Le Mans 2017 : Et soudain, l'apocalypse... Imprimer Envoyer
Dimanche, 25 Juin 2017 11:29

th_LM_24_2017_015Et soudain la machine s’enraille. Tout se déroulait pourtant bien jusqu’à ce moment-là. Toyota se retrouvait à trois contre un. Porsche avait déjà perdu la n°2 pour la course à la victoire. Un problème avec le moteur électrique avant avait retenu la voiture trop longtemps aux stands pour envisager le succès. On ne gagne plus au Mans sans avoir une course claire. Terminé ce temps-là. Alors 1H05’ d’arrêt, il est bien évident que l’on ne s’en remet pas.

Certes, la 919 n°1 constituait toujours un danger de premier ordre. Les Porsche tenaient bien le rythme des TS050 et après 8 heures de course, la n°8 et la n°1 étaient toujours roues dans roues, nous offrant un très joli spectacle. Certes, la n°9 était déjà un peu en retrait, suite à quelques arrêts hors programme et avait déjà perdu deux tours sur la tête mais elle restait dans le coup.

Première anicroche...

th_LM_24_2017_022Et puis soudain, tout s’est précipité. Comme dans un cauchemar d’une violence inouïe. C’est tout d’abord la n°8 qui est sévèrement touchée. Il est 22H47. Un problème avec le moteur électrique avant, ressenti depuis pas mal de temps par Sébastien Buemi mais non détectable sur les données des ingénieurs, immobilise la voiture aux stands durant deux heures pleines. Il faut non seulement changer le moteur électrique mais également la batterie. L'intervention est interminable et la n°8 devient un laboratoire pour les deux autres voitures, comme cela se pratique couramment lorsqu'une auto est très attardée. Une de moins pour la gagne…

th_LM_24_2017_003Si l'on avait stoppé la n°8 plus tôt en s'appuyant sur les sensations de Sébastien, aurait-on pu sauver le moteur électrique ? Là est la vraie question. Ce qui est étonnant, c'est que Buemi ressente un problème mais que rien ne se manifeste sur les acquis. Partant de là, si l'on arrête l'auto, on va forcément passer par une procédure plus ou moins longue de diagnostic avant de procéder à quelques réparations que ce soit. C'est sûrement ce qui a freiné l'aréopage Toyota dans sa décision de faire rentrer la 8. Erreur ? Peut-être. Cela aurait-il sauvé le moteur électrique ? Il est probable que non... Toujours est-il que la 8 n'est plus en mesure de jouer la gagne. Cependant, il reste encore la 7, dominatrice depuis le début de l’épreuve, et la 9, en réserve. Mais quand ça ne veut pas…

Ca devient inquiétant !

Et soudain, la 7 est au ralenti sur les images de la télé. Il est minuit 43. Le restart après une neutralisation vient juste d’être donné mais la 7 ne reprend pas sa vitesse. Malchance dans la malchance, la voiture n’est encore qu’au Dunlop. Elle a près de 13 km à faire pour rentrer aux stands. On apprend assez vite que l’embrayage est mort. Ce tour est un calvaire total. Alors qu’il vient juste de reprendre le volant de la voiture, Kamui Kobayashi, l’auteur de la pole se traîne misérablement sur le bas-côté. Il s’immobilise avant Indy. Puis parvient à repartir pour se poser au début de la nouvelle portion. Ou il est obligé d’abandonner… Malchance dans la malchance, on apprendra plus tard que l’origine du problème d’embrayage vient d’un geste totalement déplacé de Vincent Capillaire, faisant un signe du pouce à Kamui alors que celui-ci attendait patiemment que le feu de sortie des stands repasse au vert. Ce geste anodin a instillé le doute dans la tête du pilote Toyota qui a relancé sa voiture alors qu’il ne le devait pas. Il l'a surtout fait à trois reprises. th_LM_24_2017_007Car le stand l'a à chaque fois rappelé étant donné que le feu était toujours au rouge. Malchance dans la malchance ou maladresse dans la malchance, il l'a surtout fait sur le moteur thermique et non sur l'électrique. Or l'embrayage du moteur thermique n'est pas fait pour encaisser une telle charge, les TS050 s'élançant toujours des stands sur l'électrique, elles sont déjà à 80 km/h lorsque l'embrayage solidarise le moteur thermique à la chaîne de traction et l'effort qu'il a à supporter est donc bien moindre qu'en partant de zéro. Il faut donc se demander pourquoi, cette fois-ci, la procédure a changé ? Il paraît peu probable de croire qu'il ne restait plus d'énergie dans la batterie après un seul redémarrage des stands. Etait-ce donc pour conserver du boost pour la suite du tour ? Peu probable là encore puisqu'on est encore à ce moment sous safety-car. Kamui avait-il conscience de la surcharge de travail qu'il imposait à son embrayage ? Avait-il conscience de la faiblesse de celui-ci ? En avait-il été suffisamment averti ? Le stand n'a-t-il pas eu le temps de le ramener à une procédure plus classique ? Il est probable que ces deux ou trois démarrages (on ne voit que le premier sur la vidéo même si on perçoit un redémarrage hésitant) et autant d'arrêts brutaux se soient produits dans un laps de temps extrêmement court, ne donnant pas le temps à l'ingé de réagir.

