Et si on parlait déjà des 24 Heures 2021 ? Imprimer Envoyer
Lundi, 13 Avril 2020 13:21

Mazda_DPiCe n’est pas un peu tôt pour aborder le sujet, vous me direz ? On ne connait le plateau des 24 Heures 2020 que depuis quelques semaines. On n’a appris que les 24 Heures 2020 seraient automnales que récemment et il veut déjà parler d’une édition qui aura lieu dans plus de 14 mois ! Nous sommes au milieu d'une crise sanitaire qu'une immense majorité d'entre nous n'a jamais connu. Alors, causer déjà des 24 Heures du Mans 2021 ? Ça peut paraître lointain ou vain effectivement mais c’est peut-être justement ce plateau 2020 qui doit nous alerter. Non pas qu’il nous ait réservé beaucoup de surprises malheureusement. On savait déjà que l’effectif de la catégorie LMP1 serait extrêmement pauvre et c’est bien le cas avec 6 voitures seulement ainsi qu’une suppléante. Pour une catégorie de pointe, c’est vraiment infime et cela ne s’est pas produit bien souvent… Moi qui suis plongé dans mes archives VHS à l’heure actuelle, je revis une situation un peu semblable en regardant les Peugeot 905 et Toyota TS010 s’affronter en 1993. Il y avait alors 6 voitures seulement dans la catégorie 1, la seule réellement en mesure de s’imposer. Mais ces 6 voitures représentaient officiellement deux constructeurs et affichaient un niveau de performance très proche. Deux constructeurs avaient suffi à faire une belle affiche et à nous offrir une bagarre magnifique en début de course. Pour cette année 2020, avec le retrait de SMP Racing, nous devrons nous contenter d’un duel Toyota-Rebellion-Ginetta qui a déjà prouvé son équilibre très artificiel lors des dernières courses du WEC. Et encore, nous pourrons y assister si tout se passe au mieux car Covid-19 a peut-être encore quelques coups bas en stock…

 

Pour ce que concerne 2021, je ne veux pas faire injure à Glickenhaus et Kolles qui ont annoncé vouloir être présent en Hypercar mais tout en respectant leur implication, j’ose penser qu’elle n’aura certainement aucun rapport avec celle de Toyota. Et ce même si le milliardaire américain semble vraiment aborder le sujet de la bonne manière. De plus, pour l’instant Glickenhaus ou Kolles ne sont pas des noms à même d’attirer les grandes foules. Et puisque nous savons d’ores et déjà que Rebellion ne sera plus de la partie en 2021, il faut envisager de trouver quelques noms à même de redonner un peu de glamour à l’affiche des 24 Heures du Mans 2021 ainsi pourquoi pas, qu’au FIA WEC.

LM7690-E361976, on ouvre à tout ce qui roule !

L’histoire du Mans n’est pas exempte d’astuces règlementaires d’urgence, de bidouilles mises en place à la hâte afin de palier à des effectifs en baisse. Ainsi, en 1976, il faut faire face à une crise aux causes multiples : départ de Ferrari depuis fin 1973 puis de Matra fin 1974, une édition 1975 au règlement à la consommation assez mal accepté par les concurrents et le public qui boude l’épreuve, création du groupe 5 qui s’accompagne de la mise en place d’un Championnat du Monde réservé initialement à ces seules autos mais finalement doublé d’un second championnat réservé aux Groupe 6. Même si Porsche et Renault sont finalement présent au départ avec deux 936 pour l’allemand et une A442 pour le français, il faut tout de même faire revenir du monde en masse afin d’éviter que les tribunes ne sonnent aussi creux qu’en 1975. La solution est toute trouvée : se tourner vers ce qui roule ailleurs !LM7676-B30 Ainsi, 8 catégories différentes de voitures sont admises au départ des 24 Heures et les « Ricaines » furent réellement les bienvenues en 1976. C’est ainsi que deux stars de l’IMSA purent découvrir le ruban rectiligne des Hunaudières, une Chevrolet Monza et bien évidemment, la fameuse et monstrueuse Corvette Greenwood. Mais encore plus fou, lorsque l’on connait un peu ces voitures et leur poids monstrueux, dépassant la tonne et demie, deux NASCAR furent vues au départ. Oh, aucune de ces voitures n’était réellement taillé pour le circuit manceau, surtout la Ford Torino et la Dodge Charger. Les pilotes des deux NASCAR devaient incanter quelques dieux de la mécanique lorsqu’il fallait ramener la vitesse de leurs monstres à celle requise par leur paquebot pour négocier Mulsanne. C’est que sur un anneau, les freins ne sont guère habitués à de tels ralentissements ! Si trois de ces quatre voitures étaient déjà « rangées » après moins de deux heures de course, elles n’en avaient pas moins amené un exotisme bienvenu. Et elles ont marqué durablement les esprits !

1994_Nissan_0011994, l'IMSA pour bouée de secours...

