24 Heures du Mans 2009 LM P1 : La Peugeot 908, digne fille de la 905... Imprimer
Mercredi, 17 Juin 2009 23:26

th_LM2009_Peugeot_9C’est fou le nombre de points communs entre ces 24 Heures du Mans 2009 et celles des deux années précédentes. Le troisième match Audi-Peugeot a emprunté les éléments de scenarii déjà connus pour fabriquer le sien. Mais avec un changement notoire toutefois : le gris argenté a fait place au bleu !

Nous attendions beaucoup de cette course. Sebring nous avait mis en appétit avec deux adversaires de force tellement égale, qu’ils avaient passé toute la course ou presque, roues dans roues. Mais tous les ingénieurs et pilotes le disent régulièrement : Le Mans est unique. La 77ème édition s’est chargée de le prouver une fois de plus…

Audi s’était habitué à faire triompher ses nouvelles autos dès leur première participation au Mans. La R15 victorieuse de sa toute première course à Sebring, laissait donc à penser qu’elle allait pouvoir en faire de même. Mais l’une des grosses différences entre Le Mans 2000 pour la R8, Le Mans 2006 pour la R10 et Le Mans 2009 pour la R15, c’est le niveau de la concurrence…

Le Team Peugeot Total a fini par faire revivre une vieille maxime mancelle qui voulait qu’une auto ait besoin de trois ans au Mans pour s’imposer. Ford l’avait appris à ses dépens face à Ferrari. Jaguar avait encaissé deux cinglantes défaites face aux Porsche 962 avant de pouvoir les battre. Peugeot aura donc eu besoin de 72 heures au Mans avant de vaincre Audi…

Nous attendions beaucoup de cette course, c'est vrai. Mais elle ne nous a probablement pas donné exactement ce que nous attendions. Des faits de course invraisemblables, oui. Un vrai duel à couteaux tirés, non. Trop neuve, la R15 a failli. Et il n’a pas fallu longtemps pour le comprendre.

Les 908 dominent...

La conférence de presse d’Audi d’avant-course et les propos des pilotes nous avaient déjà alertés. Le warm-up ne fit qu’en remettre une couche. L’Audi R15 n’était pas encore à l’aise sur la piste mancelle. Tom Kristensen alla traverser le bac à graviers du Dunlop avec la n°1 et les deux autres R15 semblaient très vives dans leur comportement. Une fois le départ donné, la relative facilité avec laquelle les Peugeot 908 se sont débarrassées des allemandes fut surprenante. En 4 tours, Montagny avait déjà creusé un écart de 13 secondes sur McNish. Soit exactement le même écart que l’an passé face aux R10 ! Premier des points communs dont nous vous parlions. Voir les trois 908 officielles en tête de la course nous replongeait également un an en arrière. Deuxième point commun… Pas le moins étonnant !

Le clan Audi connaissait un début de course éminemment difficile. En effet, lors de son troisième passage à Indianapolis, Alexandre Prémat, victime d’une soudaine déconnexion de la direction assistée, perdait le contrôle de sa voiture et allait s’échouer dans le bac à graviers. Heureusement, il ne touchait que légèrement les pneus mais le temps d’être extrait de sa fâcheuse position par les commissaires, puis de repasser par son stand et deux tours étaient perdus.

...mais Peugeot se tire une balle dans le pied !

Le Team Peugeot Total se retrouvait donc véritablement en position de force d’autant que la 908 HDi FAP confiée au team Pescarolo se maintenait à la cinquième place, capable, elle aussi, de rouler sur un rythme plus élevé que les allemandes. Mais un incroyable incident venait immédiatement affaiblir le clan français. Lors de la première salve de ravitaillements, la Peugeot n°17 qui rentrait aux stands venait percuter la n°7 qui en repartait ! Si l’on rentrait immédiatement Boullion dans son stand afin de réparer la lame avant endommagée, Pedro poursuivait sa route. Mais à peine arrivé au Dunlop, de la fumée commençait déjà à se dégager de sa roue arrière gauche. Dans les Hunaudières, le pneu éclatait et dévastait le capot arrière larguant un nombre incroyable de débris sur la piste ! Le portugais devait cette fois rentrer extrêmement lentement aux stands… Aux 9 minutes nécessaires pour boucler son tour s’ajoutaient les 24 que duraient les réparations : FAP, turbo, radiateur d’huile demi-train arrière, fond plat et carrosserie… Un désastre pour Peugeot même si la n°17 n’avait finalement perdu qu’un peu plus d’un tour dans l’affaire. La n°7 repartait 51ème… Une œuvre d’autodestruction dans les stands que Henri Pescarolo imputait à la présence d’un nombre trop important de journalistes dans les stands Peugeot. Ils auraient ainsi caché la vue du responsable de la voiture ayant renvoyé Pedro en piste ainsi que celle de Jean-Christophe. Possible, effectivement. Mais il y a eu là une erreur tout de même que le speaker officiel présent sur place, Vincent Cerutti, avait même anticipé au micro en voyant la n°17 rentrer… Si défaite il avait du y avoir quelques 23 heures plus tard, la presse aurait de nouveau trouvé là du gros grain à moudre !

