Peugeot 908 : découverte dans le détail Imprimer Envoyer
Dimanche, 06 Février 2011 16:47

La nouvelle Peugeot 908 en détailsAprès avoir découvert les choix conceptuels généraux qui ont guidé l'équipe Peugeot Sport lors du projet 908, creusons un peu plus le sujet et tentons, avec Bruno Famin, de faire un peu mieux connaissance avec la petite nouvelle, si proche de l'ancienne et pourtant si différente...

Et l'hybride ?

Bruno Famin, lors du Petit Le Mans, vous aviez exprimé vos doutes quant à la présence d'un système de propulsion hybride sur celle que l'on appelait encore 90X. 908 en est bel et bien dépourvue aujourd'hui. Vous travaillez toujours sur le sujet ?

« Oui, il est clair que nous y travaillons encore. C'est un sujet qui tient à cœur à la marque Peugeot. Mais je crois qu'à un moment donné, il faut savoir se concentrer sur l'objectif principal. Or l'hybride, c'est compliqué. Cela nécessite du temps et des ressources. Nous avions déjà deux projets à mener en parallèle en 2010 (voire deux projets et demi en tenant compte de l'hybride justement) ce qui était une grosse charge de travail. Cela ne signifie pas que nous avons levé le pied sur le sujet, nous avançons au contraire chaque jour et nous sommes en train de passer des étapes importantes. Nous faisons au plus vite en fonction des moyens que nous avons à y consacrer. Par contre, il est encore trop tôt pour dire précisément quand nous serons en mesure d'en équiper la 908. Il est clair que ce serait un plus si nous pouvions aligner une voiture hybride maintenant ce qu'attend de nous la direction générale, c'est avant tout de gagner Le Mans. Peu importe la technologie à bord. »

Peut-on parier sur une apparition au cours de la saison 2011 tout de même ?

« On peut l'espérer mais sans aucune certitude. On ne sait pas encore ce que l'on va découvrir dans la phase de mise au point et il est beaucoup trop tôt pour donner des objectifs planning précis et fermes. »

Serait-il envisageable, par exemple, d'en voir une lors de la Journée Test du Mans ou l'ACO pourra accepter des véhicules expérimentaux ?

« Non. La Journée Test du mois d'Avril est extrêmement importante pour nous dans le cadre de notre préparation pour Le Mans. Un programme technique extrêmement chargé nous y attend : configurations aéro, essais de pneumatiques. Nous ne pouvons pas nous disperser et perdre de vue notre objectif principal. »

Mais savez-vous déjà vers quelle technologie vous vous orienterez en ce domaine ?

« Nous communiquerons plus tard sur ce sujet... »

L'aérodynamique

Au niveau aéro, du fait de la puissance moindre, vous avez parlé d'un compromis aérodynamique différent ?

« Effectivement. Avec la nouvelle voiture, nous irons plus vite en virages serrés mais moins vite en vitesse de pointe. Nous avons donc travaillé la dynamique de la voiture, les pneus, le centrage des masses dans cette optique. »

Compromis aéro différent et pourtant look très similaire, au premier abord, entre les deux 908. Comment explique-t-on cela ?

« Mais si vous regardez de près, tout est différent. Et puis, une voiture ce n'est pas que sa carrosserie. Il y a aussi tout ce qui se passe dessous et à l'intérieur... »

Avec les pneus larges, vous allez « trainer » plus en ligne droite. Au Mans, cela ne risque pas d'être pénalisant ?

« Si mais nous espérons que notre compromis sera payant. Forcément, cela aura des effets négatifs mais on verra ou est le bilan. »

Donc, il n'est pas prévu de comparatifs avec une version aux pneus avant moins larges ?

« Non, et sûrement pas avant Le Mans ou nous nous concentrons sur la préparation de cette course. »

Un système du type F-duct a été interdit par le règlement. C'est un regret pour vous ?

« Non. Ca n'apporterait pas grand-chose en endurance. Les protos LMP sont des voitures beaucoup plus fines, aérodynamiquement parlant que les F1 avec leurs roues découvertes. Donc, ça ne jouerait que de manière très marginale sur la vitesse de pointe. Je ne suis pas sûr que l'on parviendrait à réduire la trainée. De plus, l'aileron arrière est beaucoup plus large qu'un aileron de F1 alors avant de le déventer... »

La nouvelle  Peugeot 908 en détailsParlons de l'aileron de requin. Apporte-t-il réellement autant qu'on peut l'espérer pour maintenir les voitures au sol ?

« Je pense que cela a été bien conçu. L'étude de la FIA a été bien faite et je suis convaincu que cela aide à la stabilité des voitures. » (On verra que cela n'est cependant pas forcément suffisant au goût des pilotes.)

Audi a aligné son support d'aileron unique derrière l'aileron de requin. N'êtes-vous pas tenté d'en faire de même ?

« Lorsque nous avons conçu la voiture, le règlement imposait encore deux piliers d'aileron... Maintenant, cela ne nous empêche pas de dormir qu'ils n'en aient qu'un et que nous en ayons deux. Cela ne figure absolument pas au rang de nos priorités d'amélioration. »

La nouvelle Peugeot 908 en détailsIl y a une petite prise d'air Naca sur le ponton gauche qui n'est présente côté droit. A quoi sert-elle ?

