Samed 17 mars, Sebring s'assoupit... Imprimer
Vendredi, 23 Mars 2012 18:09

Sebring_s_endortSuite de mes folles aventures débutées dans l'article d'hier... Je quitte les stands et file vers le Turn 17. A moi les grands espaces du bord de piste. Mais pour commencer, je me fais virer du muret par une commissaire. C’est interdit aux vestes bleues entre les deux passerelles. Ah bon ? Je n’avais pas compris ça. Pour les 5 premiers tours, OK, ils l’avaient dit mais pas pour le reste de la course. Dommage car le sport est impressionnant, on a l’impression que les voitures vous foncent dessus ! Et on est tellement proche des voitures à cet endroit que l'on sent le souffle de leur passage...

Je veux donc aller un peu plus loin, profiter des trous dans le grillage pour les prendre en sortie du Turn 1, mais… Mais ces trous ont disparu ! Je n’étais pas revenu ici depuis 2009 et le grillage a été changé depuis, les trous n’ont pas été refaits… Arghhh ! Bon, ben allons dans le virage lui-même. Je me pose à côté de la camerawoman de la TV, pied nus sur son tapis de gym. Le confort n’est pas à négliger lorsque l’on reste 12 heures au même endroit… J’y fais mes clichés habituels mais deux bannières publicitaires améliorent le fond de l’image assez calamiteux habituellement en cet endroit pourtant spectaculaire puisque les voitures y lèvent très souvent les roues intérieures sur les bosses… Bref, j’ai bien fait de venir quand même. Je fais ensuite une série de filés en profitant du contraste entre le fond à l’ombre du pont et la voiture dont le flan prend le soleil. J’aime…

Spot interdit...

On lève !

Audi sous le contrôle de GM !

Contrastes

Vient alors l’heure du choix cornélien. Le soleil commence à décliner, ou vais-je ? J’adore le Turn 7 et les lumières sur les voitures. Le Turn 1 avec le soleil rouge en arrière-plan est magique mais bateau. Bob Chapman m’avait proposé d’aller ensemble au Turn 13 mais je ne sais pas ou se trouve Bob à cette heure-là. Lors des essais, j’ai aussi découvert l’entrée du Turn 17 vue du côté spectateurs et c’est un angle que peu de pros font qui pourtant me parait sympa. Problème, à pied, ça fait un bout, je ne sais pas trop par où passer et surtout, je commence à avoir de belles ampoules au pied gauche. Je décide donc l’économie physique et opte pour le Turn 7. C’est LA bonne décision de la journée. La suite va me le prouver.


Souvent sous le contrôle...

...des commissaires de course.

Tout d’abord, bonne nouvelle, les nuages présents durant ma séance dans les stands et qui m’inquiétaient quant à la lumière ont largement disparu. Ensuite, je suis au Turn 7, comme d’hab, mais j’opte pour des choix d’angles différents des années précédentes donc je ne suis pas trop dans la redite. Je refais tout d’abord le même plan que ce matin mais avec le soleil dans le dos cette fois-ci et des protos sur la piste. Puis, j’opte pour un plan relativement large avec une vue sur Green Park, la zone des spectateurs. Sans bouger, Je ressers le cadrage pour une nouvelle série. Ca commence à bien claquer. Pourtant, un fait majeur nous gêne beaucoup. Les safety-cars sont sans cesse de sortie ! Or, pour réaliser un filé, il vaut mieux que la voiture file bon train. Paradoxalement, c’est plus facile. Le geste est plus fluide. Suivre une voiture sous safety est une gageure. Le pilote a tendance à freiner puis réaccélérer, à virer de droite et de gauche, pour maintenir ses pneus en tempé. Cela rend la trajectoire aléatoire et difficile à suivre dans le viseur. De plus, avec une vitesse moindre de la voiture, il faut un temps de pose beaucoup plus long pour la faire filer sur le cliché. Et ça devient donc encore plus dur de garder la voiture nette. On pourrait attendre la fin de la neutralisation. Mais la lumière décline vite désormais et on n’a pas le choix, il faut profiter de ces instants… Je m’en sors plutôt bien. Bon allez, ça suffit pour cet angle, je passe en sortie de virage et là, je donne dans l’inédit. La course a repris heureusement. Je prends les voitures en ¾ AV avec le capot dans l’ombre ce qui met en valeur les phares allumés. Mais surtout, les flans se mettent à briller de mille feux. J’appelle cela le coup de flash naturel, celui qui ne tombe jamais à court de batteries. C’est l’éclat’ ! Je descends les temps de pose en évitant les ombres des arbres qui, désormais, viennent par endroit obscurcir la piste. Ca marche encore Je suis heureux…


Turn 7, l'une des cartes postales de Sebring

En sortie, la lumière rasante claque !

Bob, le sauveur !

Mais vient une nouvelle question. Que puis-je faire désormais ? Pour le coucher de soleil de face, c’est trop tard, je n’ai plus le temps d’aller au Turn 1 comme l’an passé et même l’inter du Turn 7, soit en face de moi, ça me parait chaud. Je suis exténué et cette fois-ci, mes ampoules sont sur le point d’éclater. Hors de question de refaire deux ou trois bornes à pied. Nouveau choix cornélien et j’avoue, je ne sais pas quoi faire. C’est alors que Bob Chapman arrive derrière moi dans sa voiture de golf. Il me propose de m’emmener au 13. Hippeee, c’est LE MEGA coup de bol de la soirée. Il file bon train derrière le rail, pied soudé à la planche de notre « Golf Cart ». il se retourne sans cesse puis entre le 9 et le 10, il stoppe. Il me dit : « On a encore trois ou quatre minutes avant le coucher du soleil. On peut faire une série ici mais il va falloir être rapide et efficace. Quand Bob Chapman vous met la pression, on se dit que rien ne va être facile.

