24H 2011 : Audix, quand chaque seconde compte... Imprimer Envoyer
Dimanche, 12 Juin 2011 18:41
Audi R18 Le Mans 2011« Au bout de 86400 secondes de course, 13 d'entre elles seulement séparaient les 2 premières voitures. » La formule n'est pas de votre serviteur mais du speaker officiel de ces 24 Heures : petit coucou amical à Marc Arnoldi. 13 secondes, il ne fallait pas être superstitieux... 13 secondes qui font le bonheur des quatre anneaux et le malheur du lion. 13 secondes qui, comme le disait Benoit Tréluyer, ne doivent représenter que quelques mètres sur la somme de kilomètres parcourus. 13 secondes pour une course comme on l'espérait. Deux adversaires de force égale bien que possédant des armes différentes. Une baston pas possible, une course de dingue. A tout point de vue.

Des accidents de dingue. Un miracle absolu que l'accident effrayant d'un Allan McNish un poil trop optimiste dans la descente du Dunlop. A 50 centimètres près, la R18 retombe de l'autre côté du rail et on ne préfère pas connaître la suite. On critique beaucoup les grillages qui gênent les spectateurs. But Motor racing is dangerous comme disent les britanniques, on nous a administré une sacrée piqure de rappel hier soir... Parfois, les grillages sont utiles. Et les commissaires sont courageux de s'exposer ainsi pour permettre à la course de se dérouler. L'autre accident gigantesque de Mike Rockenfeller nous l'a prouvé également. Des débris partout, la voiture éparpillée façon puzzle. Une équipe choquée. Mais qui a su se ressaisir. Pour se transformer en Audix.

Non, ce n'était pas une faute de frappe dans le titre de cet article. C'était volontaire. Avec sa dixième victoire au Mans, Audi est devenu Audix. D'ailleurs l'esprit gaulois a un peu prévalu dans cette victoire bluffante. En infériorité numérique, à 1 contre 4, il a fallu une sorte de potion magique pour triompher. Surtout lorsque le ciel a commencé à nous tomber sur la tête. Cette pluie de fin de course pouvait tout mettre à terre. Mais André Lotterer a su oublier la pression. La pression de cette course si intense malgré des pneus slicks qui ne chauffaient pas sur le mouillé. La pression de la petite faute à Arnage l'an passé qui le prive de la victoire, lui et ses coéquipiers également. La pression des pilotes Peugeot usant de toutes les ficelles pour aller chercher la victoire. La pression d'une crevaison dans la dernière heure. André a tout eu. Il n'a pas craqué. Si en fait, Il a craqué. Mais une fois la ligne d'arrivée franchie... « Je ne vais pas le cacher, j'ai pleuré dans mon casque... » On le comprend André... Tout comme on comprend ton inquiétude dans l'auto en passant sur le lieu de l'accident de Rocky... Tout comme on t'approuve lorsque tu dis que « ça, c'était de la course auto ».

Il faut dire que tu as été placé sur orbite par un relais magique. Un relais signé Benoit Tréluyer au petit, petit matin. Benoit a trouvé la recette de la potion magique : un réveil matinal et imprévu... « Il est clair que je ne suis pas prêt d'oublier ce quintuple relais du dimanche matin. Je m'en souviendrai à vie. Il n'était pas prévu que je roule si tôt. Je pensais avoir un peu plus de temps pour dormir. Mais lors du relais de Marcel, il éprouvait un peu de mal avec les pneus alors l'équipe ne lui a laissé faire qu'un double. Et l'on m'a réveillé en sursaut. J'ai eu deux minutes pour m'habiller à toute vitesse. Et ils m'ont dit : "tu es deuxième, coincé entre deux 908, et on veut que tu passes devant !" Je n'avais même pas eu le temps de me laver les dents et je me suis retrouvé propulsé dans l'auto en devant pousser comme un fou ! Moi qui ne suis pas matinal... Ce fut tellement rapide qu'en arrivant dans la première chicane, j'ai demandé à mon ingénieur de me dire simplement quelle heure il était. Car je n'en avais aucune idée ! La suite, ça a été un combat permanent, des bagarres superbes ou j'ai pris beaucoup de plaisir, il ne faut pas se mentir. Les pilotes Peugeot ignoraient parfois les drapeaux bleus, dans l'auto, ça m'énervait un peu. Mais, on a fait un peu de même à Spa. Et puis dans les duels avec eux, il n'y jamais eu la moindre touchette. C'était clean, on ne va pas en faire un plat. » La classe, Benoit... Internationale, la classe, car ce relais nous a tous scotché.

