24H 2012 : Audi-Toyota, forces et faiblesses... Imprimer Envoyer
Mardi, 03 Juillet 2012 21:29

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_1La 80ème édition des 24 Heures du Mans a donc vu s'affronter deux Toyota débutantes, à système hybride agissant sur l'arrière, contre deux Audi éprouvées à propulsion classique et deux autres greffées d'un système hybride agissant sur l'avant. Trois voitures différentes, aux qualités dissemblables mais pour un résultat chronométrique très proche. Tentons d'en comprendre les raisons. En commençant par le clan des vainqueurs : Audi.

 

Pas si forte la e-tron ?

Cela va peut-être surprendre mais il semble que la R18 e-tron quattro, malgré sa victoire dès sa première course, malgré sa domination quasi totale et permanente sur la course, ne soit pas l'arme absolue que l'on pouvait attendre. Comparée à la R18 Ultra et malgré la pole signée André Lotterer, la HY d'Audi n'avait finalement rien d'un épouvantail. Surtout lorsque l'on sait que Loïc a perdu non moins de 0"7 dans la chicane Forza Motorsport lors de son meilleur tour qualif à l'issue duquel, il échoue à moins de 0"3 de André... Poursuivons ce comparatif par une analyse des chronos établis en course. Au 5ème tour, André Lotterer, en tête de la course, signe ce qui restera longtemps le meilleur tour de cette course alors que la piste est encore très « verte », et donc offrant peu de grip. Elle a été bien lavée par les pluies du vendredi et du samedi. 3'26"302 pour le pilote de l'hybride n°1. Dans le même tour, Loïc Duval, indiscutable sprinter de la n°3, signe un 3'26"633... Pour quelqu'un qui est privé des 200 chevaux offerts par les deux moteurs électriques, ce n'est pas si mal... Après 10 tours, il n'a que 7 secondes de retard. Viennent alors les pit-stops. Là avantage encore à l'e-tron. Certes, la n°1 s'arrête au bout de 10 tours contre 11 à la n°3. Mais par la suite, les deux voitures respecteront strictement un tableau de marche de 12 tours par relais (la n°2 ne fera parfois que 11 boucles en piste). Or, du fait que l'e-tron quattro a deux litres de capacité de réservoir de moins que l'ultra, elle reste moins longtemps aux stands. Environ deux secondes de moins à chaque fois. La n°3 connait juste après son premier arrêt, une crevaison qui oblige Loïc à revenir immédiatement aux stands. Il repart avec 1'22" de retard sur la n°1, toujours en tête. 74 tours plus tard soit juste avant que Romain Dumas ne tape les pneus dans la première chicane des Hunaudières, l'écart est redescendu à 1'09" et ce malgré les pit-stops légèrement plus longs... C'est bien la preuve que l'Ultra était dans le coup. Ou que l'e-tron quattro n'était pas encore aussi aboutie qu'escompté. L'autre preuve, c'est Loïc qui se chargera de l'administrer dans la matinée en signant le meilleur tour définitif de cette course en 3'24"189. La meilleure e-tron, la n°2 de McNish restera en deçà de cette performance : 3'24"276... Et l'écart sur le tour idéal est encore plus frappant. Le tour idéal est un tour théorique, calculé en ajoutant chaque meilleur partiel de la voiture. Il est donc très intéressant pour situer le potentiel absolu d'une voiture sans que celle-ci ne soit confrontée au problème de la gestion du trafic. La n°3 aurait ainsi pu signer un 3'23"630 tandis que la n°2 reste en 3'24"044. Soit plus de 4 dixièmes à l'avantage de la plus conventionnelle des deux R18. Etonnant, non ?