Sebring_s_endortL’endroit est évidemment magnifique. La lumière claque sur les pontons des voitures et sur les rails tandis que les arbres sont dans l’ombre, c’est juste magique. Mais c’est un shoot impossible ! On est à 100 mètres des voitures à vue de nez. Sans monopode et fatigué, je ne crois pas que je puisse faire un filé digne de ce nom. Surtout que nous sommes de nouveau sous « Full Course Yellow » ! Bon, on essaie tout de même. Tiens voilà la Lola Lotus LMP2 à pleine vitesse car elle a dû repasser par les stands et tente de rattraper la file. Je saute de la voiture, je n’ai pas le temps de changer mes réglages du Turn 7, j’épaule rapidement et je shoote... Ce sera MA photo de la course. Incroyable, elle me semble nette sur le petit écran. Je zoome, elle l’est ! Je n’y crois pas... Nous allons finalement rester 5 minutes ici. J’en fais plusieurs qui soient correctes et quelques-unes seulement vraiment bonnes, le reste est à jeter. Mais quel pied !

Gauche ou droite ?

Nous remontons rapidos dans la voiture et filons vers le 13, il ne reste que quelques minutes de soleil désormais. Bob a tout noté sur un papier. Il a tous les horaires à la minute près concernant la course de notre astre. On n’est pas pro pour rien… Je suis bien plus nonchalant dans ma préparation, je m’en aperçois. Pour ne pas perdre de temps dans les deux virages serrés derrière le rail, nous nous penchons, tels les « singes » sur les side-cars ! A peine arrivés, nous nous jetons hors de la voiture. Je ne connais pas le spot, une dizaine de pros sont déjà là et occupent les bonnes places, groupés sur trois mètres de large, guère plus. J’essaie sur leur gauche mais j’ai un bâtiment dans le cadre. Je change vite de place sur leur droite, il y a un camion dans le cadre mais tout le monde doit l’avoir donc il n’y a plus à hésiter. Je me colle au grillage car il n’y a pas de trous de toute façon et je déclenche. Avouons-le, la piste ne brille déjà plus tout à fait, le soleil est un poil trop bas mais ça reste très joli surtout que des nuages rougis agrémentent le ciel. Je suis fatigué, l’appareil pèse des tonnes désormais et je me repose dix secondes. Les pros ont un monopode pour alléger le poids de l’objo, moi pas… Pas de bol, c’est à ce moment-là que surgissent les deux Audi groupées. L’ensemble des photographes rugit de plaisir. Ils ont le cliché, moi pas. Elles vont repasser dans moins de deux minutes, je n’ai qu’à attendre même si la lumière chute à toute vitesse désormais. Oui mais mes deux photos des deux Audi resteront floues. Pas grave, j’ai tellement de bons clichés sur ma carte mémoire…


A gauche avec la quille...

...puis à droite mais sans les Audi ;)

Je change de spot et opte pour un filé avec le reste de lumière rougeoyante dans le ciel en arrière-plan. Je commence à grimper dans les Isos. La lumière s’enfuit. Je guette Bob du coin de l’œil. Il faut absolument qu’il me ramène. Nous sommes tout à l’autre bout du circuit, avec mes ampoules, je suis incapable de revenir au centre media. Il file, je le rejoins. Ultime série de photos au Turn 13 à l’entrée cette fois-ci. Nous sommes désormais dans le noir total et les projecteurs sont face à nous, pas derrière. Je cherche comment exploiter l’endroit sans flash puisque je n’ai plus de batteries viables… Je tâtonne, tente puis trouve : un trois quart AR en profitant des phares des voitures suiveuses. Je descends la vitesse encore plus, remonte toujours dans les Isos mais ça le fait toujours. Je sors plusieurs photos appréciables. Et je suis le seul à le faire sous cet angle à cette heure-là. Bob ne fait pas le même angle. D’ailleurs, sur l’une de mes photos, je bénéficie de son coup de flash, asséné à une autre voiture que la mienne. Cool !


La nuit descend...

...progressivement.

Sebring_s_endortJe suis rincé. Bob repart vers le Turn 7 ou il s’arrête pour une série nocturne. Je n’ai plus la moelle. Je suis déjà ravi de ce que j’ai fait, avant même de les voir sur mon écran d’ordi. Je ne l’accompagne pas, le remercie chaleureusement et rentre à pied au centre média quasi à cloche-pied. Je dois mettre quelques clichés nocturnes en lignes des futurs vainqueurs pour illustrer l’article final de Laurent. A la descente de la passerelle, je tente une ultime série, côté intérieur piste. J’en sors deux ou trois qui soient potables, sans plus. Il est vraiment temps de rentrer. Et de dépouiller tout ça.

J’ai ramené de sacrés souvenirs de ces 12 heures de Sebring 2012. Malgré une course décevante, je me suis éclaté, l’œil dans l’oeilleton. Je vais progressivement garnir les galeries de 86400 de ces souvenirs, comme je l’ai fait pour EI. J’espère juste qu’avec la professionnalisation due au WEC, ce ne sera pas la dernière fois…

Laurent Chauveau

PS : Bravo à vous si vous avez eu le courage de lire ce roman fleuve jusqu’au bout !