24H 2011 : Qui fut à la fois rapide et régulier ? Imprimer Envoyer
Samedi, 14 Janvier 2012 17:19

Andre_LottererA l'issue des 24 Heures du Mans 2011, je vous avais livré un résumé de course assez fouillé ainsi qu'une analyse détaillée des faits survenus en LMP1. Mais il me manquait alors l'intégralité des chronos de cette 79ème édition. Un gentil lecteur ayant décidé de m'envoyer ces données, je vous propose donc de nous replonger en juin 2011 et de revenir dans le détail sur la performance des pilotes de la catégorie reine.

J'ai donc compilé, ordonné et analysé un sacré paquet de chiffres. Le but était de voir quelle hiérarchie se formait au sein des pilotes sur la durée, plutôt que sur un seul tour. J'ai donc dégagé, pour chaque pilote usine, deux données majeures pour chacun de leurs relais : le tour moyen d'un relais complet et certainement un peu plus intéressant, le tour moyen sur l'ensemble de la course en excluant les tours de rentrée ou de sortie des stands ainsi que ceux passés derrière les safety-cars. Car pour juger de la valeur d'un pilote, le relais complet n'est pas la meilleure information. En effet, le chrono du tour de sortie fait intervenir la vitesse d'intervention aux stands des mécanos, déjà analysée par ailleurs. Quant au tour de rentrée aux stands, un pilote peut se retrouver coincé derrière un autre un peu dilettante dans la voie de décélération sans pouvoir le doubler : le cas n'est pas rare. Afin d'égaliser au mieux les comparaisons, j'ai également exclu les tours disputés sur piste humide ou mouillée le dimanche midi car tous les pilotes n'ont pas eu à affronter de telles conditions.

A Benoit Tréluyer, le relais le plus rapide !

Benoit_TreluyerDe cette salade de chiffres sort des informations intéressantes, voire parfois surprenantes. A tout seigneur, tout honneur, Benoit Tréluyer est l'homme qui a effectué le relais le plus rapide de cette course. Entre le 253ème tour et le 260ème (soit vers 9 heures du matin), le français a tourné en moyenne en 3'28"226 ! Nul n'a fait mieux au cours de cette course. Le plus fort est que ce relais record a été établi lors du quintuple relais matinal de Benoit, relais effectué rappelons-le, en conservant tout du long, les mêmes pneumatiques ! André Lotterer quant à lui a également effectué non pas un mais deux relais sous les 3'29" : celui juste avant la pluie en 3'28"837 et un très court relais après celle-ci (et avant sa crevaison) en 3'28"642. Marcel Fässler est un bon ton en-dessous, n'ayant pas pu faire mieux que 3'30"252 lors de la 15ème heure, le moment ou Audi a courbé l'échine devant les assauts des Peugeot revigorées par le passage aux pneus softs. Pour ce qui concerne les autres pilotes Audi, ils sont forcément un cran en-dessous. La raison en est simple : ils n'ont roulé que le samedi au plus fort du trafic, les abandons n'ayant pas encore écrémé les rangs. De plus, la piste était moins gommée donc elle offrait moins de grip et était moins propice à la performance. Notons toutefois que les trois pilotes de la n°1 sont assez proches, se tenant en 5 dixièmes entre les 3'30"6 et 3'31"1, zone ou se situe également Allan McNish sur la n° 3.

Leur relais le plus rapide
1 Benoit Tréluyer 3'28"226 Audi #2 Heure 18-19
2 André Lotterer 3'28"642 Audi #2 Heure 23
3 Sébastien Bourdais 3'29"345 Peugeot#9 Heure 16-17
4 Simon Pagenaud 3'29"489 Peugeot#9 Heure 18-19
5 Stéphane Sarrazin 3'29"688 Peugeot #8 Heure 17-18
6 Alexander Wurz 3'29"710 Peugeot #7 Heure 18
7 Franck Montagny 3'29"792 Peugeot #8 Heure 17
8 Marcel Fässler 3'30"252 Audi #2 Heure 15
9 Anthony Davidson 3'30"438 Peugeot #7 Heure 12-13
10 Marc Gené 3'30"476 Peugeot #7 Heure 17
11 Timo Bernhard 3'30"652 Audi #1 Heure 1
12 Romain Dumas 3'30"925 Audi #1 Heure 4-5
13 Allan McNish 3'30"931 Audi #3 Heure 1
14 Nicolas Minassian 3'31"027 Peugeot #8 Heure 22-23
15 Mike Rockenfeller 3'31"094 Audi #1 Heure 7-8
16 Pedro Lamy 3'33"372 Peugeot#9 Heure 6