LM2012_Audi_R18_Ultra_3Alors certes, les pilotes des Ultra n'ont cessé de nous le répéter, les R18 thermiques avaient bénéficié d'un allègement hivernal intense : environ 10% de masse gagnés sur les éléments techniques, 10% compensés par du lest placé astucieusement. Le centre de gravité des Ultra était donc situé plus bas que celui des e-tron quattro au bénéfice de la vitesse de passage dans les courbes rapides. D'ailleurs, en course, la n°3 s'offre les meilleurs partiels dans les 1er et 3ème secteurs, les deux secteurs les plus tournants. Dans le secteur n°2, celui qui fait la part belle à la vitesse, c'est l'e-tron quattro n°2 qui domine. Mais dans ce secteur ou les fameux 200 chevaux annoncés par Audi devraient faire merveille sur les « trois ligne droite des Hunaudières », l'e-tron ne prend que trois dixièmes à l'Ultra. Cet écart assez faible confirme ce que les pilotes Audi nous disaient. Le système hybride de l'e-tron n'était pas aussi efficace que ce que l'on pouvait en attendre. Et certainement pas autant que celui de la Toyota. Et puisque les cieux ont daigné épargner la course de leurs eaux, les e-tron n'ont pas bénéficié de ce qui aurait du être leur meilleure arme : une piste humide... De plus, on peut penser que les deux arbres de transmission des moteurs électriques avant viennent perturber le flux des e-tron au détriment de la finesse de la voiture. Cela est d'ailleurs confirmé par une Vmax supérieure des deux Ultra : 327,1 km/h en course pour les n°3 et 4 contre 326,1 pour les n°1 et 2. Le monde à l'envers !

La n°1 handicapée ? Oui.

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_1Au soir de la course, une rumeur était apparue faisant état d'une possible défaillance de l'hybride sur la n°1. Depuis lors, Audi Sport, via le Dr Ullrich a confirmé que ce système, avait du par deux fois, être remis à zéro au niveau électronique lors d'arrêts aux stands. Puis il avait fini par se mettre en mode safe. Un mode ou il ne donne pas sa pleine mesure mais ou il continue de fonctionner. A 10, 25, 50 ou 90 % ? Là est la question... Toujours est-il que le chiffre du deuxième partiel confirme que la n°1 était sérieusement handicapée par rapport à la n°2 : 1'19"533 pour McNish, le meilleur sur la n°2 contre 1'20"310 pour Tréluyer sur la n°1. Presque 8 dixièmes en 5 kilomètres ! Dès lors, on prend conscience de la valeur de la résistance opposée par la n°1 à la n°2 ! Bluffant... Et ces 8 dixièmes situent, à minima, le handicap de ne pas avoir de moteurs électriques pour les Ultra. De quoi nous conforter dans l'idée que cette e-tron quattro n'était pas encore totalement aboutie. Il serait intéressant d'être en ce moment même dans les ateliers d'Audi Sport et d'assister au debriefing des 24 Heures 2012. Il serait intéressant de savoir s'ils ont déjà remis en cause le principe d'accumulation d'énergie par une roue d'inertie. Et s'ils conserveront cette propulsion électrique à l'avant maintenant que le « coup médiatique » quattro a été réussi. Les problèmes dus à ce placement à l'avant sont doubles : la trainée comme on l'a déjà dit mais aussi cette obligation réglementaire d'attendre le seuil des 120 km/h avant de laisser les moteurs électriques entrer en action ce qui est particulièrement pénalisant lors des relances en sortie de Mulsanne et Arnage. En 2013, la Toyota sera autrement plus aboutie et il faudra une e-tron au sommet de son développement pour la museler. La R18 2013 sera probablement toujours une e-tron. Mais sera-t-elle encore une quattro ? La question mérite d'être posée. On pourrait même imaginer une nouvelle stratégie panachée comme cette année : deux en e-tron quattro pour assurer en cas de pluie ou le système est tout de même avantagé et deux en propulsion électrique arrière pour assurer sur le sec...

