Règlement LMP1 2014 : pas de révolution esthétique... Imprimer Envoyer
Lundi, 05 Novembre 2012 21:58

Schema_LMP1_2014_vue_coteLes grandes lignes du règlement LMP1 2014 avaient été dévoilées le 14 juin dernier lors de la grande conférence de presse de l'ACO dans le cadre de la semaine des 24 Heures du Mans. Le règlement devait être officialisé assez rapidement. Nous approchons de la fin de l'année et le texte définitif n'est toujours pas paru. Toutefois, Mike Fuller de Mulsanne's Corner, toujours bien informé, a mis en ligne le draft 4 de ce règlement, autrement dit, la 4ème évolution d'un copieux document de 60 pages... Et ce qui frappe à la première lecture de ce « pavé », c'est qu'il est avant tout rédigé en anglais. Nombre de paragraphes n'ont effectivement pas été encore traduit en français pour l'instant. Rien de vraiment étonnant puisque le monde du sport automobile tourne inévitablement autour de l'Angleterre et que les techniciens utilisent quotidiennement la langue de Shakespeare dans le cadre de leur travail et de leurs échanges. Mais ce qui l'est bien plus, c'est l'ultime article de ce règlement, le paragraphe 20, qui précise bel et bien qu'en cas de litiges, « seule la version française fera foi pour l'application et l'interprétation des règlements. »

Différentes ? Oui mais pas assez...

Mais à quoi ressembleront les futures reines des circuits d'endurance ? On savait déjà que les barquettes seraient exclues mais, et c'est probablement le point le plus décevant de ce règlement 2014, elles ressembleront beaucoup aux LMP1 actuelles. Beaucoup trop. Car ce qui rend les autos actuelles profondément disgracieuses sera toujours de mise. Je vous prie de bien vouloir excuser ce débat d'esthète dans un monde d'ingénieurs et de techniciens mais ne pouvions-nous pas profiter de ce nouveau texte pour mettre au rebut ces sabots arrières ou aileron de requin qui font des protos actuels, de parfaits parallélépipèdes sous certains angles ? Les voitures mythiques du Mans le sont devenues par leurs galbes. La ligne droite et la surface plane sont les ennemis du styliste automobile. Or la dorsale centrale est maintenue, elle qui n'offre pourtant strictement aucune liberté de forme autre qu'une pure ligne droite, logée au sommet de la voiture. N'y avait-il réellement aucun moyen de maintenir ces voitures par terre sans se passer de ces éléments de sécurité ? Jaguar Type D, Ferrari GTO ou 330 P4, Ford GT40, Porsche 917 LH ou plus près de nous, Bentley Speed 8, Toyota GT-One et Mercedes CLR peuvent dormir tranquilles. Elles ne sont pas prêtes d'être délogées du panthéon des reines de beauté par les LMP1 actuelles et futures. Au moins jusqu'à 2017 étant donnée l'espérance de vie d'un règlement... Quel dommage !

Il y aura toutefois des différences entre les P1 de 2014 et celles que nous voyons en piste depuis l'an passé. Tout d'abord au niveau de la largeur totale de la voiture, réduite de 10 cm (1,9 m contre 2m). Ensuite, la hauteur de la voiture augmente de façon à dégager un peu la vision latérale du pilote. Et pour avoir eu la chance de m'installer à bord d'un tel proto (à l'arrêt, je vous rassure...) je puis vous assurer que le champ visuel était extrêmement restreint. Car même si les pneus larges de 16 pouces sont désormais interdits, revenant aux 14 pouces traditionnellement utilisés jusqu'en 2010, la réduction de largeur de la voiture compense très exactement cette diminution de largeur des pneus : 5 cm de chaque côté. Si rien n'avait été fait au niveau du cockpit, la visibilité des protos n'aurait absolument pas évolué. Donc cette nouvelle hauteur maxi de 105 cm contre 103 auparavant devrait améliorer quelque peu la situation d'autant que le point haut du pare-brise devra remonter d'un centimètre supplémentaire (95 cm au-dessus du fond de la voiture contre 92 auparavant). De plus, le pilote est avancé de 95 cm ce qui ouvrira encore un peu plus ses angles de vision. Enfin, un intelligent système de contrôle du champ visuel du pilote est mis en place avec des gabarits coniques dont le point de centre est la tête du pilote. Cela assure que, quelle que soit la géométrie de la voiture, toutes les LMP1 offriront exactement le même « dégagement » du panorama à leurs conducteurs...