« C'est pour le refroidissement de l'alternateur. »

La nouvelle Peugeot 908 en détailsLe nez de l'auto paraît plus fin que l'ancien ? En est-il de même pour le cockpit ?

« Oui, le nez s'est affiné mais pour le cockpit ce n'est pas le cas. Il était déjà au minimum réglementaire. »

Le V8 HDi FAP

Concernant le moteur, vous dites vous-même que l'équivalence essence-diesel ne devrait plus prêter le flan à la critique cette année. N'avez-vous pas été tenté de passer à un moteur essence ?

« Non. Il y avait trop de choses à découvrir. Notre équipe moteur a acquis de l'expérience en moteur diesel. Expérience qu'elle n'a pas pour un moteur de course essence. Nous aurions dû repartir de zéro en découvrant de nouvelles technologies, notamment l'injection directe. Il valait mieux rester sur ce que nous savons faire et capitaliser. Mais pour ce qui concerne l'équivalence essence-diesel, le fait que l'ACO écrive noir sur blanc dans son règlement que celle-ci pourra être revue après les premières courses de la saison et avant Le Mans peut nous amener à penser que les résultats de ces courses ne seront pas forcément très significatifs. D'autant que Audi ne courra pas avec sa R18... »

Ce nouveau bloc est donc plus léger que l'ancien. Dans quelle proportion ?

« On peut presque appliquer une règle de trois même si ce n'est pas tout à fait vrai car certains éléments tels la cascade de distribution sont intangibles. Donc c'est entre 1/4 et 1/3 de masse gagnée. »

Il va tourner plus vite du fait qu'il est plus petit ?

« Non, pas du tout, la cylindrée unitaire étant la même, les facteurs de remplissage et de combustion sont les mêmes donc le régime maxi aussi. »

Le moteur est plus petit, moins puissant donc cela doit permettre de gagner du poids dans de nombreux domaines ?

« Du poids oui, par exemple pour les radiateurs car nous avons besoin de moins de refroidissement donc ils sont plus petits, ce qui nous fait également moins perdre en trainée. Mais pour la boite de vitesses par exemple, même si elle est entièrement nouvelle, la différence n'est pas significative. »

La nouvelle  Peugeot 908 en détailsLa prise d'air qui alimente le moteur est désormais au sommet du cockpit et non plus couplée aux prises d'air des freins arrière. Cela fait une grosse différence ?

« Non, pas une grosse différence même si cela augmente son efficacité car c'est une zone de surpression. Cela fait partie de l'ensemble de petites améliorations que nous ne pouvions pas apporter à la 908 ancienne génération pour des raisons structurelles et que nous avons donc intégrées sur la nouvelle. Les pneus avant large en sont un autre exemple. Nous avions cette idée depuis longtemps avec Michelin pour résoudre nos problèmes endémiques de sous-virage. Mais c'était beaucoup trop intrusif pour pouvoir être adapté sur l'ancienne 908. Nous avons donc attendu de refaire une voiture. »

On dit que ce sont pneus arrière placés à l'avant mais en réalité, les sollicitations étant différentes, ils ne doivent être identiques que dans leurs dimensions, pas dans leurs caractéristiques ?

« Je le pense et l'espère aussi. Mais pour plus de précisions, il faut s'adresser à Michelin... »

Du fait que le V8 est plus petit et qu'il développe moins de couple que le V12, la boite de vitesses sera-t-elle plus rapide que l'ancienne ?

« Non pas vraiment car la pignonnerie est avant tout dimensionnée en fonction des pics de couple encaissées lors des changements de rapport, pas en fonction du couple moteur. Donc la différence ne sera pas significative. La boite est nouvelle, son architecture est différente car celle de l'auto l'est également mais mécaniquement, elle ne présente pas de révolution. »

Moteur plus court, boite de vitesse plus petite, l'empattement de la voiture doit être réduit par rapport à l'ancienne ?

« Oui, tout à fait, il est plus court même s'il nous a fallu trouver des solutions sur la boite, notamment, pour le maintenir à une valeur raisonnable. »

Avez-vous déjà une idée des temps au tour au Mans ? L'avez-vous simulé ?

« Oui, nous avons fait des simulations mais tant que nous n'aurons pas corroboré ces chronos virtuels par des chronos réels sur la même piste, la valeur de ces simulations restera très relative. Nous en saurons plus après la Journée Test. Mais vous savez, ma principale préoccupation n'est pas la performance. Après nos premiers tests, nos pilotes sont confiants quant à celle-ci. Je le suis également. Là ou nous devrons être irréprochables en vue du Mans, c'est la fiabilité. Nous devons donc nous concentrer sur la résolution des problèmes déjà apparus. Et résoudre au plus vite ceux qui ne se sont pas encore faits jour... Ceci dit, nous serons tout de même notablement moins rapides qu'en 2010. Ne vous attendez pas à voir la Pole en 3'19"... Cela devrait s'établir à plus de 10 secondes de plus. »

Le développement de la voiture

Pour cela, vous avez un programme d'essais pléthorique. Vous avez parlé de 12 séances d'essais entre le premier roulage de Juillet dernier et Le Mans. Combien de ces séances seront des tests de 24 Heures ?