Dans une édition marquée du sceau de Michel Vaillant, on vient de vivre un épisode digne des coups du Leader même si Vincent Capillaire n’avait probablement d’intentions aussi néfastes que Bob Cramer. Il est tout de même très étonnant que Vincent insiste sur son geste du pouce jusqu'à ce que Kamui se décide à partir… Toujours est-il que la confusion créée a probablement placé Kamui dans une situation imprévue, face à laquelle il n'a pas su réagir de manière adéquate, le stress et l'adrénaline ajoutant aussi leurs effets nocifs... Mais avouons que c'est vraiment un cas de figure unique auquel il était vraiment difficile de le préparer. Car pour ma part, fréquentant tout de même régulièrement les circuits, je n'ai jamais vu un pilote faire un tel signe à un autre dans des circonstances semblables contrairement au message qu'a voulu faire passer Vincent sur sa page Facebook.

Reste la question fondamentale, la seule qui vaille vraiment d'être posée. L'équipe Toyota avait-elle pris pleinement conscience du problème posé par l'embrayage ? Si oui, pourquoi avoir laissé Kamui se relancer dans un tour rapide après en avoir bouclé un derrière le safety ? Ne valait-il mieux pas l'arrêter tout de suite dès le restart plutôt que de le laisser se relancer dans un tour rapide avec un embrayage affaibli ? Celui-ci lâche immédiatement, dès la première sollicitation, devant les stands ! Il paraît inimaginable qu'aucune faiblesse n'ait été préalablement détectée ! Y a-t-il eu une mauvaise analyse de la situation ? Et combien de temps aurait pris la réparation de cet embrayage ?Tout ce que l'on sait, c'est que Kamui ira se poser à l'entrée du virage Porsche, juste devant les VIP Porsche qui auront le fair-play de l'applaudir chaleureusement… Porsche vient donc de prendre la tête de la course. Tout le monde est décontenancé par ce qu'il se passe encore pour le clan Toyota dont les chances ne reposent désormais plus que sur la n°9, la troisième voiture. Celle qui venait là pour apprendre devient le seul atout des japonais.

Et de trois de chute ! A peine croyable...

th_LM_24_2017_005Et soudain sonne l'hallali … Il est 1H10 du matin, soit 27 minutes exactement après que la n°7 se soit retrouvée au ralenti sur la piste, 2H23' après l'arrêt de la n°8. Nicolas Lapierre franchit la ligne d'arrivée pour la 160ème fois et se rue vers la Dunlop. Il double par la droite l'ORECA Manor n°25 et déborde par la gauche la Dallara du Vilorba Corse, sortant des stands. Il rentre alors dans sa zone de lift and coast, cet endroit ou il est obligé de lever le pied de l'accélérateur afin d'éviter une surconsommation de carburant. Simon Trummer, dans son ORECA n'a pas lui, à lever le pied, le règlement LMP2 n'imposant pas les mêmes contraintes que le LMP1. Il est surpris par la manœuvre de Nico et le percute à l'arrière gauche, provoquant une crevaison immédiate de la Toyota et une sortie de route fatale pour sa propre voiture. Nico part en tête à queue mais se relance rapidement. Conséquence toutefois de la touchette, le pneu arrière va se déchiqueter. Le système hydraulique est rendu inopérant, semble-t-il aux alentours de Mulsanne, sans toutefois que l'on sache si cela est une conséquence directe du choc ou de la destruction progressive de l'arrière gauche de la voiture par les lambeaux du pneu détruisant tout à leur contact.

