Daniel Poissenot : 10 années de damiers ! Imprimer
Mercredi, 07 Septembre 2011 17:20

Daniel Poissenot & Buzz Aldrin10 ans, cela fait dix ans que l'homme est à la barre. Non pas qu'il n'ait pas œuvré auparavant au sein du corps des commissaires. Mais cela fait dix ans que Daniel Poissenot dirige l'épreuve d'endurance la plus connue au monde. Dix ans qu'il occupe un poste ou l'on fait dans la longévité. Songez en effet qu'il n'est que le 5ème directeur de course depuis la création de la course en 1923. Cinq personnes différentes seulement pour presque 90 ans d'existence : il faut savoir être patient ! Ayant débuté son office en 2001 aux côtés d'un directeur d'épreuve nommé Jacky Ickx, excusez du peu, Daniel est le seul directeur de course, à ce jour, de ce XXIème siècle et 3ème millénaire ! Dix ans donc en tant qu' « agitateur public des damiers manceaux » certes, mais onze fois directeur de course des 24 Heures du Mans. Et oui, souvenez-vous de vos cours d'arithmétique et comptez-bien : il faut toujours un poteau de plus que d'intervalles pour tenir les grillages. Donc 10 années, 11 courses ;) Bon anniversaire, Mr Poissenot...

Daniel, à titre personnel, quel bilan tires-tu de ces 11èmes 24 Heures passées à la direction de course ?

« Je suis totalement satisfait. Tout d'abord de la course elle-même sur le plan sportif qui a vu des écarts très faibles à l'arrivée. Mais aussi sur le plan organisationnel, tous les services ont bien fonctionné malgré les gros accidents qui ont lieu et qui n'ont fait aucune victime majeure, que ce soit parmi les pilotes, les commissaires, ni les photographes. Tous les services ont bien fonctionné. Le médical, les interventions : on a tout de même posé plus de 100 mètres de rail ! Vraiment un bilan positif et on peut dire que dans une telle course, on dispose vraiment tous les ingrédients pour faire un bon film ! »

Pas plus de 5 en 90 ans !

th_D_Poissenot_2Pour être patron d'un course d'endurance, il faut savoir être endurant... et patient ! Daniel Poissenot succède en effet à cinq personnages qui sont longtemps restés fidèles au poste. Le premier d'entre eux fut évidemment Charles Faroux, l'un des trois créateurs de l'épreuve avec Georges Durand et Emile Coquille et journaliste à La Via Automobile. Il tint son poste dès 1923 jusqu'à la pause due à la guerre en 1939. Une fois le circuit restauré en 1949, il reprit fidèlement son poste jusqu'en 1956. Charles Faroux disparut le 9 février 1957. Il sera donc resté 33 ans à la tête de « son » épreuve dirigeant les 25 premières 24 Heures de l'histoire...

C'est alors Jacques Loste, journaliste également (il fut longuement le directeur de l'Argus automobile), qui prit le relais jusqu'à l'édition de 1968. Charles Deutsch lui succède à partir de 1969. On quitte là le mondre des journalistes pour entrer dans celui des ingénieurs. Charles Deutsch fut notamment le co-fondateur avec René Bonnet des fameuses « petites cylindrées » françaises DB, puis de sa propre marque (les CD à moteur Peugeot). Le cabinet SERA-CD qu'il fonda fut notamment à l'origine de la gestation de la Matra 640, puis d'une certaine Porsche 917 LH !

Disparu le 6 décembre 1980, il laissa donc sa place à Marcel Martin. Tout comme son camarade Alain Bertaut, responsable du règlement technique de l'époque, Marcel Martin est un ancien pilote des 24 Heures. Il les disputa à deux reprises, les termina à chaque fois mais s'il remporta sa catégorie en 1967 (Groupe Sport -1300 cm3), il fut non classé en 1968. Chic et distingué tout en étant ferme et décidé, Marcel Martin fut le responsable des damiers 20 éditions durant, de 1981 à 2000. Daniel Poissenot lui succède depuis 2001.