S'il y a un autre point qui a été très étonnant avec les R18 version 2012, c'est leur « voracité » en pneus. On se souvient qu'en 2011, les Audi avaient mieux géré leur patrimoine pneumatique que les Peugeot et que la victoire de la n°2 s'était construite sur des quadruple relais, voire un quintuple pour Benoit Tréluyer. Dans le même temps, les Peugeot ne tenaient que trois relais. Et bien cette année, ce sont les Audi qui ne tenaient plus que trois relais, tandis que chez Toyota, on avait commencé à expérimenter avec succès, un quadruple relais sur la n°7. De plus, les R18 étaient, surtout en début de course sur la piste encore verte, de moins en moins performantes au fur et à mesure des relais. Rien de dramatique, on ne parle pas d'un perte de plusieurs secondes au tour mais une petite régression au fur et à mesure de l'usure des pneus, régression que l'on n'avait pas notée l'an passé. Et qui explique la remontée des Toyota avant le superbe affrontement roues dans roues.

Bouffeuse de pneus

Comment comprendre cette usure supérieure ? Écartons tout d'abord l'hypothèse de l'hybride. Les deux Audi R18 Ultra ne parvenaient non plus à aligner plus de trois relais avec les mêmes gommes, preuve que les moteurs électriques sur les roues avant n'en sont pas la cause. Il reste alors deux hypothèses possibles. Tout d'abord, le nouveau revêtement des Hunaudières. Mais cela paraît assez peu vraisemblable. Les pneus s'usent lorsqu'ils glissent plus. Or le nouveau revêtement était plus adhérent que l'ancien donc logiquement, les pneus devaient subir moins de glissement pour assurer la même performance. L'hypothèse la plus probable reste donc liée à la hausse des performances des Audi R18 notamment dans les virages rapides de la Nouvelle Section, du virage Porsche aux Ford. Les pilotes Audi, en chœur, déclaraient avant la course, passer de 10 à 15 km/h plus vite que l'an passé dans cette portion (ou la R18 était déjà bluffante l'an passé...). Le chiffre peut sembler assez optimiste mais il n'empêche que ce surplus de vitesse a du être très exigeant pour les pneumatiques.

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_2Je ne voudrai pas que le tableau dépeignant le clan victorieux paraisse trop noir. Il est évident que les R18 étaient tout de même redoutables. Tout d'abord du point de vue de la fiabilité. Les deux e-tron quattro n'ont connu quasiment aucun ennui technique. Tout juste notera-t-on cet étonnant problème de pick-up en début de course sur la n°2 qui l'immobilisera à son stand durant un tour, le temps pour les mécaniciens d'ôter tous ces morceaux de gommes qui faisaient croire à Tom Kristensen en un problème de suspension. Problème étonnant car complètement isolé. Aucune autre Audi ne l'a connu et la n°2 ne l'a plus jamais subi. Bien évidemment, la n°1 a vu son système hybride se mettre en mode de sécurité mais cela ne l'a pas stoppée pour autant, ni empêcher de gagner.

Fiable et frugale la R18...

Et s'il est bien un point ou les R18 ont encore progressé, c'est celui de la consommation. Malgré une nouvelle réduction de la capacité du réservoir, 60 litres pour les Ultra contre 65 l'an passé, 58 pour les e-tron, elles ont cette année réussi à franchir le cap du douzième tour avant de revenir quérir du gazole aux stands contre onze seulement l'an passé. Certes, les ingénieurs ont bénéficié pour cela de la réduction de puissance hivernale de 10% imposée aux moteurs diesel mais il s'agit tout de même d'une belle performance. Romain Dumas espérait même pouvoir espacer encore un peu plus les arrêts des Ultra et gagner un tour par rapport aux e-tron mais la course en décida autrement.