Une bagarre fantastique avec des pilotes Peugeot. Le meilleur réveil-matin jamais imaginé. Et des dépassements de dingue. Un coup à toi, un coup à moi. Et je te passe par là ou ce n'est plus la piste. Fa-bu-leux ! Ce relais restera dans ta mémoire, Benoit ? Dans la notre aussi. Pour longtemps... Et dans celle de ton équipe aussi, elle qui t'a fêté avec ferveur à ta descente de l'auto. Immense coup de chapeau à toi. A toi et à tes coéquipiers. Car n'oublions pas que André repart avec un trophée 24, certes, mais également avec le meilleur tour en course... Et que Marcel a subi la pression de la fin de la course en tournant en rond dans le stand : « C'était incroyable, je ne savais plus où aller, quoi faire. Et je voyais la pluie. J'ai confiance en André. Mais je sais bien à quel point c'est difficile sous la pluie. Jamais je n'oublierai cette journée... »

th_Peugeot_9Dans ce concert de louanges, on doit associer le vaincu. Les mines n'étaient pas si défaites chez Peugeot Sport. Malgré une seconde défaite d'affilée. Mais on sait que l'on a fait son maximum, que l'adversaire était un poil plus fort : 0,015% plus fort très exactement. On s'est battu sans rendre les armes « mais il aurait fallu que la course se déroule avec 24 heures de nuit. En pneus medium, la voiture n'était pas bien. On a a galéré durant les premières heures. Avec la nuit, on a pu passer les softs et, là, on a commencé à remonter fort. Le dimanche matin, nous étions de nouveau légèrement en retrait » confiait Sébastien Bourdais. « Au matin, l'absence de trafic due aux abandons, ne nous a pas aidé. Nous y étions plus à l'aise. » ajoutait Simon Pagenaud. La n°9 connait une course claire mais finit seconde. Il n'y a rien à dire. Audi était plus fort, tout simplement. La n°8 a connu sa part de petits ennuis, la n°7, de plus gros. Voilà qui a équilibré, sur le plan numéraire, le duel franco-allemand. Audi avait détruit deux voitures, Peugeot les avait toutes conservées, intactes mais attardées. Dans un tel contexte, un tour de retard est insurmontable. Même avec des pilotes top-guns comme l'on dit souvent. Mais les pilotes Audi, et notamment ces petits jeunes, ne le sont pas moins... Et certains pilotes ont péché. Les trois 908 terminent donc dans l'ordre inverse de leur numéro, 9-8-7 aux 2ème, 3ème et 4ème places. Le résultat n'a rien d'infamant, tant s'en faut. Mais au Mans, le deuxième est le premier perdant. Et l'on va finir par croire que comme en foot, aux 24 Heures, c'est souvent l'Allemagne qui gagne à la fin !

th_Zytek_41On pourrait continuer des heures sur cette course. On pourrait parler d'Oreca, qui perd sa LMP2, ses clients perdent la victoire dans cette catégorie au bénéfice de la Zytek du Greaves Motorsport. Mais on pourrait aussi parler de la course de sa 908, qui malgré quelques vicissitudes, termine 5ème et première des équipes privées. On pourrait parler de Rebellion, qui perd une nouvelle fois la n°13 sur une sortie de piste de Jean-Christophe. Mais qui décroche la « victoire » en P1 essence après une course quasi claire de la n°12. De quoi tordre le cou aux mauvais langues qui commençaient à douter, votre serviteur y compris ! Une belle victoire obtenue au forceps. Car il a fallu longtemps lutter avec la Pescarolo, très longtemps. Jusqu'à ce que la pluie ne surprenne Collard dans le virage Porsche. Manu a immédiatement compris que la voiture ne repartirait pas. Fracassée. Le retour des « gaulois d'Henri », si chaleureusement salués par la foule lors de la mise en grille a été remarqué, comme l'on s'y attendait. Remarqué mais écourté d'une paire d'heures.

