24H 2011 : Analyse et conséquences... Imprimer Envoyer
Lundi, 20 Juin 2011 22:00

Peugeot_9_cAudi a donc remporté sa dixième victoire en terre mancelle. Après avoir vu comment cela s'est déroulé, essayons d'en comprendre le pourquoi. Tout d'abord, il est une évidence que l'on ne peut occulter : l'Audi R18 était tout simplement plus rapide que la 908. La Journée Test en avait donné l'impression, les essais qualificatifs l'avaient renforcée, la course s'est chargée de la confirmer. Dès les premiers tours, les Audi n°2 et 3 ont lâché les Peugeot, celle de Montagny en tête. A la fin de la première heure, et malgré l'accident de McNish, les trois Audi avaient enregistré les trois meilleurs chronos. Certes, les écarts n'avaient rien de gigantesques mais après une demie-heure de course, Tréluyer avait tout de même réussi à mettre l'intégralité de la ligne droite des stands entre sa R18 et la meilleure des 908. Ce petit avantage en performance s'est confirmé durant toutes les heures diurnes (soit un peu plus des deux tiers de la course). Le meilleur tour, largement à l'avantage d'Audi (une seconde pleine entre la n°2 en 3'25"289 et la n°9 en 3'26"298) entérine cette situation d'autant que l'écart est quasi identique lorsque l'on considère les meilleurs tour idéaux (3'25"125 contre 3'26"188). Bref, la R18 disposait d'un petit avantage chronométrique qui obligeait le clan Peugeot à s'appuyer sur d'autres armes pour contrecarrer les plans de son adversaire.

Or les hommes de Vélizy avaient bel et bien un joker dans leur manche. La Peugeot 908 avait pour elle d'être économe en carburant et de boucler 12 tours avec un plein de 65 litres de gazole contre 11 seulement à l'Audi. Un tel avantage aurait pu constituer une arme majeure en diminuant notablement le nombre de passage par les stands des pilotes Peugeot. Cela aurait été possible si les pilotes avaient été en mesure de faire régulièrement des quadruple relais. Or ce n'est pas le cas. En fait, seuls Davidson sur la n°7, Sarrazin sur la n°8 et Pagenaud sur la n°9 y sont parvenus. Et encore, seul l'anglais l'a fait à deux reprises, Stéphane et Simon se contentant d'un seul quadruple. L'avantage théorique du moindre nombre d'arrêts ravitaillement était donc en partie mis à mal par des changements de pneus plus fréquents. Dans le même temps, tous les pilotes Audi étaient en mesure de faire des quadruple relais au minimum. Il y a même fort à parier que comme Tréluyer, Lotterer aurait fait un quintuple lui aussi, en fin de course, sans sa crevaison lente...

Le paradoxe des safety...

th_Audi_2_hEn fait, la stratégie de Peugeot a été également mise à mal par les diverses neutralisations. On a passé plus de 5 heures derrières les voitures de la direction de course. Cela a réduit à bien peu de chose l'avantage des 12 tours avec un plein... D'ailleurs, il semble aussi que Peugeot n'ait pas eu beaucoup de chance avec les safety-cars. La n°9 repasse 28 fois par son stand contre 31 passages à l'Audi n°2. Pourtant, elle passe 22"7 de plus aux stands sur l'ensemble de la course. Les simples arrêts ravitaillement sont pourtant de valeur comparable : 53,6" pour la Peugeot n°9 contre 52"7 à l'Audi. Les arrêts avec changement de pneus montent à 79"9 pour la n°9 contre 80"1 pour la n°2. Les deux adversaires se renvoient donc dos à dos et cela n'explique pas la différence globale. Au total, si l'on ne tient compte que des arrêts effectués sous drapeaux verts, l'Audi passe 28'26" aux stands contre 25'38" à la Peugeot n°9. Peugeot disposait donc bel et bien d'un avantage théorique important grâce à la consommation. Mais lors des périodes de neutralisation, la n°9 a passé exactement 3 minutes et 1 seconde de plus dans les stands que l'Audi : 181 secondes... Certes, il y a cet arrêt à 7H43 du matin ou l'on change la radio. Mais l'équipe ne perd là que trente secondes, pas 181... Et c'est encore pire pour la Peugeot n°7 qui, avant la sortie d'Alexander Wurz avait déjà passé 9'22" aux stands sous safety-car. Soit près de 4 minutes de plus que l'Audi ! Il s'agit là d'arrêts normaux, avec un simple plein de gazole et un changement de pneus. Le temps perdu ne l'est pas par faute des mécaniciens mais par l'arrêt au feu rouge en haut des stands, à attendre que le safety-car suivant passe afin de pouvoir se glisser dans la file... En fait, l'Audi ne s'est arrêtée que deux fois en cas de neutralisation contre trois aux Peugeot. Alors, certes, ces écarts ne signifient pas grand-chose et n'expliquent pas totalement la défaite de Peugeot. Trois minutes sous safety-car ne représentent qu'environ un tiers de tour, puisque l'on roule à un rythme réduit. Mais cela a indéniablement constitué un handicap important. Ce qui est assez paradoxal dans ce constat, c'est que Audi, en provoquant deux neutralisations majeures par la perte des n°3 et n°1, a peut-être aidé, bien involontairement, la course de la n°2.