Au cœur des années 90, après le départ des Sport 3,5 litres, il avait là aussi fallu bidouiller. En 1994, on ouvrait soudainement de nouveau la porte à l’IMSA ce qui permit à Mazda et Nissan de venir un peu étoffer le plateau avec leur GTS. Si malheureusement ces voitures ne jouèrent pas tout à fait le rôle que l’on espérait en tête de la course, elles apportèrent une diversité bienvenue. L’usine Porsche joua un coup futé en engageant les Dauer cette année-là. Cela fit hurler ceux qui jouèrent réellement le jeu en GT, notamment Jaguar et Bugatti. Mais il faut reconnaître également que cela offrit un peu de concurrence aux Toyota, un peu trop d’ailleurs au goût des japonais certainement étant donné le résultat final... Surtout, l’ACO et l’IMSA se mirent d’accord pour élaborer un tout nouveau règlement commun nommé WSC (World Sports Cars) se détournant des voitures fermées. Ce règlement permit l’arrivée des Courage C41 ou Ferrari 333 SP notamment, autos qui roulaient des deux côtés de l’Atlantique. Dans le même temps, laissant ainsi le temps aux équipes de présenter de nouvelles autos, on autorisa les ex-groupe C transformées en barquette à continuer de courir aux côtés des WSC et ce jusqu’à 1998 ! Intelligemment, on laissa toute leur chance à ces voitures fiabilisées de continuer à jouer la gagne et la preuve en est avec les deux victoires de la TWR Joest en 1996/1997 ou la 2ème place de la Courage C34 en 1995… Bref, on savait à l’époque faire feu de tout bois en accommodant tout ce qui roulait à toutes les sauces ! Mais c’est bel et bien ainsi que l’on relança l’épreuve pour arriver aux pinacles de 1998 et 1999 !

Acura_DPi_0012021, et si on invitait les DPi ?

Si l’on en revient au futur proche, une solution simple s’offre à nous pour garnir le plateau. En plus, elle a du sens… Etant donné que l’IMSA et le WEC ont enfin (enfin !!!) opéré un véritable rapprochement dont on attend avec impatience le résultat concret sous la forme de ce fameux règlement LMDh, ne serait-il pas judicieux de laisser la possibilité aux DPi actuelles de venir s’ébattre sur les pistes du WEC et donc bien évidemment au Mans pour la saison 2021 ? En se donnant cette possibilité, on ouvrirait la porte, potentiellement, à des marques tels que Cadillac, Mazda ou Acura/Honda. Evidemment, ne rêvons pas. Ce n’est pas parce que l’on crée un appel d’air que l’objet se met pour autant en mouvement. Autrement dit, admettre les DPi ne donnera pas forcément aux équipes américaines le budget nécessaire pour faire le déplacement manceau. Mais si les équipes privées qui font rouler ces voitures n’en auront certainement pas les moyens, on peut penser que les équipes représentant plus officiellement un constructeur tels que Penske pour Acura ou Multimatic pour Mazda pourraient se voir donner ses moyens. Ça ne constituerait pas forcément une hausse de budget considérable pour des constructeurs et la possibilité de disputer Le Mans aux côtés des Hypercars pourrait exercer un très fort pouvoir d’attraction. Ainsi, le fait de pouvoir venir rouler en Sarthe 30 ans après la victoire de 1991, pourrait donner des idées aux décideurs de Mazda… Ces voitures sont habituées depuis de longues saisons aux courses de longue haleine. Les Cadillac n’ont plus à prouver leur fiabilité par exemple et le constructeur américain au nom français a prouvé dans un passé encore récent (2000 à 2002) qu’il avait un intérêt pour Le Mans…

Cadillac_DPi_001Evidemment, cela reste à ce jour une idée hors-sol ne reposant sur rien de concret, même pas sur un début de rumeur. Mais rien n’interdit pour autant d’y réfléchir. En établissant une équivalence permettant aux DPi de jouer quasiment au niveau des Hypercars, on se donnerait la possibilité d’offrir un vrai plus au public. Et n’est-ce pas là ce qui devrait constituer l’élément moteur de toute compétition ? Depuis le retrait d’Audi et Porsche, la catégorie de pointe a tout de même beaucoup moins de glamour. Même les organisateurs le savent, eux qui lors du premier tour des 24 Heures du Mans 2019 ont totalement focalisé les caméras de TV sur la lutte en GTE Pro au détriment total des LMP1 !

Nous ne sommes plus à une équivalence près, c’est devenu un élément incontournable de l’endurance moderne. Avec la cohabitation à venir entre le LMDh et l’Hypercar, ce n’est pas fini, loin de là. Alors ? Pourquoi ne pas anticiper d’un an ? Ne pas se donner la possibilité que cela se produise constituerait presque une faute. C’est relativement facile à mettre en place, la définition technique des DPi est parfaitement connue. Donc prévoir leurs performances au Mans doit être assez aisé pour des ingénieurs. Ajuster leurs performances à celles des Hypercars ne doit pas être plus compliqué que d’établir l’équivalence entre LMDh et Hypercars, tâche qui doit totalement absorber les législateurs à l’heure actuelle. Toyota vs Mazda vs Honda vs Cadillac avec Glickenhaus dans la coulisse, ça pourrait avoir de la gueule non ? En tout cas, en tant que fan d’endurance, je le souhaite…

Laurent Chauveau