Hisatake Murata eu des mots très durs, après la course, envers la manœuvre de Nicolas Lapierre en disant que Nico « poussait dans une zone ou il n'avait pas à le faire. » Pourtant, en regardant la vidéo, on voit que, entre le moment ou Nico passe la LMP2 de Trummer et le moment ou le contact a lieu, il s'écoule un peu plus de 2 secondes ! On a déjà connu dépassement bien plus tangent ! De plus, Nico ne semble pas réellement changer de ligne ou ne pas laisser de place à Trummer. Il y a une incompréhension manifeste entre les deux pilotes, peut-être même une petite inattention de Simon qui était en fin de triple relais. En tout cas, il ne semble pas qu'il y ait une erreur majeure de Nico, de nature à justifier une telle réaction publique de son patron, surtout lorsque l'on connaît la modération habituelle des citoyens du soleil levant. C'est vraiment étonnant et regrettable.

th_LM_24_2017_023Si erreur de Nico il y a, il semble qu'elle soit plutôt à mettre sur le compte de la vitesse à laquelle il ramène sa voiture après la touchette. Au vu des quelques images, on a en effet l'impression qu'il tenait encore un très bon rythme jusqu'à la deuxième chicane des Hunaudières, peut-être trop bon car on croit discerner sa voiture déjà bien fumante, passer très rapidement à cet endroit. Dès la sortie de Mulsanne, le rythme tombe très vite. A la sortie d'Arnage, Nico doit stopper la n°9 car des flammes commencent à apparaître de l'arrière gauche totalement arraché. Il parvient à repartir mais à l'extrême ralenti. En vue de l'entrée des stands, la n°9 s'immobilise définitivement. La cabane est tombée sur le chien. Nous ne sommes pas encore à la mi-course et la faillite est totale dans le clan Toyota. Tout simplement incroyable… Deux abandons, une voiture dans le fond du classement et pas une cause identique pour chaque problème. Une nouvelle fois au Mans, une nouvelle fois dans l'histoire de Toyota, la voiture la plus rapide en piste ne gagnera pas !

th_LM_24_2017_014Il n'est pas possible que cette hécatombe n'ait désormais pas de conséquence sur la façon dont Toyota travaille ou prend ses décisions. Sébastien Buemi a exprimé son courroux après la course et il semble justifié. La faute n'incombe certainement pas aux seuls pilotes. Il est toujours difficile de juger de l'extérieur mais il est impossible qu'une si belle équipe ait pu faillir à ce point. Il semble improbable d'exploiter si mal une aussi bonne voiture. Murata a avoué que l'équipe n'avait peut-être pas suffisamment intégré le paramètre des slow zones dans ses répétitions à blanc. Gageons que l'oubli sera désormais réparé. Car cette année, durant un tiers de l'épreuve, les pilotes eurent à subir soit le rythme des safety-cars, soit le ralentissement des slow zones. Il est impératif d'en tenir comte. L'examen de conscience doit être profond chez Toyota. Les responsabilités de chacun doivent être clairement exprimées même si cela heurte les habitudes nippones. C'est indispensable. Pour avoir enfin une chance de prendre sa revanche. Et pour tuer ce chat noir qui s'acharne à détruire les efforts de la firme.

