Les enseignements de la Journée Test Imprimer Envoyer
Samedi, 09 Juin 2012 20:45

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_2A l'approche de la grande semaine du Mans, revenons un instant sur ce qu'il s'est passé sur le circuit de la Sarthe le week-end dernier en analysant d'un peu plus près les partiels ou relevés de vitesse maxi. Histoire de se faire une meilleure idée des forces en présence. Certes, les informations relevées lors d'une journée d'essais libres sont toujours sujettes à caution. Qui sait réellement avec quelle quantité de carburant à bord, tel pilote a fait son meilleur chrono ? Qui sait à part lui et son équipe dans quel mode il était à ce moment précis : Full attack ou Cruise control ? Bref, il faut savoir rester prudent. Cependant, la Journée Test de l'an passé nous avait donné des infos finalement très justes de ce que serait le duel de la mi-juin. Les Audi R18 avaient été rapidement rapides. Dès les premiers tours de piste, elles avaient enquillé les chronos « vites ». Pour les 908 new generation, cela avait été plus long à venir. Et à la fin de la journée, on retrouvait deux Audi aux deux premières places, 5 voitures groupées en 6 dixièmes. Il en fut exactement de même lors des qualifs : Deux Audi devant et 6 voitures groupées en moins de 6 dixièmes. Un resserrement des valeurs qui indiquait une course serrée. Nous savons tous ce qu'il en fut... Alors, la Journée Test est-elle celle du grand bluff ? Probablement, oui. Mais quasiment autant dans chaque camp. L'on peut donc se risquer à quelques conclusions...

Toyota plus "vite" mais...

Voiture Vmax
Toyota #7 331,1
Toyota #8 330,1
Audi #2 327,1
Audi #3 326,1
Audi #4 325,2
Audi #1 322,3
Dome Judd #17 322,3
HPD #21 320,4
Lola Toyota #13 314,9
HPD #22 314,9
Lola Toyota #12 313,1
Pescarolo 03 Judd #16 312,2
OAK Pescarolo Judd #15 311,3
Morgan Judd #24 308,6
Nissan Deltawing #0 306,9
Morgan Nissan #35 306,9
HPD #33 304,3
HPD #95 303,5
HPD #44 302,7
Oreca 03 Nissan #46 302,7
Zytek Nissan #38 301,0
Oreca 03 Nissan #26 300,2
Lola Judd #30 300,2
Zytek Nissan #41 300,2
Zytek Nissan #42 300,2
Oreca 03 Nissan #19 299,3
Oreca 03 Nissan #23 299,3
Oreca 03 Nissan #45 299,3
Oreca 03 Nissan #25 298,5
Oreca 03 Nissan #48 297,7
Oreca 03 Nissan #49 297,7
Lola Nissan #28 295,3
Oreca 03 Judd #40 294,5
Lola Nissan #29 293,7
Norma Judd #43 292,1
Ferrari 458 Italia #59 292,1
Ferrari 458 Italia #51 291,4
Corvette C6-ZR1 #74 291,4
Lola Lotus #31 289,8
Ferrari 458 Italia #71 288,3
Ferrari 458 Italia #66 287,5
Corvette C6-ZR1 #73 287,5
Porsche 911 RSR #79 287,5
Porsche 911 RSR #80 287,5
Corvette C6-ZR1 #50 286,8
Ferrari 458 Italia #58 286,8
Porsche 911 RSR #67 286,8
Ferrari 458 Italia #83 286,8
Aston Martin Vantage #97 286,8
Porsche 911 RSR #88 285,3
Ferrari 458 Italia #57 284,5
Ferrari 458 Italia #61 284,5
Porsche 911 RSR #76 284,5
Porsche 911 RSR #77 284,5
Aston Martin Vantage #99 284,5
Porsche 911 RSR #55 283,8
Corvette C6-ZR1 #70 283,8
Ferrari 458 Italia #81 280,9
Oreca FLM 09 #90 280,2
Oreca FLM 09 #91 280,2
Lola Lotus #32 279,4

Première conclusion : La Toyota TS030 HYBRID est « vite ». Présent en salle de presse, le directeur du défunt Team Peugeot Total, Bruno Famin, confiait : « c'est l'école Dome... » Petite phrase lourde de sens mais qui se vérifie lorsque l'on regarde les relevés de vitesse maxi de cette Journée Test. Les deux petites nouvelles ne laissent à personne, le soin de s'arroger le « ruban bleu » des Hunaudières. Et l'on sait que les Dome ont toujours été rapides sur la route de Tours... Comme vous pouvez le constater dans le tableau ci-contre, les n°7 & 8 sont les seules à dépasser les 330 km/h en pointe soit un avantage de taille sur les Audi R18 distancée de 4 km/h pour la meilleure d'entre elles. (NDLA : la Vmax semble avoir été mesurée à l'approche de la première chicane des Hunaudières.)

