6 Heures du Castellet : Pescarolo Team échappe au cafouillage... Imprimer Envoyer
Dimanche, 03 Avril 2011 20:13

th_01_HTTT_PescaroloOn aurait aimé ne parler que de cet incroyable retour au sommet des Verts. On aurait aimé ne parler que du joli duel en piste entre Manu et Jean-Christophe. On aurait aimé ne parler que de cette belle baston entre Fisichella et Bell. On aurait aimé se réjouir du baptème en course de l'Aston Martin AMR-One. On aurait aimé ne parler que de sport. Hélas, la première course de la saison Le Mans Series a été marquée par de nombreux évènements qui laissent un goût amer au soir de ces 6 Heures du Castellet.

Faute majeure

De mémoire, on a rarement vu un départ de course automobile aussi cafouillé. Peut-être faut-il remonter au GP de F1 de Monza de 1978 de sinistre mémoire, pour trouver trace d'un tel fiasco. Heureusement, en ce dimanche provençal ensoleillé, les conséquences n'ont été que mécaniques, nul pilote n'a été blessé. Mais comment cela a-t-il pu se produire ? Nous sommes à la fin du tour de chauffe et le peloton est regroupé derrière le safety-car. Lorsqu'il s'engage sur la ligne droite des stands, celui-ci reste en piste devant la meute et les commissaires agitent les drapeaux jaunes, d'autres sont verts et ce qui va provoquer la « cagade », c'est ce feu qui passe du rouge au vert... Incroyable, les premiers pilotes n'accélèrent pas car ils voient malgré tout le safety-car qui les précède toujours. Mais derrière, certains commencent par mettre le pied à la planche avant de freiner tout aussi fort. Comme un effet d'accordéon que nous avons tous connu un jour sur l'autoroute, l'immanquable se produit un peu plus loin dans le peloton, au niveau des GTE en fait. Comme l'a dit Richrd Lietz, « on s'est précipité dans un mur de voitures où nous n'avions aucune sortie de secours. » Le carambolage général est inévitable. Et fait incroyable, ce sont surtout les meilleures Porsche GT3 RSR qui sont touchées (et bien touchées...) La course des GTE est décapité avant même que le départ réel ne soit donc réellement donné !

Les deux Porsche IMSA rentrent aux stands avec de gros dégâts ainsi que la Porsche Felbermayr Proton de pointe ainsi que celle du team Prospeed. L'Aston Martin Vantage du team Jota a elle aussi subi des dommages dans cette pagaille. La piste est encombrée à tel point que lors du passage suivant, les concurrents empruntent la voie des stands afin de laisser les commissaires opérer... Les Porsche n°77 et 75 ne repartiront pas. La n°76 du team IMSA repartira après un très long arrêt mais ne fera que deux tours, une nouvelle pièce ayant cassé en conséquence du premier choc. La n°67 termine la course à 33 tours des meilleures GTE et l'Aston Jota est encore plus loin. Une course ruinée pour cinq équipages. D'autant que le départ réel a été donné quelques minutes plus tard seulement après que le safety-car se soit enfin écarté à 12H08. Devant une erreur aussi manifeste de la direction de course, on aurait pu penser que le minimum de tact eut été de laisser le temps aux teams impliqués de tenter de réparer leur auto ou au moins de constater si cela était possible ou pas. On aurait pu (du ?) interrompre cette course au drapeau rouge et ne la relancer qu'une fois les constatations faites. On imagine que dans le camp Porsche, on doit fort peu gouter une telle situation, donnant avant même le départ, course quasi gagnée à l'adversaire.

Pourquoi ce feu est-il passé au vert alors que le safety-car restait en piste et que les commissaires agitaient leurs drapeaux jaunes ? Pourquoi une telle confusion à la direction de course ? On ne comprend pas comment cela a pu se produire... Mais cela est inadmissible et renvoie une image négative de la série... Surtout que la suite des évènements n'a guère été plus glorieuse. Lorsque l'on a vécu les 12 Heures de Sebring deux semaines plus tôt, on ne peut que regretter la façon dont sont gérées les neutralisations de course de notre côté de l'Atlantique. Après 10 minutes de course, la Zytek du team Quifel explose un pneu au bout de la ligne droite du Mistral, probablement suite à un passage sur les débris du carambolage initial. Le capot arrière part en petit bout sur la piste ce qui justifie pleinement la décision de neutraliser l'épreuve derrière les safety-cars afin de nettoyer le ruban d'asphalte. Mais comme on en a coutume chez nous, on ne laisse pas les concurrents attardés repasser le safety-car et rattraper leur retard. Au contraire, en s'intercalant entre la Lola Rebellion n°12 alors en tête et la Oreca Nissan n°46 désormais seconde, les deux Audi de la direction de course ont créé un écart artificiel d'un demi-tour. Il serait peut-être temps de se poser la question suivante. Préfère-t-on une course à l'américaine ou les Full Course Caution regroupent artificiellement les meilleurs offrant à chaque fois de superbes bastons en piste ? Ou une course à l'européenne ou les Safety-Cars creusent des écarts impensables (et tout aussi artificiels) au détriment du spectacle ? Pour ma part, le choix est vite fait. Les équipes, mêmes les européennes qui font le déplacement vont parfois jusqu'à déclarer leur amour de la course aux US et ce n'est pas pour rien. Bien sûr, la solution américaine impose des neutralisations plus longues le temps de gérer ces mouvements dans le peloton et n'a donc pas que des avantages. Mais les 12 Heures de Sebring sont restées serrées jusqu'au bout nous offrant un beau suspense. Suspense que nous n'avons pas vécu aujourd'hui au Castellet.

