24 Heures du Mans 2008 LM P1 : Audi maîtrise Peugeot... Imprimer Envoyer
Jeudi, 19 Juin 2008 23:19

th_LM2008_Audi_2Nous voulions un affrontement royal, nous l’avons eu. Une bagarre de tous les instants ne laissant aucun répit aux deux opposants. Deux concurrents utilisant des armes bien différentes mais à la valeur globale finalement très proche, comme le prouve l’écart entre les deux voitures de tête avant le retour de la pluie à la fin de la 23ème heure : 1’59"… La dernière heure nous a offert un scénario complètement fou avec un jeu de poker côté Peugeot qui s’est avéré perdant. Mais ce n’est certainement pas sur cette seule dernière heure que les 908, leurs pilotes et leurs mécaniciens perdent la course, certainement pas. Il fallait tenter un coup pour reprendre ces 120 secondes.

Or 120 secondes, c’est ce que Minassian-Gene-Villeneuve avait repris à Capello-Kristensen-McNish au cours des trois précédentes heures. Le match était donc déjà perdu. Ce n’est pas en copiant Audi au niveau stratégie que l’on pouvait parvenir à regagner le terrain perdu. Il fallait tenter un truc. La décision de conserver les slicks alors que le déluge s’abattait sur les stands pouvait paraître folle. Nicolas Minassian a connu des moments probablement très délicats dans sa 908 HDi FAP. Son 360° au freinage du Dunlop incroyablement maîtrisé le prouve. Tom Kristensen dans sa R10 TDI, quant à lui, était un peu plus à l’ai

se avec ses slicks retaillés. Mais les deux tiers du circuit étaient encore complètement secs et le choix de Peugeot Sport, certainement précipité par l’incroyable coup de malchance de voir la Radical s’arrêter en même temps que la 908, était légitime. (La Radical était la voisine de stand de la 908 n°7 et son arrêt simultané perturba grandement la manœuvre d’approche du stand de Minassian lors de cet antépénultième arrêt).

Nico eut besoin de trois tours pour s’habituer et la pluie cessant, il parvint à reprendre un peu de temps à Kristensen qui assurait. Mais l’écart était remonté à 2’30"… Dès lors, le staff Peugeot Sport a de nouveau tenté un pari fou en mettant des pneus pluies à Nico alors que la piste séchait. Un pari tenté en fonction de prévisions météo annonçant une nouvelle averse… Une averse qui ne vint pas ! Détruisant ses pneus sur cette piste sèche à vitesse Grand V, Nico devait conduire une voiture extrêmement rétive ! Il repassa une énième fois par les stands pour changer les gommes. Il restait 15 minutes de course. La victoire venait de choisir défintivement son camp, celui d’Audi !

Peugeot perd... sur le sec !

Mais ce n’est pas dans cette dernière heure que les 908 perdirent la course. Ni peut-être sous la pluie mancelle même si ce fut son arrivée à 4H15 du matin qui fit basculer le match. Non, ce fut plus certainement sur le sec que les 908 ont perdu. Ou plutôt, ce fut sur le sec qu’elles ne surent pas construire l’avance qui leur était nécessaire. Le Team Peugeot Total disposait de trois avions de châsse avec ces 908. Capables de performances incroyables comme le prouve l’impensable chrono de 3’19"394 signé en course par Stéphane Sarrazin, l’indiscutable sprinter de l’équipe. Finalement, si Audi n’avait pas vraiment cherché le chrono lors des essais, Peugeot n’avait guère bluffé non plus… Mais alors comment est-il possible qu’à mi-course, la seule 908 épargnée par les problèmes, la n°7, ne possédât que 3 minutes d’avance sur l’Audi n°2 ? Plus rapide d’environ trois secondes au tour, la Peugeot aurait dû se construire une avance de deux tours environ… Or elle ne sut pas capitaliser sur ce point fort.

