle East est également à mettre au rang des déceptions et ce, surtout, pour les trajectoires souvent aléatoires de certains de ses pilotes…

Ce WEC première cuvée a soulevé quelques inquiétudes lorsque son calendrier a été révélé. Deux premières épreuves distantes de plus de 6 semaines, puis après Le Mans, un trou de plus de deux mois avant d'affronter une fin de saison de folie avec 5 courses en deux mois sur trois continents différents. Les équipes de Championnat du Monde n'ont pas encore tout à fait l'assise financière de celles qui roulent en F1 et leur imposer un tel défi logistique n'était pas très logique. Toutefois pour une première saison, on peut comprendre qu'il faille le temps de mettre les choses en place et on pardonnera d'autant plus aisément que, contrairement à ce que l'on pouvait craindre, le plateau ne s'est pas trop dépeuplé pour ces compétitions éloignées des bases européennes. Toutefois, le calendrier 2013 persiste dans le break de deux mois post Le Mans. Dommage... Mais il reste sur un total de 8 courses ce qui parait être un bon compromis. Il faut un nombre d'épreuves suffisamment important pour s'assurer que le titre de Champion du Monde ait une valeur réelle mais dans le même temps, il ne faut pas asphyxier les teams avec un planning qui serait trop chargé.

Les bonnes surprises : Sao Paulo et Mont Fuji !

Depart_FujiLes points forts de ce calendrier furent sans surprise Le Mans et Sebring. Mais São Paulo et le Mont Fuji ont constitué de beaux succès populaires. C'est d'ailleurs assez surprenant que le public brésilien ait ainsi répondu présent après la triste et unique expérience des Mil Milhas dans le cadre des Le Mans Series en 2007... On se réjouit donc que ce championnat puisse ainsi s'appuyer sur ses piliers habituels (Le Mans, Spa, Silverstone) ainsi que sur ces nouveautés déjà qualifiées de réussites. Il est simplement dommage que l'ALMS et le WEC n'aient pu trouver un terrain d'entente afin de maintenir Petit le Mans au sein de ce calendrier. Hélas, cette absence de la classique géorgienne n'était qu'un avant-goût. En 2013, Sebring ne fera pas partie du WEC et l’on peut douter qu’elle n’y revienne avant fort longtemps avec la fusion en 2014 entre le Grand-Am et l’ALMS… C'est une page immense qui se tourne. Les 12 Heures continueront à connaître le succès populaire, n'en doutez pas et c’est bien mérité. Pour ce qui concerne la future manche américaine du WEC qui se déroulera à Austin, il est permis d'être plus sceptique et ce même si la Formule 1 y a connu un très beau succès en novembre dernier. Une chose est sûre, ce nouveau circuit n'a absolument pas le charme des classiques tracés à l'américaine. On gagnera en sécurité ce que l'on perdra en pittoresque... Le cas de Bahrain prête encore moins aux incertitudes. Les tribunes y sont vides… Mais il faut bien admettre que cette course a au moins eu le mérite, en étant disputée à moitié de nuit, d’offrir des images magnifiques. Les photographes ont dû s’en donner à cœur joie !