Dans le clan Peugeot, les meilleurs relais sont au-dessous des 3'30". 3'29"345 pour Sébastien Bourdais à 7 heures du matin le dimanche. Simon Pagenaud a quasiment égalé cette performance en 3'29"489 un peu plus d'une heure plus tard. A peu près au même moment, Stéphane Sarrazin établissait le meilleur relais de la 908 n°8 en 3'29"688, Franck Montagny ayant juste avant tourné dans des chronos très proches en 3'29"792. Nicolas Minassian a su, en fin de course, compenser des premiers relais en retrait de ses coéquipiers : 3'31"027.Quant à la n°7, c'est Alexander Wurz toujours dans ces heures matinales, qui signe le meilleur relais en 3'29"710. Anthony Davidson n'a pas pu approcher cette performance : 3'30"438 au cœur de la nuit. Marc Gené reste assez proche en 3'30"476. Pedro Lamy est très en retrait de l'ensemble de ses collègues de Peugeot Sport. Avec un meilleur relais en 3'33"372, il est le moins bon des 16 pilotes d'usine ayant pris le volant en course, distancé de 4 secondes pleines par ses deux coéquipiers... Si l'on tient compte du fait que Pedro n'a piloté que le samedi, on se doit de le comparer aux chronos de ses coéquipiers sur cette même période. Or juste avant que Pedro ne monte à bord, Simon venait de signer le meilleur relais de la n°9 le samedi en 3'30"211. Le différentiel reste de plus de 3 secondes...

Mais c'est André Lotterer le plus constant...

Si l'on se penche maintenant sur l'ensemble de la course, c'est André Lotterer qui a réalisé la meilleure performance et de loin. On savait déjà que André avait signé le meilleur tour en course au petit matin (229ème passage en 3'25"289). Non seulement, il s'est montré très rapide mais il s'est également montré très constant. Si l'on exclue ses tours ou la piste était humide voire carrément mouillée, André a tourné en moyenne en 3'30"000 tout pile (moyenne établie sur 68 tours ). L'ACO qui ne souhaite pas voir les voitures descendre sous les 3'30" ne devait pas penser qu'un pilote pourrait tourner régulièrement dans ces chronos ce qui signifie que la moitié du temps, il était au- dessous ! Sebastien_BourdaisLe second meilleur performer global sur l'ensemble de la course est à plus d'une seconde derrière... Sébastien Bourdais, le meilleur du clan Peugeot (si l'on exclue là aussi ses relais sous la pluie) a tourné en moyenne en 3'31"865 (97 tours), ne devançant que de 6 centièmes Benoit Tréluyer... Certes en début de course, Allan McNish a fait plus fort en tournant en 3'31"664 mais sa course ayant été sérieusement écourtée, il est difficile de comparer sa moyenne avec les autres pilotes. L'écossais demeure toutefois un sprinter de premier ordre. Au cours de son premier relais, coincé derrière Franck Montagny, son retard sur la tête est monté à plus de huit secondes. Or nul ne doit oublier qu'Allan a ensuite comblé son retard jusqu'à prendre la tête. Sur 10 mètres environ, puisque juste avant de toucher Anthony Beltoise, il venait de déborder le leader, Timo Bernhard...

Timo est justement le quatrième meilleur performer en 3'31"941 juste devant Rocky 3'31"957 et Benoit Tréluyer 3'31"964. Groupés les pilotes Audi ! Simon Pagenaud vient juste derrière en 3'32"138 mais signalons que sans son tout droit du 55ème tour, sa moyenne remontait à 3'31"851 soit très légèrement mieux que Sébastien Bourdais. Groupés aussi les pilotes Peugeot ! D'ailleurs Anthony Davidson et Alexander Wurz sont « dans les roues » de Simon en 3'32"165 et 3'32"169 (4 millièmes seulement d'écart entre deux coéquipiers !) Là ou la performance de l'anglais est remarquable, c'est qu'il est également le seul du clan Peugeot à avoir pu effectuer systématiquement des quadruple relais sans changer ses pneumatiques, alors que ses coéquipiers ne pouvaient en faire que trois. Rapide et économe... Puisque j'en suis à mettre des « si », Romain Dumas classé « seulement » 12ème remonterait au 3ème rang si l'on « oubliait » son tête à queue du 70ème tour...

