24H du Mans 2001 : Audi à nouveau... (Tome 2) Imprimer Envoyer
Lundi, 30 Mai 2011 20:15

Depart 24 Heures du Mans 2001Sur un circuit qui a vu sa bosse de Mulsanne en partie rabotée, ses plus vieilles tribunes rasées et le bac à graviers d'Indianapolis apparaître, tout est désormais en place pour la première course du troisième millénaire. Et si le soleil brille au moment du lancement du tour de chauffe, on note bien que les nuages s'accumulent dangereusement dans le ciel. Lorsque la Cadillac de la direction de course s'écarte et que Ferdinand Piech abat le drapeau tricolore, Kelleners rate complètement sa remise de gaz et l'Audi Champion perd de nombreuses places. Jan Lammers au contraire, bondit et déborde la seconde Audi officielle de Frank Biela ! Olivier Beretta quant à lui, place, dans le Dunlop, la meilleure des Chrysler Oreca au quatrième rang devant la Bentley n°7, l'Audi Gulf et la seconde Bentley. Au Tertre Rouge, il progresse encore d'un cran en débordant Frank au freinage du Tertre Rouge. Il tente même une intimidation sur Lammers dans la chicane Ford à la fin de ce premier tour. Tandis que Laurent Aïello s'échappe largement en tête, Frank Biela doit attendre le second passage dans le premier ralentisseur des Hunaudières pour reprendre la troisième place à Beretta. Mais Lammers se maintient au deuxième rang.

Il y en a partout !

Soudain à 16H12, le dieu du circuit place le mitigeur en position « haut débit » et la douche géante commence ! Alors que les tribunes sont toujours sous le soleil, la pluie commence dans les Hunaudières. Mais c'est bien pire du côté d'Arnage et Stephan Johansson est le premier à s'échouer dans le nouveau bac à graviers d'Indy !Il parvient à repartir sans son capot avant mais on découvre alors Eric Bernard et sa Cadillac n°5 « tanqués » dans le virage Porsche ! Puis c'est au tour de Ralf Kelleners de nous faire également une figure dans la même zone. En fait, les pilotes découvrent le nouveau « lac de Maison Blanche » et pour un certain nombre, leur séance de ski nautique se termine contre les rails de sécurité... Rapidement, Jacky Ickx et Daniel Poissenot, qui partagent le rôle de directeur de course, décident de faire intervenir les deux safety-cars. Sage décision car à mi-chemin entre Arnage et le virage Porsche, on découvre un véritable carnage ! Sont impliquées dans un carambolage comme on en a rarement connu au Mans, les deux Viper de la Fédé et de Larbre Compétition, la Saleen n°61, la Pilbeam, la Pescarolo n°18 qui s'était arrêtée à l'issue du tour de chauffe pour remettre des pneus slicks (!!!), la Reynard de Milka Duno et la Panoz n°12 ! Incroyable... Pour la Pilbeam, la Reynard et la Saleen, la course est finie. Pour la Viper bleue, le retour aux stands sera une aventure prenant plus de 50 minutes à David Terrien. Pour finalement être déclarée irréparable par ses mécaniciens... La Pescarolo perdra près d'une heure via deux arrêts aux stands. Il faudra le double pour remettre en condition la Viper Larbre ! Pour la Panoz, ce n'est qu'un changement de capot avant qui prend deux minutes soit le même temps d'arrêt que l'Audi Champion. C'est un peu plus long pour la R8 aux couleurs Gulf mais pas rédhibitoire : 13 minutes perdues. La catégorie GTS est d'emblée quasiment amputée de ses éléments majeurs ! La voie est d'ores et déjà bien presque libre pour Corvette... L'apocalypse, on vous dit !

Le Mans 2001 Audi 1Le classement est évidemment bouleversé d'autant que l'Audi n°2 doit rentrer au box après 28 minutes de course pour changer un triangle de suspension arrière gauche. Jan Lammers prend donc alors la tête mais rentre immédiatement aux stands pour changer de gommes. C'est donc la Bentley n°7 de Martin Brundle qui se hisse au commandement devant l'Audi n°1. La course repart à 16H44 . La piste sèche alors très vite rendant indispensables de nouveaux changements de pneus. Cela explique que la Panoz n°11 parvienne durant quelques secondes à s'installer au commandement. Mais cela ne sera qu'un feu de paille. La Bentley reprend son bien avant la fin de cette première heure dont on se souviendra longtemps ! Un rapide chassé-croisé Bentley-Audi s'installe alors entre la n°7 et la n°1 qui échangent deux fois leurs positions avant que la R8 ne s'impose réellement peu avant la fin de la deuxième heure. Bentley ne reprendra plus jamais l'avantage...