En fait, les pilotes Peugeot le reconnaissent eux-mêmes, ils avaient du mal à exploiter les pneus médiums (ce qui explique aussi qu'ils n'aient pas pu enchainer beaucoup de quadruple relais) et c'est donc de jour, que Audi a fait la différence. De nuit, lorsque Peugeot a pu passer en softs, la tendance s'est inversée. Stéphane Sarrazin l'avait dit après les essais : « La fenêtre d'utilisation de nos pneus est beaucoup moins large que l'an passé lorsque nous disposions de bien plus de puissance. » Se pose alors une question. Si Peugeot avait choisi de rouler avec un peu plus d'appuis, les 908 n'auraient-elles pas mieux exploité leurs pneumatiques médiums ? Perdant ainsi un peu moins de temps en piste notamment dans le troisième secteur. Elles y auraient certes perdu aussi en vitesse de pointe et probablement en consommation, annihilant probablement l'avantage des 12 tours... Mais n'était-il pas possible de panacher les chances en choisissant des stratégies légèrement différentes de l'une à l'autre des 908 ? Le problème d'un tel panachage est qu'il n'offre aucune garantie de succès. Si la voiture ayant adopté la bonne stratégie vient à connaître un petit souci, l'équipe perd son unique atout. On n'est plus à l'époque du duel Porsche-Renault par exemple ou les deux camps avaient presque autant de stratégies que de voitures engagées. Peugeot Sport a fait un choix et s'y est tenu. Il s'est avéré perdant. De 13 secondes. Il est un peu trop facile de dire après coup, il aurait peut-être fallu que...

Des pilotes sur le banc de touche !

Il faut aussi probablement remarquer que les pilotes Peugeot étaient un peu moins agressifs dans le trafic que les pilotes Audi. La consigne était de ramener impérativement les trois autos à l'arrivée après la déroute de 2010. Peut-être que cela a eu pour conséquence, aussi bien du point de vue du set-up que de celui du pilotage, un très infime « excès » de prudence. Audi est allé un cran au-delà et l'a payé cher en voyant deux de ses voitures pulvérisées. Le contre-pied de cette apparente prudence est venu avec la pluie. Là, ce n'était plus Audi qui dominait mais bel et bien Peugeot. Davidson, je l'ai déjà dit dans la première partie de cet article, a été époustouflant. Ses chronos n'ont quasiment pas baissé durant cette période. Pagenaud était également assez rapide mais en fait, c'est surtout Lotterer qui dans ces conditions n'a pas semblé très à l'aise. L'épisode pluvieux a été trop court pour que l'on puisse tirer de véritables conclusions mais la R18, première Audi à être plus rapide qu'une Peugeot depuis 2007, aurait-elle perdu au passage, de la légendaire polyvalence attribuée aux R8, R10 et R15 ? Concernant les pilotes, il est également de plus en plus évident qu'une équipe d'usine ne peut plus avoir un « maillon faible » dans ses équipages, sous peine de lâcher des secondes au cours d'un relais. Des secondes que l'on ne reprendra plus. L'époque où Ivor Bueb tournait à 10 secondes des temps de Mike Hawthorn est révolue. Il faut trois pilotes de pointe sur chaque auto. Pedro Lamy a perdu beaucoup de temps lors de son triple relais et son équipe ne l'a plus laissé reprendre le volant. Chapeau au passage à Simon et Sébastien pour la performance physique. Dans une moindre mesure, Fässler, Minassian et Gené ont été obligés de prendre un peu de recul. C'est un phénomène nouveau dans l'endurance moderne mais qui pourrait être préparé un peu plus en amont histoire de ne pas avoir à se passer d'un troisième pilote durant la course...

