12H Sebring 2010 : Peugeot double sans trembler... Imprimer Envoyer
Mercredi, 24 Mars 2010 20:57

th_2010_Sebring_Peugeot_07Le rideau est tiré sur la 58ème édition des 12 Heures de Sebring. On n'attendait malheureusement guère de merveilles de cette course dans la catégorie reine, amputée de l'une de ces deux principales vedettes des deux précédentes éditions à savoir Audi. Une absence sans précédent pour le constructeur allemand depuis 1999 ! Une absence expliquée par l'apparition tardive de l'évolution majeure de l'Audi R15, la R15+, dont les premières photos ont été récemment dévoilées. Sans son « meilleur ennemi », Peugeot Sport se retrouvait dans une situation étrangement ambivalente. Confortable car la victoire devenait plus facile à quérir face à une esseulée Lola Aston Martin officielle et des Lola privées dont l'une d'entre elles, celle d'Intersport, subissait un accident majeur et rédhibitoire lors des essais libres ! Inconfortable car un échec dans ces conditions n'aurait pas manqué d'attirer railleries et questions...

Les 908 sans réelles rivales

Mais d'échec, il n'a pas été question pour le clan français. Les 908, qui entament leur quatrième saison sont allés chercher, sans surprise, un facile doublé, la n°07 de Wurz-Gené-Davidson l'emportant d'un peu moins de 14 secondes face à la n°08 de Lamy-Bourdais-Sarrazin... Un succès acquis au terme d'une course terne dans cette catégorie, hormis le début de course flamboyant d'Emanuele Pirro à bord de la Lola du Drayson

Racing motorisée par le V10 Judd. Emanuele nous a fait une « McNish » dans le Turn 7 en se jouant de la 908 de Bourdais, profitant très habilement du trafic très dense des leaders du GT2. En caméra embarquée, l'image est incroyablement spectaculaire ! Mais vue d'hélico, on a surtout l'impression que « Seb » assure vraiment beaucoup ne tentant pas le diable après les trente premières minutes d'une course qui en comptait 720... Il faut dire que la Lola Drayson étant confiée à un équipage hétérogène, ce bon Lord Drayson ne tenant pas tout à fait le même rythme que ses coéquipiers, la menace ne pouvait être que provisoire. Après le double-relais du romain, Peugeot pouvait entièrement marquer la course de son empreinte, les deux 908 occupant définitivement les deux premières places, preuve que la concurrence n'était pas au niveau, surtout si l'on compare à la fantastique course de l'an passé..

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Troisième place finale pour la Lola Aston Martin officielle
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Nouveau succès en LMP2 pour le Porsche RS Spyder grâce au team Cytosport
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Highcroft a bien failli vaincre Porsche. Il s'en est fallu d'un fil électrique récalcitrant...

Alors quels enseignements peut-on tirer d'une telle course ? Tout d'abord, la 908 prouve une fois encore qu'elle est réellement arrivée à maturité. L'an passé, l'une des deux autos avait été retardée par sa climatisation. En 2010, aucune des deux autos n'a connu de soucis technique. Seuls de petites anicroches en piste ont parfois légèrement retardé les voitures made in Vélizy... Crevaison et petit hors-piste de Davidson pour la 07, tête à queue de Bourdais pour la 08. Pour le reste concernant Peugeot, difficile de se prononcer...

Si l'on compare les meilleurs chronos en course 2010 et 2009, la 908 aurait perdu presque deux secondes en un an. Cela serait le fruit des aménagements réglementaires hivernaux, tant du point de vue aéro que sur celui de la puissance moteur des diesels. On peut toutefois se poser la question de savoir si les ingénieurs français ont donné le plein potentiel moteur à leur auto en l'absence d'une réelle concurrence. Quel était l'intérêt de dévoiler le plein potentiel du V12 HDi FAP et de risquer un nouveau petit rééquilibrage réglementaire ? En l'absence d'Audi, ne valait-il pas mieux accepter de délivrer un petit peu moins de chevaux ?

Toujours est-il que la consommation du moteur de la 908 y a gagné au change ! Certes, les voitures à moteur essence se sont rapprochées en performance pure grâce aux brides désormais plus généreuses, mais en délivrant plus de chevaux, ces blocs sont également devenus plus gloutons et se maintiennent donc moins longtemps en piste entre deux ravitaillements. De quoi maintenir un écart entre les diesels et les essences ! Car dans le même temps, les diesels, sevrés de chevaux, économisent un peu de gazole et espacent leurs arrêts... Mais s'il est possible de gagner un tour en conso sur un circuit de près de 6 km tel que Sebring, cela l'est beaucoup moins au Mans ou il y a plus de 13 km à couvrir avant de rentrer aux puits ! L'avantage sera donc peut-être plus ténu au Mans même si les « essence » perdent un tour d'autonomie par rapport à 2009.

