Peugeot 908 : les généralités avec Bruno Famin Imprimer Envoyer
Samedi, 05 Février 2011 15:13

th_Prez_New_908_Bruno_FaminPour ceux d'entre vous qui n'ont pas pu suivre en live la présentation Peugeot 908 sur le net, il est donc temps de vous redonner les grandes lignes de ce qu'il s'y est dit. Et commençons par le discours général mais déjà exhaustif du directeur technique de Peugeot Sport, Bruno Famin. Il a synthétisé les choix effectués par son équipe pour cadrer la partie Recherche & Développement de ce projet.

« A l'époque de 908 HDi FAP, nous étions partis d'une feuille blanche. Mais lors du lancement de l'étude de 908 juste après Le Mans 2009, nous pouvions nous appuyer sur nos trois années d'expérience de roulage. Pour mener notre tâche à bien, nous nous sommes donc fixés trois règles principales :

1.Prendre en compte le nouveau règlement technique de l'ACO

 

2.Capitaliser sur nos 3 ans d'expérience

3.Mettre la voiture sur la piste le plus tôt possible de manière à la connaître au mieux avant sa première course

En ce qui concerne le premier point, le règlement moteur a été connu très tôt début 2009. Cela nous a permis de faire une bonne estimation de la puissance disponible et donc de déduire notre cahier des charges châssis. On a ainsi pu rapidement savoir ce que l'on devait viser en terme de trainée aéro, d'appuis mais aussi, de bien fixer le centrage des masses. Le règlement technique final quant à lui, est sorti très tard. Mais grâce à de bonnes concertations avec l'ACO, nous avons pu anticiper sur un certain nombre de points. Par exemple, nous avons pu tenir compte de la hauteur du seuil de porte qui a été rehaussée au niveau de la coque ou comme la dorsale désormais obligatoire sur le capot arrière, deux éléments de sécurité importants et extrêmement structurant au niveau de la voiture.

Pour la capitalisation de l'expérience, il était hors de question de remettre en cause le concept qui s'était avéré extrêmement performant durant les quatre années d'exploitation de la 908 HDi FAP. Par contre, cela a été l'occasion de mettre en œuvre toutes les idées que nous avions eu au cours des quatre années mais que nous ne pouvions pas intégrer car le châssis était figé. Donc nous avons pu revoir la conception dans tous les compartiments. Rien de révolutionnaire mais nous avons apporté des améliorations absolument partout.

Dans le même ordre d'idée, nous sommes restés sur le concept d'une voiture fermée. Contrairement à ce que nous entendons un peu partout par ailleurs, nous n'avons jamais pu mettre en évidence un avantage aéro particulier pour la voiture fermée. (NDLR : Alors qui de Peugeot ou Audi nous dit la vérité en ce domaine puisque le concurrent allemand dit exactement le contraire ?) Par contre, bien que nous connaissions les risques inhérents à une telle définition (problèmes de visibilité, salissures du pare-brise, changement de pilotes plus délicats) deux arguments nous ont fait choisir la voiture fermée. Tout d'abord, nous savions comment améliorer notre coque intégrale en carbone. Ensuite, nous avons pu l'expérimenter à nos dépens, une voiture fermée est une garantie supplémentaire en terme de sécurité pour nos pilotes.

Dans le domaine aéro, compte-tenu de la perte de puissance que l'on peut chiffrer à environ 150 chevaux, il est clair que le compromis entre l'appui et la trainée a dû être revu intégralement. Il a fallu retravailler complètement le concept aérodynamique. Même si au premier abord, les deux voitures ont un air de famille, on s'aperçoit en les détaillant que tout est différent. Il n'y a pas deux pièces communes.

Pour ce qui est de la dynamique véhicule, nous avons tenté de remédier au problème endémique des LMP actuels : le manque de grip du train avant. Pour cela, nous avons porté, en collaboration avec Michelin, la largeur des pneumatiques avant au maximum du règlement ce qui permet d'augmenter la surface de contact avec le sol.

Au niveau moteur, notre V12 HDi FAP était la référence dans la catégorie donc il n'était pas question de le laisser de côté pour repartir sur une base 100% nouvelle. Nous avons donc fait un V8 de 3,7 litres dont la cylindrée unitaire est quasi la même que celle du V12. Le carter cylindres est en aluminium taillé dans la masse. L'angle du V a été ramené de 100° à 90° pour des raisons d'équilibrage et de dynamique de ligne d'arbre. Nous avons fait un gros travail sur le pilotage de l'injection mené avec Bosch, ce qui est un facteur de performance essentiel. Le moteur est passé au banc pour la première fois il y a plus d'un an : le 25 janvier 2010. Entre ses essais au banc et ceux dans la voiture, il a déjà abattu plus de 10.000 km... La puissance estimée est de 550 chevaux (NDLR : cela doit être bien plus étant donné que le V12 développait lui aussi bien plus des 700 chevaux officiellement annoncés)

Notre troisième objectif a lui aussi été mené à bien. Nous souhaitions absolument être présents à Sebring avec deux voitures opérationnelles et pouvant se battre pour la victoire dès leur première course. Sebring constitue toujours un test absolument essentiel dans le cadre de notre préparation. Pour y parvenir, la voiture a donc été mise en piste pour la première fois à la fin juillet 2010 (avec Marc Gené au volant). Pour vous donner une idée de la complexité et de la difficulté d'un tel programme, sachez que d'ici Le Mans 2011, nous aurons pu effectuer, en tout, une douzaine de séances d'essais soit environ une par mois, dont une bonne partie en 2010, alors que nous exploitions encore la 908 HDi FAP. On peut parler de véritable tour de force réalisé par l'ensemble de l'équipe pour mener de front ces deux activités parallèles... »

Après ces généralités sur 908, je vous propose dans un article à suivre, d'aller plus dans le détail de cette auto, toujours avec Bruno Famin.

Laurent Chauveau