Alors que la pluie reprend gentiment du côté du Tertre Rouge provoquant quelques figures sans conséquences, Audi va connaître une première anicroche. Vers 18H40, les images de la télé montrent la « Gulf » au ralenti dans les Hunaudières. Stephan Johansson s'immobilise puis on pousse la R8 derrière les rails. Elle n'en repartira pas ! L'électronique a mal supporté l'humidité ambiante... Mais peu de temps après, les trois autres R8 s'installent aux trois premières places ! Il faut dire que vers 19H20, la course va être marquée par une nouvelle et monstrueuse averse ! Cette fois-ci, le coeur de l'orage se situe devant les tribunes et l'on voit la foule tenter de trouver abri sous la grande tribune qui est également le siège de l'ACO. La piste est inondée en un rien de temps. Laissez-moi vous donner une anecdote d'ailleurs à propos de cet instant de la course. A l'époque, j'étais assistant des speakers au sein d'Infos-Course et nous étions encore installés au 5ème étage du module sportif. Et bien sachez qu'au moment de cette « drache » énorme, nous ne pouvions plus rien voir de la piste ! La pluie était tellement serrée, les gouttes si grosses, que nos vitres en devenaient opaques ! Sans le signal télé, nous aurions été aveugles...

Nouvel orage !

th_LM_2001_Cadillac_5bEvidemment, dans de telles conditions, les figures libres se multiplient aussi bien au Dunlop qu'au Ford puis rapidement sur la quasi totalité du circuit. Par miracle, cette fois-ci, on évite un nouveau carambolage mais pas les incidents en piste, comme pour la Cadillac n°5 dans le freinage du Dunlop ou la Pescarolo n°18. Ces deux voitures rentreront aux stands pour ne plus jamais en repartir... Mais autre fait majeur, on connait également un incident dans les stands. Laurent Aïello rentre en effet à son box pour chausser les gommes adéquats. Surpris par la faible adhérence du béton, il perd le contrôle de la R8 n°2 et va tout d'abord percuter un mécanicien de chez Barbour avant d'arracher une partie des installations du team Champion et de s'arrêter en vrac devant son stand, le tout devant les yeux du petit frère de votre serviteur ! La direction de course neutralise de nouveau l'épreuve ce qui est sage, les pilotes éprouvant même parfois du mal à tenir le rythme du safety-car en ligne droite tant ils sont victimes d'aquaplanning !

th_LM_2001_Bentley_7Dans son duel face à Audi, Bentley va perdre son arme majeure avant la nuit. Vers 20H40, Guy Smith immobilise son EXP-Speed 8 qui fume très fortement. En fait, il connaissait des problèmes de boite qui l'ont immobilisé à Arnage. En tentant de ramener la voiture au démarreur, celui-ci a surchauffé provoquant un début d'incendie. La n°7 est Out !

Mais Audi va être rapidement touché à son tour. C'est au tour de la deuxième R8 privée, celle du team Champion d'être arrêtée du côté d'Arnage. La transmission est défaillante et cause l'abandon de la n°3 ! Cela n'empêche pas l'usine de dominer avec ses deux R8 toujours dans l'ordre n°1-n°2. La seconde Bentley est installée sur le podium mais cela ne va pas durer. On change un boitier électronique gérant la boite de vitesses peu avant minuit ce qui permet à l'Oreca n°15 et à la Courage-Pescarolo n°17 de passer devant. th_LM_2001_Bentley_8bMais là non plus, ça ne dure pas. Pile après minuit, la n°17 rentre dans le box et perd 25 minutes pour un changement de boite ! Mais au moins, elle peut repartir ce qui, à 2H30 du matin, n'est pas le cas de la meilleure des trois Oreca Chrysler, le V10 Judd ayant cassé... A mi-course, le groupe VAG s'offre donc les trois premières places !

Mais, fait bien plus surprenant, c'est une LMP2 qui s'installe au quatrième rang, à savoir la Reynard n°38 du team ROC ! La MG n°34 a déjà quitté la course et la n°33 ne va connaître la seconde moitié de course que durant l'espace d'une demie-heure. Dans les deux cas, le moteur AER a rendu l'âme. Chez Barbour, on a perdu la deuxième Reynard-Judd lors d'un incendie dans les stands...

th_LM_2001_Oreca_Chrysler_16bBien que la pluie persiste à s'inviter régulièrement, la seconde moitié de course est plus calme du point de vue des faits de course (heureusement !). Vers 5 heures du matin, la Cadillac survivante déborde la Reynard ROC n°38 et s'installe au quatrième rang. Mais l'américaine doit rapidement céder cette place à une franco-américaine : l'Oreca Chrysler n°16. Ainsi, à 10 heures de l'arrivée, le quarté de tête final est d'ores et déjà formé !