La neutralisation de course provoquée par la nécessité de nettoyer la piste des débris de la n°7 apportait également une nouvelle surprise. La 908 n°9 marquait un second arrêt en trois tours, décalant simplement sa stratégie : Wurz cédait le volant à Gené. Mais voilà qu’il ne restait plus qu’une seule 908 à devancer les deux Audi n°1 et 2 ainsi que les deux Lola Aston Martin n°007 et 008 ! Quelle inversion de tendance et quels coups de théâtre…

Toutefois la vitesse sur un tour des 908 allait bientôt permettre de retrouver une hiérarchie plus confortable. Marc Gené commençait par se défaire des deux Lola Aston Martin puis remontait sur les Audi. La seconde salve de ravitaillements lui permettait de doubler la n°1 dont on avait changé le capot avant. Puis il parvenait à doubler Rockenfeller peu avant la fin de la deuxième heure. Peugeot reprenait un peu plus le contrôle de la course…

Au même moment, Oreca encaissait également un premier coup dur. Stéphane Ortelli, élargissant un peu trop sa trajectoire à l’entrée du Tertre Rouge, perdait le contrôle de la voiture et allait taper les pneus. Les dégâts n’étaient pas trop importants puisque la n°10 ne passait que 7 minutes aux stands. Auxquelles s’ajoutaient toutefois celles perdues sur la piste…

Entre Peugeot et Audi, le duel allait ainsi se stabiliser un peu durant quelques heures. Le team Joest tentant de redonner aux pilotes des R15 un peu moins rétives à piloter, notamment en changeant également le capot avant de la n°2 après 4 heures de course. Mais Peugeot connaissait un nouveau revers lorsque la n°8, toujours en tête de l’épreuve, rentrait dans son box à 20H46. Voilà qui nous rappelait de nouveau une situation vécue l’an passé avec la même voiture. Cette fois, c’était un problème avec les pions centreurs de la roue arrière gauche qu’il fallait résoudre en changeant le demi-train. L’opération était rondement menée en moins de dix minutes mais d’un tour d’avance, la n°8 se retrouvait avec presque deux boucles de retard… La n°9 de Génà-Wurz-Brabham prenant le relais en tête. Et ce de manière définitive ! Même si on ne le savait pas encore…

Chauds les pilotes Aston !

Le clan Aston Martin Racing se maintenait juste derrière ces deux belligérants avec deux de ses Lola, mais la troisième, la n°009 avait déjà perdu toutes ses chances après un changement d’alternateur l’ayant clouée 20 minutes aux stands. Alors qu’a-t-il bien pu se passer dans la tête de Stuart Hall pour qu’il « vire » ainsi la Radical de Tim Greaves ? A l’abord de la première chicane Ford, il venait se rabattre sans ménagement sur la LMP2 qui, violemment déséquilibrée, allait se désintégrer contre le mur en béton. Certains commissaires ont eu de la chance, voyant les débris leur passer très près… Stuart était-il trop focalisé sur la présence derrière lui d’une Audi ? C’est probable. On voit très bien sur les images qu’il cherche à empêcher le pilote Audi de passer ce qui est incompréhensible étant donné le classement de son auto à ce moment là de la course. Absorbé par sa manœuvre, Stuart a dû complètement omettre la présence de la Radical à ses côtés. Il est légèrement devant elle sans l’avoir complètement doublée toutefois, il ne peut peut-être plus la voir. C’est une explication possible mais pas une excuse. Aucun Stop&Go n’est venu stopper la marche en avant de l’Aston ce qui est troublant. Par contre, Stuart a été exclu de la suite de l’épreuve, le pilote anglais admettant son erreur tout en trouvant cette décision sévère. Est-ce la fatigue de devoir finir l’épreuve à deux qui provoqua la sortie de piste d’Harold Primat peu avant 10 heures du matin le dimanche ? Toujours est-il que ce violent contact avec les pneus du virage Porsche mit une fin définitive à la prestation de la n°009.

