LMP1 2011 : bienvenue aux hybrides ! Imprimer Envoyer
Vendredi, 10 Septembre 2010 22:28

th_Peugeot_908_HY_2008-4408Après avoir fait un focus sur la caractéristique majeure des futurs prototypes LM P1 ou P2, celle qui nous « sautera » aux yeux, la fameuse épine dorsale ou aileron de requin, je vous propose de découvrir les autres points majeurs du règlement 2011 (toujours provisoire). Le premier enseignement majeur que l'on peut tirer de ce règlement 2011, c'est que les dimensions des voitures demeurent globalement inchangées par rapport à la précédente mouture. Cela signifie qu'une auto 2010 peut devenir complètement conforme au règlement 2011 en restant quasiment inchangée au niveau de la carrosserie, exception faite, bien entendu, de l'ajout de l'aileron de requin... Ainsi en simplifiant, pour devenir une pure LMP1 2011, une LMP1 2010 n'aurait à subir qu'un changement de moteur rentrant dans le nouveau tableau des cylindrées admises. Cela limite les frais pour les constructeurs et les teams privés notamment. Dans une période aussi difficile, cette stabilité a du sens même si cela risque aussi de se traduire pour les fans, par un nombre relativement limité de pures nouveautés. Seules les usines auront probablement la possibilité économique de repartir d'une feuille complètement blanche. Le poids des futurs prototypes sera égal pour tous, LMP1 ou LMP2, essence ou diesel, conventionnel ou hybride : 900 kg.

Le second enseignement majeur, c'est l'autorisation des voitures hybrides en LMP1. Cette technique reste interdite en LMP2 pour des questions de limitation des coûts. Admettre les hybrides en P1, c'est une décision pleine de sens si l'on veut attirer de nouveaux constructeurs vers Le Mans et ses séries parallèles. Les services marketing ne peuvent qu'être heureux de pouvoir ainsi promouvoir, via des résultats en compétition, les technologies de « l'avenir » qu'ils utilisent déjà en série. Cela suffira-t-il à attirer de nouvelles usines ? On ne peut en être sûr mais cela semble être un préalable nécessaire de nos jours car l'intérêt direct des retombées médiatiques semblent commencer à s'estomper dans l'esprit des grands décideurs. Il faut de plus en plus, justifier l'implication en compétition en « lavant plus vert ». Que l'on apprécie ou pas ce genre de discours, qu'on le trouve fondé ou confinant à la propagande, il faut admettre qu'il existe et surfer sur la vague. Espérons seulement qu'il soit encore temps de prendre celle-ci pour attirer de nouveaux concurrents... Le Mans n'est pas seul.

Quel hybride choisir ?

Hybrides disions-nous donc. Mais qu'est ce qu'une hybride ? C'est tout simplement une auto utilisant différents types de moteurs pour sa propulsion. Actuellement, les hybrides connues utilisent un couple moteur thermique/moteurs électriques, sachant qu'il existe plusieurs niveaux d'hybridation en fonction de la façon dont ce couple thermique/électrique est associé. Il en sera de même sur les prototypes futurs, les principales différences venant avant tout de la méthode utilisée pour recharger les batteries alimentant les moteurs électriques. La version actuelle du règlement 2011 laisse d'ailleurs libre choix aux ingénieurs quant au système choisi à condition qu'il respecte certains critères précis. On sait par exemple, que la Peugeot 908 HY récupérait l'énergie de freinage de manière électrique, un peu comme une dynamo de vélo. La Porsche 911 GT3 Hybrid le fait de manière électromagnétique via la mise en rotation, d'un volant d'inertie toujours lors des phases de freinage. On sait aussi que Audi se déclarait plus intéressé par une récupération d'énergie via la chaleur dégagée par le moteur. Dans tous les cas, la restitution de l'énergie accumulée se fera par un moteur électrique. C'est à ce niveau que le règlement intervient de manière limitative :

- Tout d'abord, le règlement stipule que l'hybridation « ne doit pas avoir pour objectif d’obtenir un surcroît de puissance mais de réduire la consommation de carburant. » Cet esprit se traduit d'ailleurs par une contenance de réservoir de carburant (légèrement) plus faible de 2 litres pour les hybrides face aux protos classiques soit : 73 litres contre 75 pour les moteurs à essence. 63 contre 65 pour les diesel. La mise en action du système hybride doit être indépendante de la décision du pilote et uniquement commandée par la pédale d'accélérateur. Cela interdit les systèmes « push to pass » qui dans certaines disciplines, offrent un surcroît de puissance à la demande du pilote pour aider au dépassement. Pour être clair, le calculateur électronique devra donc décider lors d'une accélération s'il met en route les moteurs électriques ou pas, en fonction de la charge de la batterie. Si oui, alors, il modulera à la baisse, la puissance du moteur thermique tant que l'électrique offrira son apport.

Quatre roues motrices, non permanentes...

