1000 km Silverstone 2005 : Oreca au milieu des eaux ! Imprimer
Mercredi, 25 Août 2010 21:19

A l'approche de la toute première manche de l'Intercontinental Le Mans Cup de l'histoire qui sera également la cinquième et dernière manche de Le Mans Series 2010, je vous propose de replonger 5 ans en arrière sur le même circuit et de prendre votre Guy Cotten, K-way ou meilleur parapluie, selon ce que vous préférez... Nous allons revivre l'une des plus étonnantes et plus folles courses de l'histoire de la série européenne marquée par la toute dernière victoire de l'Audi R8 sur son continent d'origine.

Mais avant de retourner au 15 août 2005, je voudrai juste vous demander si vous ne trouvez pas cela étonnant, que le site internet officiel de l'ILMC soit toujours désespérément vide, à quelques jours du lancement de cette grande série internationale devant permettre au nom Le Mans de mieux résonner encore dans le monde médiatique. Certes, pour les infos concernant cette course, on peut toujours se rabattre sur le site officiel de Le Mans Series mais il me semble que pour faire la promotion de cette série (en attendant de pouvoir l'appeler championnat), il serait bien que la communication soit à la hauteur de l'évènement. Les concurrents y ont non seulement droit mais cela doit même constituer une priorité absolue. On ne peut plus, de nos jours, négliger le media internet... Fin de l'aparté !

Vous êtes donc parés pour le voyage ? Les pieds bien au sec ? Ça ne va pas durer. Direction Silverstone, Nothamptonshire... En ce temps là, Le Mans Series s'appelait encore Le Mans Endurance Series. Audi roulait encore à l'essence (mais déjà en silence...), Peugeot était encore en WRC, Aston Martin en GT, Yves Courage était encore là, Henri Pescarolo aussi... Les autres stars de l'époque se dénommaient Creation Autosportif DBA4, Dallara Rollcentre, Zytek 04S, Porsche 996 GT3, Ferrari 360 Modena ou 550 Maranello made by Prodrive... Les pilotes ? Allan McNish, Stéphane Ortelli, Jean-Christophe Boullion, Manu Collard, Joao Barbosa, Vanina Ickx, Christophe Bouchut, Nicolas Minassian, Tommy Erdos, Mike Newton, Mike Rockenfeller, Jonathan Cocker, Sam Hancock, Felbermayr père et fils, Pierre Bruneau, Marc Rostan, etc... Moralité, les hommes durent bien plus que les autos ! Et heureusement... En ce temps là, votre serviteur shootait encore en argentique comme vous pourrez le découvrir dans la galerie photo consacrée à cette course...

A l'approche de cette troisième manche LMES 2005, on a déjà vu deux vainqueurs différents. Dans la pluie et le brouillard spadois, c'est la Zytek officielle de Nielsen-Shimoda-Elgaard qui s'est imposée et ce après l'invraisemblable sortie de piste survenue sur l'Audi R8 du team Oreca lors d'une neutralisation. A Monza, en l'absence de l'Audi varoise, c'est la Pescarolo C60 de Collard-Boullion qui s'est imposée, améliorant ainsi sa seconde place acquise en Belgique. La Zytek ne terminant qu'au 6ème rang en LMP1, c'est en leader du classement et auréolée d'une belle deuxième place au Mans que l'équipe Pescarolo Sport arrive en Angleterre. Et en position de favorite...

Quick Nick !

Mais un certain Nicolas Minassian se sent comme un poisson dans l'eau à bord de sa « Blue Rocket ». La Creation est rapide et Quick Nick comme le surnomme les anglais, adore le tracé anglais. Sous le soleil du samedi après-midi, il ne laisse donc pas passer l'occasion de s'offrir la Pole Position en 1'34"562 : « C'était un tour magique ! » déclare-t-il. Hayanari Shimoda, pourtant brillant dans cet exercice n'a pas pu concurrencer le marseillais mais place tout de même la Zytek en seconde position. Boullion positionne la Pescarolo en deuxième ligne, juste devant l'unique Audi R8 engagée (contre trois en 2004), celle d'Oreca. Tommy Erdos place la Lola RML en Pole des P2 tandis que Christophe Bouchut s'offre celle du GT1 sur la Ferrari 550 du Team Convers. En GT2, c'est encore Ferrari qui domine via la 360 Modena de la Scuderia Ecosse. Tout est en place pour la course du dimanche qui doit se terminer de nuit. Mais un élément majeur va changer la donne : la météo locale...

