8H du Castellet 2010 : Audi ne fait pas mentir sa légende... Imprimer Envoyer
Mardi, 13 Avril 2010 20:19

th_HTTT_Course_43Chez Audi, il est de tradition qu'une voiture neuve s'impose dès sa première course en endurance. Hormis les R8R et R8C de 1999, tous les autres protos sortis des ateliers d'Ingolstadt ont contribué à bâtir cette belle histoire. R8 en 2000, R10 en 2006 et R15 en 2009 ont remporté à chaque fois les 12 Heures de Sebring, la toute première course qu'elles disputaient. La R15+ n'a pas pu être prête à temps pour la course floridienne cette année. Il lui a donc fallu patienter jusqu'au mois d'Avril pour imiter ses aînées. Sans trembler…

Car s'il est vrai que la Peugeot 908 du Team Oreca a bien trop vite relâché sa pression sur la R15+ par la faute d'une panne encore inédite (fuite d'air au niveau des vérins hissant la voiture pour le changement de roues lors du tout premier ravitaillement ), il semble tout de même que l'allemande était très légèrement plus rapide que la française. Cependant, il est fort dommageable que le pépin soit intervenu si tôt sur la 908 car cela nous a vite privé du moindre suspense et il faut bien reconnaître qu'en LMP1, la course a été assez terne !

Mücke joue bien le coup !

Pourtant Stefan Mücke y a mis du sien pour nous offrir un départ flamboyant ! Profitant de l'arsouille entre Sarrazin et McNish lors des premiers virages, il parvenait à déborder d'un coup, la Peugeot et l'Audi et à placer ainsi, de manière assez inattendue, la Lola Aston Martin en tête ! Il parvenait à maintenir sa position durant deux tours mais devait rapidement s'incliner devant la puissance des diesels, Allan, puis Stéphane le repassant tout deux. Pas grave, Aston Martin avait ainsi eu l'occasion de briller devant les caméras de télé : bien joué Stefan !

Derrière les trois usines, la baston des "essences privés" commençait, principalement entre les voitures du team Rebellion et la Oreca 01 AIM. La seconde voiture du team varois s'en sortait fort bien lorsqu'un pneu déchapé obligeait Soheil Ayari à une perte de temps et un arrêt précoce que la voiture et ses pilotes ne pourront jamais combler véritablement, tout du moins, pour jouer le podium.

Fébrilité dans les stands

Le Rebellion Racing perdait également rapidement une unité. Neel Jani partait en effet en sucette dans le gauche avant le virage du Pont. Avait-il déjà faussé sa suspension ou était-ce le passage en travers sur les vibreurs qui provoquait cela ? Toujours est-il que le pneu arrière gauche avait "pris de l'angle" dans la manœuvre. La n°12 laissait ainsi une large traînée noire sur la piste, preuve que le pneu n'avait plus un contact normal avec le sol. Malgré cela, le pilote suisse s'élançait dans un nouveau tour alors qu'il lui était possible et facile de repasser par son stand. Il perdait donc beaucoup de temps dans ce tour au ralenti. Et bizarrement, lors de son pit-stop, l'équipe technique se contentait de lui changer ses pneus avant de le renvoyer en piste. Bien évidemment, la suspension était toujours bancale et Neel dut couvrir un nouveau tour au ralenti et en crabe… A l'arrêt suivant, on se décidait donc à rentrer l'auto dans le box afin de procéder à la nécessaire intervention. Que de temps doublement perdu… Et comme si cela ne suffisait pas, la voiture a subi un stop&go de 3 minutes pour avoir démarré des stands en patinant ce que le team réfute énergiquement. La trace de gomme noire devant le stand aurait été laissée par une F3 lors de la course matinale.

En tête, McNish maintenait son avance sur Sarrazin, voire l'augmentait légèrement. Stéphane Sarrazin confiera plus tard qu'il a été particulièrement gêné dans le trafic, tombant régulièrement sur des paquets de voitures au moment inopportun pour doubler sereinement ce qui peut en partie expliquer le retard d'environ 15 secondes que le gardois comptait sur l'écossais au moment du premier ravitaillement. Je ne reviendrai pas sur celui-ci, que j'ai largement détaillé hier. Mais il est clair qu'à l'issue de cette première vague de ravitaillement, la course était déjà quasiment jouée en LMP1. En tout cas, à l'issue des 60 premières minutes, le podium est déjà définitif ! Il ne se passera plus rien sur les sept dernières heures hormis un accroissement régulier des écarts...