- Pour les autos privilégiant la récupération d'énergie au freinage, le système n'agira que sur un seul des deux essieux, pas les deux. De même lors de la phase de restitution. Cela signifie tout de même qu'en plaçant les moteurs électriques sur les roues avant, on peut transformer ponctuellement l'auto en une quatre roues motrices, le moteur thermique propulsant l'arrière comme il est de coutume. On peut imaginer que dans des conditions humides, cette possibilité offrira de meilleures relances aux autos grâce à la meilleure répartition de la puissance motrice sur les 4 roues. Il est clair en tout cas, que l'ACO a changé de position sur ce point. Car initialement, lors des premiers débats sur l'arrivée des hybrides, il était acquis pour les dirigeants du club manceau, que les autos devraient, en toute circonstance, demeurer des 2 roues motrices. Il est également précisé que la récupération d'énergie de freinage ne peut se faire que dans les lignes droites. On peut imaginer que cela est précisé afin d'éviter aux ingénieurs de se laisser aller à imaginer des systèmes tendant à corriger et optimiser le comportement de l'auto en courbe en ne freinant que la roue interne à la courbe par exemple...

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Peugeot 908 HY (photo illustrant l'article en haut) ou Porsche 911 GT3 R Hybrid, les constructeurs ont déjà démontré leur savoir-faire en terme d'hybridation de véhicules de course.

- La quantité d'énergie que le système électrique pourra restituer entre deux phases de freinage est limitée à 0,5 MJ (MJ : Méga Joule). Pour fixer les idées, sachez qu'un litre d'essence contient approximativement 35 MJ. Le système électrique peut donc paraître marginal face à un tel chiffre. Sauf que les rendements des systèmes de propulsion électrique sont bien meilleures que ceux des systèmes à moteur thermique. Grosso-modo, cela signifie que 80 à 90% de l'énergie électrique est réellement transformée en énergie motrice à la roue. Contre 40% seulement environ pour un moteur thermique. L'apport de l'électricité devient donc beaucoup moins négligeable, surtout sur un circuit tel que celui du Mans ou interviennent de très gros freinages et de violentes accélérations. La Porsche 911 GT3 hybride développe ainsi 163 chevaux, via deux moteurs électriques pour 0,72 MJ d'énergie utile. Une basique règle de trois tenant compte de la valeur maxi de 0,5 MJ laisse penser qu'une centaine de chevaux pourraient ainsi être ponctuellement disponibles sur les LMP1.

- Le règlement stipule également que « pour être considérée comme hybride, une LMP1 doit pouvoir se déplacer sur toute la longueur de la voie des stands (minimum 400 m) à 60 km/h en utilisant uniquement le moteur électrique. Le test doit être fait pour l’homologation de la voiture sur la voie des stands du circuit des 24 Heures du Mans. » Cela ne présentera aucune difficulté pour les constructeurs puisque la Peugeot 908 HY, qui n'a jamais été réellement optimisée, en était pourtant déjà capable.

- Ces systèmes de récupération d'énergie mettant en jeu des puissances électriques très importantes, voire dans le cas du système à volant d'inertie de Porsche, des systèmes mécaniques potentiellement dangereux, le règlement est extrêmement précis et détaillé (sur un grand nombre de pages) pour tout ce qui concerne les conditions de sécurité que les constructeurs doivent mettre en place autour de leur système. On se souvient que les débuts des KERS en Formule 1 n'ont pas été sans provoquer quelques problèmes importants, notamment pour les mécanos dont certains ont subi de sérieuses « décharges électriques ». On a su s'en souvenir et en retenir les leçons.

- Enfin, point majeur concernant les hybrides, étant donnée la nouveauté que ces systèmes représentent en compétition, « l’ACO pourra ajuster les performances d’une voiture utilisant un tel système si ce dernier permet d’améliorer sensiblement son temps au tour. » C'est bien là le point faible d'un règlement admettant autant de technologies différentes au départ. Pour garantir des performances chronométriques égales à tous, il peut passer par des équivalences, système dont on connait les limites... Il va être nécessaire de jouer très fin pour ne pas relancer des polémiques néfastes et garantir un véritable spectacle en piste !

Les V10-V12 ne sont plus bannis ?

Pour ce qui concerne le moteur thermique des LMP1, les cylindrées maxi étaient connues de longue date et n'ont pas évolué soit :

- 3,4 litres maximum pour les essence atmosphérique
- 2,0 litres pour les essence suralimentés
- 3,7 litres pour les diesel suralimentés