Car la pluie s'invite en ce jour du seigneur. Pas la petite pluie fine, non... La bonne grosse douche, non pas écossaise, mais bel et bien anglaise ! Le départ est tout de même donné quasiment en temps et en heure (soit à 16 heures), après deux tours de reconnaissance toutefois. Jean-Christophe Boullion surgit en tête. Mais pas pour longtemps ! Il commet une petite faute dans le premier tour, puis une bien plus grosse dans le quatrième. La C60 est bien touchée à l'arrière et si Jean-Christophe parvient à la ramener aux stands, la longue durée d'immobilisation condamne les pilotes à seulement tenter de se classer... Un début de panne d'essence causera même de nouveaux soucis à l'auto ce qui explique les 38 tours de retard cumulés après les 6 heures de course...

Mais les conditions sont très difficiles pour tous. Ainsi McNish part aussi à la faute dans le premier tour sur l'Audi R8 Oreca ce qui le calmera un peu lors des tours suivants. Tom Chilton, quant à lui, sur la Zytek officielle, ne peut éviter une double-faute, toujours lors de cette drôle de première boucle. Il harponne la Dome RFH de Gabbiani à l'entrée de Copse. Si l'anglais parviendra à repartir (mais d'ores et déjà hors du coup pour la gagne), l'italien ne fera pas un mètre de plus. Le début de course est donc complètement fou. Ca commence bien... La Creation de Minassian profite de toutes ces misères pour s'enfuir en tête devant la Zytek du team Jota à l'issue de la première boucle.

Tommy Erdos brille avec sa Lola LMP2 et se hisse au second rang. Un peu plus loin, un pilote bluffe toute la salle de presse à bord de sa Porsche GT2, la « grand-mère » comme on la surnomme. Xavier Pompidou oublie le déficit de puissance dans ces conditions ou l'adhérence faible nivelle les différences de matériel. Il se glisse à la septième place au début de ce premier relais, devançant toutes les GT1 et un grand nombre de prototypes. Hallucinant ! Une petite faute finira par lui faire perdre un peu de temps mais la Porsche Sebah qu'il partage avec Marc Lieb, ne sera jamais concurrencée en GT2 et finira au neuvième rang du scratch ! Avec trois tours d'avance sur la seconde GT2...

Le chaos total...

McNish finit par remonter son handicap initial et reprend la seconde place à Erdos lors du 10ème tour. La piste commence gentiment à sécher puisque la pluie battante s'est arrêtée. McNish se fait de plus en plus rapide et recolle à la DBA4 de Minassian à la fin de la première heure. C'est alors que la douche reprend de plus belle... Les safety-cars prennent la piste. Il va falloir s'y habituer. Les deux heures à venir vont être hallucinantes. La piste est quasi impraticable et les neutralisations se succèdent à un rythme accéléré. Huit au total pour 2H15 sur les 6 que compte la course ! Plus d'un tiers derrière les voitures de la direction de course. Au plus fort de la pluie, on verra même Amanda Stretton frapper le mur... en pleine ligne droite, choc dont la Lola Chamberlain ne se remettra pas. Voilà qui prouve à quel point, c'était inconduisible. Dans un tel chaos, la Creation maintient son leadership. Mais vers 19 heures, on en vient à se demander à quoi sert de poursuivre un tel bal. La direction de course convoque d'ailleurs les team-managers pour décider de la suite à donner. Coup de chance, c'est aussi à cet instant précis que la pluie cesse pour de bon et qu'un timide rayon de soleil pointe son nez ! Décision est donc prise de laisser la course se poursuivre. Nul ne va le regretter...

La lutte en tête ne va désormais plus concerner que la R8 et la DBA4 sur une piste qui ne sèchera jamais complètement. L'Audi est derrière et McNish remonte, parfois comme un forcené, l'écart qui le sépare de la Creation. Pour une fois, celle-ci semble ne connaître aucun souci de fiabilité et en profite pour donner une formidable réplique. Mais ce sont deux nouvelles neutralisations qui permettent à l'écossais de recoller à Jamie Campbell-Walter. Pour la suite, je vous laisse relire mon compte-rendu de l'époque :

« Allan McNish est sur un fil. Depuis le début de son double relais, il comble progressivement mais avec régularité et brio son retard de presque un tour sur Jamie Campbell Walter. L'écossais ramarre l'anglais au cours du 132ème tour. A l'entrée de Stowe, Allan plonge à la corde et Jamie doit s'incliner. L'Audi Oreca prend l'avantage sur la DBA Creation Autosportif. Mais Jamie n'abdique pas. Depuis plusieurs tours, lui aussi, a pris la mesure de cette piste piégeuse à souhait et malgré des problèmes de paddle-shift qui l'obligent à utiliser le changement de vitesses manuel à l'ancienne, il améliore régulièrement ses chronos et ceux de sa voiture.