Enfin, sans vouloir aucunement rabaisser la victoire de la n°2, pleinement méritée dans un tel contexte, reconnaissons qu'Audi a connu une infime part de réussite en toute fin de course. Une réussite paradoxale à nouveau car elle commence par un coup de malchance. A 40 minutes de la fin de course, André Lotterer subit une crevaison lente et doit donc repasser par son stand afin de changer ses pneus. Ou est donc le coup de chance dans un tel coup du sort, me direz-vous ? Et bien, le coup de chance, c'est que cela se soit produit à 40 minutes de l'arrivée et pas à 43 ou 44... Car les relais de 11 tours de l'Audi n°2 duraient exactement 40 minutes, justement ! Pour rester 43 minutes en piste, il aurait fallu boucler 12 tours ce que l'Audi n'a jamais fait de toute la course. Nul doute qu'alors, l'aréopage allemand aurait connu une fin de course sous très haute tension... Mais heureusement, cela ne s'est pas produit. Accessoirement, le fait de repartir en pneus neufs a aidé André à repousser définitivement la menace Peugeot... Audi méritait ce succès. Ce dixième succès manceau...

In a rich men's world...

th_Audi_2_iS'il est un point qu'il faudra étudier et surveiller de près à l'avenir, c'est l'inflation des budgets. A condition que l'on puisse réellement y faire quelque chose ! Les pilotes Peugeot ont parlé durant la semaine de la grosse différence de budgets entre les deux usines engagées. Evidemment, de tels discours doivent faire sourire (ou rire jaune...) les teams privés qui tentent de survivre dans ce contexte. Mais il semble indéniable que les budgets ont effectivement crû de manière importante notamment du côté d'Audi Sport. Ne vous attendez pas à ce que je vous donne des chiffres puisqu'il est strictement impossible d'obtenir de la part de nos interlocuteurs, des informations officielles à ce sujet. Mais une simple observation attentive de tous les paramètres permet de s'en convaincre. Les propos des pilotes sur le nombre de séances d'essais, leur impression de « ne jamais arrêter de rouler », le nombre d'évolutions en peu de temps sur les voitures officielles, les moyens supplémentaires au niveau du marketing (uniquement chez Audi), permettent de le dire : l'inflation est de mise, c'est un fait. Attention, je ne tire surtout pas à boulets rouges sur la firme allemande. Elle a les moyens de ses ambitions grâce à une politique produit avisée et volontariste depuis plus de 30 ans. Audi s'est « tirée vers le haut » de manière admirable et il est normal que la firme récolte le fruit de ses efforts de très longue durée. Mais la course à l'armement peut avoir des conséquences dommageables sur le sport lui-même. Au moment ou l'on lance le Championnat du Monde, il faudrait pouvoir s'assurer qu'une telle montée en puissance ne rebute pas la concurrence, notamment d'éventuels nouveaux constructeurs. Amis législateurs, si vous avez des solutions...

Après avoir vu en détails la bataille des usines, abordons enfin la course des privés en LMP1. Et je commencerai par Rebellion qui décroche enfin un résultat très probant. Avec le temps, les diverses contre-performances ou coup de malchance connus par ce team, nombreux étaient les observateurs à commencer à être sceptiques. L'équipe suisse a pris le taureau par les cornes cet hiver tout d'abord en se restructurant notablement. Le décès de Hugh Hayden, l'ancien team-manager, n'a pas grand-chose à voir avec cela. Hugh lui-même avait déjà pris conscience de cette nécessité et son fils Bart, qui a repris le flambeau, n'a fait que la mettre en application en recrutant Ian Smith en tant que directeur technique, assisté de James Robinson, l'ingénieur en charge de la n°12. Si les bienfaits de cette remise en cause ont un peu tardé à se faire jour, le week-end dernier en Sarthe, ils ont porté leurs fruits !