Les Verts font le sans-faute

01_HTTT_Pescarolo_2On pourrait continuer la liste des complaintes liées à ce week-end avec notamment une réalisation TV toujours pas vraiment à la hauteur et des commentateurs de Motors TV parfois un peu perdus concernant les écarts en piste. Mais on préfèrera se réjouir de la victoire des Verts ! Après une « saison blanche et sèche », le retour des hommes d'Henri Pescarolo était attendu de pied ferme et avec un fol espoir au cœur de ses nombreux fans. L'équipe a été fidèle à sa légende et a immédiatement renoué avec la victoire au terme d'une course parfaite. Parfaite notamment dans sa gestion de ce fameux et triste faux-départ. La Pescarolo 01 partait en fond de grille suite à un déclassement après les qualifs pour hauteur de patin non-conforme de deux millimètres. Elle était donc éminemment exposé au « carton » qui s'est produit devant. Pourtant, il semble que l'on ait bien communiqué par la radio car Christophe Tinseau n'a pas semblé pleinement accéléré dès la sortie du virage du Pont. Il a donc ainsi eu tout le temps d'apprécier le capharnaüm devant lui et de trouver le passage. Bravo ! La suite de la course a été sans faute. Chaque pilote a fait des double-relais sans faute avec une mention au débutant dans l'équipe, Julien Jousse dont les chronos étaient parfaits. Christophe a quant à lui très rapidement ramené l'auto en tête, bien plus vite qu'imaginé par l'équipe d'ailleurs... Enfin Manu Collard a parfaitement achevé le travail, signant le meilleur tour de la voitures sur une piste s'améliorant et gérant longtemps au mieux son joli duel avec son vieux complice, Jean-Christophe Boullion. Bravo les verts, vous avez été dignes de la confiance placée en vous cet hiver par vos partenaires et ceux sans qui rien n'aurait été possibles, Joël Rivière et Jacques Nicollet...

01_HTTT_Lola_Rebellion_13Après la Pole Position signée Neel Jani, on voyait Rebellion bien parti pour aller enfin chercher une première victoire, surtout que l'équipe possède l'avantage, par rapport à ses concurrentes de pouvoir s'appuyer sur deux autos au lieu d'une. Et toutes deux sont très bien pilotées. Neel Jani confirmait d'ailleurs sa prestation des essais en prenant un excellent envol. Jean-Christophe Boullion n'était pas loin derrière mais on l'apercevait très vite en tête à queue dans le virage du Pont, la portière droite étant ouverte, cause ou conséquence ? Toujours est-il qu'il lui fallait déjà repasser par le stand pour la refermer. Mais le mal ne sera définitivement réglé qu'après plusieurs arrêts ce qui explique que la n°13 soit repassée à dix reprises aux stands contre sept seulement pour la Pescarolo victorieuse... A part cela, le rythme de la voiture était excellent et de nature à lui donner des chances de victoire. Après un second tête à queue de Jean-Christophe, il a pourtant fallu se contenter de la deuxième place à presque deux tours de la tête. Quant à la n°12, il lui a fallu très vite rentrer dans le rang, la commande de boite étant défaillante. Les chronos de Neel ont commencé à chuter avant même la fin de la premières demie-heure de course et il perdait des paquets de seconde à chaque tour sur Tinseau (l'un de ces faits de course loupés par le réalisateur TV alors qu'une simple observation du Live-Timing permettait de comprendre qu'il y avait un problème...) Neel finit par s'arrêter après quelques tours de galère et l'auto est immobilisée un peu moins de 20 minutes au box. Rien ne vient ensuite endiguer sa remontée qui l'amène à la troisième place des P1 mais septième seulement au scratch (juste devant la Zytek Quifel ASM, elle aussi bien remontée). La n°12 s'offre même le meilleur tour en course en 1'47"165.

Aston Martin AMR-One : y a du boulot...

01_HTTT_Aston_Martin_AMR_OneUn meilleur tour que ne pouvait absolument pas viser l'Aston Martin AMR-One qui était pourtant la voiture la plus attendue de ce week-end même si l'équipe avait prévenu que la course serait surtout une grosse séance d'essais. Les essais ont été extrêmement compliqués pour la nouveauté et la course n'a pas dérogé à cette règle. L'Aston souffrait d'un énorme manque de vitesse de pointe. Cela pourrait très bien s'expliquer par la volonté de ménager un moteur réputé fragile et d'accumuler enfin, un peu de kilomètres dans les jantes de cette auto qui en manque terriblement en vue du Mans. La rumeur de Sebring voulait que le 6 cylindres en ligne casse comme du verre sur le banc moteur. On parlait de huit ou neuf blocs ruptures lors des tests en usine. Toujours est-il que le spyder (à la ligne qui fait toujours autant débat...) semblait anémié tout en crachant plus de fumée qu'un moteur diesel ! Les derniers mois ont été très intenses chez Prodrive. Nul doute que cela est loin d'être fini d'ici les 24 Heures. Car il va falloir absolument redresser la barre d'ici là sous peine que le coup de pub ne se transforme en véritable coup de bambou !

