Non-retour de Peugeot, des leçons à tirer... Imprimer Envoyer
Mercredi, 04 Octobre 2017 19:57

Peugeot_908_2011_02Ça va devenir une habitude… Un communiqué de presse émanant de Peugeot Sport a de nouveau fait du mal au monde du WEC et des 24 Heures du Mans. Après le Tsunami du 18 janvier 2012, voici le petit séisme du 4 octobre 2017… La firme au Lion vient en effet d’annoncer qu’elle prenait la voie du World Rallycross et ce dès la saison 2018. Les espoirs de voir Peugeot revenir en endurance semblent donc être douchés pour plusieurs saisons. On peut en tout cas d’ores et déjà penser que si retour il y a un jour, il ne sera certainement pas pour 2020, date prévue de l’entrée en matière du nouveau règlement LMP1 tant attendu…

Après avoir surfé sur une vague de succès d’estime et médiatique dès 2014, le FIA WEC est à la peine depuis l’annonce du retrait de Nissan en 2015, le départ d’Audi l’an passé et celui de Porsche, survenu il y a deux mois. On comptait sérieusement sur Peugeot qui ne cachait pas son envie de revenir en découdre dans la Sarthe aussi bien par la voix de son PDG Carlos Tavarès, passionné de sport auto, que celle de Bruno Famin, son directeur technique. Seulement, malgré la passion et l’envie manifeste, des conditions à ce retour étaient clairement posées. Le redressement du groupe PSA étant acquis, il semblait que le seul frein restant opposé à ce retour, demeurait celui du coût engendré par le règlement LMP1. Il fallait qu’il soit sérieusement revu à la baisse pour que Peugeot puisse envisager son retour. Le premier règlement 2020 dévoilé en juin dernier nous avait tous laissé pantois tant on ne voyait pas bien en quoi il pouvait réellement faire baisser la facture technique. Celui-ci ayant été définitivement enterré avec l’annonce de l’arrêt du programme Porsche, l’on se disait dès lors que la voie royale allait être ouverte à Peugeot avec le nouveau texte à l’étude. Il n’en est donc rien ! Il sera donc intéressant de savoir rapidement pour quelles raisons l’aréopage de PSA n’a pas souhaité revenir se dégourdir les jantes dans la Sarthe, préférant aller montrer ses 208 sur les pistes de Rallycross. Notons que la réponse est peut-être déjà en partie dans la question. En Rallycross, c’est une 208 qui roule. Le spectateur peut donc facilement associer le succès à la voiture de route, le retour en image est très direct. Mais ce n’est certainement pas la seule raison…

Encore trop d'inconnues...

th_LM_2014_001L’énorme point noir du WEC provient bien entendu de toutes ces inconnues qui planent au-dessus de sa tête à l’heure actuelle. Avec la mise à la corbeille (justifiée) du règlement 2020 proposée en juin, il n’y a pas à l’heure actuelle, de texte réglementaire définitif disponible. Bien entendu, il y a certainement des drafts (brouillons) qui circulent et qui sont commentés par les constructeurs intéressés mais rien de sûr et définitif autour duquel un board peut se réunir et décider en fonction de données chiffrées consolidées. Or Le Mans 2020 se prépare dès maintenant surtout si l’on prend en compte le fait que l’épreuve sarthoise sera la finale du championnat 2019-2020 depuis l’introduction de cette étrange saison qui se termine par son épreuve phare. Si l’ACO et le FIA WEC restent sur la même ligne que celle qu’ils ont affichée vis-à-vis de Toyota lorsque le constructeur nippon a annoncé envisager se contenter d’une mini-saison l’année prochaine suite au départ de Porsche : L’intégralité de la saison ou rien… Pour rouler au Mans, on peut donc imaginer que Peugeot Sport ait du pouvoir aligner ses nouvelles 908 dès le mois d’août 2019… Bref, le programme se devait d’être lancé dès aujourd’hui et sans perdre de temps… Le retour au Mans en 2007 avait été annoncé en juin 2005 soit 24 mois pile avant. L’entrée en compétition s’était faite à Monza au mois d’avril. Soit 22 mois après l’annonce. Août 2019, c’est pile dans 22 mois… Il fallait un règlement technique solide dès aujourd’hui…