Les plus rapides sur l'ensemble de la course
(et sur le sec)
1 André Lotterer 3'30"000 68t Audi 2
2 Allan McNish 3'31"664 12t Audi 3
3 Sébastien Bourdais 3'31"865 97t Peugeot 9
4 Timo Bernhard 3'31"941 11t Audi 1
5 Mike Rockenfeller 3'31"957 32t Audi 1
6 Benoit Tréluyer 3'31"964 107t Audi 2
7 Simon Pagenaud 3'32"138 124t Peugeot 9
8 Anthony Davidson 3'32"165 108t Peugeot 7
9 Alex Wurz 3'32"169 72t Peugeot 7
10 Franck Montagny 3'32"338 63t Peugeot 8
11 Stéphane Sarrazin 3'32"401 105t Peugeot 8
12 Romain Dumas 3'32"775 36t Audi 1
13 Marcel Fässler 3'32"862 65t Audi 2
14 Nicolas Minassian 3'33"854 74t Peugeot 8
15 Marc Gené 3'34"120 70t Peugeot 7
16 Loïc Duval 3'34"242 94t Peugeot 10
17 Pedro Lamy 3'34"837 28t Peugeot 9
18 Nicolas Lapierre 3'35"496 106t Peugeot 10
19 Julien Jousse 3'38"850 81t Pescarolo 16
20 Emmanuel Collard 3'39"774 62t Pescarolo 16
21 J.C. Boullion 3'40"310 57t Lola 13
22 Christophe Tinseau 3'40"544 67t Pescarolo 16
23 Guillaume Moreau 3'41"015 17t OAK 15
24 Olivier Panis 3'41"059 29t Peugeot 10
25 Guy Smith 3'41"792 10t Lola 13
26 Andrea Belicchi 3'42"194 65t Lola 13
27 Nicolas Prost 3'42"272 50t Lola 12
28 Neel Jani 3'43"165 86t Lola 12
29 Olivier Pla 3'43"314 22t Zytek 20
30 Jeroen Bleekemolen 3'43"731 93t Lola 12
31 Vanina Ickx 3'44"112 78t Lola 22
32 Pierre Ragues 3'44"121 21t OAK 15
33 Bas Leinders 3'45"314 89t Lola 22
34 Maxime Martin 3'46"642 53t Lola 22
35 Richard Hein 3'47"926 27t OAK 24
36 Miguel Amaral 3'48"447 9t Zytek 20
37 Jacques Nicolet 3'48"467 28t OAK 24
38 Jean-François Yvon 3'50"509 27t OAK 24

Ces statistiques ne tournent malheureusement pas toujours à l'avantage de Pedro Lamy. Il a très vite été « privé » de volant par l'aréopage Peugeot Sport. Il faut dire que son seul et unique triple relais ne lui a guère permis de se mettre en valeur. La moyenne de ses 28 tours hors pit-stop ressort à 3'34"837 (encore à trois secondes de ses coéquipiers). Il est même devancé par le meilleur des pilotes privés, à savoir Loïc Duval sur la « vieille » 908 HDi FAP du team Oreca : 3'34"242. On peut d'ailleurs noter un effondrement de ses chronos lors de son troisième relais, un phénomène qu'avait également connu Nicolas Minassian au même moment et pour des chronos très proches. Le pilote marseillais avait connu un phénomène de vibration tellement important que sa vision en était troublée. Au contraire du portugais, Nicolas eut l'occasion en fin de course de remonter sa moyenne (3'33"854 à 1"5 de ses 2 coéquipiers) et ce malgré un double relais nocturne délicat. Marc Gené a également figuré en retrait de ses team-mates, Anthony et Alexander : 3'34"120. Dans une compétition aussi serrée que l'est celle avec Audi Sport, il n'est donc guère étonnant, malgré toute leur expérience que Pedro et Nicolas ne fassent plus partie de l'aventure Peugeot Sport en 2012... Notons aussi pour conclure, que Marcel Fässler, est le moins rapide des pilotes Audi avec une moyenne de 3'32"862, mais à sa décharge, il a eu à effectuer le quadruple relais ou les conditions de température semblaient les plus défavorables à l'Audi R18 victorieuse (en fin de nuit). Pointé au début de son relais à 13 secondes de la Peugeot de tête, la n°9, il vit l'écart grandir jusqu'à 31 secondes avant que les safety-cars ne lui permettent de recoller puis de reprendre la tête.

Et sous la pluie ?

Anthony_DavidsonAprès avoir exclu la pluie de ces statistiques, regardons de plus près ce qu'il s'est passé pendant cet minutes piégeuses qui coïncident à peu près avec le 310ème tour des leaders jusqu'au 321ème ou la piste avait complètement séché. Les chiffres confirment la sensation que l'on avait eu en direct. Les pilotes Peugeot étaient bien plus à l'aise que André Lotterer, seul pilote Audi encore en piste à ce moment là. Hors ses tours de sortie et d'entrée aux stands, Simon Pagenaud signe une moyenne en 3'46"239. Nicolas Minassian est en 3'47"271 tandis que Davidson vole en 3'44"047. Il est d'ailleurs à noter que Anthony a repris 20 secondes à André en un seul tour vers 12H20 : 4'03" pour le second contre 3'43" pour le premier ! Certes, attardé alors de trois tours, l'anglais avait beaucoup moins à perdre que l'allemand... Quelques minutes plus tard, André perdait en deux tours 31 secondes sur Simon Pagenaud. Ahurissant ! Mais explicable... Le pilote Audi eut en effet le gros désavantage de devoir s'arrêter ravitailler durant la période humide ce qui eut pour effet de faire retomber sérieusement en température ses pneumatiques. Il eut toutes les peines du monde à leur redonner la chaleur nécessaire à leur fonctionnement optimal. Alors que Simon eut la chance de partir pile au moment ou la pluie commençait et de rentrer à l'instant ou la piste avait séché. Ces coïncidences ne sont pas pour rien dans le somptueux suspense final que nous avons connu.