En fait, on le sait, au Mans, tout se joue aux stands. Et l’adage fut une fois de plus vérifié… On s’en doutait mais le début de course le confirma très vite. Les Audi réussirent à rester 12 tours d’affilée en piste tandis que les Peugeot ne tenaient que 11 boucles avant de réclamer leur 81 litres de gazole… Dès le quart de l’épreuve, les Audi avaient économisé un passage par les stands face aux Peugeot ! Mais non contentes d’y passer plus souvent, les 908 restèrent également plus longtemps aux stands lors de chaque ravitaillement. Sur la base du chronométrage officiel, nous avons effectué une comparaison pour les trois voitures sur les 13 premières heures de course, les 13 heures sèches… En excluant tous les arrêts anormaux marqués par des interventions extra gazole et/ou pneus, on constate que les trois 908 marquaient des arrêts plus longs de 10 secondes en moyenne que les Audi. Etant donné qu’elles étaient quasiment aussi rapides lors des simples refuelling, on constate donc que c’est lors des changements de pneumatiques que l’on perdait une petite vingtaine de secondes. Ce qui est énorme… A la mi-course, la Peugeot n°7 comptait trois minutes d’avance sur l’Audi n°2. Etant donné son rythme en piste, elle eut pu en compter le double. Une heure plus tard, soit juste avant que la pluie n’intervienne, elle comptait… 4 secondes de retard ! La faute au nettoyage des radiateurs qui coûta près de 3 minutes. Au total, la 908 n°7 a perdu 293 secondes dans les boxes par rapport à la R10 n°2 soit près de 5 minutes ou un tour et demi. Et ce sans même tenir compte de la perte due à la nécessaire remise en vitesse à la sortie des stands… Toute l’avance acquise sur le sec était réduite à néant… D’autant plus rageant que le problème d’encrassement des radiateurs a pourtant fortement mobilisé l’équipe au cours de l’hiver. Un gros travail d’amélioration avait été mené. Il n’a pas suffi. Etonnant problème de surchauffe en une année ou la température était loin d’être caniculaire.

Dans le clan Peugeot Sport, on le savait avant la course et on en avait pris son parti : Les 908 passeraient plus de temps aux stands que les R10. Mais s’attendait-on vraiment à perdre autant de l’avance patiemment construite sur la piste ? Voilà assurément l’un des points majeurs sur lesquels l’équipe technique devra travailler pour 2009. Diminuer la consommation et les temps d’immobilisation : 31 minutes pour l’Audi victorieuse, 41 pour la Peugeot classée deuxième soit 10 minutes de déficit. L’écart final est de 4’31". Faites le calcul…

Mais si Peugeot a peut-être perdu sur le sec, il est également évident que la pluie révéla un problème sur la 908. Dès que la piste s’humidifia, la tendance chronométrique s’inversa très vite et dès 5H18 du matin, l’Audi n°2 s’installa définitivement en tête ! De plus, les 908 se mirent alors à « bouffer » du pneu. Tandis que les n°2 et n°1 enquillaient des double-relais avec les mêmes pneus pluie (ce ne fut pas le cas de la n°3), les 908 peinaient à les imiter. Les pneus ne tenaient généralement qu’un seul relais. Gene tenta le coup vers 7H46 du matin mais il abrégea son relais pour donner le volant à Minassian chaussé de pneus neufs… Bref, la pluie mit en exergue une inadéquation au sein du binôme voiture-pneus dans le clan français et les pilotes ne l’ont pas caché. Avec les deux éditions 2007 et 2008, les ingénieurs ont maintenant un panel assez complet de datas sur les conditions de piste que l’on peut rencontrer au Mans. L’on sait aussi qu’une course de 24 Heures ne peut pas toujours se dérouler sur une piste intégralement sèche surtout avec les foutus mois de juin que nous connaissons depuis quelques temps ! Il faudra donc, à l’image de l’Audi R10, rendre la 908 un peu plus polyvalente pour s’accomoder au mieux de toutes les situations rencontrées.

 

Des voies d'amélioration...

 

Pour gagner en 2009, il faudra aussi certainement en passer par une répétition générale en course pour l’équipe gérant la troisième voiture. La n°9 était en effet encadrée par l’équipe d’essais. Or ces hommes sont moins habitués au stress de la compétition que leurs collègues des n°7 et n°8. Nous l’avions dit lors de notre présentation de l’épreuve, cela pouvait se transformer en handicap. Cela fut vérifié en course avec des durées d’arrêt supérieurs de 2 secondes en moyenne. Ce n’est pas grand-chose, certes, mais face au team Joest, il ne faut absolument rien négliger… L’idée de disputer les 1000 km de Spa à trois pilotes par voiture était un plus. Mais il aurait fallu également y engager trois voitures pour être au plus proche de la réalité mancelle. Question de budget, de planning et de logistique probablement. Mais qui veut la fin doit se donner les moyens.