L'aileron arrière reprend ses aises...

Autre changement qui sera visuellement très perceptible, c'est l'augmentation de largeur de l'aileron arrière. Là, il est difficile de comprendre cette évolution réglementaire. En 2009, l'aileron arrière avait vu sa largeur hors-tout diminuer de 40 cm, passant de 2m à 1,6m. Et ce afin de réduire le niveau d'appuis des protos. Voilà maintenant que l'on procède à l'inverse et que l'aile arrière va pouvoir reprendre 20 cm utilisant ainsi presque toute la largeur de la voiture ! Est-ce pour compenser la petite perte de grip mécanique consécutive à la diminution de largeur de la voiture ? Ou la dégradation du flux vu par l'aileron arrière du fait de l'augmentation de hauteur du cockpit ? Toujours est-il que cela est étonnant. De plus, cela annihile en partie la fameuse efficacité énergétique voulue et argumentée. Car cette allongement de l'aileron, couplée à un cockpit plus haut vont augmenter le maitre-couple de la voiture et donc sa trainée... Mais il est clair que du point de vue esthétique, les intégristes des ailerons généreux, qui avaient très mal vécu le passage à 1,60 m seront heureux ! De plus, cela pourrait naturellement prohiber les moignons d'aileron réapparus cette année à Silverstone sur la Toyota TS030...

th_Schema_LMP1_2014_vue_dessusEn 2012 sont apparus les fameuses ouvertures au-dessus des roues, destinées à débourrer les passages de roues en cas de tête à queue et d'éviter les envols latéraux. Fameuses car elles ont fait causer et n'ont pas embelli les protos en laissant apparaître les pneus par le dessus. En 2014, ces ouvertures seront toujours obligatoires... Mais au moins, les concurrents pourront décider d'opter pour des ouvertures moins disgracieuses, pratiquées à l'intérieur des ailes. (Voir schéma) Si le concurrent reste sur l'option actuelle, la n°1, les dimensions des ouvertures ne sont désormais plus exprimées en unité de surface mais directement en longueur et largeur ce qui laisse encore moins de liberté créatrice... De plus, sur l'aile AV, le trou pratiqué va encore s'agrandir un peu : 33,5 cm dans le sens longitudinal, 30 en transversal soit 1005 cm2 contre 750 mini à 950 maxi cette année... de plus cette ouverture doit impérativement être pratiquée en avant de l'axe des roues ce qui les mettra encore plus en évidence, découvrira encore plus l'avant du pneu et sera toujours moins esthétique ! Souhaitons donc que la majorité des équipes opte pour l'ouverture sur la face interne des ailes, solution inaugurée sur la Toyota GT-One de 1998-1999 même si à l'époque, ces ouvertures n'avaient pas été placées là pour empêcher l'envol de la voiture. Avec cette option n°2, le trou pratiqué est moins grand : 750 cm2 et répartit symétriquement en avant et en arrière de l'axe de la roue, ce qui sera plus doux pour nos yeux...

Les pneus encore plus découverts ?

A l'arrière, l'option n°1 imposera un trou par le dessus de 53 cm par 19 soit la surface minimum exigée cette année, environ 1000 cm2, L'option n°2 se contentant de 850 cm2. Il est à noter que rien n'impose aux teams d'avoir la même option à l'AV et à l'AR. Un panachage des deux solutions est possible.

