24H 2012, le résumé de la course en P1 Imprimer Envoyer
Mardi, 26 Juin 2012 21:47

LM2012_Finish_lineAvouons-le, nous n'avions guère de doutes en venant au Mans pour vivre cette 80ème édition : Audi en ressortirait, auréolé d'un 11ème succès. On connait le sérieux de la préparation du constructeur allemand. Au pire, la nouveauté, la R18 e-tron quattro à système hybride pouvait s'avérer peu fiable. Mais il y avait en couverture, deux R18 Ultra, évolution de la voiture victorieuse l'an passé et à ce titre, redoutable. Tout était sous contrôle, autant que cela puisse l'être dans le cadre d''une course de 24 Heures avec ses impondérables. Impondérables dont Audi avaient largement souffert l'an passé.

Nous nous doutions que Toyota, ayant reçu au soir d'un funeste 18 janvier le rôle inattendu et un peu précipité de challenger, ne durerait pas. Jamais lors de leurs essais privés, les TS030 HYBRID n'avaient tenu 24 heures. Le programme d'essais ayant été amputé d'un mois complet, les protos germano-nippons arrivaient insuffisamment aguerris. Tout juste nous autorisions-nous à espérer que les TS030 puissent empêcher les Audi de tourner en rond pendant quelques heures avant de mettre la flèche. Elles ont mis la flèche effectivement. Mais avant cela, elles nous ont offert LA minute frisson de cette course, l'un de ces moments inoubliables. Jamais au Mans, de mémoire du jeune homme que je suis encore (…), on n'avait vécu un tel retournement d'émotions en si peu de temps. De l'excitation totale à l'effroi absolu, du rire aux larmes. Une minute qui fait de cette course un cru à part. Pas l'un de ses millésimes classés tel 2011 avec un suspense de 24 Heures. Mais un cru qui nous promet de superbes passes d'armes à l'avenir entre ces deux géants...

Nous espérions voir une belle lutte derrière ces deux géants entre les LMP1 privées. Avouons-le, elle n'a pas vraiment eu lieu. Les Lola Rebellion à moteur Toyota ont largement dominé la concurrence et l'équipe suisse aux couleurs noir et or, a même joué le rôle de briseuse de quadruplé, au détriment d'Audi. Neel Jani et Nicolas Prost progresse de deux crans dans le classement final par rapport à l'an passé. Nick Heidfeld s'offre de brillants débuts à leurs côtés. HPD a déçu. OAK Racing était bridé par son moteur Judd. De même que Pescarolo Team qui a connu sa pire semaine mancelle depuis 2000, début de l'aventure Pescarolo Sport. Au grand dam de ses fans restés fidèles. On aimerait croire en un retour de fortune pour les verts. On aimerait penser que l'on n'a pas vu une Pescarolo en piste pour la dernière fois. On aimerait espérer qu'Henri nous sorte un ultime lapin de son chapeau. Cependant, on ne peut s'empêcher d'en douter... Le LMP1 coute de plus en plus cher et les privés peinent à suivre le rythme des usines. Il faudra une nouvelle voiture en 2014. Qui parmi eux se la paiera ?

C'est quoi ce départ ?

LM2012_DepartMais en préambule de ce résumé de la course des LMP1, attribuons un « J'aime pas ». Nous avons de nouveau assisté cette année à un départ tronqué. Contrairement à 2011 par exemple (voir la photo à droite), les pilotes ne se sont pas mis sur deux lignes, cote à cote, mais ils sont restés les uns derrière les autres. Pire, André Lotterer a accéléré avant même l'attaque de la ligne droite, à l'entrée du deuxième ralentisseur Ford. En sortie, il subit même une légère dérobade de son auto, preuve qu'il n'était en train de faire du tricot... Il a ainsi étiré le peloton avant même la ligne de départ. Il est pourtant spécifié dans le règlement que « A la fin du (dernier) tour de formation, la voiture de tête s’écartera avant la ligne de départ. La voiture en "Pole Position" doit maintenir sa vitesse et les autres voitures garderont leur position jusqu’au passage de la ligne de départ/arrivée. » Pourquoi donc, n'est-il rien fait contre de tels comportements qui nous prive de l'un des moments les plus spectaculaires de la course ? Voir les concurrents bien alignés à la queue-leu-leu devant les stands était un bien triste spectacle, surtout en comparaison du flamboyant départ de 2011... Malheureusement, c'est un problème fréquent en endurance alors que les américains le maitrisent parfaitement ! Par des moyens dissuasifs ? Probablement. Toujours est-il que sur ce coup là, André Lotterer méritait une pénalité, pour l'exemple. Car maintenir le feu au rouge et redonner un départ au tour suivant était ingérable avec un tour de circuit sous safety-car qui dure entre 6 et 7 minutes... Les télés n'attendent pas si longtemps sans spectacle !