Comme cela avait déjà été le cas, quelques heures plus tôt, avec l’Audi R15 n°2 ! Car il était vraiment écrit que ce samedi soir serait fou. Peu avant 22 heures, alors que la lumière déclinait, les images nous montraient une Audi encastrée dans les pneumatiques. Rapidement, il s’avérait qu’il s’agissait de la n°2, extrêmement endommagée. Les images de caméra embarquée montraient une voiture devenue soudain incontrôlable, l’arrière semblant se balader. Lucas Luhr finissait par partir en tête à queue à très haute vitesse, pulvérisant l’arrière de sa R15. La roue arrière gauche se retrouvait à 90° par rapport à sa position normale ! Même si la roue arrière gauche semblait offrir encore un peu de motricité, c’en était fini pour cette auto et Audi n’avait plus que la n°1 à sa disposition pour contrer Peugeot ! Bob Chapman, présent sur place, nous offre ci-contre, trois clichés de cette scène. Merci à lui…

A 22 heures pile, un pilote Aston Martin Racing commettait une nouvelle faute énorme. Cette fois-ci, c’était au tour de Darren Turner de « virer » Patrice Goueslard et sa Corvette. Incroyable ! La C6.R restait sur le carreau au Tertre Rouge tandis que Turner devait repasser par son stand. Quelques heures plus tard, la n°008 subissait un Stop & Go de 4 minutes pour cette manœuvre. Sanction méritée.

Décidément, les deux grands de cette course n’étaient pas épargnés. A bord de la Peugeot 908 n°8, Sébastien Bourdais entreprenait de refaire le terrain perdu dans le changement de demi-train. Hélas à 23H16, il percutait la Porsche IMSA n°76 à Mulsanne. Il devait donc s’arrêter afin de changer le capot avant. Les ancrages ayant bougé, le changement bénin a priori, prenait près de 4 minutes ! Ce nouvel incident de parcours allait avoir un impact considérable sur la course de la voiture la plus rapide du plateau. Tout comme la sortie de piste de Bruno Senna dans la Nouvelle Portion mettait un terme aux espoirs d’Oreca avec la n°10. 35 nouvelles minutes s’envolaient. Vers 6 heures du matin, un accrochage de Stéphane Ortelli avec une GT2 mettait un terme définitif à la course de la n°10. Par contre, la n°11 poursuivait son long duel avec la Pescarolo n°16 pour la première place des privés. Un duel qui allait choisir son camp à 8H30. Un changement des disques de freins AV stoppait la voiture d’Henri durant 11 minutes.

Malgré leurs problèmes, Sarrazin, Montagny et Bourdais finissaient par doubler l’Audi n°1 peu après la mi-course. Avec deux voitures en tête de la course, Olivier Quesnel décidait très rapidement de figer les positions entre la 9 et la 8 afin d’éviter les duels fratricides. Il faut dire que la seule R15 encore en course pour la victoire, commençait à souffrir de petites surchauffes moteur. Les radiateurs s’encrassaient rendant indispensables de fréquents passages par le box pour un nettoyage. Voilà qui ressemblait encore aux courses de 2007 et 2008 mais c’était alors Peugeot qui était concerné…

La 17 Out !

Un peu plus tard, Pescarolo Sport allait alors connaître une grande frayeur… A 4H03, les safety-cars prenaient de nouveau possession de la piste. La Peugeot n°17 de Benoit Tréluyer, qui se maintenait toujours à une superbe quatrième place, venait de s’envoler et de s’échouer dans les rails à l’entrée du Tertre Rouge. Claude Foubert vous a déjà longuement informé de cet effrayant incident duquel Benoît est fort heureusement sorti indemne. Peugeot, comme Audi, se retrouvait donc avec une voiture détruite…

Quant aux Audi R10 du team Kolles, après avoir réalisé une course régulière les amenant aux 6 et 7ème rangs à la 11ème heure et même la 5ème pour la n°14 à 6H du matin, elles allaient être victimes d’ennuis inhabituels. Sur la n°14, on devait procéder au changement de la boite de vitesses ce qui faisait perdre 13 minutes et trois places. Quant à la n°15, après de nombreux passages hors-piste de Mondini, c’est Bakkerud qui quittait soudainement sa ligne alors que l’on roulait derrière les safety-cars ! Le pilote impuissant percutait le rail par l’avant… La n°15 y perdait trois places également. Les R10 n’apportaient donc aucune aide aux R15, ce dont on se doutait avant la course.