Aston Martin, oui mais ?

Côté Aston Martin, j'avais déjà fait part, au lendemain des 24 Heures du Mans 2009, de mon scepticisme quant au fait que cette Lola remaniée soit aussi bien née que ne pouvait le laisser penser le résultat flatteur. Sebring 2010 confirme cette impression. Certes, la voiture termine troisième (à un peu plus de trois tours des 908) et prouve une fois encore que la fiabilité est bien là. Mais en terme de performance pure, la voiture conçue par Prodrive n'est pas impressionnante. Même lorsqu'elle est aux mains de ses meilleurs pilotes, tels Stefan Mücke. La démonstration de Pirro en début de course est à ce titre, un petit camouflet pour le clan Aston. Elle sera plus à l'aise au Mans mais il est évident que le V12 est intrinsèquement un moteur plus gourmand qu'un V10 par exemple, et que la carrosserie remodelée avec un look Aston n'est pas une pure réussite. Il faudra être plus radical dans les choix pour le modèle 2011 dont David Richards laisse encore planer le doute quant à sa réelle entrée en compétition si l'on en juge par ce qu'il a déclaré sur Endurance-Info. L'équivalence essence-diesel semblait pourtant donner satisfaction à tout le monde jusqu'à présent. Doit-on croire à un petit début de lobbying ?

L'évolution 2010 de la Lola coupée, la vraie, l'originale sortie des ateliers de Huntingdon, a impressionné comme nous le disions précédemment lorsqu'elle était confiée à Emanuele Pirro. Voilà une auto qui pourra donner du fil à retordre aux HPD tout au long de la saison américaine, une fois les deux catégories prototypes fondues en une seule comme l'a promis l'IMSA et ce dès la prochaine course de Long Beach. En extrapolant un peu, on peut penser qu'en Europe, le team Rebellion Racing sera un concurrent de taille avec ses deux B10/60. D'autant que dans le cas du team suisse, les équipages sont de très haut niveau et plus homogènes que celui de celle du team Drayson...

Espérons que la Lola Intersport des Field père et fils sera remise en état pour la prochaine manche californienne car l'ALMS a vraiment besoin de toutes ses unités en prototype cette année ! Quelle disette après les années 2007 et 2008 oppulentes...

LMP2 : Acura brille mais Porsche récolte

La catégorie LMP2 n'a pas offert un grand spectacle non plus. L'on pensait bien que la Acura Highcroft (pardon HPD et non plus Acura...) serait au-dessus du lot en terme de performance pure et ce fut effectivement le cas même si les qualifs avaient laissé croire à un duel serré entre les trois autos de pointe de la catégorie. En course, la ARX-001c a réellement dominé la Porsche RS Spyder Cytosport et la Lola Mazda Dyson. Cette seconde fut décevante avec un énorme problème dès le début de la course qui lui a fait perdre 77 minutes aux stands avec un problème électrique causant des soucis d'allumage ! La voiture a pu repartir et finir la course sans autre soucis mais bien évidemment, c'en était fini de ses chances. Décidément, rien n'est facile pour le team Dyson depuis quelques années ! Et Mazda n'a toujours pas pu prouver grand chose depuis son implication en ALMS... il va être temps de relever la tête...

La HPD ARX-01c a donc longuement dominé la course, d'autant plus facilement que la Porsche RS Spyder est globalement moins bien pilotée que l'ex-Acura. Malheureusement pour la belle noire et verte, après plus de 8H30 de course, alors que Simon Pagenaud cédait le volant à Marino Franchitti après un triple relais, l'écossais remarquait un petit début d'incendie dans le cockpit. Un petit fil électrique en était la cause et si le feu ne fut que de paille, l'intervention pour remplacer le fautif immobilisa la voiture 24 minutes à son stand. La Porsche Cytosport de Pickett/Graf/Maassen venait de se construire une avance appréciable qui lui permettra de boucler les 12 Heures en tête. Il faut tout de même bien constater que, depuis l'arrivée d'Acura en ALMS, les ARX n'ont que rarement couvert les 12 Heures sans connaître le moindre pépin hormis lors de la toute première course de la 01a en 2007. Cela peut laisser quelques espoirs à leurs futurs adversaires mancelles... Porsche engrange donc un nouveau succès à Sebring en LMP2 avec le RS Spyder, plus inattendu certes, que celui de 2008. Moins prestigieux aussi puisqu'il n'est pas accompagné de la victoire au scratch ! 14 tours séparent finalement la meilleure des LMP2 de la Peugeot victorieuse.