Pour les autres dimensions des protos, les modifications sont nulles ou marginales et ne devraient donc pas changer grand-chose à leur aspect. D'ailleurs, nombre de paragraphes du précédent règlement ont été intégralement repris. Le cockpit, notamment, conserve les mêmes dimensions en largeur aux coudes qu'aujourd'hui. Les voitures restent des « biplaces » même si certains semblaient pencher pour le passage aux monoplaces, ce qui aurait eu du sens du point de vue de l'efficacité aérodynamique en réduisant la surface frontale des autos. Par contre, si le cockpit ne s'élargit pas en bas, il est possible que les bulles le soient un petit peu plus en haut. Car les arceaux de sécurité, qui suivent très logiquement le mouvement vers le haut du cockpit, devront également respecter leur nouvelle hauteur maxi sur une certaine longueur ce qui n'était pas le cas auparavant. Ainsi l'arceau AV (dénommé structure anti-tonneau AV) devra être situé à 950 mm de haut (contre 920 aujourd'hui) sur au moins 300 mm dans le sens transversal de l'auto. L'arceau AR devra être positionné au moins à 935 mm de haut sur 400 mm au moins. Le poste de pilotage devra, en outre, être correctement ventilé afin de contrôler la température interne aux mêmes valeurs qu'aujourd'hui. Pour aider cette ventilation, deux orifices de sortie de l'air de 40 cm2 mini sont imposés à l'arrière de chacune des vitres latérales.

Aileron AV, le retour mais...

Reste la grosse évolution de ce règlement 2014. Depuis l'avènement des LMP900, un seul aileron était autorisé, celui positionné à l'AR. Par aileron, on entend un élément aéro dont le profil est asymétrique, à savoir que l'intrados et l'extrados sont de formes différentes, comme sur une aile d'avion. On sait que l'Audi R15 avait défrayé la chronique avec son museau pourtant homologué en 2009 mais les « ailerons » qu'elle utilisait n'en étaient pas au sens du règlement puisque les profils internes et externes étaient parfaitement symétriques. Désormais, un véritable aileron avant sera autorisé, permettant de simplifier la tâche des ingénieurs dans l'adaptation de leur voiture aux circuits, car l'incidence de cet élément sera réglable (réglable mais non mobile durant le roulage). Cela évitera peut-être aussi de devoir concevoir deux lames avant différentes en fonction de la rapidité des tracés.

Visi_aileron_AVGrosse évolution mais cet aileron sera-t-il visible du public ? En fait, tout dépendra de la façon dont le capot avant sera traité... Mais une chose est sûre, il sera relativement discret. Car il sera positionné très en retrait. Le porte-à-faux avant de la lame avant est de 1000 mm maxi alors que cet aileron ne pourra l'être que de 430 mm. D'ailleurs, il ne pourra surplomber le bord de fuite de la lame que de 30 mm. Ainsi, si l'on pouvait adapter dès aujourd'hui, un tel élément sur l'Audi R18 sans rien changer d'autre à la carrosserie de cette auto, l'aileron serait quasi invisible, caché qu'il serait dans l'ombre des éléments de carrosserie entourant les triangles de suspension. Par contre, sur la Toyota, ces éléments étant beaucoup plus reculé, l'aileron serait probablement perceptible. Les schémas vous aideront à mieux situer visuellement cet aileron ajustable.

Autant l'aileron AR devra être droit comme la justice (une pure extrusion rectiligne sur 1,8 m d'un profil alaire constant), autant le flap avant pourra « se gondoler » autant que les ingénieurs le jugeront utile. Ses dimensions ne sont pas réellement imposées par le règlement contrairement à l'aileron arrière. Il ne doit simplement pas se prolonger au-delà de l'axe des roues AV, ni en longueur, ni en hauteur. Pour le reste, sa largeur sera contrainte par le débattement des roues qui doivent pouvoir braquer. Quant à sa longueur de corde, elle sera contrainte par la présence des triangles de suspension, voire de l'arbre de transmission pour une hybride avec moteurs électriques sur les roues AV. Il est donc peu probable de voir fleurir de gigantesques aileron à l'avant. Il s'agira avant tout d'un flap permettant de moduler le fonctionnement du splitter. Notez aussi que cet aileron pourra se diviser en deux parties symétriques par rapport au plan médian de l'auto.

Voilà pour ce qui concerne les dimensions et l'aspect de nos prototypes. 2014 verra une légère évolution esthétique, certainement pas une révolution. Pas de celle que nous aurions pu espérer en tout cas... Pour ce qui concerne l'aspect mécanique de ce règlement LMP1 2014, cela fera l'objet d'un prochain article.

Laurent Chauveau

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