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_1bUne fois ce simulacre de départ donné, les Audi s'envolent. La n°1 de Lotterer garde l'avantage de sa pole devant la n°3 de Duval. Derrière, la n°2 de McNish déborde la Toyota n°8 de Sarrazin, à l'endroit même ou l'écossais avait brutalement interrompu sa course l'an passé ! Pas intimidé le Allan ! Dès lors, la course se déroule à peu près comme on pouvait s'y attendre. Audi domine les Toyota débutantes. Sans être aucunement ridicules, les TS030 perdent environ 2 secondes par tour. Seule l'Audi n°4 ne semble pas être dans le même tempo que les trois autres R18. D'ailleurs, Rockenfeller stoppe le premier à son stand dans le clan allemand et y passe 4 minutes. En fait, la voiture se comporte bizarrement et on vérifie la suspension arrière. La voiture perd là 4 minutes soit un tour mais sans retrouver pour autant un comportement aussi bon que celui de ses sœurs. Et ce handicap, les pilotes de la n°4 vont le trainer durant toute la course...

Audi domine...

Auparavant, les deux Toyota sont rentrées simultanément aux stands pour leur premier ravitaillement soit à la fin du 9ème tour. Les deux R18 e-tron quattro les imiteront un tour plus tard tandis que la R18 Ultra n°3 tiendra encore un tour de plus en piste lors de ce premier relais. Du point de vue du carburant, il semble donc qu'Audi déjà plus rapide sur un tour, prenne un second avantage sur les Toyota en tenant plus longtemps en piste. Mais déjà, une première brèche apparaît dans la carapace allemande. Loïc Duval, pourtant solide second avec sa R18 « normale » marque à nouveau immédiatement un deuxième pit-stop. Il n'a fait qu'un tour ! Une crevaison s'est déjà fait jour à l'ARG et l'Ultra n°3 perd 3 places.

LM2012_Lola_Rebellion_12_13A la fin de la première heure, les quatre voitures hybrides dominent la course. Les deux R18 e-tron quattro n°1 & 2 devancent les deux TS030 HYBRID de 44 et 50 secondes. Pendant ce temps, les deux Lola Rebellion se la jouent à la Audi en tête des P1 privées creusant l'écart sur la concurrence. Par contre, entre la HPD JRM, la Dome Pescarolo et la OAK Pescarolo, une belle lutte s'est mise en place. On sent la Dome en manque de puissance pour contenir la HPD sur les longues lignes droites... Mais Sébastien Bourdais maintient la pression jusqu'à ce que l'alternateur ne fasse des siennes après une demie-heure de course : premier symptôme des nombreux dégâts collatéraux liés aux vibrations du V8 Judd. Grosse déception pour la HPD du team Strakka : un problème de fuite d'huile à la transmission, apparu lors des tours de mise en grille, la retarde considérablement avant même le départ. Qu'elle ne prendra que 20 minutes après la meute ! Quant à la Pescarolo 03, elle a également pris le départ avec retard suite à un nouveau changement de moteur Judd. Le calvaire commence, il ne va faire que se confirmer. 4 tours bouclés à la fin de la première heure et la place incontestée de lanterne rouge... Trois heures plus tard, tout sera déjà fini...

Les tendances se confirment lors de la deuxième heure. Les Audi creusent l'écart même si c'est de manière moins franche. Elles tiennent également plus longtemps en piste. En fait, il s'avère que les Toyota réclament de l'essence au bout de 11 tours tandis que les Audi Ultra ou e-tron peuvent boucler 12 tours avec leur plein de gazole. Tout semble donc rouler en faveur des allemandes. D'autant que la n°3 vient de déborder les deux TS030 à la faveur des ravitaillements. Mais les impressions sont trompeuses. En fait, les Audi semblent perdre progressivement de performance avec leurs trains de pneus au cours des deuxièmes relais et plus encore des troisièmes. Alors que les Toyota restent constantes. D'ailleurs, la tendance s'inverse au cours de la troisième heure.