L’une des inconnues vient aussi du plateau qui sera réuni en 2020. Comment être certain que Toyota sera encore présent à cette échéance alors que l’on n’est toujours pas certain, à ce jour, que la firme nippone continuera bel et bien l’an prochain puisqu’elle n’aura plus de grands noms à affronter. Ces grands noms qu’elle trouve en face d’elle en WRC au même moment. Grands noms qui n’ont pas empêché les Yaris WRC d’aller glaner deux victoires l’année de leur retour… Dans une compétition où 13 épreuves par an apportent à la marque un retour médiatique important. Comment être certain, si le maintien en WEC est acté pour 2018, que Toyota ne décidera pas, après une ou deux victoires mancelles acquises face à des équipes privées, de se retirer avant la mise en place de ce nouveau règlement 2020 ? Y a-t-il d’autres constructeurs intéressés pour cette échéance ? Possible mais rien n’est annoncé pour l’instant. Pour que Peugeot puisse réellement envisager un retour, il fallait pouvoir s’appuyer sur la certitude d’avoir un concurrent de taille à affronter. L’incertitude étant de mise, la décision d’aller officiellement en WRX où la marque évolue déjà via le team Hanssen a du sens. La concurrence y est présente, valorisante et difficile à battre…

L’incertitude règne aussi sur le titre de Champion du Monde. En cas de défaite au Mans, comment valoriser un éventuel titre acquis tout de même le même jour ? La Une des quotidiens n’est pas extensible à l’infini. En admettant par exemple, que Volvo s’impose au Mans en 2020 (fiction hein!) mais que Alfa Romeo (fiction encore!) remporte le championnat le même soir grâce à de meilleurs résultats sur l’ensemble de la saison, il est peu probable que l’Equipe titre sur le Championnat étant donnée l’aura des 24 Heures. Cette concomitance de date entre la conclusion du championnat et de son épreuve phare est piégeuse et l’Indy Racing League s’y est cassé les dents en 1996. Le calendrier de la première saison se terminait au soir des 500 miles d’Indianapolis, le sommet de la saison. Dès 1997, l’organisme américain revenait en arrière, les 500 miles faisant trop d’ombre au titre de champion… La force du FIA WEC devrait être d’offrir un petit peu d’écho médiatique en offrant une seconde chance au perdant du Mans en fin de saison. Avec la saison calquée sur le rythme scolaire, cette seconde chance s’envole presque naturellement. Voilà qui n’est pas de nature à valoriser un titre qui peine déjà à acquérir l’aura à laquelle il a droit… J’ai du mal à voir en quoi la fameuse Super Saison va permettre de relancer le LMP1. Mais je serai ravi d’avoir tort !

Welcome Race Fans !

th_LM_2016_001Il faut aussi se demander pour quelles raisons le FIA WEC et les 24 Heures du Mans ne parviennent toujours pas à attirer à eux les fameux sponsors type Red Bull ou Monster pourtant si présents en sports mécaniques. Si Red Bull est bien là via quelques pilotes, il n’est présent sur les flans d’aucune voiture. Pas plus de Monster. C’est certainement parce que la discipline n’est pas assez fun pour le jeune public, ce jeune public qu’il faut pourtant à tout prix attirer afin de renouveler sans cesse la base des fans, ce jeune public clairement visé par ces sponsors. L’endurance « souffre » par nature de son format. Loin de moi l’idée de remettre en cause la notion même d’endurance. Je m’ennuie devant une course courte et me passionne pour une course qui dure plus de 8 heures ! Je suis véritablement formaté endurance. Mais les jeunes et leurs smartphones, ont-ils ce même formatage ? Les sports funs ont pris le pouvoir et il faut pouvoir en tenir compte. Le WRX monte en puissance parce que son format est génial pour la TV. Des courses de 5 tours, ultra spectaculaires, portières contre portières. C’est l’antithèse de ce que nous, fans d’endurance, apprécions, mais à l’heure ou le ski voit le boardercross devenir de plus en plus tendance, il faut savoir en tenir compte. J’ai toujours pensé que lors d’un week-end de course, le samedi devait être mieux exploité pour offrir un événement véritablement adapté aux TV. Le format des qualifs ne pourrait-il pas être revu, par exemple en se déroulant sur deux tours consécutifs pour le pilote 1 (In & Out lap), un pit-stop obligatoire avec changement des 4 pneus puis 2 tours pour le pilote 2 ? On déclenche le chrono lorsque le pilote 1 s’élance et on le stoppe lorsque le pilote 2 finit son deuxième tour. Le fameux travail d’équipe tant apprécié en endurance serait ainsi encore plus mis en valeur en mettant les mécanos au même plan que les pilotes dans cette qualif. Et dieu sait si leur ballet, roue à la main, est impressionnant à voir : il est très télégénique. Le rythme nécessaire au spectacle télévisuel serait là et le résultat des qualifs serait direct. Il ne serait plus le fruit d’un calcul de moyenne comme c’est le cas à l’heure actuelle ce qui serait plus lisible et vendeur. Tout en restant clairement dissocié des qualifs des formules de vitesse. Pour la journée du dimanche, on reste sur une course classique, plus difficile à vendre aux jeunes, peut-être, mais on peut espérer que le spectacle du samedi attire quelques téléspectateurs pour le lendemain… Et qu’ils découvrent les charmes du trafic propre à notre discipline qui apporte toujours du spectacle… Je ne prétends pas que ce soit LA solution. Je pense en tout cas qu’il faut absolument offrir quelque chose de plus remuant pour attirer le jeune public. Et peut-être par la suite, ces gros sponsors généreux qui manquent à la discipline.

