Le monde d’après… Imprimer Envoyer
Mercredi, 17 Juin 2020 08:38

5ee57def6d890Le monde d’après, c’est donc celui-là ? C'est bien celui où l’on n’impose pas le port du masque dans la rue pour se prémunir de la pandémie ? Mais aussi celui où l’on vous oblige à le mettre en vitesse pour rentrer dans le restaurant avant d’être autorisé à l’ôter dès que l’on est placé ? Est-ce aussi celui où il faut le remettre pour faire les 5 mètres qui vous séparent des toilettes ou pour ressortir de l'estaminet ? Pour accoucher d’âneries pareilles, il faut vraiment avoir l’esprit malade. Ou bien vouloir rendre tout le monde schizophrène…

Le monde d’après, c’est celui ou la F1 impose une bible de 100 pages de consignes aux quelques intervenants qui seront autorisés à venir sur les premiers GP de la saison. C’est celui ou le vainqueur de la première course Indycar célèbre seul son succès, s’empressant de remettre son masque pour répondre à un reporter qui se tient à deux mètres de là avec sa perche micro. Ça ne fait pas rêver. Et c’est tout sauf festif…

Le monde d’après, c’est celui où l’on rend de nouveau l’école obligatoire pour une semaine avant les vacances, tout en imposant un mètre entre les élèves alors que les salles de classe ne le permettent manifestement pas. Encore une grande décision inapplicable !

Le monde d'après, c'est celui ou un fournisseur de mobilité prône l'immobilité de ses salariés (Non, on ne dit plus constructeur de voitures, c'est bien trop démodé, c'était le monde d'avant...)

Le monde d’après, c’est celui où l’on se doit de soutenir les soignants après les avoir applaudi pendant des semaines. Honte à moi, je n’y étais pas hier. Aucune excuse…

24 heures sur console !

5ee61bb9821d9Le monde d’après, ce sont les 24 Heures du Mans virtuelles. Beaucoup saluent cela comme une prouesse technique. Soit. Réussite technique, je veux bien. Mais ça ne m’a pas touché. Je n’ai pas accroché. Je ne me permettrai pas de dire qu’il ne fallait pas le faire, bien au contraire. Il en faut pour tous les goûts. Mais pour moi, c’est une course qui n’offre pas réellement de saveur au spectateur. Tout d’abord, je suis peut-être exigeant mais je n’ai pas été bluffé par les caméras extérieures. Les cams embarquées, oui, ça le faisait bien. Mais les cams extérieures, c’est encore trop loin de la réalité. Le mouvement des voitures me semble trop souple, trop lisse. Elles semblent se déplacer sur un tapis volant, n’étant soumise à aucune des bosses de la piste. Une voiture de course, ça encaisse toutes les micro aspérités et ça se voit, ça bouge, ça saute. Rien de tout cela ici. J’en veux trop ? Peut-être. Mais on appelle bien cela du sim racing non ? Donc ça devrait simuler au mieux. En tout cas un peu mieux. Mais bref, cela reste de l’ordre du détail. Tout comme ces capots avant de certaines voitures qui de nuit, étaient illuminés comme en plein jour. Tandis que le reste de la caisse était bel et bien plongé dans le noir. Perturbant mais pas grave en soit. J’en veux trop, c’est possible et même si j’avoue que ce n’était pas mal, je n’ai pas été du tout bluffé par le niveau de qualité de ces cams extérieures. Malgré la reconstitution du circuit qui elle, est nickel. De ce point de vue-là, il n’y a rien à critiquer. Je n’y connais rien dans les simulateurs de pilotage, j’ignore s’il y a mieux sur le marché. J’ignore si ce sont des considérations techniques qui ont amené à dégrader peut-être un peu les performances habituelles de rFactor mais ça ne m’a pas scotché. Quant aux arrêts aux stands, je pense qu’il est inutile de critiquer tant il est évident que là, ce sont très certainement des contraintes informatiques qui amènent à ne pas y faire figurer un seul mécanicien. Lors du premier arrêt de la course, avec une trentaine de P2 en course qui devaient ravitailler quasiment toutes en même temps, on imagine la puissance de calcul nécessaire pour générer l’animation du ballet de mécaniciens… Malgré tous ces points, j’avoue bien volontiers que ça se laissait regarder.