La rébellion de Toyota

Lola_12_Rebellio ToyotaEt ce dès le départ ou nous vîmes un Jeroen Bleekemolen agressif, devancer durant un tour complet la Peugeot 908 du team Oreca. Par la suite, la bagarre s'est évidemment concentrée avec la Pescarolo officielle. Profitant de son couple supérieur avec son gros moteur, la voiture française dominait les deux Lola Toyota en performance pure, mais celles-ci étaient capables de rester un tour de plus en piste entre deux refuelling. Comme dans le duel des géants, cela équilibrait quelque peu les débats. Cette bataille restera très serrée jusqu'à la dixième heure lors de laquelle les trois voitures roulaient toujours dans le même tour ! Dès, lors les n°12 et 13 eurent à subir la domination de la Pescarolo, celle-ci comptant jusqu'à un près de trois tours d'avance. Rebellion eut alors la malchance de perdre la n°13 à 5 heures du matin, sur une sortie de piste de Jean-Christophe Boullion dans la nouvelle portion. Deux sorties de piste fatales pour sa n°13 en un an pour Jean-Christophe, cela ne doit pas être facile à vivre. A sa décharge, il semble que Belicchi ait connu quelques problèmes avec ses pneus lors du relais précédent, ceux-ci se chargeant de gomme étrangère. Toujours est-il que JCB a perdu la voiture sans vraiment comprendre ce qu'il se passait.

Heureusement, la n°12 parvint à revenir au contact de la Pescarolo vers 9H du matin avec les problèmes électriques de celle-ci. Mais les pilotes de la n°16 étaient de nouveau capables de creuser l'écart lorsque la pluie vint fausser les cartes avec la sortie de piste de Manu Collard. Dès lors, on assura le coup chez Rebellion allant jusqu'à être prudent sous la pluie avec le choix de pneus, n'hésitant pas à changer souvent de gommes pour s'adapter aux conditions. Un luxe que l'on pouvait se permettre puisque la plus proche adversaire, la Lola Aston Martin Kronos était à 10 tours... La « victoire » en « LMP1 essence » était acquise ainsi que la 6ème place au scratch. L'équipe d'Alexandre Pesci ne pouvait assurément pas espérer mieux...

Oreca isolé

th_Peugeot_10Et notamment pas devancer la Peugeot 908 HDi FAP du team Oreca. La « vieille » 908 a effectué une course en solitaire. Moins rapides que les récentes diesels, plus rapide que les protos essence, il fallait juste rouler, rouler... Ce que l'équipage fit parfaitement jusqu'à la petite faute nocturne de Loïc Duval à la première chicane sur des graviers non signalés. Il fallait changer le train AV ce qui prit 15 minutes. Cela suffit aux trois meilleures P1 essence pour repasser devant. Mais la « bleue et orange finit par retrouver sa place. Avant que Loïc ne se fasse à nouveau surprendre par la pluie, cette fois-ci du côté d'Indianapolis. La 908 conservait malgré tout sa 5ème place et ce jusqu'au drapeau à damiers. Les problèmes de démarreur connus lors des deux derniers pit-stops étaient des conséquences des deux sorties de piste. La n°10 finit à 12 tours de le dernière 908 officielle : sans ses problèmes, elle n'aurait probablement pas amélioré sa position. Pas de regret donc chez Oreca, malgré cette course dans un relatif anonymat.

Lola_Aston_22L'équipe Kronos est certes une habituée du haut niveau en rallyes, mais pour ses débuts en endurance, elle décroche un résultat très flatteur. Et pourtant, la course avait mal commencé avec la perte d'une roue dès la première heure, l'heure maudite pour Aston Martin ! Mais après un contrôle du train AR, la course de la n°22 a été plus calme. Il y a bien eu ces deux têtes-à-queue, un pour Maxime Martin, l'autre pour Vanina Ickx mais ces figure eurent lieu sur la piste humide et furent sans concéquence. Nettement moins rapide que ses meilleures adversaires « essence », la Lola a bien profité de l'hécatombe en P1 en terminant au 7ème rang, conservant un avantage de deux tours sur la meilleure P2.

Hécatombe...