Tout de même, avec les crashs impensables que l'on a vu cette année, ne dirais-tu pas, en tant que directeur de course, que ces 79èmes 24 Heures ont été les plus « chaudes » à gérer ?

« Oui, absolument. Sans conteste. Je ne suis pas un fan du safety-car et pourtant, on l'a vu en piste durant 4H53 ! On avait déjà eu des éditions difficiles notamment à cause de la pluie. De ce point de vue, pour mon baptême, 2001 fut bien arrosée avec un gros carambolage, après 20 minutes de course. Au vu du nombre de voitures impliquées, je me posais la question de savoir si il ne fallait pas arrêter la course, ce qui n'avait jamais été fait depuis la création de l'épreuve. Compliqué pour des débuts au poste. 2010 avec la Zytek de Nigel Mansell qui heurte violemment le rail au bout de 20 minutes de course est aussi dans ma mémoire. Mais une édition telle que celle de 2011, avec des accidents aussi spectaculaires, non, franchement, je n'avais jamais vu ça... »

Tu dis qu'il n'y a pas eu de blessures majeures mais Horst Farnbacher Sr a tout de même été touché ?

« Oui, l'accident était sérieux mais on a immédiatement envoyé le médical pour l'extraire de la voiture dans les règles de l'art. On a eu peur dans un premier temps notamment pour ses vertèbres cervicales mais depuis, nous avons eu des nouvelles rassurantes et il allait bien. Il a aussi souffert de ses cotes mais il s'en est remis. Dans tous les cas, afin de lever tous les doutes, nous avons envoyé les pilotes à l'hôpital afin d'effectuer des scanners de contrôle. Bon Allan McNish est un écossais, il a la tête un peu dure et il a du mal à se laisser convaincre mais il a fini par accepter... »


Daniel officiait également sur les courses de Le Mans Series. Ici à Valencia en 2007 aux côtés de Stéphane Sarrazin.

Lors d'un incident tel que celui de Rockenfeller, qui se déroule de nuit à l'autre bout du circuit, dont on ne sait pas grand-chose dans un premier temps, est-ce que les commissaires présents sur place peuvent, de leur propre chef, te demander immédiatement d'envoyer les safety-cars en piste ou est-ce que cela reste de ton unique responsabilité ?

« Non, ils ne peuvent pas le faire. Ils nous font un rapide bilan mais ils ne peuvent pas prendre la décision. De toute façon, on sent immédiatement via les radios, via nos caméras de sécurité, qu'il se passe quelque chose de très important. Et on est capable d'aviser très vite. Dans le cas de l'accident de McNish. Sa voiture n'était pas encore immobilisée que j'avais déjà décidé de neutraliser la course... »

Est-ce qu'il t'arrive de te rendre sur place pour organiser les secours ou les opérations de remise en état de la piste ?

« Par le passé, je l'ai fait mais cette année, j'ai changé d'orientation et décidé de rester à la direction de course de façon à gérer l'ensemble des intervenants. Pour le travail sur place, j'envoyais l'un de mes assistants afin de gérer la coordination des moyens (Patrick Coutant). Je pense que cette façon de faire était plus efficace. »

Tu passes donc l'intégralité des 24 Heures dans le PC ? Tu ne descends pas un peu voir les concurrents dans leurs stands, par exemple ?

« Non, je reste en place. Si nous avons besoin de rencontrer un concurrent pour une raison X ou Y, c'est lui qui monte au PC Course. »

Safety-carOn sait qu'il y a trois safety-cars pour neutraliser la course mais de combien de voitures médicales disposez-vous ?

« On a quatre voitures postées pour la première à Antarès au poste 31, à Mulsanne pour la seconde au 76, au Porsche, le 115, pour la troisième et la dernière juste avant l'entrée des stands. A ces quatre s'ajoute celle que l'on nomme la voiture 0 (zéro) qui est celle du médecin-chef. »

Comment sont équipées ces autos ?