Ce qui a changé par contre, c'est que le règlement ne stipule plus de nombre maxi de cylindres. Cela signifie donc que contrairement à ce qui avait été initialement annoncé, les V10 et V12, par exemple, ne seraient plus interdits. Pour autant, peut-on s'attendre à voir apparaître des nouveaux V10 ou V12 essence de 3,4 litres ? Rien n'est moins sûr car avec un règlement faisant la part belle aux économies d'essence, il n'est pas évident que ces moteurs soient très adaptés. Qui dit plus de cylindres dit également plus de frottements internes et donc une consommation plus élevée. Si de nouveaux moteurs essence doivent apparaître, je parierai plutôt sur des V8 3,4 litres, par exemple. Ou des 2 litres turbo à 4, voire 5 ou 6 cylindres. Ils devraient offrir un meilleur compromis entre la puissance, le couple, le poids et la consommation. Mais le fait de ne pas exclure, de fait, les V10 ou V12 est une bonne chose. Rêvons un peu de retrouver le bon vieux V10 Judd de 3,5 litres du début des années 90 ramené à 3,4 litres. Evidemment dépassé en terme de performances, il serait très certainement en tête à l'indice de satisfaction des oreilles ! Et ce malgré une limitation toujours plus importante du bruit émis par les moteurs. On se contentait de 112 dbA en 2010. On va perdre encore deux points en 2011 avec 110 dbA. L'échelle de mesure du bruit en décibels étant logarithmique, la perte auditive va être importante. A ce rythme, il va falloir se poser une question : à quand des diesels plus bruyants que les essence ? Qui l'eut cru...

Les P1 2011 plus puissantes que les P2 2010

Après la cylindrée, voyons le cas des brides d'air d'admission en comparant les brides LMP1 2011 avec celles du P1 2010. La comparaison peut en effet être directe puisque les moteurs P2 d'hier deviennent ceux du P1 de demain. Là ou en 2010, un moteur de 3,4 litres de cylindrée pouvait utiliser une bride de 40,7 mm cette année, il bénéficiera d'un diamètre plus important en 2011 : 42,8 mm. Cela correspond donc à une augmentation de la surface utile de la bride de 10% soit approximativement la même augmentation de puissance. Mais le poids maxi ayant dans le même temps grimpé de 9% (825 kg pour les P2 2010 contre 900 aux P1 2011), on ne doit pas s'attendre à une augmentation significative des performances. La barre des 3'30" devrait toutefois être franchie lors des essais mais en course, c'est moins probable. L'ACO parvenant là à atteindre son but de limitation des performances. Dommage toutefois que cela se fasse en alourdissant les voitures. Surtout en une époque ou la voiture de série a inversé sa facheuse tendance à prendre du poids à chaque nouvelle génération...

Un petit point du règlement n'est pas sans attirer l'attention, c'est celui de la température interne du cockpit. Souvenons-nous en effet que lors de la conception de la Peugeot 908, la température devait déjà être très contrôlée en ne dépassant jamais de plus de 10°C celle mesurée à l'extérieur de la voiture. Dans les faits, simplement en jouant sur une bonne ventilation, les ingénieurs étaient parvenus à un différentiel maxi de 4°entre l'intérieur et l'extérieur de l'auto. Puis, prenant en compte les problèmes affectant les pilotes Aston Martin au Mans en 2005, le règlement avait été modifié, imposant que la température ne dépasse jamais les 32°C dans la voiture. Cela signifiait qu'il devait faire plus frais dans un coupé que dans une barquette si la canicule sévissait dehors : un confort un peu incongru dans une voiture de course ! Ce point avait imposé, sinon réglementairement du moins dans les faits, aux constructeurs de prototypes fermés d'installer un système de climatisation à bord. Or voilà que le règlement revient en arrière. Effectivement, on remet en vigueur un barème se calquant sur la température extérieure. Ou est la logique ?

Deux petits points pour en finir... Le premier, sachez que les déformations que peut subir l'aileron arrière seront contrôlées de près. Ce afin d'éviter des éléments qui, par leur flexibilité, peuvent plus ou moins s'effacer à haute vitesse, diminuant ainsi la traînée et améliorant la vitesse de pointe. Une batterie de test permettra de s'assurer que ces éléments restent « dans les clous ». On sait que cette volonté d'interdire les éléments mobiles remonte aux problèmes expérimentés en F1 à la fin des sixties, lorsque les ingénieurs prenaient des libertés avec les facteurs de sécurité. Aujourd'hui, alors que nombre de voitures de série offrent des ailerons retractables, on peut se demander si cette mesure a encore toute sa légitimité. D'un autre côté, l'aileron fixe oblige les ingénieurs à la recherche du meilleur compromis. C'est un challenge très intéressant qui fait tout le sel de la mise au point des autos. Surtout sur le circuit actuel du Mans qui mixe hautes vitesses et courbes très rapides...

Le second, l'ACO souhaite, comme je l'ai évoqué précédemment, équilibrer les performances des LMP1 aux caractéristiques fort différentes aussi bien du point de vue moteur que carburant. « Pour cela, l’ACO se réserve le droit d’adapter les éléments suivants pour chaque type de moteur et/ou chaque type de carburant:

- Poids minimum de la voiture
- Dimensions des brides d’air
- Capacité du réservoir de carburant »

Espérons simplement que si l'on joue sur le poids mini, c'est en réduisant celui des moins rapides et non pas en augmentant celui des plus vites...

Laurent Chauveau