24H du Mans 2000 : grande première pour Audi Imprimer Envoyer
Dimanche, 30 Mai 2010 18:55

th_LM_2000_54Cette fois-ci, on touche au but, c'est la dernière ligne droite ! Plus qu'une semaine de patience et la grande semaine du Mans débutera. Plus grande encore que d'habitude puisqu'elle durera une journée de plus en débutant dès le dimanche... Pour se mettre en bouche, et rafraîchir nos neurones, je vous propose de revenir 10 ans en arrière et de nous pencher sur l'édition 2000 des 24 Heures du Mans, la dernière du deuxième millénaire. Une édition « gueule de bois » ou « lendemain de cuite » pour tout aficionado de l'épreuve sarthoise. Après deux « courses du siècle » successives avec 5 usines engagées au sommet en prototypes et deux en GT, le plateau millésime 2000 était beaucoup moins glamour... Certes Cadillac a décidé à son tour de se lancer dans le grand bain mais cela ne fait pas oublier les retraits de BMW, Mercedes, Nissan et Toyota. C'est d'autant plus dommage que dans le cas de BMW notamment, les V12 LMR roulent toujours aux USA, offrant d'ailleurs une excellente résistance aux toutes nouvelles Audi R8, descendantes bien plus modernes dans leur design des R8R de l'an passé. A Sebring, la lutte entre les BMW et les Audi s'est conclue certes à l'avantage des deux R8, mais avec un seul tour d'avance sur la meilleure des deux V12 LMR ! La récente bataille de Silverstone, tournant finalement à l'avantage de BMW dans les tous derniers tours ne peut que nous donner encore plus de regrets ! Le final a été haletant, Panoz y jouant également une excellente partition en terminant au deuxième rang !

Du coup en Sarthe, on attend beaucoup des « monstrueuses » batmobiles à moteur avant, une architecture héritée d'autres temps et qui pourtant fonctionne parfaitement comme l'avaient déjà prouvées ces autos au Mans en 1999 en obtenant le cinquième temps des qualifs. Etant donné le plateau royal, la performance avait fortement impressionné ! Mais en cette année 2000, Audi amène ses trois nouvelles barquettes tandis que les roadsters américains n'ont que peu évolué.

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Découvrez les photos du Pesage de ces 24 Heures du Mans

Les qualifications se chargent d'ailleurs de prouver à tous qu'Audi ne va pas amuser le terrain. Les trois R8 étant groupées en moins d'une seconde, la pole revenant à McNish en 3'36"124 sur la n°9 du trio victorieux en 1998 sur Porsche et reconstitué par Audi : Aïello-McNish-Ortelli ! David Brabham ne peut faire aussi bien qu'en 1999 et reste à trois secondes du meilleur chrono. La Lola du team Rafanelli (éblouissante lors des 7 premiers tours à Silverstone avant une rupture du cable d'accélérateur) se place juste dans sa foulée devant la Courage C60-Judd de Philippe Gache. Les Cadillac, déjà discrètes à Silverstone laissent éclater leur impuissance à suivre les meilleurs. La meilleure d'entre elles, la n°3 du team DAMS, n'obtenant que le 9ème chrono à 6"5 de la Pole... En GTS, la lutte entre Viper et Corvette tourne à l'avantage des voitures alignées par Oreca mais la lutte promet d'être serrée.

Le début de course laisse entrevoir exactement ce à quoi on s'attendait. Nul ne peut suivre les trois Audi. Et sûrement pas la Reynard Mopar n°5 de Yannick Dalmas. La voiture du team Oreca, victime d'une chute de pression d'huile s'arrête en effet à Mulsanne dans le premier tour ! Une mésaventure qui n'est pas sans rappeler celle survenue à la Renault Alpine A442 du team... Oreca en 1977 !

Seule la Panoz n°11 de Brabham-Magnussen-Andretti tente de s'accrocher au train des quatre anneaux. C'est l'entrée en piste des safety-cars à 16H22 et la gestion des premiers ravitaillements qui va permettre à l'américaine de prendre la tête de l'épreuve avant la fin de la première heure ! Cette neutralisation est intervenue suite à l'incendie de la Cadillac n°4 à bord de laquelle se trouvait Christophe Tinseau, légèrement brûlé d'ailleurs dans l'aventure. Immobilisée dans les Hunaudières, la voiture ne cessait de reprendre feu malgré les interventions des pompiers... Le défi Cadillac prenait déjà du plomb dans l'aile. Il faut dire que cette voiture avait dû être réparée de toute urgence après une violente sortie de piste le matin à la sortie des chicanes Ford.

