Hugues de Chaunac : Un Championnat du monde, c'est une double chance. Imprimer Envoyer
Mercredi, 08 Juin 2011 14:51

Hugues_de_ChaunacHugues De Chaunac est un homme expressif. De la détresse du Mans 2010 après l'abandon de « sa » 908 à la joie de Sebring 2011, le patron de l'écurie de Signes ne cache pas ses émotions. A la veille des premiers essais de ces 79èmes 24 Heures du Mans, les sujets de discussion ne manquaient pas. Entretien avec un homme toujours aussi passionné, 35 ans après la première présence de son écurie au Mans.

Hugues, on ne peut y échapper, c'est LE sujet de la semaine. Quel est votre avis sur l'annonce de l'ACO concernant la création d'un Championnat du Monde d'Endurance ?

« Je pense que c'est un très bonne chose à double titre. Aujourd'hui, nous avons un programme annuel avec un seul événement réellement reconnu, les 24 Heures du Mans. On n'a pas vraiment le droit à l'erreur. Avec un Championnat du Monde labellisé FIA, on a en quelque sorte droit à une deuxième chance. On peut louper ses 24 Heures mais avoir une chance de se rattraper en jouant le Championnat du Monde. Et inversement, on peut rater sa saison mais la rattraper en brillant aux 24 Heures du Mans. Cela nous met dans une bien meilleure position pour discuter avec des partenaires. Car on leur offre une plate-forme bien plus complète. Cela leur donne une plus grande confiance en supportant un tel programme. C'est le premier argument fort.

Le second, cela ne peut être que plus attractif pour de nouveaux constructeurs car ils ne jouent pas tout sur une course ou intervient une part de roulette russe. Ils ont une saison entière pour se rattraper avec un titre à la clé, labellisé FIA.

Donc j'y suis particulièrement favorable car cela ne peut qu'aider les équipes à se développer, qu'aider à attirer de nouveaux constructeurs. C'est une très bonne chose. »

Vous dites qu'aujourd'hui, il n'y a qu'une seule grande course d'endurance : Le Mans. Or vous venez de gagner Sebring et cela n'a pas été anodin pour vous.

« Oui mais c'est seulement la première année ou Sebring figure à un calendrier international. Il s'agit évidemment de l'une des deux grandes courses mythiques, Le Mans restant numéro 1, Sebring en numéro 2. Les autres épreuves ne sont pas au même niveau de notoriété. »

Petit Le Mans commence à devenir une classique pourtant ?

« Oui mais en comparaison, pour nos partenaires, cela reste un peu en retrait du Mans ou de Sebring. Ceci dit, le fait d'intégrer un Championnat du Monde lui donnera beaucoup plus d'ampleur. »

Quel a été pour vous, l'impact de la victoire de Sebring, notamment vis-à-vis des partenaires ?

« Cela n'a pas d'impact direct dans le sens ou le lendemain, un nouveau partenaire ne vient pas frapper à votre porte et vous proposer de faire partie de l'aventure. Par contre, cela a un impact très fort en terme d'image de marque, de crédibilité. C'est un peu comme gagner un titre de Champion du Monde. Lorsque vous allez discuter avec un partenaire ou un constructeur, vous êtes l'équipe qui a gagné l'une des deux plus grandes courses du Monde. C'est très fort. »

Bien que ce soit une course américaine, elle a des retombées à l'échelle française ou européenne ?

« C'est une course qui a des retombées véritablement internationales, pas seulement américaines. »

Pensez-vous que le « socle ILMC » dont parle le communiqué de presse de l'ACO, est déjà suffisamment solide, suffisamment prêt pour passer à l'étape supérieure ?

« Plus qu'un socle, je parlerai de première pierre de l'édifice qu'il était indispensable de poser ce que l'ACO a fait. Mais l'ACO et la FIA doivent construire ensemble un vrai Championnat du Monde. L'ACO connait le cahier des charges de la FIA pour mettre en place un tel championnat. Deux choses sont fondamentales, aussi importantes l'une que l'autre. Tout d'abord, le plateau qui sera présenté : la qualité des voitures engagées, des concurrents et des constructeurs impliqués. Ensuite, la communication, le marketing et la télévision qui vont faire de ce championnat, un événement mondial. L'ACO a parfaitement réussi cela avec les 24 Heures du Mans et doit maintenant transposer cela aux autres épreuves du Championnat du Monde. »

A ce jour, Oreca est donc une équipe intéressée par un tel championnat comme vous l'avez été par l'ILMC ?

