Dimanche prochain se dérouleront les 1000 km de Spa dans le cadre de Le Mans Series. Quatre Peugeot 908 opposée à trois Audi R15 Plus constitueront une affiche remarquable et prometteuse. Et l'on se prend à rêver d'un arrivée serrée, d'un finish hors du commun. Il y a au moins un précédent dans l'histoire de cette épreuve. Je vous embarque en 1986...

Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Il fallait encore mettre une pellicule dans son appareil photo, remuer son corps sur les rythmes chaloupés d'Ellie Medeiros ou échanger ses francs contre des francs belges à la frontière (ou l'on présentait encore ses papiers !). Vraiment, je vous parle d'un autre temps. L'endurance à cette époque là se jouait à l'économie. L'essence était contingentée et les pilotes devaient avoir le pied droit léger... Je vous parle donc de l'époque du Groupe C.

Septembre 1986, la saison du championnat du Monde des Sport-Prototypes touche à sa fin. Lancia ne fait plus que quelques apparitions sporadiques avec ses LC2 principalement lors des courses sprint récemment instaurées (funeste idée). L'usine Porsche, bien que plus régulière commence aussi à « choisir » ses courses laissant parfois ses clients la représenter. Ceux-ci ne se font pas prier et se battent comme des chiffonniers. Brun, Lloyd et Joest sont ceux qui s'en tirent le mieux. Jaguar avec ses superbes XJR6 prend le relais de Lancia dans le rôle de l'outsider en disputant la saison complète. Quant à Sauber, il a monté un V8 Mercedes très coupleux dans sa belle C8 et reçu le soutien important d'un parfum encore inconnu, Kouros... Bref, après quelques années un peu ternes, l'endurance commence à reprendre de belles couleurs !

Les résultats de cette saison le prouvent. Porsche usine à Monza, Jaguar à Silverstone (et sur ses terres SVP !), Porsche usine au Mans, Joest au Norisring, Lloyd à Brands Hatch, Brun à Jerez, et Kouros-Mercedes au Nürburgring, voilà une variété de vainqueurs auxquelles les saisons précédentes ne nous avaient plus vraiment habituées... L'avenir est souriant pour ces Groupe C !

En ce 14 septembre 1986, c'est Thierry Boutsen qui s'élance depuis la Pole Position sur « son » circuit. Equipée d'un petit aileron supplémentaire à l'avant, sa 962C est à l'aise dans les longues courbes ardennaises. Et Thierry ne laisse personne le devancer lors du départ. Il installe sa Jägermeister en tête de l'épreuve harcelé par la Porsche Lloyd et une Rothmans. La Porsche Brun passera toutefois 120 des 145 tours dans cette position préférentielle. Face aux Porsche et Jaguar officielles, il s'agit d'une sacrée performance ! Malgré cette apparente domination, la course fut acharnée en tête et ce jusqu'aux derniers mètres.

Songez qu'à moins d'une heure de la fin, les quatre autos de tête sont groupées en 40 secondes ! Mais à ce rythme de fou, les moteurs sont gloutons. Klaus Ludwig avec sa 956 du team Joest est le premier à devoir soulager si il veut rejoindre l'arrivée. Derek Bell sur sa 962 officielle ne peut que l'imiter quelques minutes plus tard alors qu'il vient de recoller à Boutsen. Seul le pilote belge, toujours en tête, et Derek Warwick sur sa Jaguar, sont désormais en mesure de s'imposer. Lequel des deux a économisé suffisamment de carburant ? Le dernier tour offre un scénario qu'un certain Hitchcock n'aurait pas renié. Lorsqu'il arrive au Bus Stop, Thierry Boutsen sent le dieu Pétrole lui jouer un bien vilain tour. La Porsche peine à se relancer et Warwick recolle comme une fusée. Il ne reste plus qu'un virage à négocier, l'arrivée se jugeant dans la descente vers l'Eau Rouge. Les deux voitures s'y engouffrent et en ressortent côte à côte ! Mais à La Source, c'est la Jag' qui manque de gouttes. Le V12 hoquète puis reprend mais la Porsche s'enfuit. Thierry Boutsen franchit la ligne avec huit dixièmes de seconde d'avance et offre la victoire à la 962C orange (ainsi qu'à Franck Jelinski, son coéquipier, Walter Brun inscrit, n'ayant pas pris le volant). Haletant et assoiffant...

A l'heure du décompte final (après l'ultime victoire du Joest Racing au Mont Fuji), ce succès spadois aura une immense importance pour le team de Walter Brun. Car en 1987, l'une de ses Porsche 962C portera le numéro 1. Le Brun Racing est effectivement sacré Champion du Monde 1986...

Maintenant que nous sommes revenus en Mai 2010, une seule chose est quasi sûre concernant le résultat de dimanche prochain à Spa-Francorchamps. En sortant du dernier virage, le vainqueur ne manquera probablement pas d'essence. De gazole à la rigueur mais sûrement pas d'essence... Allez, retrouvons-nous tous dans les Ardennes Belges pour la grande répétition générale des 24 Heures du Mans, l'un des plus beaux plateaux de la saison assurément. Sur le plus beau circuit, sans aucun doute... Ah oui, prenez un imper et un pull tout de même ;-)

Laurent Chauveau

Retrouvez ici les résultats des 1000 km de Spa 1986 et là, les photos de la course.