Quant au défi Oreca, après l'abandon précoce de la n°5, il fait long feu avec les multiples problèmes qui accablent très rapidement la n°6. Quatre changements de boite de vitesses notamment, seront nécessaires pour venir à bout des 24 Heures !

Crash-test entre Porsche !

Tandis que les R8 reprennent progressivement les commandes de l'épreuve malgré une résistance héroïque de Magnussen et Brabham à bord de leur Panoz, les safety-car reprennent possession des lieux à 18H45 après un choc très violent entre deux Porsche GT3 à la sortie des Esses du Tertre Rouge. Angelo Zadra parti en tête à queue obstrue le passage au moment ou déboule Patrice Goueslard qui ne peut rien pour l'éviter. Les deux voitures sont détruites mais heureusement, les pilotes sont indemnes.

Peu de temps après le restart, le clan Panoz perd l'appui de la batmobile danoise, la n°10 pourtant placée juste derrière les deux machines officielles au 6ème rang, après la sortie de piste de Klaus Graf à Mulsanne. Il faudra cinq heures aux mécanos pour la remettre en état de rouler !

C'est alors au clan Audi de connaître quelques alertes. Tout d'abord, la n°8 est retardée par une crevaison survenue à Tom Kristensen. Puis à 19H43, Stéphane Ortelli, parti en sur-virage à la sortie d'Indianapolis, tape de l'avant à l'intérieur de la piste. Mais la R8 est solide. Stéphane attendra la fin normale de son relais, soit un tour et demi plus tard, pour s'arrêter à son stand. La perte de temps reste minime mais ces alertes permettent à la Panoz n°11 de revenir pointer au 3ème rang. Cependant, l'écart se creuse doucement, notamment lorsque Mario Andretti prendra le volant de la n°11. L'italo-américain ne peut imposer le même rythme que Brabs & Mags et la Panoz de pointe décroche doucement.

Cadillac accablé

La prestation globale des Panoz demeure toutefois bien plus brillante que celle de Cadillac. L'équipe DAMS subit notamment un nouvel avatar avec la crevaison de la n°4, pneu ARG éclaté qui imposera 50' minutes d'arrêt ! La voiture officielle de Franck Lagorce, la n°1, a elle aussi connu un sort identique (mais à l'ARD) et perd un temps équivalent. Quant à la n°2, c'est une sortie de piste qui lui fait perdre 20 bonnes minutes. Il ne reste donc que la n°3 qui va son bonhomme de chemin, épargnée par les soucis, remontant lentement au classement.

L'étrange Lola du team Rafanelli effectue quant à elle une prestation brillante, placée 5ème à la 5ème heure mais au début de la nuit, elle plongera au classement suite à la sortie de piste de Naspetti qui lui fait perdre deux heures entre la réparation de fortune en piste et celle des mécanos aux stands... Dans le clan des voitures au moteur Judd, la nuit est d'ailleurs difficile puisque la Reynard n°24, alors placée 7ème abandonne sur la casse de son V10 au son envoutant.

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Retrouvez les photos des voitures en piste.

La Courage n°17 dont on attendait beaucoup a connu des débuts difficiles avec un tête à queue, un accrochage et une touchette au cours des 6 premières heures ! La nuit sera plus douce mais on en reparlera au petit matin...

La nuit choisit son camp

L'issue finale de la course se décide au cœur de la nuit. Tandis que Sébastien Bourdais évite le pire sur la Courage Peugeot du team Pescarolo en ramenant sans trop de dommages sa voiture aux stands avec un pneu éclaté (et oui, un de plus !), les mécanos Audi entrent en action. A 22H55, c'est tout d'abord la n°9 qui doit faire changer sa boite de vitesses. Les allemands nous ont déjà habitués à mener cette opération de main de maître en 1999 mais ils font encore mieux en 2000. L'opération « changement du train arrière » est menée à bien en 7 minutes seulement. Suffisant pour faire passer la n°9 derrière ses deux sœurs toutefois. A 2H37, il faut procéder au même changement sur la n°7. Là encore, 7 minutes... La n°8 prend la tête et ne la quittera plus car sa boite tiendra le choc !