Pourtant chez Audi, on va connaître un ultime petit rebondissement. A midi et demi, Kristensen est poussé dans son box ou l'on va procéder au changement complet du train arrière suite à un léger problème de boite de vitesses ! Comme cela a déjà été réalisé sur la n°2 peu avant la mi-course l'intervention est menée à bien en 6 minutes... Que faire contre une telle organisation et une telle ingénierie ? La n°1 des vainqueurs 2000 repart sans avoir perdu son leadership bien évidemment, la n°2 ayant accumulé trois tours de retard avant cet incident... Audi n'ayant désormais plus rien à craindre hormis la météo, c'est du côté de la concurrence qu'il faut regarder. Et celle-ci n'est pas au bout de ses émotions.

Allo le stand ? Elle brûle...

C'est tout d'abord Oreca qui enregistre une nouvelle déception, heureusement cela concerne la moins bien placée des deux P900 de l'équipe. L'Audi R8 n°1 vient à peine de reprendre la piste que l'on voit la Chrysler n°14 en feu après la bosse de Mulsanne. Seiji Ara est pressé de quitter son cockpit (on le comprend !) Il se dégraffe avant l'arrêt, se dresse sur la pédale de frein pour pouvoir regarder son compartiment moteur, alors que sa voiture n'est pas encore arrêtée ! Une fois immobilisé exactement là ou Andrew Gilbert-Scott en avait fait de même en 1997 avec sa Mclaren Gulf, il s'extrait comme un lutin de la voiture, puis calmement, sort son téléphone portable et appelle le stand ! Oreca n'a plus qu'une seule voiture en course.

Chez Pescarolo Sport, on va également enregistrer un coup dur une heure plus tard. Le V6 Peugeot est sévèrement touché et n'est en mesure que de boucler un ou deux tours, histoire de recevoir le drapeau à damiers. 5ème au moment du problème, la seule Courage C60 encore en piste, ne sera finalement classée que 13ème... Dans le même temps, la Cadillac n°6 est à la peine avec des problèmes multiples. Comme la n°17, elle se contentera d'attendre 16 heures pour terminer 15ème. Indiscutablement, Cadillac a du pain sur la planche pour se rapprocher d'Audi l'année prochaine !

th_LM_2001_Corvette_63Alors qu'un un nouvel orage vient perturber la fin de course et noyer le bitume, on assiste à un fait de course vraiment peu banal... Chez GM, on est heureux de voir les Corvette en passe de s'imposer en GTS. Il est vrai que les clans Viper et Saleen ont été marqué par une malchance noire au moment des averses. Toujours est-il que la n°63 est installée à une superbe 5ème place au scratch, devançant nombre de prototypes dont la meilleure LMP675 qui est toujours la Reynard n°38 (et qui le restera jusqu'aux damiers). La n°64 n'est pas très loin derrière et la dernière Saleen, la n°62, qui embêtait encore les Corvette en s'étant intercalée entre elles, est désormais immobilisée aux stands avec un V8 à l'agonie. Aussi, alors que survient l'orage, les deux C5-R s'arrêtent aux stands et rentrent dans le box. Problème majeur ? Invraisemblable coup du sort ? Que nenni ! Rapidement, on s'aperçoit que l'on ne fait pas grand chose sur les autos hormis leur refaire une petite toilette. Certes, on change le démarreur sur la n°64 par précaution mais les voitures sont avant tout immobilisées sur décision de l'équipe et non pour cause de problème technique ! Du très, très rarement vu dans la Sarthe. Après un arrêt de 35 minutes, les deux C5-R seront renvoyées en piste pour parader. Mais... Mais la n°63 n'est plus que 8ème au scratch et surtout, la meilleure Grand Tourisme en piste n'est désormais plus une GTS mais une GT, à savoir la Porsche n°83 du Seikel Motorsport. Insensé ! Cette situation était tellement étrange (voire énervante pour les amateurs d'endurance) que le speaker Bruno Vandestick tenta bien de convaincre le team américain par téléphone, qu'il devait reprendre la piste. L'argument de demeurer la meilleure Grand Tourisme au classement n'avait pas suffisamment de valeur aux yeux de l'état major de Pratt&Miller, seule la victoire en GTS importait. Et si l'on pouvait s'épargner quelques tours inutile pour cela, le pragmatisme imposait de le faire... Business is business !

Trio gagnant !

Arrivee 24  Heures du Mans 2001Sur une piste redevenue sèche, à 16 heures, les deux Audi officielles, entourées d'une meute de voiture souhaitant apparaître sur la photo, reçoivent le salut du drapeau à damiers. Rendant le salut, Emanuele Pirro agite lui aussi un petit drapeau embarqué lors du dernier ravitaillement. Un drapeau comptant quatre anneaux... Avec cette course impeccable malgré des conditions dantesques, Biela-Kristensen-Pirro viennent d'égaler le record de Stuck-Bell-Holbert. En 1986 et 1987, sur une Porsche 962C officielle, Hans, Derek et Al étaient parvenus à s'imposer deux années consécutives au Mans. Frank, Emanuele et Tom ont désormais fait aussi bien. Ils n'ont plus que 12 mois à attendre avant de faire encore mieux...

Laurent Chauveau