En LMP2, la course ressemble un peu à celle de Sebring ! Les Oreca Nissan ont fait montre d'une réelle supériorité sur la concurrence en terme de vitesse sur un tour. Mathias Beche pour le compte du TDS Racing et Dominik Kraihamer pour celui du Boutsen Energy Racing se livraient à un joli duel durant les deux premières heures de course, accompagnés toutefois de Tom Kimber-Smith sur la Zytek du Greaves Motorsport. Mais la Oreca n°46 du TDS connaissait la première un problème avec sa direction qui la faisait rétrograder. Puis la n°45 du BER devait à son tour perdre du temps aux stands suite à un problème de batterie. Elle finit toutefois au 4ème rang.

HPD et les brides...

On a longtemps pensé que la HPD du Strakka Racing parviendrait à cueillir la victoire malgré un handicap de vitesse de pointe ahurissant pour une voiture si dominatrice l'an passé ! Déjà à Sebring, les deux Lola Level 5 étaient extrêmement lentes en vitesse de pointe et seul le manque de fiabilité de la concurrence avait donné la victoire à cette équipe. Le problème s'est encore présenté ce week-end et ce sur les deux HPD. On sait que les voitures sont volontairement bridées par la réglementation étant donné qu'il s'agit d'anciennes LMP2 ne satisfaisant pas aux critères de coût désormais exigés dans cette catégorie. De là à les « maltraiter » de la sorte, cela paraît un peu gros. D'autant qu'en LMP1, les voitures 2010 ne sont pas autant mises en retrait par rapport aux nouvelles. Et voir des protos avec une vitesse de pointe semblable à celle des GTE est tout de même cause potentielle de problèmes en piste. On n'a pas besoin de cela...

Finalement, la HPD n°42 a dû se contenter de la 3ème place, Nick Leventis ne tenant pas le même rythme que Danny Watts en fin de course. Et c'est donc la Zytek n°41 qui s'impose au terme d'une course parfaitement maitrisée. Voilà un succès qui fait plaisir notamment pour un fidèle parmi les fidèles des Le Mans Series à savoir Karim Ojjeh. Le sympathique saoudien était déjà là en 2004 lorsque le championnat s'appelait encore LMES... La Zytek devance la Lola Judd du Pecom Racing, une voiture dont la gestion est assurée par AF Corse, rappelons-le, et qui effectue donc de vrais beaux débuts dans le championnat.

JMW Motorsport retrouve le sourire avec Ferrari !

01_HTTT_Podium_GT_ProLa course du GTE a donc été en partie décapitée lors du départ avec l'abandon de trois des meilleures Porsche. Ce n'est pas pour autant que la course a été ennuyeuse même si elle s'est jouée entre Ferrari. AF Corse semblait avoir un petit avantage en début de course avant que la F458 n°71 ne connaisse quelques problèmes. La Ferrari Hankook semblait bien partie pour prendre le relais mais elle subissait un Stop & Go d'une minute pour un problème lors d'un ravitaillement. Dès lors, le duel ne concernait plus que la seconde F458 d'AF Corse et celle du JMW Motorsport. Dans la dernière heure, Rob Bell se retrouvait dans les roues de Giancarlo Fisichella. Plus rapide que l'italien dans la deuxième moitié du tracé, il ne parvenait pas à prendre avantage de l'aspiration dans la ligne droite du Mistral. Après s'être rapproché de lui à plusieurs reprises, Rob parvenait, en profitant du trafic, à déborder Giancarlo au freinage des Esses de la Verrerie. Un ultime ravitaillement de la Ferrari n°51 assurait à l'anglaise une belle victoire de catégorie, un succès qui ne peut que donner raison à Jim Mc Whirter d'avoir fait le choix du cheval cabré à l'intersaison au détriment d'Aston Martin... Un succès que Rob partage avec James Walker.

01_HTTT_Podium_GT_ProMaltraité en GTE Pro, Porsche prenait sa revanche en GTE-Am avec la victoire de la Porsche Felbermayr Proton n°88 des Felbermayr père et fils, associés à Gerold Ried. Là encore, AF Corse (qui supervisait donc 5 autos ce week-end !) doit se contenter de la 2ème place avec la F430 n°61.

La prochaine course des Le Mans Series se déroulera à Spa dans le cadre de l'ILMC. A ce titre, le plateau sera d'un tout autre calibre. Peugeot et Audi y seront présents en force. Pour Pescarolo Team, briguer une victoire sera un challenge d'un niveau bien supérieur, voire impossible. Mais en attendant, que toute l'équipe savoure un champagne bien mérité !

Laurent Chauveau