 

Dans le même ordre d’idée, il faudrait probablement entraîner les pilotes moins expérimentés aux contraintes de l’endurance en leur permettant de disputer d’autres épreuves similaires, nous pensons notamment à Sebring ou à Petit Le Mans. Certes, Christian Klien a bel et bien été poussé lors de son immobilisation sur le vibreur de la chicane Ford peu après 22H. Il n’est donc pas directement fautif. Mais le trafic du Mans, ça s’apprend et ça nécessite du temps. Et même si l’on ne peut pas forcément emmener trois 908 aux USA, il serait profitable pour le team de placer ses pilotes dans d’autres équipes pour capitaliser. Adrian Fernandez a bien fait Le Mans 2007 sur une Zytek pour apprendre en vue de l’engagement futur d’Acura… Il faudra peut-être également revoir la composition des équipages afin d’être plus homogène. Jacques Villeneuve ne fut pas toujours à la hauteur de ses coéquipiers, niveau chrono sur le sec ou sur la pluie. Ses débuts de relais ne furent pas toujours suffisamment percutants. Klien et Zonta souffrirent également un peu de la comparaison sur la n°9. Là encore, quelques répétitions supplémentaires sur des tracés plus courts ou le trafic est encore plus difficile à gérer auraient constitué un avantage. Mieux connaître la course de nuit également...

Il faudra également écarter la malchance. Car les problèmes de batterie et de sélecteur de vitesse connus sur la n°8 étaient inconnus au bataillon, jamais expérimentés auparavant ! Les problèmes d'encrassement des radiateurs avaient été résolus, du moins le croyait-on. Mais Le Mans reste Le Mans avec sa part d’imprévus, qu’il est impossible de reproduire ou de valider ailleurs… C’est d’autant plus rageant que la n°8 était la plus rapide des trois 908… Et que face à des Allan McNish, Dindo Capello et Tom Kristensen plus rageurs que jamais, il fallait la meilleure des 908. Ce ne fut pas le cas… Là encore, nous l’avions dit dans notre présentation, cette épreuve se présentait un peu comme le match Jaguar-Porsche de 1987. 4-0 pour Jag’ à l’époque avant Le Mans, 3-0 cette année pour Peugeot et pourtant, dans les deux cas, le challenger qui en était à sa deuxième participation, fut défait… L’expérience du Mans compte encore énormément, raison pour laquelle, il ne faut surtout pas tirer à boulets rouges sur l’équipe française. Il faut laisser le temps au temps surtout lorsque l’on affronte Audi. Et saluer la volonté de l’affronter tout de même tout en affichant haut et fort ses intentions au risque d’être vaincu. Certains y ont vu une attitude hautaine. On peut l’interpréter ainsi mais on peut aussi y voir une attitude conquérante que n’aurait pas renié un certain Jean-Luc Lagardère. Qui eut besoin de bien plus de deux saisons avant de s’imposer au Mans !

Audi et Tom, la preuve par 8...

Le bon Doktor Ullrich nous avait pourtant prévenu. Il donnait 49% de chance à Peugeot de s’imposer. Preuve qu’il plaçait encore ses chères R10 en position de favorites malgré le déficit de performance clairement entraperçu depuis le début de la saison. La course lui a donné raison et avouons-le, il est tout de même largement mérité pour ce constructeur fidèle au Mans depuis 1999, de s’imposer l’année ou il doit affronter la plus sévère réplique jamais connue en cette sablonneuse terre sarthoise, depuis qu’il vise clairement la victoire. Nombreux sont en effet ceux qui dévaluaient quelque peu les succès d’Audi acquis face à une opposition n’ayant pas les mêmes moyens que la firme allemande. Même le duel de 2007, déjà face à Peugeot était quelque peu biaisé puisque la 908 était encore toute jeune face à la R10. Cette année, il en était tout autre et c’est bien la R10 qui tirait la langue en vitesse pure face à son adversaire. Et pourtant, l’équipe Joest n’a commis aucune erreur dans sa gestion de la course. Un sans-faute partagé par les pilotes de la n°2. Seul Tom Kristensen fut harponné pas la Zytek Barazi n°32 en fin de course (preuve que l'expérience ne suffit pas toujours...) mais l’exceptionnelle capacité à encaisser les chocs de l’Audi R10 lui permit de repartir sans encombre. Il ne s’arrêta même pas aux stands pour un rapide check-up. Il attendit pour cela la fin de son relais…