« C'est ce qu'on appelle les VRI : Véhicule Rapide d'Intervention. Il y a un médecin réanimateur à bord accompagné d'un infirmier ou d'une infirmière ainsi que de tout le matériel dont il a besoin. Evidemment, la voiture est aux mains d'un pilote pour la conduire le plus vite possible sur les lieux de l'accident. Derrière, peut se mettre en place, au besoin, tout une colonne d'intervention. Tout d'abord, une voiture d'extraction avec les secouristes pour sortir le pilote dans les meilleures condition. Puis une voiture de désincarcération si besoin est, une ambulance et enfin un fourgon des pompiers au cas où. 2011 était une année assez sèche et cela aurait pu s'avérer nécessaire. »

Les personnels qui sont intervenus pour remettre les rails en place sont de l'ACO ou font partie des ponts et chaussées ?

« Ce sont des entreprises privées qui sont en charge de cette tâche. Elles sont cependant placées sous la responsabilité du service technique de l'ACO (Ghislain Robert). Habituellement, ils travaillent sur nos routes ou autoroutes. Cette année, ils ont remplacé 108 mètres de rail très exactement. On ne peut pas relancer la course sans avoir remis ces rails en état même lorsqu'il se produit un accident dans un zone inhabituelle comme celui de McNish ou personne n'était jamais sorti. Cela peut paraître long et cela l'était lors de l'accident de Mike Rockenfeller malgré les moyens que nous avons mis en place. L'intégralité de nos équipes est intervenue dans ce cas précis pour gagner du temps sur l'intervention. Mais il faut refaire ces rails avec sérieux étant donné l'enjeu et cela prend du temps. D'ailleurs, cela a été tellement long que, nul ne s'en est aperçu, mais nous avons dû faire ravitailler nos safety-cars ! La substitution s'effectuait au début de la ligne droite des stands. »

Retrouvez ici la deuxième partie de cet article...

Laurent Chauveau

Le saviez-vous ?

« Poste 76 pour direction de course ! ». « Direction de course, j'écoute ! ». « Tête à queue du numéro 25 et repart. ». « Bien reçu. »

Voilà l'exemple type d'un dialogue, via les talkie-walkies, entre la direction de course et l'un de ses postes de commissaires. Mais alors me direz-vous, pourquoi y a-t-il un poste 76 puisqu'il n'y en a que 50 autour du circuit ? Tout simplement parce que sur le grand circuit, la numérotation des postes de commissaire se fait de manière hectométrique. Le poste 76 est donc situé à 76 hectomètres de la ligne de départ. Ou 7,6 kilomètres si vous préférez. Autrement dit, le poste 76 est celui de Mulsanne.

Et si l'on ajoute le suffixe bis au numéro de poste, c'est alors que celui-ci se situe du côté gauche de la piste, par rapport au sens de la course. Ainsi le poste 8 bis est-il placé 800 mètres après la ligne de départ, à l'extérieur de la piste.

Et c'est au poste Zéro, au pied du module sportif, que l'on passe par exemple, les drapeaux noirs aux pilotes concernés.

Les trois safety-cars, quant à eux sortent du poste 44 pour le premier (juste après la première chicane des Hunaudières à hauteur du magasin Leroy Merlin), du poste 100 pour le second (l'intérieur d'Arnage) et de la fin des stands pour le troisième, évidemment.

Sachez encore que ce système de numérotation n'est pas identique pour le circuit Bugatti. Pour le circuit des 24 Heures Motos, on utilise une incrémentation toute simple : on ajoute 1 au poste précédent ! Ainsi le poste 1 est à la sortie des stands, le 6 se trouve être le virage de la Chapelle, le 9 celui du garage vert, le 12 est le chemin aux boeufs et le 15 au raccordement. Seul point commun entre les deux circuits ? Le poste zéro, évidemment !