« Oui, nous le sommes. Maintenant, pour être en mesure de le faire, il va falloir séduire des partenaires. Pour le faire correctement, il va falloir également pouvoir compter sur le soutien d'un grand constructeur. J'aimerai bien pouvoir continuer avec Peugeot. Cela va dépendre de ce qu'ils souhaitent faire. Mais sans le soutien d'un grand constructeur, je ne vois pas très bien notre place dans ce championnat. »

Est-il plus facile de convaincre un partenaire de vous suivre à partir du moment ou il y le label Championnat du Monde ?

« Je ne dirai pas que c'est plus facile, je dirai que ce sera peut-être un peu moins difficile. Il y a une nuance... Mais de toute façon, pour Oreca, cela passe avant tout par le soutien d'un constructeur. »

Une question un peu naïve. En imaginant que ce label soit arrivé dès 2011, cela vous aurait-il permis de mener à terme le projet Oreca 02, c'est à dire mettre la voiture sur la piste ?

« La voiture existe, elle est prête dans les ordinateurs. Elle sortira peut-être en 2013, peut-être plus tard, elle séduira peut-être un jour un grand constructeur. Elle continue de vivre, les ingénieurs travaillent toujours dessus mais seulement de manière virtuelle. Ce n'est pas un Championnat du Monde qui nous aurait de toute façon, permis d'en lancer la fabrication. »

Venons-en maintenant au Mans 2011. N'est-ce pas pour vous une situation frustrante de ne disposer que de l'ancienne 908, bridée qui plus est par rapport aux nouveaux diesels ?

« Si, bien sûr que ça l'est. Maintenant, nous n'avions pas le choix. Peugeot n'avait pas la possibilité de nous fournir le nouveau modèle avant le mois d'Avril, voire Mai. Nous n'aurions pas été en mesure de nous préparer correctement. Nous avons donc préféré repartir avec l'ancienne voiture. Finalement, ça s'est avéré être un bon choix puisque, grâce à notre fiabilité, nous avons pu réussir une course fabuleuse à Sebring et nous y imposer. Pour ce qui concerne Le Mans, nous allons faire notre course tout seul, sans nous occuper des autres, en jouant la fiabilité à fond et avec le souhait de voir un petit peu de dégâts devant. Nous n'aurons pas la performance pour nous mais la fiabilité et la volonté. »

Comment vivez-vous votre relation avec Peugeot Sport ? Dans ce sens ou l'on a un peu l'impression que vous êtes placés en « réserve de la République »...

« Ca se passe très bien. Et nous n'avons pas ce rôle. Si l'on prend la course de l'an passé, sans notre problème de transmission à la mi-course qui nous fait perdre 10 minutes, nous aurions pris la tête immédiatement après l'abandon de la n°2. Nous menions notre course. »

Mais si on regarde le début de course, on a un peu l'impression que vous étiez là pour maintenir les Audi derrière vous et derrière les Peugeot usine...

« Non, là, c'était un choix purement Oreca. Nous n'avions qu'une voiture en course, nous ne voulions pas prendre de risque inconsidéré dans le premier relais pour faire beau devant la télévision. Nous voulions avant tout être sûr de tenir 24 Heures. On ne nous avait pas demandé de lever le pied. C'était une stratégie Oreca. Il ne servait à rien de venir s'ébattre au milieu des Peugeot officielles. Nous faisions notre course. »

Puisque l'on parle de relation client-constructeur, comment ont réagi vos clients en voyant que vous engagiez une Oreca 03 aux 24 heures du Mans face aux leurs ?

« Ils ont bien réagi d'autant qu'ils le savaient à l'avance. Nous le leur avions annoncé au cours de nos négociations avec eux. Nous voulons rendre cette voiture la plus performante possible. Et pour cela, la meilleure solution est d'avoir des informations directes en la faisant courir nous-mêmes, uniquement aux 24 Heures du Mans et sur aucune autre course. »

C'est une situation qui pourra se reproduire l'année prochaine ?

« Non, je ne pense pas que ce soit utile. Nous aurons bien fait le tour du problème et au contraire, nous serons là pour aider nos clients à s'imposer. »

Si Oreca est présent l'an prochain, ce sera donc probablement avec la nouvelle 908 ?

« C'est une bonne hypothèse. »

Le Mans 2010, vous finissez l'épreuve en larmes. Sebring 2011, vous finissez également la course en larmes. Mais j'imagine qu'elles n'avaient pas le même goût ?

« Il est sûr que ce n'était pas les mêmes larmes. Ce n'était pas les mêmes émotions. A Sebring, je pense que toute la rage du Mans 2010 est ressortie et je ne suis plus parvenu à contenir mes émotions. Je suis un passionné, je vis la course fortement et je pense que ça donne de l'humanité à la course automobile. »

Il est clair que ces pleurs sur le muret des stands de Sebring 2011 constituaient une image très forte. Souhaitons qu'Oreca et son patron, puissent revivre rapidement d'aussi jolis moments.

Laurent Chauveau