Autre point fort, les trois pilotes poussèrent leur relais au maximum de leur durée. Il enquillèrent les quadruples relais ce qui, comme le fit remarquer Tom en conférence de presse, prouva qu’ils étaient tous très en forme… Si cela ne permet guère de gagner du temps lors du passage aux stands (le changement de pilote se fait en temps masqué sur la durée d’un ravitaillement avec changement de pneus) cela évite au moins le nécessaire petit temps de remise dans le rythme pour le pilote. Ils accompagnèrent cela d’un pilotage à la limite tout au long de l’épreuve sans pourtant jamais commettre la moindre erreur. La partition parfaite sans la moindre fausse note : bluffant ! D’autant que les conditions de course ne furent pas toujours faciles. La pluie ayant toujours eu tendance à ne couvrir qu’une partie du circuit. Chapeau bas messieurs…

Dame chance choisit toujours un camp...

Et puis il y a eu cette indémodable et incontournable alliée des vainqueurs : Dame réussite. Sans elle, aucune victoire n’est possible. Chez Peugeot, le sort voulut que la guigne accompagne la plus rapide des trois voitures. Chez Audi, ce fut justement celle-ci qu’il épargna… Si il avait choisi la n°1 au lieu de la n°2, il n’est pas sûr du tout que la victoire eut choisi le même camp… Là, il a permis au Dr Ullrich de ramener à Inglostadt et pour toujours, un second trophée 24 pour une troisième victoire d'affilée…

Et puis, lors de la première averse vers 4H15 du matin, la providence voulut que l’averse se déclencha alors que la n°2 arrivait en fin de relais et devait repasser par les stands. Pile au bon moment pour chausser les pluies sans tergiverser. Fait qui se renouvela lors de la dernière averse et mit la pression sur les épaules du clan Peugeot… Est-ce la réussite qui a choisi Audi ou Audi qui a su forcer le destin ? Difficile à dire mais ce qui est certain, c’est qu’il est quelque part rassérénant de voir le constructeur le plus expérimenté capitaliser sur sa fidélité. Peugeot a eu le courage de venir affronter un tel champion. Le champion a eu le fair-play de remettre son titre en jeu malgré un désavantage connu. C’est appréciable et cela donne à cette victoire une saveur toute particulière… Voilà qui permet aussi à Audi de se rapprocher à une unité de Ferrari dans la palmarès sarthois et de devancer désormais Jaguar. Tom Kristensen compte également désormais autant de succès sarthois que la firme qui l'emploie. Absolument phénoménal...

S’il est un tout petit bémol à apporter dans le clan Audi, il est du même ordre que ce que l’on peut reprocher à Peugeot. Tout d’abord, les pilotes de la n°1 ne sont plus tout à fait au même niveau que leurs coéquipiers aussi dur que cela puisse paraître pour des multiples vainqueurs du Mans. Rien de dramatique puisque le meilleur chrono de la n°1 est à une seconde de celui de la n°3, meilleure Audi. Mais c’est suffisant pour qu’à la régulière, elle resta longtemps la dernière des diesel. Et puis comme l’on pouvait s’y attendre au cours d’une telle bataille, il y eut de la perte au feu au niveau mécanique… Les n°1 et n°3 connurent des problèmes imposant de longs arrêts : embrayage pour la n°1 et changement de filtre à huile pour la n°3. Cela suffit pour être éjecté du podium… mais n’empêche pas de finir devant les LM P1 privées !

Et derrière les « gazole »... Pescarolo toujours et encore !