Dès lors, le duel des diesels était en quelque sorte terminé. L’Audi n°1 se maintenait pourtant longtemps à moins de deux tours de la meilleure des deux 908 mais les pilotes Peugeot contrôlaient l’adversaire à distance. Sans qu’ils n’aient besoin pour autant, comme à l’accoutumée, d’aller taquiner le chrono à l’heure ou blanchit la campagne… Par contre, Nicolas Minassian, poursuivant la longue remontée au classement de la n°7, s’en donnait à cœur joie ! Et après plusieurs améliorations, à 8H06 du matin, il s’appropriait définitivement le record du tour en 3’24"352…

Les derniers espoirs s'envolent...

A 210 minutes de l’arrivée, on rentrait l’Audi de McNish directement dans le box. Cette fois-ci, il fallait changer la suspension à l’ARD. L’opération était menée en 13 minutes et la course tendait désormais les bras à Peugeot.

Le dernier anicroche dans le clan des LMP1 concernait les Lola Aston Martin. La n°008 déjà longuement arrêtée à son stand au petit matin pour une réparation à la boite de vitesses, devait récidiver cette opération à 13H39. Neuf minutes auparavant, la n°13 du Speedy Racing/Team Sebah dont la course avait été particulièrement régulière jusque là, était rentrée dans son box pour réparer… la boite de vitesses également ! Elle ne repartira que pour se joindre à la fête du dernier tour de course. Heureusement, la n°007 de Charouz-Enge-Mücke concluait sa course quasi claire à une très belle quatrième place. Seuls des appoints réguliers en liquide de refroidissement ainsi qu’une crevaison, l’ayant retardée.

Nous n’avons pas parlé des Ginetta-Zytek, ni de la Creation. Car ces voitures ont en fait réalisé des courses assez anonymes. La 09S du team LNT abandonna peu après la mi-course sur un début d’incendie en n’ayant jamais été dans le coup. Celle du team Strakka fit deux premières heures honorables mais la suite fut émaillée de trop nombreux incidents. Quant à la Creation, la liste de ses arrêts aux stands est longue comme un jour sans pain… Ces deux voitures finissent tout de même aux 21ème et 24ème rangs.

Par contre, la Courage-Oreca LC70E du team Signature Plus décroche une très belle 11ème place étant donné le niveau du plateau 2009. Seuls des appoints d'huile réguliers, une petite sortie de Pierre Ragues ainsi qu'un changement de transmission rondement mené en 18 minutes, ralentirent un peu le rythme de l'auto... Pour une première au Mans, c'est un très beau résultat.

Dans le dernier quart d’heure, les trois Peugeot 908 reformèrent l’escadrille pour une belle parade. Si l'intention était louable, peut-être aurait-il mieux valu opérer ce regroupement dans les stands car, pour attendre la n°9, la n°8 était véritablement au grand ralenti entre Mulsanne et Indianapolis ce qui présente toujours un danger... Ralentissant également, la n°7 abandonnait ainsi la bataille pour la 5ème place contre l’Oreca n°11. Mais l’essentiel était ailleurs. La firme française pouvait enfin goûter aux joies de la victoire. Les deux 908 n°9 et 8 s’octroyant les deux premières places…

 

La 908 peut le refaire...

Peugeot Sport a donc triomphé d’Audi. L’exploit doit être salué à sa juste mesure. Comme doit l’être la décision, il y a trois ans, de venir défier le constructeur allemand en endurance. Etant donné l’expérience colossale que s’était donnée les hommes du Dr Ullrich, il fallait oser. Le chemin vers la consécration a été long et douloureux. Il a fallu aux hommes de Vélizy encaisser bien des railleries. Pas toujours placées à bon escient. La victoire de 2009 doit être un baume aux vertus incroyablement bienfaisantes… Certains regretteront la décision d'Olivier Quesnel de figer les positions. Nous ne ferons sûrement pas ce procès là. Calmer le jeu était son devoir...