Il est en tout cas certain qu’il faut absolument veiller à satisfaire réellement les fans. Cela doit devenir un credo impératif, ancré au cœur des mentalités. Le récent sondage lancé par le FIA WEC va dans ce sens mais il faut transformer l’essai. L’ALMS ne s’y trompait au coeur des années 2000. L’ACO et le WEC se doivent impérativement d’en faire de même. Reconnaissons-le, le FIA WEC a fait des efforts ces dernières années. La nacelle ouverte aux spectateurs au pied du raidillon est une excellente idée. Les spectacles sur la pré-grille sont sympas. Il faut multiplier ces initiatives « fans friendly ». Cela doit être un plaisir pour les spectateurs d’aller sur une course, au Pesage, aux essais ! Ils doivent être accueillis correctement, sourire aux lèvres. Les buvettes doivent être un lieu de convivialité, pas un endroit où l’on se demande si on peut réellement se payer une bière sans obérer sa fin de mois. Quelques trous dans les grillages seraient les bienvenus pour leur offrir quelques points de vue dégagés. Et ce ne sont là que quelques exemples…

th_LM_2017_001Et ce qui s’applique aux spectateurs doit également s’appliquer aux concurrents. Eux aussi doivent être choyés et probablement moins ponctionnés… Le Mans et le FIA WEC sont clairement en souffrance. Il est temps de prendre conscience de la situation et de l’aborder avec humilité.

LMP1 2020 : erreur interdite...

Il est évident que l’avenir dépendra de la qualité du règlement P1 2020. J’ai déjà longuement exprimé ce que je pensais être son avenir et je n’y change rien ou pas grand-chose. Malheureusement pour l’endurance, elle n’a pas eu un Bernie au cœur des années 70 pour lui faire prendre le bon virage médiatique. Le Mans reste une citadelle forte et enviée mais la F1 offre 21 moments aussi forts dans l’année. Les autres courses du FIA WEC sont encore loin d’offrir le même écho médiatique que les 21 GP de F1 et il faut en tenir compte. Longtemps campée dans sa tour d’ivoire, la F1 engage une véritable révolution en cherchant désormais à se mettre à la hauteur de ses fans. Il reste du boulot mais le virage est pris. Cela ne va la rendre qu’encore plus puissante. Et plus dangereuse pour Le Mans. Parallèlement, la Formula E explose malgré des voitures encore sous-motorisées. Ce qui ne va pas durer... Le WRC est stable, voire renforcé, le départ de VW ayant été vite oublié avec le retour de Toyota et de Citroën. Le WRX monte sérieusement en puissance et seul le WTCC tire clairement la langue. Et le petit dernier, le drift attire sans cesse plus de jeunes... La concurrence est furieuse pour le WEC. Le droit à l’erreur est désormais inenvisageable… En établissant ce nouveau règlement 2020, il faudra donc non seulement veiller à contenir les coûts mais aussi se demander pourquoi le GTE Pro connaît un tel succès. Alors que ces voitures ne jouent pas la gagne au scratch. Dans le même temps, le LMP1 souffre comme jamais. Aujourd’hui encore, les GTP des 1998-1999 font rêver les fans. Rendez-nous donc de belles voitures, aux belles formes, aux belles couleurs, aux jolis sons si possible (même si l’électrique va devoir se faire sa place) dont les freins virent au rouge, qui fassent des étincelles, du show !

Mais en attendant 2020, il y a deux années à tenir avec la quasi-certitude, qu’aucun constructeur ne viendra rejoindre Toyota. Il va falloir vivre avec ces concurrents privés que l’ACO voulait absolument voir en P2 il y a quelques années. Ce que l’histoire très ancienne et très récente nous enseigne, c’est que l’engagement des constructeurs est terriblement volatile et encore moins fiable, sur le long terme, qu’un moteur de LMP675 au début des années 2000... Il faut définitivement et impérativement en tenir compte. Il faut faire en sorte que jamais, plus jamais, les usines n’éclipsent les privés au point que nous avons vécu ces dernières années. Les besoins marketings effrénés des constructeurs doivent-ils mettre en péril une épreuve née en 1923 ? Certainement pas. Il est plus que temps de se souvenir de la mort du Championnat du Monde en 1992 pour tordre le cou au trop fameux dicton : l’histoire n’est qu’un éternel recommencement...

Laurent Chauveau