78èmes 24 Heures du Mans : 55 invités et quelques questions Imprimer
Dimanche, 07 Mars 2010 20:33

th_55_invitesL'Automobile Club de l'Ouest a donc dévoilé le 3 février dernier la liste des engagés aux 78èmes 24 Heures du Mans qui se dérouleront les 12 et 13 juin prochains. Grande première pour le club sarthois, celle-ci était retransmise en direct sur internet via un signal vidéo. Cela permettait à tout un chacun de vivre l'évènement comme s'il était présent au Mans. Cela présage d'une montée en puissance bienvenue de la communication de l'ACO.

Phénoménal la plateau GT2 !

Mais revenons-en aux 55 heureux concurrents retenus par l'ACO en commençant par les GT2, la « petite » catégorie... Toutefois, il faut bien constater que la petite classe commence à avoir tout d'une grande ! Le plateau y sera effectivement extraordinaire. Aux côtés des marques déjà vues en GT2 et qui resteront les références à battre, Ferrari, Porsche, Spyker et Aston Martin sont venues s'ajouter trois grands nom. Tout d'abord, Corvette descendu du GT1 vers le GT2 depuis la mi-saison passée en ALMS. On note ensuite le retour de BMW dont les nouvelles M3 (qui courent en ALMS depuis l'an passé mais sous la réglementation GT2S spécifique) ont quelque peu tardé à être homologuées en GT2... Enfin, autre retour qui marque les esprits même si le niveau de performance reste plus énigmatique, celui de Jaguar avec la XKR du team RSR, apparue elle aussi en ALMS en toute fin de saison 2009. En résumé, il ne manque plus grand monde dans cette catégorie, parmi les constructeurs mondiaux majeurs de GT et le championnat américain y est pour beaucoup pour ce qui concerne les nouveaux arrivants. Le plus beau dans tout ça, c'est de voir l'implication directe des usines derrière les Corvette, BMW, voire Jaguar. Quand on connait la qualité des teams représentant Porsche ou Ferrari, on se dit que la bagarre pourrait être d'une intensité rarement connue dans une catégorie, pourtant souvent prompte à offrir des courses serrées !

Beaucoup de GT1...

Et voilà qui ne manque pas de poser question quant à l'utilité de la présence maintenue cette année encore, de la catégorie GT1. Une décision prise par l'organisateur bien avant de connaître avec précision la teneur exacte du plateau 2010, certes, mais qui, au vu du plateau réuni, donne matière à réflexion. Il est probable que cette décision prise à l'automne avait pour but de faire un appel du pied à Nissan par exemple, qui poursuit le développement de sa GT-R dans le championnat du Monde FIA GT1. Lorsque l'on connait l'attachement de l'ACO à la présence nippone, cela peut se comprendre. Malheureusement, de retour de Nissan au Mans, il n'est pas question en cette année 2010. Si ce plateau GT1 interpelle donc, ce n'est absolument pas sur la qualité intrinsèque de la majorité des concurrents, soyons clairs. L'affrontement multi-marques vaudra probablement le coup d'œil puisque aux anciennes GT1 Aston DBR9, Corvette C6.R, Lamborghini Murcielago et Saleen S7-R se verront opposées deux Ford GT. Les teams représentant ces marques ont pour la plupart, réellement leur place au départ des 24 Heures. Mais... Mais on ne comprend pas cette différence entre le plateau GT1 Le Mans Series et celui des 24 Heures. Deux Saleen S7-R sont les uniques voitures engagées à l'année dans la série européenne. Huit GT1 sont invitées au Mans... Pourtant, l'ACO avait communiqué en octobre dernier sa volonté d'accepter les GT1 qui participeraient bel et bien à Le Mans Series. Or la plupart des teams retenus n'y sont finalement pas inscrits et certains n'y ont même jamais participé par le passé. Etonnante situation.

...assez peu de LMP2 !