...Toyota revient !

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_2cTout d'abord, c'est un arrêt inattendu qui marque le clan Audi. Tom Kristensen, qui a relayé McNish se plaint du comportement de la n°2. Lors de son premier ravitaillement, on le rentre dans le box ou on inspecte l'arrière de sa voiture. Il faut la débarrasser d'une masse imposante de boulettes de gommes. Elle perd là un tour complet avant de repartir. Passé devant, Lapierre, qui a relayé Wurz sur la n°7 roule tout d'abord au même rythme que Tréluyer sur la n°1, qui a relayé Lotterer. Mais dans le deuxième relais de ces pilotes, la Toyota se rapproche vite. En fait, ce n'est pas vraiment Nicolas qui a accéléré mais Benoit qui ralentit. A la fin de leur deuxième relais, les deux changent de pneus. Même en gomme fraiche, la n°7 poursuit sa remontée. De son côté, Buemi, désormais en charge de la n°8 enchaine un quadruple relais ! Il fait donc l'économie d'un changement de pneus par rapport à ses adversaires. Il double donc Lapierre dans les stands pour quelques secondes. Les deux Toyota sont désormais en chasse. On se prépare à vivre une cinquième heure complètement folle.

LM2012_Toyota_TS030_HYBRID_7cA 19H13, Buemi n'est plus qu'à 10 secondes de la tête. Lapierre est revenu dans ses roues et l'écart diminue toujours avec Tréluyer. 19H20, l'écart n'est plus que de 5". Il tombe à 3"5 trois minutes plus tard ! A 19H26, Buemi s'engouffre dans les stands. Davidson en repart avec 4 pneus neufs à la 4ème place. A19H31, c'est au tour de Nico Lapierre de faire le plein. Il repart quelques centaines de mètres devant Romain Dumas !

Romain Dumas, petite faute, grandes conséquences...

LM2012_Audi_R18_Ultra_3A 19H37, Romain arrive dans la chicane Forza Motorsport juste derrière la Porsche n°79. Bizarrement, il se décale dans le gauche comme s'il voulait doubler par l'extérieur. En fait, le pilote de la Porsche, (la GTE-Am, pas la Pro du Flying Lizard...) a pilé juste devant lui. Mais personne ne passe par là et la piste est sale, glissante. L'Audi n°3 échappe immédiatement à son contrôle et il ne peut négocier complètement la courbe. Il va taper le mur de pneus à... 30 km/h, vitesse relevée par la télémétrie. Une Audi R8 ou une R10 de l'époque n'aurait peut-être même pas du marquer un pit-stop après un tel contact. La R18 est bien plus aboutie mais aussi plus fragile. Le capot avant est détruit mais plus grave, la suspension AVG l'est aussi. Après avoir arraché furieusement les éléments de carrosserie, Romain repart. Avec une roue AVG balladeuse... Il doit rentrer lentement aux stands qu'il atteint à 19H47. Une belle partie de clé de 12 attend ses mécanos. La n°3 vient de s'auto-éjecter de la course à la victoire. A plus de 19 heures de la fin. Telle est l'endurance moderne.

Pendant ce temps, Lapierre poursuit son effort. A 19H56, Tréluyer fait le plein et repart juste devant Lapierre. Toyota est en mesure de prendre désormais la tête pour son retour au Mans ! A l'entrée de la chicane Michelin, Benoit est un peu gêné par la Lola Rebellion n°12 qu'il pensait peut-être sauter au freinage. Il se relance un peu moins vite et Nico en profite pour se porter à sa hauteur. Les deux pilotes restent cote à cote jusqu'au léger droite avant Mulsanne. Profitant d'un freinage plus efficace, la R18 s'impose à la Toyota mais Benoit a fermé assez sèchement la porte à Nicolas qui ne l'oubliera pas. A la sortie de ce virage très lent, le système hybride de la Toyota fait des miracles mais Benoit se décale au milieu de la piste pour boucher le passage. Nico n'hésite pas une seconde et réalise « The move of the race » comme disent les américains ! Il « élargit la piste », met deux roues dans l'herbe et déborde l'Audi ! Incroyable... Benoit doit apprécier, lui qui l'an dernier également, avait « élargi » la ligne de course en doublant Sarrazin... Il colle immédiatement à Nico. L'image est incroyable, ils ne sont séparés que de quelques centimètres mais suivent également de près la HPD n°22 et la Lola Rebellion n°12 qui est toujours devant ! Ils la débordent juste avant Indy ou Benoit reste derrière Nico. Mais il ressort un poil mieux que Nicolas et profitant de ses freins, s'imposent de nouveau à Arnage. Ca ne dure pas. Nico ressort comme une balle grâce à l'électrique et repasse de nouveau ! A peine l'arrière de sa TS030 précède-t-il l'avant de la R18 qu'il se rabat sèchement devant Benoit, en souvenir de Mulsanne... Ils sont fous ! La foule applaudit, la salle de presse en fait de même. Les deux voitures s'engouffrent dans la Nouvelle Portion ou l'on voit subitement un drapeau jaune...