Pas si simple pour Porsche !

th_LM_24_2017_008Les gens heureux n'ont pas d'histoire a-t-on l'habitude de dire… Alors, cela revient-il à dire que Porsche n'a pas d'histoire à raconter en cette édition 2017 ? Bien sûr que non. Bien au contraire… Il est même hallucinant de constater que c'est celle dont a très rapidement pensé qu'elle était hors-jeu, qui a fini par s'imposer ! Car très vite dans cette course, Porsche ne semblait plus jouer qu'à une 919 contre trois TS050. A 18H30 soit après seulement trois heures et demie de course, la n°2 rentrait dans son stand et y perdait un peu plus d'une heure. Il fallait changer le moteur électrique ! Allez, soyons honnête. A 19H35, lorsque Brandon Hartley reprenait la piste en 55ème position, qui pensait que c'était pour nous refaire le coup de Jacky Ickx, Jürgen Barth et Hurley Haywood 40 années exactement plus tôt ? Personne. L'endurance a changé. On ne revient plus avec un tel retard. C'est impossible. Et pourtant… Pourtant 2014 avait déjà rappelé quelque peu les courses à l'ancienne. Ou même le vainqueur ne peut s'affranchir d'un passage prolongé par son stand. Pourtant, 2015 et surtout 2016 avait prouvé à quel point ces LMP1 hybrides peuvent s'avérer sensibles, voire fragiles. Avouons-le, en cet instant précis, on avait plutôt tendance à croire que si un ancien scénario devait se répéter, c'était plutôt à celui d'il y a 30 ans que l'on pensait. Lorsqu'en 1987, à une contre trois Jaguar, la 962 n°17 de Stuck/Bell/Holbert avait permis au trio de répéter son succès de 1986. On ne pouvait s'empêcher de craindre pour Toyota même dans cette situation de force. Et si Toyota vint bel et bien à faiblir laissant la 919 n°1 de Jani-Lotterer-Tandy prendre les reines de l'épreuve avant même la mi-course, rien ne se passa suivant le scénario envisagé.

La 1 à l'agonie !

th_LM_24_2017_013Car soudain, à moins de 4 heures de l'arrivée, la télé montrait André Lotterer entrant au ralenti dans les Hunaudières… Pourtant, cette Porsche se « promenait » depuis que la menace Toyota avait disparu. Le chrono moyen de la n°1 sur le premier tiers de course était de l'ordre de 3'22" par tour. Dès que la cataclysme Toyota eut lieu, le rythme fut bien plus conservateur et ressort à un peu plus de 3'27" au tour ! Les trois pilotes assuraient donc, cherchant avant tout à emmener leur 919 au bout. Ils ne cédaient même pas aux délices du happy hour matinal, en ne signant quasiment plus aucun chrono sous les 3'25" ! Pendant ce temps, la n°2 tournait régulièrement en 3'22", voire moins… Mais à 11H09, André sort au ralenti des Esses du Tertre Rouge et attaque les Hunaudières sur le seul moteur électrique. Connu par deux fois avec les Toyota, voilà que le scénario d'une LMP1 hybride au ralenti se produit à nouveau mais dans le clan de Stuttgart cette fois. Comme pour Toyota, la Porsche doit parcourir une très longue distance avant d'espérer voir les stands. André atteint la première chicane des Hunaudières ou il stoppe. Puis repart, toujours aussi lentement. Il passe la seconde chicane puis la courbe des Hunaudières et s'arrête à nouveau. Définitivement ! Comme pour Toyota, la n°1 ne rentrera pas…

