Benoit Tréluyer : "l'électrique pousse à chaque virage..." Imprimer Envoyer
Mardi, 08 Mai 2012 09:03

Benoit_TreluyerLe trio vainqueur des 24 Heures du Mans a l'honneur de s'être vu attribué l'une des deux Audi R18 e-tron quattro, faisant ainsi débuter l'hybride d'Audi en compétition ici à Spa. A l'issue des essais, la nouveauté s'est certes attribuée la pole grâce à Allan McNish, toujours aussi rapide mais la plus conventionnelle R18 ultra est loin d'être larguée malgré 200 chevaux de moins lors des phases d'accélération. La course a tourné à l'avantage de la voiture conventionelle mais confirmé que les deux voitures se valent. Avec Benoit Tréluyer, nous avons tenté de comprendre les raisons de cette « proximité » inattendue. « J'avoue que je suis surpris du faible différentiel entre l'e-tron quattro et l'ultra. Je m'attendais à des écarts plus grands, surtout dans le premier partiel de ce circuit avec sa longue ligne droite. Mais en fait, la descente à la sortie de la Source les aide probablement et dans la montée l'électrique ne pousse plus sur notre voiture. » Benoit ajoute alors malicieusement : « Nous devrions peut-être freiner à l'entré du raidillon pour avoir une poussée supplémentaire en sortie ! » Benoit confirme ainsi ce que dit également Romain Dumas. Avec la version 2012 de la R18, hybride ou non, le raidillon passe à fond ! Alors qu'il fallait freiner avec la R15 et soulager avec la R18 2011...

Audi_R18_e-tron_quattro_1En poussant plus loin l'analyse, Benoit trouve d'autres raisons pour justifier la compétitivité de l'ultra face à sa voiture. « La poussée électrique est un plus mais parfois, elle peut devenir perturbante, surtout dans les virages à faible appuis. Et dans Pouhon, qui est pourtant un double gauche rapide avec beaucoup de charge aéro, la mise en action des moteurs électriques remet légèrement en cause notre équilibre car ça passe déjà sur un fil sans elle. Le pneu avant droite est à la limite et soudainement, on lui en demande un peu plus en le forçant à motricer, il a donc tendance à légèrement décrocher. » Si l'équilibre AV-AR est identique sur les deux voitures, « l'ultra n'a pas de système hybride à bord. En lieu et place, elle emmène du lest placé plus bas que notre roue d'inertie ou nos moteurs électriques. Ce qui améliore probablement son comportement par rapport à l'e-tron. »

Audi_R18_e-tron_quattro_1Benoit n'a pas eu besoin de beaucoup de temps pour se familiariser avec la R18 e-tron quattro. « J'ai du modifier très légèrement mon style de pilotage mais cela s'est fait naturellement. Elle est un peu plus compliquée à piloter que l'ultra mais on s'habitue vite. Là ou c'est vraiment difficile, c'est lors de la première séance sur un nouveau circuit ou l'on doit tout paramétrer en très peu de temps, notamment l'adéquation entre la propulsion hybride et thermique. Avec une voiture conventionnelle, on a déjà un grand nombre de potentiomètres disponibles. Là, nous en avons encore plus... Mon ingénieur me donnait par radio, la liste de tout ce que j'avais à faire dans mes premiers tours. A un moment, je lui ai demandé de recommencer au début. J'avais trop d'infos à gérer.. Nous pouvons gérer la puissance électrique autant que nous pouvions déjà modifier la cartographie du moteur thermique. » Étrangement, le freinage ne semble poser aucun problème d'adaptation, moins que la phase d'accélération. « On ressent bien la puissance arriver ceci dit, en terme de sensations, je n'aurai pas dit que je disposais de 100 chevaux supplémentaires sur chaque roue avant. » Devant ma surprise en apprenant que les moteurs électriques fonctionnaient à la sortie de Pouhon, un double gauche très rapide ou les pilotes ne font qu'effleurer les freins, Benoit a confirmé que « ici à Spa, les moteurs électriques poussent quasiment à la sortie de chaque virage... »

Benoit_RomainCette interview a eu lieu avant la veille des 6 Heures de Spa, la météo nous promettait alors une course très, très mouillée. « En théorie, le système est un avantage sur piste humide. Nous avons roulé dans ces conditions à Monza mais pas face à la concurrence. Nous verrons donc bien en course ce que cela donne. » Nous savons maintenant ce qu'il en est réellement : les deux R18 e-tron quattro ont « oublié » les deux R18 ultra lorsque la piste était encore humide. Cela semble tempérer un peu l'argument de Pascal Vasselon concernant l'intérêt de la traction avant au-dessus de 120 km/h sur le mouillé. Après une heure de course, la n°3 était reléguée à 55 secondes de la n°1... « La voiture était vraiment très bonne dans ces conditions avec André au volant. Mais lorsque la piste a commencé à sécher, j'ai pris le volant et elle a commencé à sous-virer ce qui m'a handicapé dans ma bagarre avec la numéro 3. » Certes, Marc Gené était alors en slick tandis que les trois autres pilotes Audi disposaient d'intermédiaires, désormais moins à l'aise sur une piste ou la trajectoire s'asséchait. Mais lorsque toutes les Audi furent équipées de manière identique, jamais l'e-tron quattro ne fut en mesure de réellement réduire l'écart sur l'ultra. Il n'y a cependant rien d'étonnant, ni d'infamant, à ce stade du développement d'une solution technique aussi nouvelle...

Laurent Chauveau