De l'extase à l'effroi !

LM2012_Toyota_TS030_HYBRID_8bEn cet instant précis, le réalisateur change d'image et on découvre une Toyota dans les pneus au rond point de Mulsanne dont le pilote s'extrait difficilement. Et juste à côté, on voit une auto sur le toit. Le safety-car est immédiatement déployé, pour la première fois de la course. Le ralenti qui est alors proposé par le réalisateur glace le sang... Là même ou trente secondes plus tôt, Benoit s'est rabattu sur Nicolas, dans le coude avant Mulsanne, Anthony Davidson déborde la Ferrari AF Corse de Piergiuseppe Perazzini par l'intérieur. L'italien n'a visiblement pas vu l'anglais arriver et reprend sa trajectoire normale comme si de rien n'était. Mais Anthony est non seulement déjà infiltré mais également déjà devant la Ferrari. Celle-ci le touche durement à l'ARG, arrachant instantannément la roue de la TS0300. Celle-ci part en tête à queue à très, très haute vitesse. Anthony n'a fait qu'amorcer son freinage, il est encore quasiment à fond. Et ce à quoi nous sommes désormais habitués se produit inexorablement, aileron de requin ou pas. Dès qu'elle est perpendiculaire à l'axe de la piste, la Toyota s'envole...

Elle effectue un looping complet, se repose très lourdement sur l'ARG puis file droit dans les pneus à une vitesse encore ahurissante. De son côté, la Ferrari est également à 90° mais reste au sol, elle se freine donc un peu plus et tape moins fortement les pneus. Suffisamment fort toutefois pour être renvoyée sur le toit... L'image d'hélicoptère montre Anthony qui s'est extrait seul de son cockpit. Mais il s'est immédiatement allongé sur le ponton, visiblement bien sonné. Les commissaires, voiture hybride oblige, sont sur la défensive. Ils parlent au pilote mais en restant à un ou deux mètres se méfiant d'éventuels problèmes électriques. Voilà bien une faille dans cette réglementation hybride. Que faire si la vie du pilote est en jeu, si l'auto s'enflamme, s'il faut intervenir au plus vite ? Comment en vouloir aux commissaires d'être prudents, eux qui déjà, s'exposent tout au long de l'année ? Une lampe, rouge ou verte, est présente sur la carrosserie pour indiquer si l'on peut s'approcher sans crainte ou non. Mais dans un tel choc, comment être sûr qu'elle fonctionne encore, qu'elle est toujours reliée à quoi que ce soit. On comprend la prudence des commissaires, mais heureusement que le pronostic vital d'Anthony n'était pas en jeu... Il souffre tout de même de deux vertèbres fracturées dans le bas du dos. Quant à Piergiuseppe, il n'a rien. Il reconnaitra plus tard avoir commis une erreur, une erreur qui aurait pu avoir des conséquences bien plus tragiques...

Toyota KO...