th_LM_24_2017_004Il se passe alors un truc fou au Mans. Un truc qui n'a pas forcément fait rire tout le monde en haut lieu mais qui a assurément, redonné un peu le sourire en son for intérieur à Hugues De Chaunac. Une LMP2 a pris la tête de l'épreuve ! Le Jackie Chan DC Racing vit alors un moment de rêve en plaçant son ORECA 07 au premier rang des 24 Heures du Mans. Certes, la Porsche 919 n°2 n'a plus qu'un tour de retard désormais. Mais il n'empêche que c'est bel et bien une LMP2 qui domine les 24 Heures du Mans en cet instant précis ! Enfin, LMP2, c'est un bien grand mot. Car ces P2 2017 vont plus vite, bien plus vite que les LMP2 de 2016. Elles vont tellement vite que la n°26 du G-Drive avait signé un extraordinaire 3'25"352 lors des essais plaçant l'ORECA orange en pole position des P2 et sur la 7ème place de la grille. Songez simplement que ce chrono est à moins d'une seconde de la plus lente des LMP1 usines de 2016 ! Vous voulez un fait encore plus incroyable ? Cette pole LMP2 2017 est plus rapide que la pole LMP1 2011 de près de 4 dixièmes de seconde… Il y a seulement 6 ans, les LMP1 de pointe tournaient moins vite aux essais que les LMP2 de 2017… A la fin de la première heure de course, et malgré des ravitaillements très précoces, car ces P2 sont voraces, cinq d'entre elles avaient bouclé 17 tours ! Cette performance était, par le passé, réservée aux meilleures P1 usines… Alors prétendre qu'il s'agit là d'une catégorie « inférieure » semble quelque peu déplacé…

Les P2 devant les P1 !

th_LM_24_2017_016Non seulement, c'est une LMP2 qui occupe donc dès lors la tête de l'épreuve mais au moment précis ou la n°1 est poussée derrière le rail à hauteur du golf par les commissaires, ce sont bel et bien trois LMP2 qui devancent la Porsche 919 n°2, leader des P1 ! Ca ne va pas durer bien longtemps. Si les P2 sont très rapides, les P1 sont des flèches… Alors que l'abandon de la 1 est officialisé à 11H40, la 2 reprend la 3ème place à l'Alpine n°35 à 11H52. Un stop&go ralentit alors la Vaillante Rebellion n°13 et 7 minutes plus tard, la Porsche est donc deuxième… Reste à s'occuper du cas Jackie Chan ! La Porsche reprend dix secondes au tour environ à la n°38. A 13H53, le problème est réglé. Timo Bernhard déborde Ho Pin Tung. Porsche vient de reprendre la tête, à un peu plus d'une heure de l'arrivée… Plus rien ne viendra entraver la marche victorieuse de Timo, Brandon et Earl. La 19ème de Porsche est au bout du chemin. Un chemin qui malgré ce long arrêt de plus d'une heure et de nombreuses slow zones ou neutralisations, aura dépassé la marque des 5000 km, 5001,843 pour être précis...

th_LM_24_2017_011Malheureusement, la course du LMP2 n'a concerné que les ORECA entre elles et si la Ligier du United Autosports termine à la 4ème place, elle le doit à sa régularité bien plus qu'à sa vitesse. C'est presque sans surprise d'ailleurs que les ORECA 07 ont tant dominé puisqu'elles sont les seules à être engagées en WEC. Elles sont globalement confiées à d'excellents équipages très homogènes ce qui n'était pas forcément le cas des Ligier par exemple. Le kit Le Mans n'était pas assez bon chez Ligier et on peut en dire de même pour les Dallara qui revinrent carrément au kit aéro classique, celui du Mans leur offrant une Vmax décoiffante mais trop peu d'appuis… La Riley était quant à elle bien trop isolée et subit pas mal de contretemps dont un assez comique et très bel « entrelacement » avec les publicités dans le Dunlop ! La course se restreignit donc aux ORECA 07 et les Vaillante Rebellion (quel coup de comm' magistral soit dit en passant!) furent longtemps dominatrices même si jamais elles ne furent tranquilles, les Manor et les deux Jackie Chan jouant les trouble-fêtes avec constance. A la sortie de la nuit, la constance de l'équipage de la n°38 commença même à porter ses fruits et peu avant les deux tiers de la course, l'ORECA chinoise managée par un team britannique sous la responsabilité d'un français prenait définitivement la tête de la catégorie… Mais la vraie course à coup de secondes, celle qui tint longtemps en haleine les spectateurs, c'est en P2 qu'elle eut lieu cette année du côté des prototypes (car c'est bien le GTE Pro qui s'est lui, accaparé tous les feux de la rampe lors des ultimes tours avec la baston de fou entre l'Aston Martin et la Corvette…)