D'autant que parallèlement, seules neuf LMP2 (dont huit européennes seulement) sont admises aux 24 Heures du Mans alors que seize le sont en LMS. Quel message envoie-t-on là aux participants du championnat ? Celui-ci justifie-t-il dès lors pleinement son rôle de tremplin vers les 24 Heures ? Déroutant...

Toujours est-il que ce (petit...) plateau LMP2 aura fière allure avec l'arrivée des Acura vues en ALMS jusqu'alors, mais qui seront rebaptisées HPD (Honda Performance Development) en Europe puisque Acura est une branche de Honda développée uniquement sur le marché nord-américain. Deux HPD seront donc au départ notamment celle de Highcroft qui connait bien sa voiture. Malheureusement, Porsche ne sera plus là pour donner la réplique... Si l'une d'entre elles court encore en ALMS, cette auto n'a pas été remise en configuration 2010 par le bureau d'études de Zuffenhausen ce qui la rend désormais inéligible au Mans. HPD sera donc principalement opposé à lui-même via la Lola RML (désormais équipée de ce moteur) mais aussi à une Lola-Judd, aux Ginetta-Zytek ou aux deux Pescarolo Judd. La petite WR-Zytek aura donc fort à faire dans ce contexte relevé mais la sélection 2010 de la voiture des hommes de Thorigny paraît fort méritée après deux saisons d'effort en LMS.

Une catégorie LMP1 royale !

Il n'y a rien à redire sur la qualité du plateau de la catégorie reine. Bien que nous soyons dans une année de transition, le niveau global du LMP1 est d'un niveau quasi égal à celui de l'an passé avec un affrontement entre trois usines et quelques écuries privées de très haut niveau. Comme en 2009, le choc des diesels opposera donc quatre Peugeot à cinq Audi. Les tenants du titre de Vélizy aligneront de nouveau trois 908 HDi FAP alors qu'une quatrième a été confiée à l'équipe ORECA. Voilà de quoi affronter sereinement les trois nouvelles Audi R15+ qui promettent d'être considérablement modifiées. En effet, pour que Audi Sport ait jugé nécessaire de leur attribuer ce petit + changeant leur appellation 2009, il faut bien que les évolutions soient conséquentes. Comme l'an passé, le team Kolles engagera ses deux R10 mais malgré quelques largesses réglementaires, ces autos ne devraient pas jouer dans la même cour que les 7 autres diesels. Aston Martin sera de nouveau représenté officiellement avec deux de ses Lola bleue et orange au lieu de trois l'an passé. L'équipe française Signature sera toutefois là en soutien avec une troisième Lola Aston Martin ce qui finalement, reproduit en quelque sorte l'équilibre des forces 2009... De quoi enflammer les foules britanniques même si l'on peut rester sceptique sur le potentiel réel de ces autos dont l'aéro ne semble pas être une pure réussite et qui n'évolueront probablement guère d'ici juin, étant donné que l'équipe travaille sur une nouvelle P1 en vue de 2011.

S'il est une équipe qui est montée en puissance, c'est bien le team Rebellion Racing qui a définitivement franchi la marche du LMP1 en y plaçant cette année ses deux Lola B10/60. Troquant le moteur Aston Martin client de l'an passé pour un V10 Rebellion basé sur le Judd et qui pourrait être équipé de l'injection directe, l'équipe peut nourrir quelques ambitions. Plus médiatique que réellement sportif est l'apport de la Ginetta-Zytek confiée à la famille Mansell. Frappée évidemment du numéro 5 cher à l'ex-champion du Monde de Formule 1, cette auto devrait être parmi les mieux placées à l'applaudimètre lors de la mise en grille... De même que pourrait l'être la Dome Judd après une absence fort regrettée en 2009. Reste à voir comment a évoluée celle qui reste probablement la plus jolie des prototypes actuels et qui n'a plus guère roulé depuis les 24 Heures du Mans 2008 ! En l'absence de Nissan en GT1, elle sera également la principale représentante du pays du soleil levant. Deux équipes françaises complètent ce plateau LM P1. Oreca poursuit son engagement avec sa propre LMP1 au moteur AIM tandis que deux Pescarolo, invitées d'office, sont annoncées pour le plus grand plaisir des foules. Notons toutefois qu'aucune de ces deux autos n'est présente aux essais Le Mans Series du HTTT ce qui ne manque pas d'interroger... Une chose est sûre toutefois, toutes ces autos subiront encore une équivalence essence-diesel légèrement défavorable et ne seront certainement pas au niveau pour la gagne même si l'écart devrait être quelque peu diminué par rapport à 2009.