Mais dans ce monde d’après, il me manque encore trop de choses du monde d’avant. Alors, je vous l’accorde, les odeurs de merguez, il ne tenait qu’à moi d’en mettre à cuire sur le BBQ pour les avoir. Mais bon, je n’étais pas chez moi ! Pour les odeurs d’herbe piétinées par les spectateurs, je ne suis pas certain que mon pote Jéjé aurait apprécié que je bousille son gazon dans le seul but d’en extraire ses fragrances. Et puis ce n’est pas de sa faute s’il n’y avait pas de pin chez lui pour obtenir ces odeurs que l’on peut ressentir du côté d’Indy ou d’Arnage. Pas d’odeurs de gomme, pas d’odeurs d’huile ou d’essence, la technique avoue ses limites et pourtant, cela fait aussi pleinement partie de l’ambiance de la vraie course.

Manque de vibrations...

5ee652eccb490Alors qu’est ce qui m’a le plus dérangé dans ce monde d’après ? Est-ce surtout le fait de savoir que le risque, celui que je redoute pourtant tant dans la course réelle, ce risque-là n’existe pas dans le virtuel ? J’enfonce une porte ouverte en disant cela, c’est évident. Pour cette course, il avait également été décidé de ne pas faire intervenir de pépins mécaniques en dehors de ceux intervenant lors d’une sortie de piste. Pourtant, c’est bien l’un des points essentiels d’un sport mécanique. Qui ne se souvient pas de l’avalanche de bielles cassées des Peugeot en 2010 ? Ou de la remontée du fond de l’enfer de la Porsche n°2 de 2017. Remontée rendue possible uniquement par l’improbable avalanche de pépins survenus sur les autres P1 officielles. Et faut-il vraiment vous rappeler le « I’ve got no power » de 2016 ? L’absence de cette part d’incertitude ôte une part du sel de la course. Comment simuler cet aspect qui dans la vie réelle tient beaucoup de la qualité de la préparation ? Je n’ai pas la bonne réponse. Mais l’impossibilité d’être confronté à la panne mécanique éloigne le Sim de la piste. Et le spectateur du suspense.

Mais ces 24 Heures virtuelles ne sont pas le monde d’après. Elles sont juste une part du monde actuel. Elles ne visent pas à remplacer la course réelle. Elles en sont un complément. Elles ne m’ont pas séduit ? Certes. Je n’ai pas détesté non plus. Elles m’ont juste laissé assez indifférent. Je ne suis pas le seul. Mais est-ce important à partir du moment où elles semblent avoir séduit une grande partie des fans ? Elles semblent avoir comblé un vide. Tant pis pour les vieux ronchons. Elles ont leur place. En fait, ça me rappelle un peu mes premières 24 Heures motos. Il y a bien longtemps de cela… C’était un autre siècle, un autre millénaire. J’étais encore étudiant. J’ai toujours aimé regarder les courses de moto. Mais ma came absolue, cela a toujours été les 24 Heures autos. J’avais beaucoup apprécié ces premières 24 Heures Motos. J’avais vibré. Pas autant que lors du mois de juin. Mais je me souviens avoir quitté le circuit en me disant : « c’était un excellent biscuit apéritif. Vivement le repas maintenant ! » J’ose imaginer que pour pas mal de spectateurs ce week-end, il en fut de même. Ces 24 Heures virtuelles furent un excellent apéro avant le vrai festin (un festin dont certains convives ont déjà annoncé une absence bien regrettable malheureusement). Elles ont donc leur place, bien évidemment. Mais je souhaite juste une chose, c’est qu’en 2021, elles ne se déroulent pas durant la 24ème semaine de l’année. Cela sera le signe qu’on est revenu à une forme de normalité. Et puis, s’il ne fallait qu’une bonne raison pour que ces 24 Heures virtuelles aient eu lieu, c’est bien pour la petite phrase de Charles Leclerc… Qui aimerait bien désormais disputer les 24 Heures réelles… Et son copain Pierre Gasly tient le même discours !