Impeccable prestation de la Jackie Chan DC Racing n°38 !

th_LM_24_2017_020C'est donc à la fiabilité que cela s'est joué dans la « petite » classe et à ce jeu, le Jackie Chan DC Racing a été le plus fort. Composé de Oliver Jarvis, Ho Pin Tung et Thomas Laurent, l'équipage était très rapide et très régulier, avec une mention pour le « silver » Thomas Laurent : un silver virant au doré teinté de platine... Certes, sa petite sortie durant la soirée à Indianapolis coûté un peu plus d'une minute à la 38. Certes, un changement de capot arrière un peu difficile à midi a coûté un peu plus d'une autre minute à la voiture. Tout cela a privé de quelques minutes supplémentaires de gloire le proto varois. Tout cela nous a enlevé quelques longues minutes de suspense supplémentaires mais il est probable que cela n'aurait rien changé au résultat final. La Porsche l'emporte en effet avec un peu plus d'un tour d'écart soit près de 4 minutes…

Vaillante Rebellion punie !

th_LM_24_2017_002Les Vaillante ont fini par pécher sur le plan de la fiabilité. La n°31 fut la première à être notablement retardé par la faute du carter de boite qui lui fit perdre 1H30 aux stands juste après 9H du matin ! Puis la 13 connut une matinée rendue difficile par un démarreur récalcitrant. L'équipe procéda alors au percement d'un trou dans la carrosserie afin d'accéder facilement à celui-ci sans avoir à enlever le capot à chaque arrêt. C'est strictement interdit par le règlement et le fait de tenter de maquiller cela dans le parc fermé n'arrangea rien à l'affaire. Après avoir reçu le drapeau à damiers en troisième position au scratch, deuxième du LMP2, Piquet/Beche/Heinemeier Hansson se virent disqualifiés ! On se demande ce qu'auraient pu penser de cela Henri Vaillant, le patriarche de l'empire Vaillante ! Cela fait l'affaire de la deuxième voiture du Jackie Chan DC Racing qui hisse ainsi sur le podium général sa deuxième voiture sans en avoir pourtant eu les honneurs...

th_LM_24_2017_017Les deux Manor ont fait un joli début de course mais la 25 a connu l'accrochage que l'on sait avec la Toyota n°9 ce qui mit un terme définitif à sa course tandis que la 24 parvint à finir 6ème du P2 malgré quelques petits soucis. Les Alpine pouvaient espérer un beau résultat mais Gustavo Menezes mit la n°36 immédiatement en arrière plan avec une sortie de piste à Mulsanne au cœur de la première heure ! Elle termine à la 8ème place en P2. Quant à la n°35, elle termine finalement 3ème du P2 après la disqualification de la Vaillante. Des problèmes de freins en fin de course l'empêchent de faire mieux car elle perd là près de deux tours. Jamais l'une des Alpine ne put cependant pointer en tête de la catégorie.

Faibilité, élément clé...

Ce qui est assez remarquable dans cette catégorie LMP2, c'est la fiabilité d'ensemble ! Et ce malgré une chaleur omniprésente. Même au cœur de la nuit, la température de l'air ne descendit jamais sous les 18°C ! De jour, on dépassa les 31°C… Seules quatre P2 ne rejoignent pas l'arrivée et toutes sur accident. L'on craignait pourtant que le boîtier Cosworth ne pose encore quelques problèmes électroniques comme ceux entrevus tout au long de ce début de saison mais tous les moteurs Gibson ont finalement tenu jusqu'au bout. L'on ne peut en dire autant du côté des P1...