Henri Pescarolo aime à clamer que ce sont les journalistes qui ont inventé la catégorie « essence ». Certes, celle-ci n’existe pas vraiment dans les textes réglementaires mais sur la piste, force est de constater qu’il y a bien deux clans. Et force est aussi de constater que l’équipe d’Henri est toujours aussi impressionnante en Sarthe ! Pour la troisième année consécutive, Pescarolo Sport est le premier concurrent derrière les usines… Grâce à la numéro 17 qui s’offre une course quasi sans-faute hormis un arrêt de 8 minutes au début de la dernière heure à cause de ratés moteur (Ne vous fiez pas au relevé officiel qui annonce 1H31 d’arrêt alors que le total réel est plutôt proche des 47 minutes…). Harold Primat effectua un beau début de course en résistant longuement à Olivier Panis, belle référence… La voiture resta placée constamment aux avant-postes des privés mais cela ne suffit plus désomrais pour aller se placer sur le podium, loin de là. La surperbe perf de la n°17 console tout de même le team de l’abandon de sa sœur d’écurie peu après 6H30 du matin, le moteur Judd ayant lâché. Voilà qui n’est point habituel… et qui se produisit également peu après minuit sur la deuxième Lola Charouz, la n°12 elle aussi équipée du V10 anglais. Une voiture qui avait réalisé une course honnête jusque là malgré une sortie de piste de Klaus Graf.

Charouz, voilà un team dont on attendait beaucoup avec sa Lola fermée équipée du V12 Aston Martin. Le départ de Stefan Mücke fut brillant comme l’on pouvait s’y attendre mais les diesels ne tardèrent à se replacer aux 6 premières places laissant la belle anglo-tchèque aux prises avec les meilleures essence dont la Dome, les Pescarolo officielles et les Courage-Oreca. Hélas, Jan Charouz commit une faute dès le début de son premier relais au Dunlop, partant dans le bac à graviers, en marche arrière à une vitesse impressionnante. La voiture perdit presque une demie-heure pour s’extraire du bac, rentrer aux stands au ralenti tout en émiettant sa carrosserie sur les Hunaudières puis recevoir les nécessaires réparations aux stands. Hormis ce contre-temps puis un anodin changement de boîtier électronique au petit matin, la voiture fila bon train jusqu’aux damiers remontant de la 48ème place après l’incident jusqu’à la 9ème place finale, la 3ème des essences. Cette voiture appelle une suite de la part d’Aston Martin Racing, nous rêvons de la voir aux couleurs Gulf…

Charouz, Oreca, Dome, porteurs d'espoirs...

Elle fut devancée par la Courage n°5 du team Oreca qui effectua une fort belle course avec ses LC70E très fortement revues. Les deux voitures roulèrent groupées dans le même tour jusqu’à la 9ème heure, lors de l’accident subi par Marcel Fässler sur la n°6. Le pilote suisse percuta les pneus au virage du Pont à 180 km/h en marche arrière. Difficile d’être plus précis sur les circonstances de cet accident car il n’a pas été filmé et Marcel ne s’en souvient absolument pas. Il faut dire que l’impact le rendit inconscient. Evacué à l’hôpital, Marcel en est sorti indemne le dimanche soir mais sans souvenirs de sa course… Exactement au même instant, la n°5 revenait aux stands en proie à des problèmes de sélection de rapport de boite (récurrents chez Oreca depuis le début de saison). L’arrêt ne dura que 8 minutes mais la Pescarolo n°17 était passée… L’opération dût se renouveler peu après la mi-course puis ce fut le démarreur qui nécessita un changement au lever du jour (assez tardif du fait de la couverture nuageuse dense…). Plusieurs appoints d’huile moteur puis une purge de l’embrayage ralentirent encore l’auto mais au final, elle put conserver la deuxième place des privés, la 8ème au scratch. La performance est belle pour un team peu épargné par la malchance ces derniers temps. Voilà qui a dû mettre un peu de baume au cœur à Stéphane Ortelli et Nicolas Lapierre. La base de cette LC70E est bonne, il faudrait maintenant trouver un partenariat officiel avec un constructeur pour lui donner encore plus d’aisance…

L’incontestable bonne surprise de cette course vint de la Dome S102 Judd. Cette voiture est superbement née ! Rappelons qu’en raison de retard de livraison de la part de certains fournisseurs, elle n’avait effectué que quelques heures d’essais avant de débarquer en Sarthe ! Et pourtant, au tiers de la course, elle était toujours deuxième des essence… C’est alors que la voiture largua son huile sur la piste maculant de ce liquide visqueux le pare-brise d’Alexander Wurz… Une longue réparation débuta et la voiture ne repartit que plus d’une heure plus tard. La suite fut plus compliquée avec notamment d’autres soucis mécaniques multiples et deux sorties de piste dont la deuxième fut quasi fatale à 4H10 de l’arrivée. La S102 ne ressortit de son stand que dans les toutes dernières minutes pour avoir l’honneur d’être classée, lanterne rouge mais classée tout de même. Il va falloir maintenant bien développer ce proto à la ligne magnifique pour nous offrir des 24 Heures 2009 encore meilleures. Avec l’appui d’un constructeur nippon derrière ? Souhaitons-le…