Depart_GT_LMLe plateau a constitué l'une des satisfactions de cette saison de relance. Malgré les disparitions de Pescarolo Team et Luxury Racing, il y avait 28 voitures au départ de l'ultime épreuve à Shanghai. Pas si mal. Dans un tel concert, le LMP2 est devenu la catégorie reine du point de vue quantité mais également souvent du point de vue baston en course. Le GTE Pro faisait un peu figure de parent pauvre tandis que le LMP1 était bel et bien scindé en deux : Les usines d'un côté, qu'elles soient en essence ou en diesel, et les privés de l'autre. Et l'écart de performance est souvent bien supérieur aux fameux 2% décrétés par les législateurs tournant plutôt autour des 2,5 à 3% (2,02% à São Paulo contre 3,14% à Bahrain et Shanghai, calcul effectué sur la durée de la course et non sur les 20% des meilleurs tours en course comme le stipule le règlement). Alors certes, un réajustement aurait probablement dû être appliqué afin de permettre aux privés de remonter leur niveau de jeu. Mais à la lecture des résultats bruts des 8 manches du WEC, cela n'aurait permis, sur aucune de ces courses, à la meilleure LMP1 privée de gagner la moindre place au classement ! Toutefois, on peut et on se doit de s'inquiéter de l'avenir des privés en LMP1. Certes, pour l'instant, deux usines sont présentes et donnent de l'intérêt à la course. Certes, même si rien n'est encore fait, on peut espérer que Toyota reste en 2014 ce qui avec le maintien certain d'Audi et l'arrivée annoncée de Porsche porterait à trois le nombre de ces équipes officielles. Sans compter d’autres projets éventuels encore secrets. Mais il faut savoir tenir compte des soubresauts de l'histoire. Il faudrait ne pas oublier que l'on est passé de cinq usines au départ en 1999 à une seule l'année suivante... Le retrait de Peugeot devrait servir de leçon. La décision de Rebellion Racing d’aligner une voiture en ALMS devrait également éveiller les consciences. N'est-il pas indispensable de donner un coup de pouce supplémentaire aux privés ? 2% au Mans, c’est 8 tours soit presque une demi-heure de retard. Ne serait-il pas vital de réduire un peu cet écart ? S’il traduit effectivement un différentiel conséquent de moyens de conception et de développement, il place également les teams privés dans une situation intenable sur le long terme. Les sponsors des privés ont besoin de visibilité, eux aussi… Bien évidemment, en cas de retrait total et soudain des usines, le plateau ne souffrirait pas forcément d’une absence de protos étant donné la santé actuelle du LMP2. Mais il serait tout de même dommageable de ne voir que 4 à 6 voitures en découdre à l’avenir dans la catégorie reine or j’ai déjà exprimé mes doutes concernant l’équivalence réservée aux privés dans le règlement 2014…

Une communication en progrès mais toujours perfectible

Je terminerai par l’aspect communication de ce championnat. S’il y a bien évidemment des aspects à améliorer largement, l’énorme point positif vient de la mise en ligne d’un live streaming pour chacune des courses. Le dispositif marchait très bien et permettait à ceux qui ne reçoivent pas Eurosport ou MotorsTV de suivre tout de même les courses. A maintenir ! Par contre, le point faible vient du site officiel dans son ensemble. Le live-timing plantait assez régulièrement mais surtout, les écarts étaient parfois très fantaisistes. Il n’était pas non plus très pratique à utiliser puisqu’il ne donnait pas, notamment, le nombre d’arrêt aux stands par voiture. A revoir. De même que la partie « classements ». Car si vous consultez le classement à la saison et les résultats course par course, ils ne correspondent pas entre eux. Ainsi, dans les classements des courses de Silverstone et de São Paulo, on voit toujours la Corvette Larbre n°50 apparaître alors qu’elle en a été exclue. Le classement à la saison tient lui bel et bien compte de ces deux incidents de parcours (et heureusement…). Il y a là un manque manifeste de sérieux… Quant aux communiqués de presse, ils sont plus nombreux pour le championnat ADAC GT que pour le WEC, cherchez l’erreur... De plus, à l’heure d’internet et de la rapidité de l’information, ils arrivent parfois un peu tardivement.

Par ailleurs, cela ne concerne pas directement les organisateurs du WEC mais il faut bien constater que les reportages en direct offerts par Eurosport ne sont pas de très bonnes qualités. Et indirectement, cela rejaillit sur l'image du championnat. Les commentaires ne sont absolument pas satisfaisants pour le passionné, souvent plus connaisseur que les commentateurs eux-mêmes. Mais sur les chaines de télé, on préfère souvent les gens connus qui ont de la gouaille, quitte à ce qu’ils lachent quelques contre-vérités au micro, à ceux qui parlent peut-être avec moins d’enthousiasme exacerbé mais de meilleures connaissances… De ce point de vue, l'équipe de commentateurs de MotorsTV est souvent bien meilleure que celle d'Eurosport.

Il est normal et logique que tout ne puisse pas être parfait pour une première saison. Mais malgré les nombreuses critiques soulevées, le bébé est sur les rails et plutôt bien lancé. Reste à voir jusqu’où la voie va nous mener. 2013 constituera un palier important de développement avant ce que l’on pourra considérer comme le lancement véritable en 2014 avec un nouveau règlement en P1 et le retour de Porsche. Tout cela se déroule, de plus, dans un contexte de crise internationale sévère qui n’arrange rien dans un sport aussi gourmand en ressources financières…

Laurent Chauveau

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