Quelques faits amusants sont à retirer de l'analyse de ces longs tableaux chiffrés. Ainsi Franck Montagny décroche le trophée du pilote « pas verni » de ces 79èmes 24 Heures. Hasard de la répartition des relais, il a en effet été contraint d'effectuer 35 tours derrière les safety-cars alors que son coéquipier Stéphane Sarrazin n'eut à subir ce rythme de sénateur que durant une seule boucle ! Sébastien Bourdais vient juste derrière Franck dans ce drôle de palmarès avec 34 tours sous yellow... Sur l'Audi victorieuse, la répartition est bien plus harmonieuse. 17 tours pour Tréluyer, 16 pour Lotterer et 8 pour Fässler. Quant à lui, Stéphane Sarrazin s'arroge le titre du pilote le plus rapide pour revenir ravitailler : Lors de son 251ème tour, il ne mit que 3'34"358 pour boucler un tour tout en revenant dans la pit-lane ! Son compère Franck Montagny n'est pas en reste puisque deux relais plus tôt, il signait un 3'34"400 avant de revenir chercher du gazole...

Loïc Duval, le plus rapide des privés

Loic Duval Olivier PanisFinissons en regardant un peu comment se sont comportés les pilotes privés en LMP1. Chez Oreca, Loïc Duval a donc confirmé se pointe de vitesse, démontrée en 2010 via son meilleur tour en course. Il signe la meilleure performance globale de l'équipage mais il a aussi, et par deux fois, retardé l'avancée de la voiture en sortant de la piste. Nicolas Lapierre a été un peu moins rapide (3'35"496 contre 3'34"242) mais il n'a pas commis d'erreur. Quant à Olivier Panis, son meilleur tour (3'35"210) est moins bon que la moyenne des chronos de Loïc ! Avec une moyenne de 3'41"059, il est à près de 7 secondes de son jeune coéquipier. Sic transit gloria mundi...

Dans le clan Rebellion, Jean-Christophe Boullion, tout comme Loïc était le plus rapide de l'équipe suisse : 3'40"310. Mais il fut également celui qui met un terme à la course de la voiture dans la nouvelle portion. Signalons d'ailleurs que son pauvre coéquipier et vainqueur du Mans 2003, Guy Smith n'a pu accomplir que 10 tours lancés contre 16 sous safety-car ! Finalement, ne serait-ce pas lui le « pas verni » 2011 ? 10 tours lui auront toutefois suffi pour se placer second du clan Rebellion devant Belicchi et Prost aux performances très comparables. Neel Jani et surtout Jeroen Bleekemolen étaient un peu plus en retrait de leur coéquipiers (3'43"731 pour le néerlandais). Pourtant, Jeroen fut celui que l'on vit le plus en piste au volant de la n°12, étonnant...

Chez Pescarolo, c'est Julien Jousse qui confirme tout le bien que l'on pense de lui. En 3'38"850, il se permet de devancer de près d'une seconde Manu Collard... Avec Christophe Tinseau en 3'40"544, il se confirme que la n°16 disposait d'un équipage plus homogène et plus rapide que les deux Rebellion avec lesquelles elle fut longtemps en bagarre.

Les courses des deux OAK Pescarolo et de la Zytek Quifel ASM ayant été assez courtes, l'analyse des chronos n'est pas réellement pertinente. Je terminerai donc en constatant que Vanina Ickx s'est montrée plus rapide que ses coéquipiers Maxime Martin et Bas Leinders sur la Lola Aston Martin du team Kronos. Bon sang ne saurait totalement mentir...

Laurent Chauveau

Bien entendu, pour être encore plus pertinente, une telle analyse devrait intégrer en permanence les divers facteurs qui font la performance d'une auto : le niveau de gommage de la piste et sa température, deux facteurs si importants pour le rendement des pneumatiques, la température de l'air qui joue directement sur le rendement et la conso des moteurs, le nombre d'abandons qui en augmentant, rend le trafic plus fluide. Mais j'ai déjà un sacré mal de crane après avoir épluché tous ces chiffres. Si en plus, j'avais dû jouer avec des coefficients, cet article ne serait jamais sorti...