LM2012_Audi_R18_Ultra_4Pour conclure sur le clan Audi, venons à constater que la n°4 fut, tout au long de la course la moins rapide des quatre. Mike Rockenfeller reconnaissait lui-même un manque de vitesse due à la voiture. Il ne parlait pas là des deux problèmes de changement de vitesses qui immobilisèrent, par deux fois, la voiture en piste le dimanche matin. Il évoque des problèmes de pneus sans être très précis. On sait juste que la voiture s'est immobilisée dès la fin de son premier relais pour une vérification des suspensions arrières. Lien de cause à effet ? On peut également constater que la voiture a connu une nuit particulièrement difficile au niveau chronométrique, avec des relais lents. Lents pour une Audi s'entend...

Une TS030 bien née...

LM2012_Toyota_TS030_HYBRID_7Si l'on aborde le clan Toyota maintenant, il faut tout d'abord éviter de regarder le tableau des chronos partiels fournis par l'ACO. Ceux-ci ne nous donnent que le meilleur partiel de chaque voiture établi sur l'ensemble de la course. Or les TS030 n'ont pas eu le loisir de connaître ce moment que André Lotterer nomme la « Happy Hour » du dimanche matin. Ce moment ou, le jour revenu, la visibilité est de nouveau optimale. Ce moment ou le grip est là car la gomme s'est déposée sur la trajectoire. Ce moment ou l'air reste frais et donc dense, remplissant généreusement la boite à air au bénéfice du rendement des moteurs. Ce moment ou le trafic est moins dense du fait des abandons. Ce moment ou les chronos viennent tout naturellement. Ce moment ou les Toyota n'étaient plus en piste depuis longtemps... Bref, on ne peut se fier qu'aux chronos tour par tour et les comparer aux Audi ce que j'ai déjà fait dans le résumé de la course. Les deux Toyota sont parties gentiment, Alex Wurz a d'ailleurs évoqué un problème avec son hybride qui a nécessité trois tours avant de redevenir totalement opérationnel. Mais progressivement, on les a vues remonter sur l'Audi n°1, peut-être déjà handicapée par son système électrique et venir la concurrencer directement. Il est donc clair que la TS030 HYBRID est bien née.

LM2012_Audi_R18_Ultra_3Mais avec une voiture encore toute jeune -arrivée au Mans moins mature que la 908 HDi FAP pour sa première édition en 2007 par exemple- il est évident que le team TMG a découvert certaines lacunes sur sa voiture. Le freinage est un point faible criard de la TS030. Dès les essais, on a vu à de nombreuses reprises, les R18 piquer allègrement au freinage les Toyota. Cela s'est confirmé en course au vu et au su de tous les téléspectateurs lors du superbe duel roues dans roues Tréluyer-Lapierre. Stéphane Sarrazin le reconnaissait lui-même avant la course.

...mais qui a encore quelques lacunes.

La TS030 était également handicapée par une autonomie en piste inférieure à celle d'Audi. Le V8 atmosphérique réclamant un plein après seulement 11 tours, le tout en offrant une puissance probablement inférieure au V6 diesel des R18. Cela sera le point le plus difficile à améliorer pour TMG en vu de l'édition 2013. Pascal Vasselon le reconnaissait lui-même. Gratter 1% d'amélioration du rendement sur un moteur essence est une gageure tant ces moteurs sont connus et aboutis. Les moteurs diesels de compétition sont eux encore, dans une phase de forte croissance de performance, année après année. L'écart risque de se creuser de ce point de vue. Surtout qu'il va falloir fiabiliser le V8 pour tenir 24 heures ce qu'il n'a pas pu faire sur la n°7. Souhaitons que cela ne fasse pas au détriment de la puissance...

L'un des points forts des TS030 vient de leur vitesse de pointe, plus élevée que celle des R18 (330,1 km/h en course). Cette tendance avait déjà été notée après la Journée Test et s'est confirmée. Avec une puissance du moteur thermique plus faible que celle de l'adversaire, c'est assez fort. Mais le pendant de cette belle finesse aéro, c'est un manque de grip dans les portions rapides. Les chronos partiels enregistrées lors des qualifications confirment d'ailleurs que les deux blanches et bleues y laissaient encore quelques plumes face aux argentées...