Ces étonnantes invitations d'office...

Un petit point prête le flan à la critique avec cette annonce des 55 concurrents invités. Il est bon de se demander si le système des invitations d'office ne devrait pas subir quelques petits aménagements. Comment justifier en effet, qu'une équipe dont les deux dernières prestations mancelles se sont avérées indignes de la plus grande épreuve d'endurance au Monde, se retrouve invitée d'office ? En cumulant ces participations 2007 et 2009, la Lamborghini Murcielago de l'équipe JLOC a couvert moins de deux tours complets en course ! Après de tels fiascos, l'équipe japonaise est allée quérir son invitation d'office dans l'unique course d'Asian Le Mans Series organisée en 2009, une épreuve qui ne comptait que quatre GT1 au départ... Autant dire que la valeur sportive d'une telle invitation n'est pas à la hauteur de celle attribuée en ALMS ou des deux délivrées en Le Mans Series. L'ACO nous a rétorqué, il y a quelques temps, que ce système permettait d'attirer des concurrents en Asian Le Mans Series. Oui, mais cela peut avoir tendance à dévaluer la valeur sportive de l'épreuve-reine de l'année en offrant des places « faciles ». Alors s'agit-il réellement d'un bon système ? Un championnat ne devrait-il pas faire montre de sa valeur intrinsèque avant d'offrir des sésames pour les 24 Heures ? Si l'on commence à laisser d'autres arguments, plus commerciaux, entrer en ligne de compte, alors on n'est plus tout à fait dans le domaine du sport. C'est un choix. Certes, cela nous donnera le bonheur d'entendre le plus beau bruit de moteur qui soit à l'heure actuelle, le V12 Lamborghini mais la question est : pour combien de temps ?

Comment justifier également que certaines équipes participant à l'intégralité de l'American Le Mans Series ne puissent pas être invitées d'office parce que la largeur de leur aileron, par exemple, ne répond plus au règlement en cours, tandis que dans le même temps, on invite le team Vitaphone, qui court en FIA GT avec une voiture ne répondant pas du tout à la réglementation ACO ? Tout cela est assez difficile à comprendre et nécessiterait probablement quelques modifications.

Une règle utile ?

Terminons enfin avec un point du règlement qui pose lui aussi question et ce depuis quelques temps. Une équipe n'a pas le droit d'engager plus de deux autos. Pourtant Audi Sport et Peugeot Sport engageront chacun trois voitures officielles. Alors certes, cela se fera comme d'habitude sous deux noms d'équipe légèrement différents. Mais à quoi bon ? Quelle est l'utilité d'une ligne du règlement qui est aussi facilement contournée par les concurrents, et ce avec l'aval de l'organisateur ? Les 24 Heures du Mans sont une course sur invitation. Si l'ACO ne souhaite pas d'une voiture, elle a toute liberté de ne pas l'inviter. Alors à quoi peut donc bien servir cette règle ? On peut se poser la question. D'autant qu'un chiffre de trois voitures est une sorte de tradition pour les équipes d'usine. Certains considèrent ce chiffre comme le nombre d'or pour viser la victoire. Il s'inscrit en tout cas dans l'histoire mancelle. Tout cela n'est que très anecdotique mais ne serait-il pas temps d'enterrer cette règle ? Et de laisser les teams qui en ont les moyens et la légitimité sportive, courir avec leurs trois voitures sous la même bannière ? Pour leur plus grande satisfaction et notre plus grand plaisir.

Laurent Chauveau