LM2012_Nissan_DeltaWing_0La période de neutralisation dure 75 minutes, le temps nécessaire pour remettre en place les rails de sécurité. La Toyota n°7, désormais seule face à quatre Audi, n'aura occupé la tête que trois tours, le temps de repasser par les stands. Lors du restart, elle est de nouveau dans les roues de l'Audi n°1 en arrière de l'un des trois pelotons formés par les safety-cars. La baston reprend avec cette fois-ci Kazuki Nakajima et Marcel Fässler derrière les volants. Dans la Nouvelle Portion, l'Audi n°1 est freinée par l'Oreca 03 Murphy et la Nissan Deltawing, Oliver Jarvis sur l'Audi n°4 en profite d'ailleurs pour se dédoubler dès le virage Porsche. A la sortie du virage du Pont, les trois protos d'usine, roues dans roues, prennent la trajectoire extérieure. Les deux Audi débordent la Deltawing et le pilote de la Toyota pense en avoir fait de même. Immédiatement, il change brusquement de trajectoire afin de harceler Fässler, probablement. Ce faisant, il « vire » tout simplement Satoshi Motoyama ! La favorite du public, certes lente dans cette portion, percute le mur de béton. Sans dommage pour son pilote qui tentera longuement de la ramener aux stands sans succès. Quant à Nakajime, il doit immédiatement rentrer aux stands. Son pneu ARD est éventré, le sabot étant plié et bon à changer... L'équipe choisit d'opérer devant le stand et non dans le box. L'opération semble difficile et la voiture passe 3'18" dans les stands. C'est un tour complet qui s'est envolé. Il n'est plus question de disputer la tête à Audi. En fait, c'en est même fini du challenge Toyota. Car moins de 20 minutes plus tard, la TS030 s'arrête de nouveau. Cette fois-ci, c'est l'alternateur qui est hors d'usage. Ce nouvel arrêt s'éternise : 1H43'. La course 2012 n'est dès lors plus qu'une séance d'essais pour TMG. Mais deux heures avant la mi-course, le V8 cesse toute activité. Toyota a perdu ses deux voitures.

Heureusement pour l'intérêt de la course, Audi Sport, comme à son habitude, laisse ses équipages se disputer la victoire. Et ceux-ci ne se font pas prier. En fait, la lutte ne concerne réellement que les deux e-tron. L'Ultra n°4 est toujours un peu hors du coup et la n°3 a perdu 7 tours dans sa mésaventure. Romain Dumas connaitra même un nouvel avatar, nocturne cette fois-ci, dans la chicane Ford lors d'un contact avec la Corvette n°70. Deux tours de plus s'ajoute au passif d'une auto qui ne peut plus viser qu'une quatrième place. De leur côté, les « papys » de la n°2 mettent à profit la nuit pour combler progressivement leur tour d'écart ce qu'ils font méthodiquement. A mi-course, il sont revenus à 38 secondes ! La pression est sur les épaules des vainqueurs 2011...

LM2012_OAK_Pescarolo_15Le duel des e-tron quattro se fait jour...

A 4H24, alors que McNish est au volant, la n°2 reprend le commandement lorsque Fässler rend le volant à Lotterer sur la n°1. Lotterer étant plus rapide que Capello, l'écart se creuse de nouveau lentement mais sûrement. Dans le clan des essences, OAK Racing enregistre une cruelle désillusion. Le moteur Judd qui met tant à mal les accessoires de la Dome Pescarolo, cesse toute activité dans le dos de Franck Montagny peu avant 7 heures du matin. L'année est décidément très dure pour Engine Development, aussi bien en endurance qu'en Indycar...

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_1A 7H55, Tréluyer étant un peu malade suite à une pluvieuse parade des pilotes le vendredi, Fässler reprend le volant de la n°1 à la suite de Lotterer. Dès son deuxième tour, il doit éviter la Corvette n°70 (décidément !) en tête à queue à Mulsanne. Il passe par le bac à graviers, ne peut éviter complètement le contact avec le mur de pneus en sortie, et repart immédiatement sans avoir perdu beaucoup de temps. Malheureusement, il a abimé l'ARG et a notamment perdu son sabot. Il est donc acquis que celui-ci sera changé lors de l'arrêt aux stands suivant ce qui ne manque pas de se produire. Là ou la Toyota n°7 avait perdu 3'18" aux stands, quelques heures auparavant, la n°1 n'y passe que 2'16" pour la même opération... Malgré tout, la n°2 a repris la tête ! Et dès lors, jusqu'à midi, c'est un échange constant du commandement entre les deux voitures lors de chaque pit-stop ! L'écart devient alors très ténu.