Avenir incertain !

th_LM_24_2017_010Et maintenant ? Quid de l'avenir à très court terme des prototypes aux 24 Heures du Mans ? Les rumeurs allaient bon train concernant un possible retrait de Porsche dès la fin de cette saison alors que le programme a été confirmé jusqu'à la fin de 2018. Cette 3ème victoire de rang de la 919 peut être vue au choix comme une chance ou comme un coup de massue, selon que vous êtes optimistes ou pessimistes. Coup de chance car elle prouve, s'il en était encore besoin, qu'une « vieille » voiture peut toujours s'imposer au Mans. Coup de chance car elle place la double decima à portée de main de l'usine de Stuttgart. Porsche compte en effet désormais 19 victoires au Mans, pourquoi ne pas tenter d'aller chercher la 20ème ? Si l'on est moins optimiste, on peut se demander pourquoi continuer avec une voiture dont le potentiel de développement est désormais faible avec cette coque datant de 2015. Etant donné que Porsche et Toyota ont passé un accord pour ne plus développer de nouvelle monocoque jusqu'à la fin du règlement actuel, les allemands ont les mains liés. Or les 919 étaient très légèrement moins rapides que les TS050 cette année. Celle-ci étant plus jeune d'un an, elle arrivera à son potentiel maximum l'an passé. Ce qui peut faire frémir quand on pense au chrono hallucinant qu'a signé à son volant, Kamui Kobayashi lors des essais : 3'14"791 ! Plus de 251 km/h de moyenne ! Pourquoi donc revenir affronter une TS050 2018 qui sera forcément encore plus rapide ? N'est-ce pas un peu risqué ? A moins que les dirigeants de Porsche ne compte une nouvelle fois sur le fameux chat noir Toyota…

Du côté de Toyota, c'est le grand patron en personne qui a affirmé que la firme se maintiendrait en 2018 pour enfin tenter d'aller quérir le trophée 24. Une nouvelle fois, on ne peut qu'apprécier cet esprit. Mais… Mais si Porsche venait à se retirer, la victoire deviendrait impérative, la fiabilité obligatoire, une bonne gestion de course essentielle. Car avec l'arrivée prévue de nouvelles P1 privées, il ne faudra pas perdre la face en risquant de se faire battre par des équipes totalement inconnues du grand public…

Un règlement 2020 qui pose question !

th_LM_24_2017_021Et sur le plus long terme ? L'ACO a dévoilé le nouveau règlement LMP1 pour 2020 la veille de la course. Avouons-le, nous ne l'avions pas vu venir ainsi… Le besoin de revenir en arrière sur le plan des coûts apparaissait pourtant de manière criante après le départ d'Audi. Et pourtant, rien ne change sur le plan de l'hybride. Il sera toujours possible d'emmener deux systèmes de récupération d'énergie et l'énergie restituée sur un tour sera toujours de 8 MJ au Mans… Mais s'ajoute à cela une nouveauté : le plug-in hybride… Il s'agit de l'obligation faite aux teams de recharger le système électrique lors des passages aux stands (par un changement de batteries ou un rechargement flash du système?). S'y ajoute aussi l'obligation de couvrir ensuite 1 km de course seulement sur l'électrique et ce au rythme normal de course ! Ce qui signifie, en première analyse un peu trop simpliste, qu'il faudrait équiper la voiture de moteurs électriques plus puissants qu'aujourd'hui afin de compenser l'absence du moteur thermique durant cette phase, alors qu'à 99 % du temps, ils seront utilisés dans les conditions connues aujourd'hui. Etonnant ! Cela amène plusieurs réflexions. Il est évident que le succès de la Formule E fait peur (il existe d'ailleurs des rumeurs d'un départ de Porsche vers cette formule qui déambule au maximum à 200 km/h dans les rue des grandes villes du Monde). On tente là de récupérer un peu le phénomène électrique qui se fait fort d'être propre alors que cela semble surtout être un message de comm' avant d'être une réalité. On tente aussi probablement de conserver les constructeurs encore présents en LMP1, Pascal Vasselon ayant confirmé à Auto-Hebdo que Toyota a beaucoup œuvré en faveur de ce règlement. Mais en quoi cela va-t-il faire baisser les coûts de la catégorie reine ?