Dans le clan Panoz, là aussi, la boite fait des siennes. A 2H41, on procède à une premier changement sur la n°11 qui y laisse 21 minutes, trois fois plus que chez Audi, le fruit d'une conception plus traditionnelle... La n°12 prend le relais certes mais la résistance américaine va bientôt devoir s'effacer. A 4H44 du matin, la n°11 rejoint la n°12 qui est déjà au fond de son boxe. Il faut de nouveau intervenir sur les deux boites de vitesses. Elles repartiront et finiront l'épreuve mais c'est désormais la Cadillac n°3 régulière, qui s'installe derrière les trois Audi. Cela va durer longtemps...

La deuxième moitié de course, comme c'est souvent le cas, est plus calme. Il faut dire que les rangs des outsiders sont déjà bien entamés. Les Panoz connaissant de nouveaux soucis laissent toutefois la Courage Pescarolo remonter au 5ème rang ! La Courage-Judd n°17 de Philippe Gache éclate le pneu ARG à son tour à 8 heures du matin. Si Gary Formato, alors à son bord parvient à la ramener à son stand, après réparations, il s'avère que la boite est touchée et l'équipe décide d'en rester là...

Mais à 9 heures du matin, les mêmes causes, pneu ARG éclaté, engendre des conséquences bien plus effrayantes lorsque Walter Brun « explose » sa Viper entre Mulsanne et Indianapolis. Le suisse, indemne, peut aller mettre un cierge tant les images sont impressionnantes !

C'est à 12H24 que Cadillac perd ses derniers espoirs d'un résultat flatteur. La n°3, toujours quatrième, rentre aux stands avec une suspension ARG affaissée. Malgré une heure de réparations; l'abandon finira par être officialisé... La « vieille » Courage Peugeot du team Pescarolo réussit l'exploit inattendu et se hisse au quatrième rang derrière les Audi R8 qui se dirigent vers un triplé dans l'ordre 8-9-7.

Quelle baston !

La toute fin de course est marquée par un « truc de fou » en LM GT. La voiture de tête de la catégorie, la Porsche Haberthur, explose son pare-brise et rentre aux stands. La Porsche japonaise étant pressante derrière, on décide d'arracher le pare-brise sans le remplacer et de renvoyer ainsi Babini en piste pour guerroyer. Mais dès la sortie des stands, le capot avant mal refermé, s'ouvre et se rabat devant les yeux de Fabio ! Ni une, ni deux, l'italien dégrafe le harnais, ouvre la portière et effectue un tour complet, le nez à la fenêtre afin de voir la route ! Une image pas banale et un brin dangereuse. Il rentre aux stands de nouveau ou l'on replace le capot puis reprend la piste mais la Porsche japonaise est revenue et le duel s'engage. Après un premier passage dans le bac du ralentisseur Ford, la Porsche suisse échoue dans celui du Dunlop. Avec un pneu découpé, Babini ne pourra pas dépasser Mulsanne et sa Porsche ne sera pas classée ! L'art de tout perdre en quelques minutes ou quand il ne faut pas confondre vitesse et précipitation... Mais quel spectacle !

Le drapeau à damiers salue les trois R8 qui passent la ligne groupées. Audi triomphe pour la première fois. On va devoir s'y habituer dans les années à venir... Henri Pescarolo et ses pilotes obtiennent un résultat superbe. Cela vaudra d'ailleurs au team-manager d'être appelé sur le podium par l'ACO bien qu'il ne soit classé « que » quatrième...

Les quatre rescapées du clan Oreca passent également la ligne groupée, marquant notamment la victoire des Viper face aux Corvette en GTS. Les cinq Panoz se réunissent également sur la ligne. Malgré nombre de pépins, elles ont toutes tenu le choc pour la plus grande joie du public. Surtout, elles ont marqué la course de leur empreinte, nous évitant un ennui quasi mortel le samedi soir... Il n'empêche qu'au soir de cette 68ème édition, on avait un goût légèrement amer dans la bouche. Que les quatre grands constructeurs absents nous avaient manqué... Frank Biela, Tom Kristensen et Emanuele Pirro viennent de poser quant à eux, la première pierre d'un inédit triplé de succès consécutifs avec le même équipage...

Laurent Chauveau