Pescarolo_16Pour le reste, c'est bel et bien une hécatombe. On a déjà vu le cas de la Pescarolo officielle, la chérie de la foule ! Une popularité sans égale et pas seulement dans le cœur du public français... Une fois encore, les hommes d'Henri ont fait merveille jusqu'à ce qu'un mauvais lutin ne jette de l'eau sur la piste. Arrachant des larmes dans le stand mais aussi probablement dans les tribunes ! Il faudra revenir avec deux voitures pour éviter à l'avenir une telle déconvenue. Henri y travaille...

Oreca_5La Oreca du Hope Racing a surpris. Certes, elle a connu nombre de pépins mécaniques la ralentissant. Certes, à mi-course, elle était lanterne rouge à plus de 60 tours de la tête. Mais elle était encore là et étant donnée les nouveautés techniques que cette voiture hybride apportait au Mans, on n'était pas nombreux à l'avoir parié. C'est un début d'incendie au bout de la nuit, qui a porté un coup fatal à sa démonstration. Sa prestation fut en tout cas plus longue que celle de la Zytek du malheureux Miguel Amaral. A peine le portugais venait-il de relayer Olivier Pla après trois heures de course que le moteur mettait un terme à la prestation de la n°20. Une énorme déception qui pousse le team à faire l'impasse sur les 6 Heures d'Imola afin de comprendre d'où vient ce problème récurrent. OAK_Pescarolo_15Pour le OAK Racing, ces 24 Heures sont à oublier. La prestation a été bien moins convaincante qu'à Sebring. Dès la 3ème heure, la n°15, la plus rapide des deux P1, avait plongé au classement par la faute de la direction assistée défaillante. Les protos modernes sont devenus inconduisibles sans cet accessoire tant les appuis sont élevés et nécessitent des efforts pour faire pivoter les roues directrices. Après de nombreuses, diverses et longues interventions, l'équipe retirait la voiture avant la mi-course. Quant à la n°24, elle avait déjà quitté la course depuis deux heures, après un début d'incendie !

Aston a fait l'impasse sur 2011...

Bien évidemment, toutes ces prestations restent infiniment meilleures que celles offertes par les Aston Martin AMR-One. Les essais laissaient craindre le pire. Lorsqu'un problème semblait résolu, un autre naissait ailleurs. En tout et pour tout, les n°007 et 009 n'auront couvert que 6 tours à elles deux... Une prestation pitoyable qui ne grandit pas l'image de la marque. Tout cela est le fruit d'un programme lancé bien trop tardivement et malgré un rush de tous les instants dans les ateliers Prodrive, la catastrophe était au bout. Immanquablement. Ce n'est pas en raccourcissant à outrance, les délais de conception et de fabrication que l'on peut, à moyens financiers nettement inférieurs, espérer concurrencer Peugeot et Audi. Il était arrogant de croire le contraire. A l'issue de la Journée Test, j'avais évoqué la possibilité d'un forfait. On pourrait penser que cela eut été préférable mais il est probable que certains contrats de sponsoring n'ont guère laissé de choix à David Richards. Toutefois, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Cette voiture est éminemment intéressante, techniquement et aérodynamiquement parlant. Alors disons que AMR n'était pas là en 2011 et qu'ils ont désormais un an pour déverminer sereinement le 6 cylindres en ligne qui semble tant poser problème.

th_TDC_04Malheureusement, le terrible fiasco Aston Martin ne nous aide pas pour juger de l'équivalence essence-diesel, l'éternel problème... De plus en plus nombreuses sont les voix à s'élever contre cette « injustice ». Je suis pourtant de plus en plus persuadé que si injustice il y a, elle est avant tout d'ordre financier... Peugeot et Audi ont eu à créer deux nouvelles voitures respectant en tout point la réglementation 2011. Elles utilisent des moteurs plus petits, développant une puissance bien moindre que les autos de 2010. Le but était de les repousser au-dessus de la barrière des 3'30" au tour. Une barrière qu'elles ont évidemment très largement fracassé... Tandis qu'aucune voiture essence ne s'en est approchée à moins de 4 secondes... On continue de comparer des voitures conçues avec des moyens considérables, avec des autos de teams privés, datant déjà de quelques années, et utilisant des moteurs « agés » eux aussi. On espérait beaucoup de Toyota. Mais le moteur des Lola Rebellion a été conçu pour la Formula Nippon, il y a 5 ans déjà. Puis il en a été dérivé cette version endurance, qui ne dispose pas de l'injection directe. Pas plus que le Judd V10 de Pescarolo Team. On espérait voir la HPD ARX 01-e du team Highcroft pour comprendre si sa perf de Sebring était renouvelable au Mans. Cela paraît peu probable mais malheureusement, du fait de son forfait, nous n'en aurons jamais la confirmation... Il est possible qu'il y ait, dans le règlement actuel, un léger avantage pour les moteurs diesel. Mais je rappellerai tout de même que lorsque celui-ci a été annoncé, tout le monde disait qu'il semblait équilibré... En fait, il y a surtout un effort colossal des usines. Et il serait insensé d'espérer voir les privés en mesure de les suivre. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas leur donner un coup de pouce. Car nous avons besoin d'eux pour l'avenir de l'endurance et du Championnat du Monde. Reste à trouver la bonne manière de leur donner ce petit Plus... Mais il faut surtout cesser ces ajustements, assénés au cas par cas, moteur par moteur. Ils sont indignes de la catégorie Prototypes.

