Samed 17 mars, Sebring s'éveille... Imprimer Envoyer
Jeudi, 22 Mars 2012 17:54

Eveil_SebringPour les photographes, l’une des particularités des compétitions américaines, c’est l’obligation qui vous est faite d’assister, le matin de la course, à un meeting organisé par l’ALMS. Avec un Warm-Up programmé à 8 heures, vous imaginez bien que ce meeting a lieu tôt, très tôt, trop tôt surtout lors d’une journée si longue. Bref, il a lieu à l’heure ou tous vos yeux ne sont pas encore ouverts et ou vous n’avez activé que les strictes fonctions de survie… Donc réveil à 5H30 en ce samedi 17 mars 2012, faut vraiment aimer ça… Contrairement aux années précédentes, ce meeting n’a plus lieu dehors, au pied de l’escalier métallique menant à la salle de presse mais dans un nouveau bungalow mis à la disposition des photographes. C'est un peu plus facile.

Eveil_SebringMais si ce meeting a l’inconvénient de vous forcer à vous lever tôt, il a aussi l’avantage de vous forcer à vous lever tôt. Non, point d’erreur dans cette phrase, les mots ne mentent pas… Se lever tôt signifie aussi que l’on va pouvoir assister au réveil de Sebring aussi, je ne traine pas. Une fois le meeting terminé, je chausse mes bottes de 7 lieues et je prends la direction du Turn 7 pour y profiter de la splendide lumière matinale donnant encore sur la façade de Château Elan, l’hôtel qui borde la piste.

Je franchis donc la passerelle placée au début des stands et à la sortie, je commence à shooter. La lumière matinale naissante donne de beaux reflets sur le bâtiment des stands. J’essaie de la fixer sur la pellicule numérique. Puis je file. Je veux être au Turn 7 au moment où le soleil « sort de terre », pile dans l’alignement de la ligne droite précédent le virage. Il est dommage que le warm-up ne se déroule plus pile à ce moment-là, ça nous ferait des photos canons.

Eveil_SebringJe suis seul. Au loin, Ra se pointe, mettant ainsi en valeur la passerelle par contraste. Même si nous sommes à une demi-heure du warm-up, il règne tout de même en piste une certaines activité. Les gros pick-ups des commissaires meublent mes photos et les animent. Pile ce que je voulais, je suis content ! Je file 200 mètres plus loin.

Maintenant, je n’ai plus qu’à attendre le début du warm-up. Il me reste une bonne vingtaine de minutes à attendre et j’observe. J’observe ce spectateur qui prend son petit déj, dans son échafaudage, au ras de la piste. Quel pied ce doit être ! J’observe cet ouvrier, pinceau à la main, qui à 10 mètres de moi, redonne un coup de fraicheur aux rails de sécurité blindés de flotte : il repeint directement sur l’abondante rosée matinale. Étonnant ! Je ne sais pas si ça va être efficace mais l’essentiel est de faire illusion durant 12 heures devant les caméras de télé… J’observe aussi la lumière, magnifique. Je la shoote en reflet sur les rails. J’adore. Sebring s’anime doucement devant moi, c’est un moment spécial…

Eveil_SebringD’autres photographes commencent à me rejoindre. L’endroit est prisé. 8 heures, les fauves sont lâchés. Et le kiff reprend. Le soleil donne encore une lumière rose-orangée, douce et chaude à la fois. Il éclaire les yeux des pilotes. En photographiant les voitures de ¾ AV à la sortie du Turn 7, on en voit certaines lever une roue, c’est hyper-graphique. Et puis il y a cette sensation au déclenchement. Je sens que je fais de bonnes photos. Je suis stable, bien posé, pas de tremblements. Je ne dispose pas d’un monopode et pour les photos de face en longue focale, il y a intérêt à ne pas bouger pour ne pas avoir un flou de bougé sur l’image. J’en vérifie quelques-unes rapidement en zoomant sur l’écran du Canon. Cela me conforte rapidement dans mon sentiment. C’est net.