Toujours un écart...

En fait, les seules évolutions au classement au fil de cette course sont à mettre au crédit des deux voitures d'Oreca, qui reprirent chacune plusieurs places après leurs ennuis, la 908 surtout bien évidemment. Toujours est-il qu'à quelques encablures de la fin de course, les deux autos sont 4ème et 5ème, la Oreca 01 AIM précédant la 908. Hélas pour la première nommée, lors d'un arrêt ravitaillement, on tente de réparer avec deux morceaux de gros scotch, les persiennes abîmées de l'aile avant droite. Mais le règlement est très strict cette année sur ce point et l'on peut s'étonner que l'équipe l'ait ignoré. Règlement sportif article 5.17 : “Une réparation avec du ruban adhésif n’est pas acceptable.” Dès lors, il n'était pas étonnant de la voir revenir aux stands très rapidement afin de recevoir un capot neuf mais également une pénalité infligée par la direction de course. Après ce second arrêt, la 908 avait recollé à une vingtaine de secondes. Mais le sort s'acharnait contre la n°6. Un second changement de capot s'avérait nécessaire à cause d'un débris ramassé en piste et les deux voitures inversaient alors leurs positions... Elles précèdent la Lola Aston du team Signature, qui signe une course régulière mais un ton en-dessous de la voiture officielle et la Ginetta-Zytek de la famille Mansell, la moins rapide des LMP1 qui de plus, a subi quelques petits passages inopinés par les stands.

Quelles sont donc les leçons à retenir de cette course ? Tout d'abord, une relative fiabilité d'ensemble des P1 puisque les 8 voitures engagées sont à l'arrivée. Sur 8 heures, c'est un bon point. Ensuite et comme on pouvait s'y attendre, il reste évidemment un écart entre les “essences” et les “diesels”. Le second secteur du tracé de 5,8 km était à cet égard révélateur. Lors de la course, les Audi et Peugeot y collaient approximativement 1”5 aux autres P1, la domination étant un peu moins nette avec la Lola Aston. Et le secteur 2 comporte les 4/5èmes de la ligne droite du Mistral soit l'endroit ou l'on laisse parler la puissance pure. C'est principalement, voire quasi uniquement dans ce secteur-ci que les diesels font l'écart avec les essences. Ailleurs, on fait jeu égal. Bref, au Mans, il est probable que Audi et Peugeot n'auront pas trop à craindre de leurs adversaires... Dernière conclusion qui s'impose, Dunlop n'a pas eu à rougir de la comparaison avec Michelin. Les pneus semblent à la fois rapides et constants sur un relais. Reste à comprendre le problème du déchapage sur la Oreca 01 qui a plombé sa course (et probablement aussi une partie du suspense pour la troisième place...)

Pour le reste, il est vraiment difficile de juger le niveau réel de performance de l'Audi R15+ face à la 908. Pour en savoir un peu plus, il aurait fallu plus d'un seul relais. Après le soucis de l'air jack sur la Peugeot, les deux voitures ne s'affrontaient plus directement et n'étaient plus sur la même stratégie. Seuls les deux teams peuvent probablement tirer de réelles conclusions. Mais quant à nous, Spa nous en dira probablement un peu plus. Avec quatre 908 opposées à trois R15+, il est peu probable que la Bataille des Ardennes ait livré son vainqueur à l'issue des 60 premières minutes. En tout cas, il faut le souhaiter !

HPD et Strakka au dessus du lot

th_HTTT_Course_44Le LMP2 a donné lieu à une course plus animée. La règle imposant la mixité entre pilotes pros et gentlemen drivers n'y est pas pour rien. En fonction de la stratégie retenue par chaque team, un pilote pro pouvait être en piste au même moment qu'un gentleman sur une auto concurrente ce qui a rendu possible quelques renversement de situation, notamment lorsque Guillaume Moreau et sa Pescarolo OAK n°35 remontaient au grand galop sur Mike Newton et sa Lola RML n°25 avant la mi-course. Toutefois si le OAK Racing a véritablement réalisé une très belle performance en Provence, le team qui a marqué la course est sans conteste le Strakka Racing. La HPD n°42 s'est en effet accrochée aux LMP1 en début de course. Songez qu'après une heure et par le jeu des ravitaillements, elle pointait au 4ème rang absolu à un tour tout juste de l'Audi de tête. Après 120 minutes, elle était encore 6ème à 3 tours...