GT2 : vers une saison royale ?

La catégorie la plus attendue était bien évidemment le GT2, qui en American Le Mans Series, pourrait constituer probablement un véritable Championnat du Monde de la catégorie. BMW, Corvette, Ferrari, Porsche vont probablement s'y déchirer comme des chiffonniers durant toute la saison. Les premiers tours ont d'ailleurs confirmé tout ce que l'on pouvait espérer. Une lutte à couteaux tirés entre ces 4 firmes. Las, les doutes entrevus sur le potentiel et la préparation de la Jaguar XKRS ont été confirmés beaucoup trop rapidement dans cette course (11 tours couverts seulement !) et l'on peut réellement douter que la voiture d'origine anglaise soit en mesure, en ce début de saison, de se mêler à ce duel de géants. L'équipe de Paul Gentilozzi va devoir très vite trouver de la performance et de la fiabilité pour se montrer digne du niveau de la compétition...

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Le team Risi s'offre ainsi qu'à Ferrari, une deuxième victoire à Sebring consécutive !
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Chez Corvette, on s'est "loupé" aux stands...
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Le Flying Lizard était dans le coup pour la victoire mais Dame chance n'en a pas voulu ainsi...

La Ferrari Risi s'est imposée dans la catégorie aux termes de ces 12 Heures, pour la deuxième année consécutive, dominant de moins d'un tour les deux BMW, preuve que la lutte fut serrée même si après les deux premières heures, seules les « restarts » nous donnèrent l'occasion de revoir quelques bagarres au contact en GT2. La plupart du temps, malheureusement, les écarts, stables certes mais établis néanmoins, nous empêchèrent de réellement vibrer, ôtant pas mal du sel de cette course. Par contre, on a assisté à deux moments d'auto-destruction aussi improbables qu'étonnant qui ont scellé le sort de Porsche et de Corvette !

Corvette s'auto-détruit !

Ce sont tout d'abord les américains qui se sont pris les pieds dans le tapis. Peu avant le terme de la quatrième heure, alors que la n°3, déjà attardée par des problèmes de direction assistée, était relâchée par ses assistants au terme de son pit-stop, la n°4 de Manu Collard survenait un tour plus tôt que prévu suite à une alarme « low-fuel » au tableau de bord et la percutait violemment à l'arrière, risquant même de mettre à mal certains mécanos. Heureusement, il n'en fut rien. Mais les deux voitures perdirent là toute chance de vaincre dans une bataille ou perdre un tour est déjà un handicap énorme...

Du côté des Porsche, après un excellent début de course, celle du team Falken avait fini par perdre le contact direct avec les leaders lorsqu'elle perdit la roue arrière droite peu après le début de la sixième heure. Rentrée aux stands pour réparation puis repartie, elle la perdait de nouveau quelques minutes plus tard mais après avoir manqué de peu une Corvette au premier coup, cette roue folle touchait bel et bien la Porsche de pointe du Flying Lizard, la n°45 à sa deuxième « échappée » endommageant gravement la jante et le pneu arrière de celle-ci... Le contact ne semblait pas violent au premier coup d'oeil mais Bergmeister, alors au volant, allait toutefois perdre plus de temps que nécessaire aux stands. Effectivement, sa nécessaire rentrée aux stands coïncidait avec l'entrée en piste des safety-cars et la « fermeture » de la ligne des stands. Les mécanos devaient donc attendre que la ligne soit de nouveau ouverte (soit 4 tours !) avant que ses assistants ne puissent intervenir !

Incroyable malchance pour Porsche...

Cette loi américaine est inconnue sur nos circuits européens et elle est assez incompréhensible pour un arrêt mécanique pourtant indispensable. Si elle peut être acceptée pour un simple pit-stop (et encore), comment expliquer que l'on n'autorise pas les réparations sur une auto visiblement endommagée tant que le leader n'a pas rattrapé le safety-car ? Bergmeister n'a eu que le tort de passer au mauvais endroit au mauvais moment. Le choc avec la roue hypothéquait déjà les chances de sa voiture pourtant classée seconde. Il ne pouvait faire autrement que de rentrer aux stands immédiatement puisque le pneu avait fini par se déchiqueter et s'envoler. S'il avait poursuivi au ralenti derrière le safety-car, il aurait non seulement endommagé plus encore sa RSR mais envoyé plus de débris sur la piste, risquant la sécurité des autres concurrents. Il n'avait donc pas le choix. Pourtant, il y a perdu un temps considérable avec ses mécanos groupés autour de l'auto sans avoir le droit de la toucher. Aberrant ! C'est une sorte de double-peine. Percuté par la roue d'un adversaire donc première perte de temps, puis interdit de réparations donc seconde perte de temps. Si sur un ovale tel que celui de Charlotte (ou les concurrents de la Nascar ont roulé ce week-end) le retard accumulé aurait été minime tant cet anneau est court, sur un routier de plus de 5 km comme celui de Sebring, cela devient un gouffre abyssal ! N'y aurait-il pas là quelque chose à revoir ?