Frédéric Saint-Geours disait vouloir jouer la gagne au Mans dès la deuxième saison de la 908. Mais la course mancelle a imposé une année de patience supplémentaire. Le temps de réapprendre toutes les contraintes spécifiques de ce circuit, de gommer tous les petits soucis de fiabilité (ou presque ! ) de la 908, d’en faciliter la maintenance et d’apporter à l’équipe, le recul nécessaire pour aborder la course sereinement. Audi en ces années 2000 n’a rien à voir avec le Toyota des années 1990. La victoire de la 908 fut donc plus longue à se dessiner que celles de la 905. Le bonheur de la cueillir doit en être encore plus intense. D’autant que quelques points d’incertitude demeuraient. Mais la fameuse climatisation, par exemple, n’a pas failli… D'ailleurs comme l'histoire récente de la course en a désormais pris l'habitude, c'est la voiture qui n'a connu aucun pépin qui a gagné. Alexander Wurz l'a bien dit en conférence de presse : "Nous n'avons pas mis une roue dehors ou connu un incident et c'est ce qui a fait la différence..." Tous les pilotes en étaient conscients avant le départ de la course mais seuls Marc Gené, David Brabham et Alexander y sont parvenus. Bravo !

A l’issue de cette course, on peut se laisser aller à penser que la 908 HDi FAP n’a pas encore tout dit. Malgré l’arrivée d’une rivale bien plus jeune qu’elle, elle est restée, nettement, la plus rapide en piste cette année, que ce soit aux essais ou en course. Avec une douze mois de développement supplémentaires, le niveau de fiabilité devrait approcher la perfection. L’équipe, quant à elle, rassérénée par ce premier succès effacera les derniers petits soucis connus cette année. Une seconde victoire de rang en 2009 n’apparaît donc pas utopique. Peugeot Sport se doit de remettre son titre en jeu. Comme Audi Sport l’a fait cette année.

La R15 sera redoutable !

Car on ne peut que louer l’attitude du constructeur allemand. Après les trois victoires consécutives de l’Audi R10, on pouvait presque se demander ou était l’intérêt du constructeur allemand de se risquer à affronter de nouveau Peugeot. Sous l’impulsion du Dr Ullrich, vrai passionné du Mans, c’est pourtant ce que l’on décida du côté d’Ingolstadt ! Qui plus est avec une nouvelle voiture, en totale rupture avec ses devancières. Là aussi, il fallait oser. Et c’est d’ailleurs probablement cette rupture avec le passé qui explique la défaite d’Audi.

L’équipe n’a pas su, exploiter au mieux sa R15 sur le tracé manceau. Et le Dr Ullrich de balayer l’argument du manque de roulage (dû à l’absence de la Journée Test cette année) d’un revers de la main : « Nous étions d’accord avec cette décision de l’ACO. Nous ne pouvons pas maintenant la regretter parce que nous avons été vaincus. » Il est pourtant vrai que la R15 était rétive, faute d’une connaissance suffisante de son comportement. Comme les 908 en 2007, son comportement s’est amélioré avec le niveau de grip de la piste. Mais aussi en optant pour des réglages pluie sur le sec ! Ce qui prouve à quel point la R15 peut progresser… Et devenir une concurrente redoutable en 2010 avec une année pleine de développement dans les jantes. Il faudra tout de même pour cela, retrouver un peu plus de vitesse de pointe. Peugeot domine encore de beaucoup Audi dans ce domaine…