Il reste une demie-heure de course et les deux voitures doivent encore ravitailler une dernière fois. Jamie s'engouffre le premier dans la voie des stands. Il a 6 secondes de retard sur l'Audi. Il reste au volant et repart le couteau entre les dents. Lors du 140ème tour, c'est au tour de Allan de s'arrêter. Mais l'Ecossais doit délaisser le volant de son Audi sous peine d'excéder la durée maxi de pilotage autorisée. Stéphane Ortelli, qui jusqu'ici n'a malheureusement guère pu réellement piloter tant le safety-car a perturbé ses relais, repart pour les 20 dernières minutes de course... A la fin de son tour de lancement, Jamie compte toujours ses 6 secondes de retard. Les deux équipes n'ont rien lâché dans les stands. Tout va se jouer sur la piste.

A coups de secondes...

Stéphane doit s'habituer à celle-ci. Jamie la connait. Il rattrape à grandes enjambées le monégasque. D'autant plus aisément que Stéphane est freiné par le trafic. En trois tours, Jamie est dans les roues. Le spectacle nocturne est superbe. A deux reprises, il est tout proche de Stéphane juste devant les stands. Mais il ne parvient toutefois pas à se porter à la hauteur de l'Audi. Dans le 148ème tour, les deux hommes se surpassent. Jamie améliore de plus de deux secondes le meilleur chrono de la DBA réalisant un superbe 1'54"184. Stéphane, quant à lui, fait mieux encore. Il porte le nouveau record du tour en course à 1'53"936. Il fait mieux encore au tour suivant : 1'53"635 ! Cette fois-ci, Jamie semble marquer le pas. Il roule toujours vite, mais ne peut plus suivre le rythme de Stéphane. La dernière surprise de cette course viendra du directeur de course, Daniel Poissenot, qui abaisse le drapeau à 21H58 et quelques secondes alors que les écrans de contrôle annonçaient l'arrêt à 22H00. Même Hugues de Chaunac et David Floury sur le muret des stands semblent avoir un instant d'hésitation. Mais l'émotion les submerge vite et Allan McNish laisse exploser sa joie. Oreca a pris sa revanche sur les mauvais sorts spadois et manceaux ! »

L'écart final entre les deux autos est de 6 secondes. Avec les neutralisations, elles n'ont pu couvrir que 776 km sur les 1000 prévus. Elles laissent malgré tout le reste du peloton loin derrière. La voiture classée troisième, la Dallara Rollcentre de Ickx-Barbosa est distancée de 7 tours ! En LMP2, l'équipe de Paul Belmondo signe sa deuxième victoire consécutive tandis que les deux Ferrari 550 Maranello des teams Menx et Convers dominent, dans cet ordre, le GT1.

Cette course reste inoubliable non seulement pour la formidable baston de fin de course, mais également pour le déluge qui s'est abattu à plusieurs reprises sur le circuit, pour le balais des safety-cars ou les nombreux incidents de course qui l'ont émaillées. A titre personnel, la journée du lundi reste aussi un drôle de souvenir. Une panne de réveil m'a forcé à tester les limites de notre Renault Modus de location. Sur le Motorway en direction de Lutton, nous étions à fond absolu (115 mph compteur). Tout ça pour tomber sur une aérogare bondée en raison des grèves affectant celle de Gatwick. (Et oui, il n'y a pas qu'en France...) Du coup, bien qu'arrivés en temps et en heure, nous ne pûmes prendre l'avion prévu, tant les files d'attente étaient longues, et nous dûmes attendre 8 heures de plus. 8 heures émaillées par une évacuation totale de l'aérogare pour cause d'alerte à la bombe. Heureusement, il ne pleuvait plus... La réouverture entraîna une nouvelle et gigantesque pagaille et je faillis de nouveau louper l'enregistrement ! Inoubliable ce week-end anglais, je vous disais...

Laurent Chauveau

Pour les résultats de la course, je vous laisse consulter le site de mon compagnon de galère ce jour-là, un certain « Petit Homme Vert » alias Thomas Brière...