Il faut toutefois savoir interpréter ces chiffres car on le sait, le secteur 2 du circuit est celui qui débute à la sortie du Tertre Rouge et se termine à l'approche de Mulsanne. Bref, c'est celui qui intègre les « trois lignes droites des Hunaudières » soit le secteur le plus rapide des trois qui composent le circuit de 13,629 km. Or sur ce tronçon, l'Audi n°1 aux mains de Marcel Fässler -bizarrement « lente » car radarisée à « seulement » 322,3 km/h- décroche pourtant le second chrono en 1'19"918 contre 1'19"768 à la Toyota d'Alex Wurz. Difficile à comprendre ! Une explication pourrait être une remise en vitesse très rapide de l'Audi grâce à ses moteurs électriques compensant une finesse un peu moindre, celle-ci expliquant une Vmax un peu faible. Mais expliquant également un possible surplus d'appuis qui se traduit par un troisième secteur à l'avantage des Audi. Car le troisième secteur, qui compte notamment les passages très rapides dans Indianapolis puis la « nouvelle section » met bel et bien en valeur les qualités du châssis. Et là, ce sont trois Audi qui s'octroient les trois premières places. L'Ultra n°3 y devance les deux e-tron quattro même si l'écart avec la n°2 est insignifiant : 1'33"437 contre 1'33"463. La Toyota n°7, meilleure des deux TS030 est en 1'34"092 soit plus de 6 dixièmes. Cela corrobore l'hypothèse d'une plus grande finesse sur les Toyota et d'une meilleure tenue de route sur les R18. Ce qui n'a rien d'étonnant puisque déjà l'an passé, les Audi avaient excellé dans ce domaine, Tréluyer nous en administrant une démonstration magistrale dans la matinée du dimanche... Et Benoit confirme d'ailleurs que la R18 e-tron quattro de 2012 se comporte mieux que la R18 TDI de 2011. On imagine donc ce qu'il en est pour la R18 Ultra, non équipée du système hybride et par conséquent au centre de gravité placé plus bas... Ce qui favorise l'agilité de l'auto ainsi que sa vitesse de passage...

...Audi plus appuyé !

th_LM2012_Toyota_TS030_HYBRID_7Si l'on analyse les partiels spécifiques du virage Porsche, le différentiel entre Audi et Toyota est très étonnant. Les quatre R18 y sont les plus rapides. Marc Gené signe le meilleur chrono en 15"556 -preuve en passant que l'espagnol a totalement oublié son incroyable envol de 2008 en ce même endroit...- Il y passe à 261 km/h ! Dans le clan Toyota, c'est Anthony Davidson sur la n°8 qui passe le plus fort. Mais sur un partiel si court, il prend bien plus d'une seconde : 16"821 ! La différence de vitesse de passage est encore plus parlante : 241 km/h seulement. Alors soit la TS030 HYBRID manque vraiment d'appui par rapport à la R18, soit il y a une autres explication. L'on sait que Toyota Racing ne dispose d'aucune coque de rechange donc les pilotes avaient pour consigne de ne surtout pas sortir. A cet endroit, les murs de béton frôlent la piste, on peut comprendre que ce soit l'endroit ou l'on assure le plus. D'où un écart qui grimpe en flèche spécifiquement à cet endroit. Possible mais il est difficile d'être affirmatif... Ce qui est sûr, c'est qu'à cet endroit, les meilleures LMP1 privées ne sont pas bien loin des Toyota : 17"263 pour la Lola Toyota du team Rebellion, la plus rapide d'entre elles.

Les P2 rapides dans le Porsche !