LM2012_Toyota_TS030_HYBRID_8Je l'ai déjà dit dans le résumé de la course, le système hybride de la TS030 semblait plus performant que celui de la R18 e-tron quattro. Déjà avantagé, notamment à Arnage et Mulsanne, par cette possibilité de lâcher les chevaux sans attendre les 120 km/h, il semblait également plus puissant. Le couple très important des moteurs électriques a en tout cas redonné des ailes au moteur V8 essence, combattant ainsi le problème récurrent du manque de souplesse en comparaison du diesel. Il est vrai que Toyota dispose d'une expérience certaine dans ce domaine de l'hybride (et je parle de la compétition, pas de la série) expérience sur laquelle s'est appuyée TMG. Il n'empêche qu'il ne faudra pas s'endormir sur ses lauriers du côté de Cologne. L'hybride en compétition, c'est comme le diesel. C'est encore tout nouveau et on va progresser à pas de géants. A Ingolstadt aussi. Il n'est donc pas sûr que l'an prochain, Toyota soit autant dominateur en ce domaine. Il faudra encore faire le bon choix technologique !

Douce avec ses gommes

Enfin, cette Toyota s'est avérée très douce avec les pneus à la grande surprise de Michelin d'ailleurs. Faute de temps, la TS030 n'avait pas de pneus spécifiquement prévus pour elle. TMG a décidé d'opter pour les gommes initialement développées pour Peugeot. L'adaptation a été remarquable et l'on se demande ce que cela donnera en 2013, une fois le développement assurée pour son propre compte !

Une chose est sûre à l'issue de cette 80ème édition, Toyota a d'emblée développé une voiture qui est performante. Avec un an de roulage supplémentaire, elle sera autrement plus aboutie pour la 81ème. Mais cette analyse, Audi Sport l'aura faite également et il est évident que les hommes du Dr Ullrich ne resteront pas les deux pieds dans le même sabot... Via l'hybride, la R18 dispose encore d'un sacré potentiel d'amélioration. Et sans nul doute, Audi Sport demeurera le favori en 2013. D'autant que Toyota aura un gros inconvénient, celui de devoir lutter contre de dicton qui dit qu'il faut trois ans avant de s'imposer au Mans. Or la TS030 n'aura pas cette lattitude...

Comment éviter ce qui semble inévitable ?

LM2012_traficJ'aimerai finir en revenant sur ce nouvel accident « énorme » au Mans qui ravive inévitablement une polémique. Et qui pose une question. Comment parvenir à éviter de tels croisements d'intérêts pour le même morceau de bitume ? Comment éviter que les GT et les protos ne viennent ainsi à se percuter à pleine vitesse ? Il est clair que dans le contact Davidson-Perazzini, l'italien commet une erreur, il le reconnaît lui-même. Mais nul n'est à l'abri d'une faute. D'autant que piloter tout en surveillant ses rétros n'est pas ce qu'il y a de plus simple à gérer. L'endurance a changé. Les voitures sont désormais capables de tenir 24 Heures à fond. La course se joue à coups de secondes comme en témoigne l'édition 2011 et la passe d'arme entre Tréluyer et Lapierre cette année. Les pilotes des LMP1, mais également des GT, ont donc tellement de pression qu'ils ne se permettent plus autant d'assurer un dépassement comme cela pouvait être le cas il y a seulement 10 ou 20 ans. Tout se fait dans l'urgence et il paraît difficile de leur demander de prendre leur temps. Ils ne sont pas là pour ça. Alors y a-t-il une solution miracle pour éviter de tels contacts ? Pas évident. Mais juste une idée comme cela, en passant. Votre serviteur a assisté aux 24 Heures motonautiques de Rouen, trois semaines avant Le Mans. Il y a trois catégories de bateaux engagés dans cette épreuve (qui offre d'ailleurs un beau spectacle...). Les plus rapides titillent les 200 km/h, les plus lents pointent à 120 km/h environ : une différence de vitesse très importante. La Seine est large, le circuit tourne autour d'une ile et la solution est donc toute trouvée : les gros bateaux utilisent la moitié intérieure du fleuve, les petits font le grand tour. Leurs trajectoires ne se mélangent pas évitant ainsi au maximum les risques de contact avec un gros différentiel de vitesse. L'idée est évidemment inapplicable telle quelle au Mans. La piste ne fait pas 100 mètres de large au contraire d'un fleuve... Mais dans les endroits ou cela est possible sans perte de performance majeure pour une auto, on devrait pouvoir dire, une bonne fois pour toutes, les GT passent à l'intérieur, les protos à l'extérieur. Ou l'inverse. Je pense notamment aux quelques courbes qui se prennent à fond sur ce tracé : la « Davidson » avant Mulsanne, la « Rockenfeller » entre Mulsanne et Indy ainsi que la précédente courbe à droite dans cette même portion, puis la portion entre Arnage et le Virage Porsche, Bon, j'avoue, il s'agit probablement d'une solution très simpliste, peut-être même inapplicable. Comment fait-on lorsqu'une GT veut en doubler une autre et qu'un prototype arrive dans leurs roues ? Simpliste peut-être mais les solutions simples ne sont pas toujours mauvaises... En tout cas, il faut lancer le débat car on ne peut pas rester à regarder les pilotes s'accrocher ainsi.