LM2012_HPD_ARX03a_JRMPendant ce temps, le podium des LMP1 privés se dessine. La Lola Rebellion n°13 qui, jusqu'à présent était parvenue à rester constamment au second rang de cette « catégorie », rentre dans son box à 9H44. Il faut changer l'embrayage qui donne des signes de faiblesse. L'opération dure 37 minutes. Les trois tours d'avance sur la HPD JRM n°22 se transforment en huit boucles de retard. Quant à la Dome Pescarolo bien éprouvée, à 9H24, elle rentre pour la dernière fois à son stand. Henri la met en réserve pour les derniers tours, histoire de voir le drapeau à damiers et de saluer une foule toute acquise à sa cause. Un tour d'honneur au goût amer, la voiture finit non classée pour distance insuffisante...

A 10H40, Benoit Tréluyer, bien soigné par ses médecins, reprend le volant de la n°1. Il enquille alors un triple-relais magnifique. Ses deux premiers étant les plus rapides de toute l'épreuve (j'y reviendrai dans un autre article à paraître un peu plus tard). Mais Allan McNish est très loin d'abdiquer. Au volant à partir de 10H57, il reprend même du temps à Benoit dans un premier temps. A 11H00, 2 secondes séparent les deux autos. 12 minutes plus tard, il n'y a plus que 1"6 à l'avantage du français ! On ne fait vraiment pas semblant chez Audi Sport. La seconde partie du « stint » de l'écossais est un peu plus difficile. Peut-être a-t-il beaucoup exigé de ses pneus et Benoit lui reprend un peu de temps. La pression est repassée sur la n°2 et Allan va en faire les frais. Audi va vivre un « drôle » de quart d'heure. C'est tout d'abord Marc Gené, tout seul, qui part à la faute dans la chicane Forza Motorsport. Ayant mésestimé un drapeau rayé jaune et rouge, il fait une faute en tout point semblable à celle de Romain Dumas, tape les pneus au même endroit avec des conséquences identiques. La n°3 rentre sans capot avant, la suspension avant-droite étant touchée. On a l'impression de vivre un replay !

McNish dans le rail !

LM2012_Audi_R18_e-tron_quattro_2bA Midi 12, alors que l'espagnol ramène sa voiture brinquebalante aux stands, on voit subitement la n°2 dans le rail au virage du Pont ! Allan McNish explique : « J'ai rattrapé une GT et je m'attendais à ce que son pilote reste à droite de la piste. Ce qu'il n'a pas fait. Je suis parti en tête à queue et j'ai tapé le rail, endommageant la suspension AVD... » Insolite, deux Audi rentrent au même moment aux stands sans leur capot avant et avec une suspension AVD cassée ! La n°3 perd ainsi la quatrième place et Audi son quadruplé, brisé par la Lola Toyota n°12 du team Rebellion qui n'a jamais été inquiétée dans la course des P1 privées. Quant à la R18 n°2, elle enlève son mal de crane au Dr Ullrich : celui-ci n'a plus à se poser la question de figer ou non les positions dans ce duel magnifique mais interne et par là-même, risqué. McNish repart après 7'59" passé dans son boxe. Fässler-Lotterer-Tréluyer viennent de triompher de Capello-Kristensen-McNish... La fin de course est une formalité. Les quatre R18 se regroupent en formation pour la classique parade finale toujours aussi touchante et appréciée du public. La Lola Rebellion n°12 se joint à elle ce qui est bien mérité. Elle est la seule LMP1 privée à être passée sous la barre des 3'30" au tour tout en ayant pointé en tête à la fin de chacune des 24 heures... Pas génial pour le suspense mais quelle performance ! A 15H01, Daniel Poissenot s'avance au milieu de la piste, drapeau à damiers en mains. Il s'offre un joli frisson en voyant les Audi lui passer de part et d'autre. Belle image... Le stand Audi exulte. Les vainqueurs 2011 ont confirmé leur victoire ! La foule peut envahir la piste afin de saluer les vainqueurs sur le podium. Le Mans 2012 est fini...

Une voiture hybride à « quatre roues motrices » vient de remporter pour la première fois les 24 Heures du Mans. Quatre anneaux ornaient son capot avant. Deux prototypes japonais ont donné de l'espoir à la foule pour les années futures. Dans le même temps, des lionnes dormaient au fond des ateliers de Vélizy. Les absents ont toujours tort...

Laurent Chauveau

Revenez prochainement sur ces pages pour retrouver l'analyse des forces en présence au course de cette 80ème édition, ce résumé étant déjà tellement long que j'ai préféré couper tout cela en deux tomes ! ;)