Allez, je change d’angle, je les prends en filé en ¾ AR avec le soleil filtrant au travers des arbres. C’est plus dur mais je sens encore que je m’en sors bien. Je prends mon pied (non, pas mon trépied…) Même si la lumière n’est (déjà !) plus aussi sympa que lorsque je suis arrivé sur place, elle reste belle. Progressivement, fidèle à mes habitudes, je rallonge le temps de pose. Après avoir assuré les premiers clichés, il est temps de corses la difficulté. Les Lola Rebellion sont belles dans ces conditions. Puis, je change de nouveau. Je prends les voitures en plein arrière filant vers le Turn 9. Deux Audi passent groupées. Elles sont nettes. What else ? Le warm-Up n’aura duré que 25 minutes mais j’ai adoré ce moment...

Pré-grille...

Eveil_SebringEt la journée ne fait que commencer. Jean-Michel Le Meur me raccompagne gentiment en salle de presse avec sa voiture de golf, je gagne ainsi un temps précieux. Merci Jean-Mi ;) Car tout va très vite un samedi matin de 12 heures à Sebring. La pré-grille est bientôt de mise. Je me prépare mais avec ma maladresse habituelle, un faux-mouvement et je mélange toutes mes batteries pour le flash, les chargées et celles qui ne le sont plus. Car faute de ma part, j’ai oublié de toutes les recharger la veille au soir. Or avec les 110 volts offert par le réseau américain, je ne peux pas espérer les recharger à toute vitesse… Tant pis, je vais faire même si je sais que les photos des pit-babes seront moins réussies. Ca aussi, c’est un moment que j’apprécie. Les Tequila Patron girls et les Falken babes rivalisent de sourire (et de sillicone…) Je parcours bien la grille dans tous les sens, au milieu de la foule qui a envahi la piste, afin de m’assurer de n’avoir oublié de photographier aucune d’entre elles. Conscience professionnelle oblige ;) Ah oui, j’ai également shooté quelques voitures ainsi que quelques pilotes. Il paraitrait que je suis avant tout là pour ça…

10 heures, je prends la direction du Turn 1, le départ approche. Pour ce genre de photos, on assure en mettant un temps de pose assez court. Inutile de risquer un flou de mouvement, on n’aura pas l’occasion de refaire 10 fois cette séquence. Je me vois mal appeler la direction de course et leur dire : « On peut la refaire ? J’étais au 1/125 et je suis flou, c’est pas bon. Remettez-moi tout ça en place… »

C'est parti !

Eveil_Sebring10H31, après deux tours de chauffe, le vert est donné. J’assure assez bien mes photos des LMP1, un tout petit peu moins celle des GTE Pros. Mais ça passe. C’est parti ! Comme prévu, les trois Audi se détachent gentiment même si la HPD Muscle Milk tente de s’accrocher un peu. Bon, le suspense sportif me paraissant compromis, je me concentre sur les photos. Je débute par une série de filés au Turn 1. Les nuages alternent obscurcissant la piste durant 30 secondes avant de laisser place au soleil durant deux minutes. Et ainsi de suite… Il faut sans cesse réadapter les réglages mais les clichés pris pile au moment du changement de luminosité sont bons à jeter… Je reste là 20 minutes puis je remets les cannes en route, direction le Turn 7 comme ce matin mais on drivers’ right cette fois-ci.

Eveil_SebringJ’ai déjà shooté les Turn 3,4 et 5 durant les essais donc je ne m’y attarde pas. A la sortie du 7, je stoppe et je shoote à nouveau les concurrents avec Château Elan en arrière-plan mais vu de l’autre côté. Je tente mon habituel filé juste au moment ou les voitures sortent de derrière le rail. Le soleil donne sur leur flan. Mais on est loin et ce n’est pas très facile. Puis j’en fais une série une fois qu’elles sont sorties du virage. Je n’insiste pas trop longtemps car je sais que cet angle, sans être pourri, n’est pas non plus génial. En plus, je sens que je ne fais pas grand-chiose de bon. Le tri confirmera cette impression.

Eveil_SebringJ’avance donc vers le Turn 8, l’une des deux courbes qui passent à fond et je fais une série de filés avec les arbres en arrière-plan. Les voitures y passent à très haute vitesse donc l’exercice est délicat. Mais je prends bien le rythme dans ma gestuelle et cette fois-ci, je sais que je produis de nouveau du bon. J’aime ! J’avance vers le Turn 9, en plein cagnard. Je suis en combi pour pouvoir aller dans les stands plus tard donc le soleil n’est pas mon allié. Je fais une série de photos de face mais la lumière commence à durcir. On approche de midi… Résultat correct.