th_LM_24_2017_001S'ajoute à ces paramètres techniques, l'arrivée de l'aéro variable destinée à éviter de concevoir deux kits aéros différents par saison, un pour Le Mans, l'autre pour les circuits à forts appuis. Soit. Mais si l'on voulait faire réellement baisser les coûts, il y avait une solution très simple : on impose un seul kit par saison et l'on ne joue que sur des ailerons fixes pour s'adapter au circuit. Il est évident que la plupart des équipes auraient opté pour un kit Le Mans adapté ensuite au mieux aux autres circuits. Les voitures auraient été « mal » sur les circuits les plus lents, certes. Elles auraient bouffé du pneu, probablement. Mais cela aurait été la même chose pour tout le monde. Et surtout, il n'y avait qu'un seul kit sans éléments mobiles… Espérons que la fiabilité sera au rendez-vous car on imagine mal un pilote rentrer pleine bille dans Indy, confiant dans le fait que son aileron soit revenu en position grande ouverte, alors qu'une boulette de gomme l'a en fait bloqué en position effacée dans la ligne droite… Les blocages de DRS existent encore parfois en F1 avec des courses n'excédant pas deux heures !

Plus simple, moins cher !

th_LM_24_2017_009Admettons que ce nouveau règlement parvienne à contenir les coûts actuels de développement. Il y a fort à parier en revanche qu'il ne les fera pas baisser. Dès lors, plutôt qu'ouvrir le jeu à d'autres constructeurs, on peut penser qu'il maintiendra la catégorie en position de statu quo. Pourtant l'édition 2017 a prouvé que le LMP1 a besoin de s'étoffer. Et l'on ne parle pas là du P1 privé mais bien des usines. Peugeot avait clamé son intérêt pour un retour. On doute que cela se fasse sur la base de nouveau règlement. A moins que… A moins que l'ERS incentive qui incite les constructeurs à monter les systèmes hybrides les plus puissants dans leurs autos n'appartienne désormais au passé. Rien n'a été dit à ce sujet. Mais si une LMP1 2 MJ peut lutter à armes égales avec une 8MJ alors le jeu s'ouvrira. Mais on peut douter que cela devienne effectif. Surtout avec cette règle du kilomètre parcouru sur l'électrique à un rythme de course…

Il est évident que l'équation de l'avenir est tout sauf simple. Il y a trop d'inconnues. Évidemment, le DPi américain pourrait être une solution rêvée pour pallier à une défection rapide des usines en P1. Les voitures sont performantes et peu onéreuses pour une catégorie de pointe. Le bloc moteur reste libre contrairement aux P2 dont elle sont dérivées et c'est un bien car ce côté monocorde du son du P2 est le seul vrai problème de la catégorie. Mais accepter les DPi proserait un double problème. Il faudrait tout d'abord que l'ACO accepte une catégorie qu'elle semble ne pas apprécier car venant tout droit d'un championnat avec qui l'ambiance n'est plus aussi bonne qu'auparavant. Il faudrait ensuite rééquilibrer tout cela avec les P1 privées actuellement en gestation et qui devraient être plus performantes que les P2/DPi ! Aïe… La solution ? Pour les usines, on ajoute un petit hybride avec un seul système de récupération d'énergie qui compense le déficit de performance face aux P1 privés. Avantage, ce n'est plus vraiment du DPi... Le surcoût existe mais reste raisonnable pour une usine et l'on conserve le message écologique auquel tiennent les départements marketing et communication des usines. Trop simple ? Peut-être. Garantie de succès ? Impossible à dire. Mais on a du mal à croire que le règlement 2020 constitue l'appel d'air espéré. Et lorsque l'on lit Hugues de Chaunac déclarant que les P1 actuelles sont peut-être trop compliquées, on doute que celles de 2020 le soient moins…

Au fait, vous avez noté ? La 919 a désormais fait mieux, avec trois victoires absolues, que la légendaire 917. Et celle-ci peut désormais craindre pour l'ultime record qu'il lui reste. Celui du tour le plus court entre deux passages sur la ligne. Il est officiellement de 3'13"9 pour Pedro Rodriguez en 1971. Mais Jackie Oliver avait officieusement, fait mieux encore lors des essais d'Avril en 3'13"6. On pensait que ce temps tiendrait pour la postérité. Peut-on encore en être certain ?

Laurent Chauveau