« Huit à peu près. » (Après une pause pour faire le compte)

Vous roulez avec combien de coques à ce jour ?

« Nous en avons deux pour l'instant et nous allons en recevoir une toutes les 6 semaines d'ici Le Mans donc nous devrions en disposer de 6 ou 7 au moment des 24 Heures. En fait, nous avons lancé la production du nombre de coques nécessaires pour tenir l'ensemble du programme. »

Comment se passe le développement ?

« Forcément, nous connaissons des petits soucis de nature variée : des problèmes d'ajustement de pièces de carrosserie, de résistance de pièces de boite de vitesse, de suspension, des réglages de software. Ce sont des choses normales pour une voiture neuve mais jusqu'à présent, nous n'avons rien trouvé de fondamental qui nous empêche de rouler. Surtout, nous n'avons pas découvert de problème auquel nous ne sachions pas apporter de solution. Donc pour l'instant, nous sommes loin d'avoir tout résolu et ce que j'espère simplement, c'est que maintenant, nous ne soyons pas confrontés à un gros problème encore inconnu afin que nous puissions nous concentrer sur la résolution de ceux déjà connus. »

Nous en avions déjà parlé lors du Petit Le Mans. Pour améliorer encore votre fiabilité, vous deviez revoir vos processus de contrôle des pièces afin d'éviter notamment les problèmes de malfaçon tels que celui apparu sur la coque de la n°3 au Mans ?

« Pour ce qui est de la coque, nous avons changé de fournisseur. Mais effectivement, nous sommes plus exigeants avec nos fournisseurs, nous allons chez eux pour voir comment ils travaillent et pour les forcer à mieux contrôler les différentes phases de fabrication. De notre côté, nous devons mieux qualifier nos pièces et donc revoir notre méthodologie de travail. Nous contrôlons plus de choses, nous avons renforcé nos contrôles qualité. Le souci, c'est qu'il y a 7000 pièces dans une auto et que nous ne pourrons jamais contrôler 100% de nos pièces, 100% de nos fournisseurs. L'une des grosses différences entre Peugeot Sport et les meilleures équipes de Formule 1, c'est un facteur 10 au niveau des effectifs. Pourquoi ? Parce que les grosses équipes de F1 ont quasiment intégré à 100% la fabrication afin de s'affranchir des problèmes de qualité avec les fournisseurs. Nous n'avons absolument pas les moyens d'en faire de même donc nous devons gérer les risques. N'oublions pas non plus contre qui on se bat. On aurait été seul comme Audi en 2000, on en serait à quatre victoires au Mans. Je préfère n'avoir battu qu'une fois sur quatre Audi plutôt que d'avoir glané quatre victoires contre des privés. »

Audi va de nouveau manquer Sebring avec sa R18. Est-ce un handicap notoire pour eux ?

« En ce qui nous concerne, Sebring est vraiment une étape importante de notre préparation pour Le Mans. Maintenant, nous ne nous occupons pas de la façon de faire de nos adversaires, nous avons suffisamment à faire en interne et nous nous concentrons là-dessus. Je ne connais pas exactement leur façon de faire mais une choses est sure, ils ne mènent pas leur programme de validation comme nous. Cependant jusqu'à présent, leur méthode a tout de même fait ses preuves... »

Afin de fixer les idées, avez-vous déjà pu faire un comparatif entre 908 HDi FAP munies des brides 2011 et 908 ?

« Non, l'ancienne génération n'a pas encore roulé avec les nouvelles brides. Nous n'avons pas encore fait de 908++... »

Que peut-on ajouter à une telle conclusion ? Simplement que la Peugeot 908 va prochainement la toiser sur la piste, cette Audi R15++. Avant de devoir affronter sa descendante pour reconquérir Le Mans.

Laurent Chauveau

La nouvelle Peugeot 908 en détails
Une vue du cockpit et de sa ventilation
La nouvelle Peugeot 908 en détails
La portière n'est plus qu'en une seule partie, elle ne se prolonge plus sur le ponton.
La nouvelle Peugeot 908 en détails
Fuselé, le rétro...
La nouvelle Peugeot 908 en détails
Le détail du passage d'air dans les pontons à la sortie du diffuseur avant
La nouvelle Peugeot 908 en détails
A gauche du snorkel des freins, on distingue cette forme incurvée qui dégage l'air avant le passage de roue.
La nouvelle Peugeot 908 en détails
C'est bien la prise d'air moteur, comme sur l'Audi, qui fait la hauteur hors-tout. Mais le pavillon semble peut-être légèrement plus haut que celui de la R18.
La nouvelle Peugeot 908 en détails
Détail du splitter
La nouvelle Peugeot 908 en détails
Une vue de l'arrière du cockpit et du sommet galbé des pontons.
La nouvelle Peugeot 908 en détails
La nouvelle 908 n'a plus que deux roues ?