L'évolution de la F1 pourrait aider le LMDh ?

Car le vrai monde d’après, celui qui nous concerne au premier chef, nous les fans d’endurance, c’est bien celui du LMDh. Certes il y aura l’Hypercar également mais ce règlement a fait un flop auprès des constructeurs établis. Certainement encore trop cher même si deux privés en ont fait le pari. Ce règlement était probablement encore trop ancré dans le monde d’avant, celui ou l’argent coulait à flots. Celui du LMP1 2014. Plus raisonnable, le LMDh semble arriver sur le marché du sport auto pile au bon moment. Il en aura fallu du temps pour que ce texte qui « remet les pieds sur terre » finisse par éclore. Mais il est là et il semble vraiment que les étoiles s’alignent pour permettre sa réussite. Nombre de constructeurs sont à la table des négociations et y réfléchissent déjà. Mais il est un autre facteur positif qui pourrait fort bien jouer une fois de plus en faveur du LMDh et aussi inattendu que cela puisse, celui-ci nous vient de la F1…

Les dirigeants de la « discipline reine » confrontée elle aussi à la crise désormais, ont décidé d’introduire un cost cap dès la saison 2021. De 145 millions de dollars la première année, cette limitation du budget technique consacré à la performance des F1 descendra à 140 millions en 2022 puis 135 en 2023. (Ce cost cap n’inclue donc pas l’aspect marketing). Ces chiffres demeurent très importants pour faire rouler seulement deux voitures mais ils vont ramener les trois grands, Ferrari, Mercedes et Red Bull-Honda à des budgets bien plus réalistes que ceux actuels. On parle actuellement de budgets de bien plus de 400 millions simplement pour les départements châssis pour les deux premiers nommés avec des effectifs humains de l’ordre de 1500 personnes si l’on inclue les départements moteurs ! Du pur délire… La conséquence directe de cette diminution drastique est que ces constructeurs vont obligatoirement devoir revoir leurs effectifs F1 à la baisse. S’ils ne veulent pas appliquer de plan de licenciement massif, il va leur falloir affecter une partie de leur personnel à de nouvelles tâches et c’est bien l’option qui semble prévaloir chez Mercedes. Dans ce contexte, on se dit que le LMDh arrive vraiment au bon moment. D’autant que l’on sait Ferrari présent à la table des négociations…

Le DPI dès 2021 en WEC, un souhait...

Evidemment, il faut éviter de se réjouir trop vite tant que rien n’est signé, tant que rien n’est annoncé. Les exemples de promesses non tenues par des constructeurs sont légions. Pour en avoir la preuve, il est inutile de remonter aussi loin qu’à la fameuse Formule Silhouette des années 1980 qui finalement ne verra pas le jour. Non, il nous suffit de remonter un an en arrière. Aston Martin annonçait son arrivée en Hypercar pour se désavouer quelques mois plus tard. Nous restons pour l’instant avec un compteur vierge sur le front des engagements de constructeurs en LMDh. Mais il y a de quoi être optimiste quant à ce monde d’après. Il n’empêche qu’il va encore falloir passer l’étape 2021 ou seul Toyota sera présent en tant que grand constructeur. Je reste donc sur mon idée déjà développée ici, d’admettre les DPi actuelles en WEC l’année prochaine, histoire éventuellement de provoquer des envies. Je ne peux m’empêcher de rêver à la présence, en juin prochain, d’une Mazda RT-24 portant le n° 55 et peinte en orange et vert afin de commémorer les 30 ans de la victoire du quadrirotor. J’ai envie que cela soit rendu possible, par le règlement. Ce serait un excellent signe de la bonne entente qui règne désormais entre l’ACO et l’IMSA. Et je pense qu’une bonne partie du public s’en réjouirait également…

Laurent Chauveau