Bref, Porsche venait de perdre là ses deux meilleurs chances car la seconde GT3 du Flying Lizard Motorsport n'était pas tout à fait sur le même rythme puisque pilotée notamment par Seth Neimann, le propriétaire du team, qui n'a pas la vitesse des pilotes usines Porsche.

Risi et Ferrari bissent !

Il s'agit donc d'une victoire imparable donc pour le team Risi Competizione et la Ferrari 430 n°62 de Bruni-Melo-Kaffer qui a pointé en tête avec une régularité impressionnante dans un tel affrontement. L'équipe a pourtant connu un moment de grosse frayeur lorsque la 430 du Krohn Racing (bichonnée par les mécanos de Risi eux-mêmes doit-on le rappeler ?) a légèrement touché un Gianmaria Bruni légèrement optimiste à l'abord du Turn 13. Après une belle embardée, Gimmi a pu éviter tout contact avec les rails ou murs et donc des dégâts sur sa voiture mais c'était chaud !

BMW a bien amélioré ses M3 par rapport à la même épreuve l'an passé ou elles avaient connu pas mal de pépins. La voiture est désormais mature, fiable et rapide puisque Joey Hand signe le meilleur chrono du GT2 en course en 2'00"985 sur la n°90. Voilà qui est de bon augure pour le reste de la saison pour les hommes de Bobby Rahal. Mais on sait aussi que la M3 est bien aidée outre-Atlantique par de savants petits dosages réglementaires propres à l'IMSA. Il est possible que Schnitzer en Europe, peine un peu plus face à la concurrence...

Deux nouvelles catégories : LMPC et GTC

Le plateau de ces 58èmes 12 Heures de Sebring était considérablement renforcé, en cette période vaches très maigres en prototype et de disparition définitive du GT1 aux USA, par l'arrivée des LMPC et des GTC. Pour les premières, il s'agit des Oreca FLM à moteur Chevrolet V8 que l'on voit également en Europe. Pour les GTC, il s'agissait exclusivement de Porsche 911 GT3 Cup. L'apport de ces autos a permis d'enrayer une baisse chronique du nombre de partants au cours de ces dernières années : 33 voitures en 2010 contre 26 en 2009, 33 en 2008, 34 en 2007 et 35 en 2006... Sans les forfaits des Lola Intersport et Autocon, ce total aurait donc été de 35 ce qui est honorable.

Le LMPC a été dominé assez aisément par la n°55 de Tucker/Wilkins et Christophe Bouchut. Le français ajoute ainsi un nouveau succès à son immense palmarès. Deux de ses autos ont été déclassées après la course pour non-respect du temps minimum de conduite de l'un des pilotes ! Le GTC a salué le retour du team d'Alex Job en ALMS. La GT3 Cup n°81, longuement dominatrice elle aussi s'impose grâce au trio Gonzalez/Leitzinger/Keen.

Une firme française s'est donc imposée pour la première fois au palmarès de la grande classique floridienne. Bravo à Peugeot et à la 908 qui a donc désormais posé sa griffe sur chacune des grandes courses d'endurance. Il est simplement dommage que cela se soit fait en l'absence d'Audi mais comme le dit Olivier Quesnel, les absents ont toujours tort... Souhaitons juste que l'on ne soit pas en mesure de renverser l'argument en faveur d'Audi au Petit Le Mans auquel pour l'instant, Peugeot Sport n'a pas prévu de participer... Pour ce qui concerne l'ALMS, il est urgent de trouver rapidement un second souffle. Surtout pour ce qui concerne les protos car le plateau GT2 est magnifique. Le règlement 2011 va-t-il donner de nouveau des envies à des usines de s'engager aux US ? C'est à voir. Et à espérer... Pour que la 59ème édition des 12 Heures de Sebring puisse offrir de nouveau une baston royale !

Laurent Chauveau

Retrouvez ici les résultats définitifs de l'épreuve.