Juste avant le Turn 10, je fais une série de ¾ AV pour avoir cet angle boisé. Mais on est assez loin et sin on attend que les voitures se rapprochent alors c’est l’arrière-plan qui devient dégueu avec l’usine qui est toute proche. Donc, je file sous le spot le plus rafraichissant de Sebring ! Le trou dans le grillage du Turn 11. Eveil_SebringNombre de photographes sont là, de même que les commissaires. Il faut dire que l’on est à l’ombre d’un très bel arbre, c’est très agréable. On peut faire deux shoots différents à cet endroit. Un de pleine face. Avantage, les voitures sont très proches donc il est facile de les avoir nettes. Inconvénient, le fond, c’est l’usine et les satanés fils électriques américains. Une vraie plaie. Heureusement, avec une grande ouverture, on camoufle tout cela dans un joli flou, en jouant sur les profondeurs de champ… Le second shoot est impossible à faire à cette heure-là. C’est un filé au grand angle pour mettre en valeur l’autre grand arbre situé en face. Masi il faut pour cela monopoliser l’ouverture dans le grillage pour une seule personne et vue la fréquentation (et l’attente), ce serait s’attirer les foudres des confrères ! Eveil_SebringDonc je poursuis ma balade à la sortie du Turn 10. Et je fais un filé que j’aime bien avec justement, « l’arbre d’en face » derrière la voiture. Puis deux séries de photos de face avec cette fois-ci l’arbre sous lequel j’étais abrité il y a quelques minutes. Mais décidément, la lumière devient vraiment très dure, il est temps de retourner en salle de presse.

Je prends une navette média, ce qui soulage mes jambes et rejoins Laurent Mercier au centre média. Il m’explique les soucis de la Lola Rebellion n°13 et de la Ferrari n°51 qui avait pourtant dominé le début de course. Et j’attaque le tri des photos. Un tri rapide pour faire une galerie de photos du départ pour EI. J’en profite pour recoller un peu avec le déroulement de cette course. Je profite pour cela des superbes écrans de la salle de presse. Un écran plat géant avec parasites intégrés qui nous pourrit les images de la course. Et deux cathodiques microscopiques qui sont censés nous donner le classement. Tellement illisibles que nous préférons utiliser le live timing disponible aussi en France…

Aux stands !

Eveil_SebringJe passe deux bonnes heures « au frais » en salle de presse, puis je retourne dans la fournaise, direction les stands pour des photos des pit-stops. Alors disons-le tout de suite, ce n’est pas mon exercice préféré… Et très rapidement, ça me gave. Aux USA, il faut « an orange vest » pour aller shooter sur la pit-lane. Je n’ai droit qu’à la « blue vest » et je dois donc rester derrière le muret des stands. Je n’ai même pas le droit en théorie, de monter et de rester sur le muret. Bien derrière… Ce n’est pas facile. J’ai l’impression de gêner les mécanos, partout où je m’installe. Coup de bol, devant les stands Audi, il y a un vide donc je peux attendre l’arrêt de la n°3 et le shooter à peu près correctement.

Eveil_SebringPuis je file chez Rebellion mais il ne s’agit que d’un arrêt essence, pas de changement de pneus (plus spectaculaire) à photographier. Je n’ai pas loin à aller pour fixer l’arrêt de la n°88 mais même si on change les pneus, les mécanos ne sont pas dans le stress car la voiture doit déjà être attardé. C’est moins sympa à shooter. Tout cela commence à m’agacer. Beaucoup d’attente pour pas grand-chose. Mais je me force à rester encore un peu et je fais le tour des concurrents ALMS. Coup de bol, on est prêt chez les lézards volants. Cool. J’attends. Là se présente un « orange vest » qui me passe devant. Normal puisqu’il va se ruer sur la piste dès l’arrêt de la Porsche. Il est d’ailleurs prêt, comme un sprinter avec un pied déjà sur le muret. Il ne me gènera pas, du moins est-ce ce que je pense... Mais en fait, il ne fait que monter sur le muret et reste là durant tout l’arrêt. Il me bouche complètement la vue. Voilà qui n’était pas prévu au programme ! Je fais deux-trois photos à bout de bras, au jugé et j’abandonne. Ma patience est à bout... Je crois que je vais retourner là ou je me sens bien, en bord de piste...

Pour connaître la suite de ces incroyables aventures, il vous faudra revenir demain ;)

Laurent Chauveau