C'est au cours de la troisième heure que la voiture a été freinée dans son élan. Un changement de capot arrière est devenu nécessaire après la perte de l'original ! L'arrêt un peu long a dû être répété et la voiture avait plongé au 8ème rang de la catégorie à la fin de la 3ème heure. Mais l'équipage solide (deux pilotes pros pour un seul gentleman) permit d'entamer une remontée sans faille. Il faut dire que le meilleur tour de l'auto est en 1'46"590 contre 1'48"430 contre la Ginetta-Zytek n°40, deuxième plus rapide de la catégorie soit un écart de près de deux secondes. La Pescarolo n°35 est une seconde plus loin... Il fallut toutefois attendre la dernière heure pour que l'ex-Acura récupère sa première place au détriment de cette dernière. Trois tours repris en cinq heures, cela montre la marge dont dispose l'ARX-01c n°42...

Belle course pour OAK Racing

OAK Racing s'offre donc les 2ème et 4ème places, un très beau résultat en ces moments difficiles pour l'équipe qui a conçu ces autos... C'est d'autant plus méritoire que cela a été acquis dans l'adversité. Le team a en effet connu deux casses moteur, une sur chaque auto lors des essais libres. Voilà qui rappelle malheureusement l'époque du Mazda ! Cela privait la n°35 de la séance qualif et l'obligeait à s'élancer en queue de peloton ! Mais après une heure, Guillaume Moreau avait déjà remonté la moitié du peloton des P2 ! Après 5 heures, elle était première ! Devant la n°24, qui elle, avait dû subir deux Stop&Go... Malgré une fin de course claire, chacune des deux Pescarolo noire et rose dut s'incliner devant une auto motorisée par le V8 HPD, la Lola RML n°25 parvenant en effet à coiffer la n°24 pour la dernière marche du podium.

Le team de Ray Mallock semble donc avoir réussi la greffe du V8 dans sa Lola en lieu et place du 4 cylindres Mazda. La voiture n'a pas connu de soucis lors de la course mais il reste à trouver un peu de vitesse sur un tour. A moteur égal, la n°25 rend trois secondes sur le meilleur tour en course à la HPD n°42, un gouffre...

Dans le clan Ginetta-Zytek, la n°40 du Quifel ASM Team a fait un beau début de course à la seconde place en tentant le pari de doubler les relais avec les pneus. Malheureusement, des problèmes de direction ont mis fin prématurément à sa course. La n°41 du team Bruichladdich a fait une course solide tout en connaissant un petit problème pour se relancer lors d'un ravitaillement. La cinquième place était au bout.

Racing Box a perdu l'une de ses Lola, la n°29. Mais la n°30, vraiment lente et isolée au milieu des FLM en début de course, décroche la sixième place. Avant de prendre possession de la Norma, Pegasus Racing joue le jeu avec sa Courage LC75 désormais dépassée et décroche la 7ème place juste devant le team KSM et sa Lola, dernière P2 classée.

Pour WR, la course n'a pas été facile avec de nombreux arrêts aux stands et des temps au tour encore assez éloigné des meilleurs de la catégorie. Mais c'est pire pour la Radical Race Performance, dont le meilleur tour en course est au niveau des meilleures FLM...

Dans cette catégorie ou certaines autos offrent une déco peu flatteuse (des efforts à ce niveau, que diable...) c'est la voiture qui échappe le plus aux critiques de ce point de vue, la n°49 aux couleurs bleues et oranges de l'équipe Applewood Seven. Le niveau de pilotage est ici très peu homogène et le meilleur tour de la voiture du team JMB est le moins bon du plateau derrière toutes les GT2 ! Autant aux USA, la présence de ces autos a évité le naufrage complet du plateau et elle s'y imposait, autant ici, en Europe, pour l'instant, on peut se poser la question du bien fondé de leur présence. Pour l'instant...

Vous retrouverez l'analyse de la course des GT2 dans un prochain article.

Laurent Chauveau