Aston Martin Racing : des doutes

Que penser de la performance d’Aston Martin Racing et de ses Lola ? Le résultat brut est bon et doit satisfaire les hommes de David Richards. Bien que n’ayant pas autant roulé que les deux autres grands constructeurs,avant la course, la n°007 a réalisé une excellente course sans réel problème de fiabilité. Ce qui n’a pas manqué de surprendre. Toutefois, là ou l’on peut rester sceptique, c’est sur l’approche même de la course que David Richards a dictée à ses hommes. Imposer des critères de style pour définir la carrosserie d’une auto de course est une idée obsolète. Peugeot l’avait expérimenté à ses dépens avec la première 905 : l’évolution 1 bis n’avait plus laissé la moindre place aux stylistes. Matra en avait fait de même bien des années plus tôt avec la 620 qui se voulait rappeler la 550 de route. Seules la forme de la découpe des phares et des feux ou l’emplacement des stickers, peuvent, à la rigueur, être laissés à leurs bons soins. Le niveau de performance, notamment lors des qualifs, de la Lola Speedy/Sebah n°13 restée en config 2008, prouve que les évolutions apportées à la carrosserie des trois Gulf n’étaient sûrement pas aussi réussies qu’on pouvait le souhaiter chez Prodrive. De plus, vouloir faire sonner le V12 de manière particulière (et fort agréable, nous en convenons tous) n’est pas forcément signe de recherche de la performance maxi. Est-ce en pensant que la victoire s'échapperait de toutes façons, étant donnée la puissance des moteurs diesels, que ces décisions ont été prises ? Possible. Il fallait célébrer le 50ème anniversaire de la victoire de 1959 d’une manière ou d’une autre. S’attirer la sympathie de la foule n’est pas la pire… Reverrons-nous les belles anglaises l’an prochain ? C’est le grand sujet. Avec les projets de F1 de Prodrive, rien n’est moins sûr. Pourtant, nous souhaitons une deuxième tentative d’Aston. Sans rien concéder à l’efficacité cette fois.

Pescarolo Sport et Oreca ont mené une course solide avec leurs nouvelles LMP1 respectives. Deux voitures étudiées dans le moindre détail, elles, sans rien concéder au « look » et qui, pourtant, n’ont pas pu lutter avec les Lola Aston. Preuve flagrante à notre goût, qu’il y a là, un loup dans le règlement pour ce qui concerne l’équivalence entre moteurs nés pour la course et ceux issus de la série. Oreca a battu Pescarolo Sport dans ce duel interne entre les deux teams français. Une petite revanche sur 2008 mais les deux équipes sont d’un niveau de compétences égales et on peut réellement se demander ce qu’attendent certains grands constructeurs pour s’offrir leurs services. Ce ne serait que justice.

Equivalences : aïe, aïe, aïe...

Reste, comme chaque année, à parler de la fameuse équivalence essence-diesel. L’ACO l’avait pourtant sérieusement modifiée cette année avec un baisse supposée des puissances de l’ordre de 10% pour les moteurs fonctionnant au gazole. Hélas, la pratique a infirmé la théorie. Peugeot et Audi ont su suffisamment faire évoluer leurs mécaniques pour retrouver une puissance équivalente, voire supérieure à celle de l’an passé. Preuve que les moyens des usines sont vraiment colossaux. Mais aussi que la technologie diesel, encore toute neuve en compétition, progresse à pas de géants. Quand celle de l’essence, évolue beaucoup plus doucement désormais.

Il ne reste plus qu’une seule année à vivre avec les moteurs LMP1 actuels. Il n’y a donc quasiment aucun risque, en modifiant grandement l’équivalence pour cette unique saison, de voir un constructeur fortuné, débarquer avec un tout nouveau moteur essence afin de disputer une seule saison. L’investissement n’aurait quasiment aucun sens. Il apparaît donc possible pour 2010 de permettre aux essences de se rapprocher grandement des diesels sans prendre le risque de voir un nouveau larron rusé, tirer les marrons du feu. Cela est souhaitable sur le plan sportif mais également sur le plan économique pour les teams concernés. Mais cela ne concerne que le court terme. A partir de 2011, il faudra également s’assurer que cela est toujours le cas avec les nouveaux moteurs. Tout en tenant compte de l’arrivée probable de technologies hybrides qui ne feront que compliquer la donne. Certains pensent déjà à reproduire une formule à la consommation telle qu’on l’a connue dans les années 80. Pourtant, cette formule avait également des lacunes. Une formule tenant compte de l’énergie mise à disposition d’une voiture, sous quelque forme que ce soit ? Serait-ce vraiment gérable avec des autos dont certaines seulement, disposeraient de systèmes de récupération de l’énergie cinétique ? Une chose est sûre, le législateur va au devant de casse-têtes difficiles à résoudre. Et qui pourtant, ne devront plus souffrir la moindre contestation...

Pour en revenir à cette édition 2009, avez-vous remarqué qu'il s’est passé deux trucs dingues ce week-end ? Tout d’abord, pour la première fois depuis 1999, ce n’est pas une voiture du groupe Volkswagen qui a gagné… Voilà qui nous change ! Enfin, contrairement à Porsche défait par Ford à l’époque, Peugeot a su faire triompher sa 908 au Mans… Chapeau !

Laurent Chauveau