De même, il faut relancer, une nouvelle fois, le débat technique, sur l'envol latéral des voitures. D'autant que se profile à l'horizon 2014 un nouveau règlement technique. N'est-ce pas là une occasion rêvée pour tenir compte des problèmes actuels et plancher sur de nouvelles solutions ? Les prototypes P1 & P2 se sont vus greffés -en 2011 pour les nouvelles autos, puis en 2012 pour tous- de disgracieux ailerons de requin et ouvertures au-dessus des roues. Lorsque Pascal Vasselon nous dit que ces éléments ont permis de repousser le seuil d'envol de 40 km/h, nous n'avons aucune raison d'en douter. Mais force est de constater que ces éléments n'ont pas suffi le 16 juin dernier, que ce seuil a encore été dépassé. La voiture d'Anthony Davidson s'est tout de même transformée en planeur. Un planeur incontrôlable...

Comment les maintenir au sol ?

L'aileron de requin cherche à tenir la voiture au sol en l'appuyant par le haut, en remettant de la pression sur le capot moteur lors d'un déplacement latéral. Ce faisant, il exerce une pression verticale du haut vers le bas. Mais il engendre également un moment de roulis car il reçoit aussi une poussée horizontale exercée au-dessus du centre de gravité de l'auto. Lorsqu'une voiture se déplace latéralement, elle se trouve déjà dans une situation dynamique très instable. Même si les chiffres de soufflerie disent que la force verticale exercée fait plus que compenser le moment de roulis, on peut penser qu'il doit y avoir des solutions plus efficaces pour maintenir la voiture au sol. Notamment par le biais d'éléments aéros agissant en bas de la voiture et non en haut. Un petit aileron longitudinal mobile, placé tout en bas des pontons et sortant automatiquement en cas de tête à queue, générerait la déportance que les aileron et diffuseur classiques ne sont plus en mesure d'assurer sous cet angle. Il n'aurait aucune influence sur le comportement dynamique de l'auto en cas de déplacement longitudinal classique. Et le moment de roulis qu'il exercerait aurait au contraire de l'aileron de requin, tendance à replaquer la voiture au sol car il exercerait son effort sous le centre de gravité de l'auto. Un système gagnant-gagnant comme on aime à le dire maintenant... La Nascar utilise des éléments mobiles pour maintenir ses autos au sol. Il serait peut-être bon de s'en inspirer. Car pour l'instant, les voitures ont eu la bonne idée de se reposer sur la piste. Il vaudrait mieux éviter qu'à l'avenir, l'une d'entre elles ne franchisse les grillages...

Laurent Chauveau