LM2012_Nissan_DeltaWing_01Mais ce qui est vraiment bluffant, c'est de voir que ce sont ensuite trois P2 qui passent le plus fort à cet endroit ! La meilleure d'entre elles est la Oreca 03 Nissan n°23 du team Signatech en 17"274 devançant les deux Morgan du Oak Racing sous les 17"4... 0"4 entre la meilleure Toyota et la meilleure LMP2 à cet endroit, qui l'eut crû ?... Intéressant aussi de voir que la Nissan Deltawing est dans ce virage très rapide, relativement en queue de peloton des LMP2. Alors que sa vitesse de pointe (306,9 km/h) la place quasiment devant l'intégralité des protos de cette catégorie, seule la Morgan Judd n°24 étant plus rapide en 308,6 km/h. Preuve que cette petite auto est très fine et peu appuyée ce qui semble normal avec un petit moteur et une puissance faible. Pour autant, elle ne constituera pas la chicane mobile tant redoutée étant donné qu'elle est plus rapide que l'intégralité du plateau GT dans la section Porsche.

Si l'on se penche de nouveau sur les Vitesses maxi, on s'aperçoit que la Dome reste effectivement une flèche en vitesse de pointe. Bien qu'elle soit passée aux pneus larges entre sa seule venue en 2008 et cette année, la belle blanche file : 322,3 km/h, c'est aussi rapide que l'Audi n°1. Malgré tout, elle perd plus de 5 secondes dans le deuxième secteur. Preuve que si elle va vite, elle met du temps à atteindre sa Vmax. Manque de puissance du Judd ? Probablement oui. Mais on peut penser aussi que l'extrême finesse de la voiture se paie dans les virages. Car bien plus significatif est la différence de vitesse dans le troisième secteur ou la S102.5 perd presque 7 secondes ! Le nouveau kit aéro des HPD ARX-03a apparu spécifiquement pour Le Mans apparaît comme assez réussi. Non seulement la n°21 dépasse -de peu certes- les 320 km/h mais elle est également la plus rapide des privées sur un tour complet. De plus, les deux P1 HPD précèdent l'ensemble des P1 essence du Tertre Rouge jusqu'à Mulsanne devant les deux Lola du team Rebellion... Mais au retour depuis Mulsanne, la tendance s'inverse : les n°12 et 13 précèdent les n°21 et 22.

Observons maintenant les différences entre GT et protos. Sans surprise, la différence est grande dans les bouts droits. La Ferrari n°59 du Luxury Racing est la plus rapide des GT en Vmax mais la n°97 rend tout de même près de 40 km/h aux Toyota. Plus impressionnante est la différence de vitesse de passage dans les grandes courbes. L'Aston Martin Vantage est la plus « facile » des GT dans le Porsche, pourtant elle y passe 60 km/h moins vite que les Audi ! 60 km/h dans une courbe avec peu de visibilité. Je vous laisse imaginer les sensations...

Dans l'idéal, Toyota plus proche encore...

Terminons avec l'étude des tours idéaux, ces chronos virtuels sur un tour qui s'appuient sur l'addition des trois meilleurs secteurs de chaque voiture. L'Audi n°2 y conserve le meilleur chrono de la journée, en 3'25"776 contre un 3'25"927 réel... C'est moins bien pour l'Audi n°1 qui reste à 5 dixièmes de son tour idéal. Quant à Toyota, on sait qu'Alex Wurz a été interrompu par le drapeau rouge dans sa tentative contre le chrono. Est-ce qui explique une différence de près d'une seconde entre l'idéal et le réel ? Ce qui est sûr, c'est que le 3'26"339 virtuel de la n°7 l'aurait placé devant le 3'26"468 réel de la n°2. Les qualifs pourraient bien valoir le coup d'œil !

Ah oui, sachez juste une dernière chose pour situer la vraie valeur du chrono d'Allan McNish en ce dimanche 3 juin. Il ne s'agissait pas d'un tour avec pneus spéciaux et peu de carburant à bord. Non c'est un chrono qui est tombé tout naturellement au milieu d'une relais assez long en piste avec plusieurs passages en 3'27" et 3'26". Il ne fait donc aucun doute que c'est un temps que l'on reverra donc régulièrement en course si la météo nous en laisse l'occasion. Les fameuses 3'30" vont de nouveau voler en éclat ! Eternelle course entre les ingénieurs et les législateurs...

Laurent Chauveau