On pourrait parler de la prestation d'Aston Martin Racing. On plutôt non. On n'en parlera pas. On va dire qu'ils n'étaient pas là en 2011 et qu'ils auront tout le temps de se préparer pour 2012. C'est un message plus positif. 5 tours cumulés pour les deux voitures, on oublie... Mais Kronos a sauvé l'honneur des anglais. La Lola Aston Martin belge s'octroie une belle 7ème place. Et rideau pour les P1, il n'y en a pas d'autres à l'arrivée !

On pourrait parler de Signatech, 2ème, comme à Sebring. La voiture est vite, ça finira par venir... On pourrait évoquer le cas de Level 5, un team qui n'a pas justifié son nom. Les américains sont en effet au Level 3 du podium... La voiture n'est pas vite et ça aura du mal à venir : HPD n'avait pas caché son jeu, le moteur manque bien de puissance. Reste à connaître la raison...

Corvette_73On pourrait parler du GTE Pro. Corvette Racing a fait retentir sa tonitruante corne de brume à l'issue de la course malgré le crash de Magnussen dans la matinée. Mais la n°73 était là pour assurer la victoire. Aux dépens de Ferrari via la n°51 d'AF Corse surtout et uniquement. Les deux voitures finissent dans le même tour, là aussi. Aux dépens de BMW, retardé par des pierres baladeuses et des problèmes de pneus. La bavarois nous doivent une revanche pour l'an passé et ne pas délaisser l'endurance au profit du DTM... Porsche a été légèrement en retrait, comme souvent cette saison. Mais au moins, les GT2 RSR ont su conquérir le cœur du public avec des décos originales, c'est déjà ça... Felbermayr-Proton échoue au pied du podium... On pourrait parler des Lotus Evora, lentes, débutantes, mais dont la n°65 termine la course.

Corvette_50On pourrait parler du GTE Am, une catégorie qui pose question, de plus en plus question. Et des questions multiples. Elle est maintenue pour 2012 pourtant. Ouais, bon... Le Mans, c'est la plus grande course du Monde, la plus dangereuse aussi lorsque la pole se joue à 240 km/h. Les amateurs, déclarés et reconnus comme tels ont-ils leur place ici ? C'est une tradition établie, certes. Mais elle remonte aux années ou les meilleurs prototypes ne prenaient pas 3,5 G en courbe. A une époque ou la pression médiatique sur les pilotes d'usine n'était sûrement pas aussi intense qu'aujourd'hui ? Elle semble anachronique et peut même devenir dangereuse. Elle créé un nivellement par le bas du niveau de pilotage, tout en acceptant certains pros de très haut calibre. Incompréhensible... Est-ce ce que l'on attend de la plus grande course du Monde ? Chapeau malgré tout à la Corvette Larbre qui s'impose, faisant de ce week-end, un succès complet pour GM... Succès absolu aussi pour le team de la Vienne car sa Porsche ne termine qu'un tour derrière, à la deuxième place... Derrière, on trouve une Ford moribonde depuis l'aube, qui a su toutefois se défaire d'une Ferrari JMB à l'agonie dans les dernières minutes. Dans le même temps, deux furieux se déchiraient en tête de la course, à coup de 3'27"au tour. Il ne valait mieux pas débouler sur ces autos dans la nouvelle portion ou l'on est par endroits, quasi aveugle tant les murs sont proches et coupent la vue...

On pourrait parler de tant de choses encore. Des 249.500 spectateurs présents malgré une météo frisquette et légèrement humide. On pourrait... Mais Le Mans 2011 est déjà fini. On a pris notre dose de drogue dure. On n'attend et ne souhaite parler que d'une chose désormais : notre dose de juin 2012...

Laurent Chauveau (qui reviendra, malgré tout, probablement un peu plus en détails sur cette course durant la semaine à venir...)