Trop lents !

Je terminerai en revenant sur le cas de ces pilotes amateurs qui nous ont fait peur durant la course. Je ne parle pas là d'Anthony Beltoise, évidemment, dont l'accident avec Allan McNish est plus à porter au débit de l'écossais trop optimiste. Dans le cas du contact Robert Kaufmann-Mike Rockenfeller, c'est déjà moins net. Certes, il doit être très difficile pour Robert de juger de la distance à laquelle se trouve la R18 avant cette très légère courbe à droite. Et Mike aurait pu être un poil plus attentiste mais le duel en tête ne laissait guère cette latitude aux pilotes d'usine. Cependant, soit Robert prend très tôt la corde sans équivoque, soit il choisit la trajectoire extérieure et laisse une place suffisante. Là, il semble hésiter entre les deux solutions ce qui provoque le contact. Contact qui aurait pu être gravissime.

th_Ford_GT_68Mais indépendamment de ce cas précis, je pense à tous ces accrochages qui n'ont pas eu lieu mais dont on était tout proche. La Ford GT s'est trainée en piste durant la deuxième moitié de la course. Andrea et Dave Robertson sont des gens absolument charmants. Mais leur rythme sur la piste ne semblait pas suffisant. Le Mans est un circuit très rapide qui, plus qu'un autre, met en exergue les différences de niveaux d'un pilote à l'autre. Cela nous a valu quelques passages chauds dans les virages de la nouvelle portion (bien souvent aveugles du fait de la proximité des murs) lorsque les P1 revenaient sur la GT américaine avec des différences de vitesse énormes. Je cite là un cas précis mais les « pilotes arrêtés » sont de plus en plus nombreux ces dernières années. Certes, le sport auto et l'endurance en particulier est en manque d'argent et ces amateurs apportent des budgets parfois conséquents. Certes, les différences de niveau ont toujours existé au Mans. Elles font partie du folklore pourrait-on presque dire. Mais au moment ou l'on relance un Championnat du Monde, elles paraissent de plus en plus anachroniques et dangereuses. D'autant que les enjeux forcent de plus en plus, les pilotes d'usine à prendre des risques dans les dépassements. Et la diminution de la puissance des P1 n'a fait que renforcer ce problème. Ils peuvent moins se permettre d'attendre le prochain bout droit pour doubler à coup sûr. Il leur faut aussi prendre des risques dans les courbes pour ne pas perdre trop de temps. Plus que jamais, il faut semble raisonnable d'exiger des temps de qualification plus correct de la part de tous les compétiteurs. Et permettez-moi, une nouvelle fois, d'exprimer de grandes réserves quant à la catégorie GTE Am, qui à mon goût, provoque un appel d'air pour des pilotes insuffisamment aguerris. Et ce même si Robert Kaufmann pilotait une GTE Pro...

Laurent Chauveau

Le rideau n'est pas encore tiré sur ces 24 heures du Mans 2011. 86400.fr reviendra encore sur le sujet car j'ai quelques statistiques en stock qui "parlent" concernant la lutte en P1. Vous pourrez me reprocher de me concentrer uniquement sur cette catégorie et je l'admets. La baston a été intense en tête et a focalisé mon attention. Non pas que je ne prenne pas de plaisir à suivre les autres catégories, notamment le GTE Pro. Mais il est difficile de tout suivre de près en même temps...