Rollcentre conforte la bonne performance d’ensemble des Pescarolo mais comme nous l’avions prévu, ce fut plus dur que l’an passé étant donné la qualité du plateau. La voiture est même devancée par la meilleure LM P2 et termine 11ème au scratch, 10ème en P1.

Creation est semble-t-il définitivement fâché avec Le Mans ! La course de la voiture officielle au moteur AIM a été très compliquée, marquée par de nombreuses crevaisons ou sorties de piste qui l’ont très rapidement retardée. Elle finit à 65 tours des leaders, 24ème au scratch tout en étant loin en terme de performance, par rapport à ses concurrentes directes. Franche déception… D’autant que ce n’est pas la cousine « américaine » au moteur Judd qui va remettre du baume au cœur. La n°23 fut en effet victime d’une sortie de piste rédhibitoire de Brian Wilman… La Pescarolo des gentlemen drivers, la Saulnier Racing n°4 termine à la 26ème place après une course marquée par de nombreux problèmes techniques puis une sortie de piste imposant de grosses réparations. Les trois compères ont tout de même eu la joie de franchir la ligne d’arrivée. Grâce au soutien amical de SAS Le Prince Albert II de Monaco ? Jacques Nicollet se plait à y croire…

Invitées douteuses

Moins heureuse est la Courage Terramos à moteur Mugen. La belle rouge et or connaît en effet la disgrâce de finir non classée ce qui n’est jamais agréable. Mais en ayant passé près du tiers de la course aux stands, il n’y a là rien d’étonnant… Voilà une invitée qui avait fait grincer quelques dents et qui n’a guère justifié sa présence en terre mancelle par ses performances. Pire encore fut la performance de la Courage YGK dont le meilleur tour en 3’52" donne une idée du très faible potentiel. On se demande encore comment cette voiture a pu se retrouver dans le grand bain. Ou elle a pris le bouillon à la 18ème heure. Rideau.

Pour Epsilon Euskadi, la course fut également très compliquée mais au moins, en terme de performance pure, les voiture donnaient des satisfactions bien supérieures même si on est loin du niveau de la Dome. Il reste beaucoup de boulot aux techniciens basques qui eurent l’heureuse surprise de voir la seconde voiture admise par le collège des commissaires à la toute dernière minute. Les deux voitures abandonnent au trois quart de l’épreuve après avoir déjà passé chacune plus de 6 heures aux stands. Il faut maintenant faire de ces belles autos de vraies voitures d’endurance à la maintenance un peu plus aisée…

La Lola Chamberlain n°19 a connu elle aussi une course calvaire débutée par une crevaison. Puis Amanda Stretton connut une sortie de piste avant que les pépins techniques ne s’accumulent. Peu après minuit, la feuille d’abandon était signée, le moteur AER ayant décidé d’arrêter là…

Moins vite... Vite !

Et maintenant, quel avenir allons-nous dessiner ? Tout d’abord, une évidence, les meilleures voitures iront certainement moins vite l’an prochain. Autant pour diminuer un peu les risques d’envol latéraux vus en nombre ces temps derniers que pour remonter les chronos au-dessus de la barre des 3’30" au tour en course, très largement explosée cette année. A ce propos, on peut même s’étonner que l’ACO n’ait pas ralenti les voitures dès cette année puisque l’an passé, les Audi et Peugeot étaient déjà passées sous la barre des 3’30" en course. Et très largement puisque les R10 et 908 avaient déjà signé des chronos en 3’27" au petit matin… Cette année, nous n’aurons pas eu le loisir de voir ce que les voitures valaient en cette douce heure de la matinée du dimanche habituellement propice aux records, la pluie ayant choisi de s’inviter. Mais la soirée du samedi avait déjà suffi à Stéphane Sarrazin pour signer le tour en course le plus rapide de l’histoire à 246,067 km/h de moyenne ! Prodigieux… mais affolant.

Nous attendons avec une certaine impatience le nouveau tableau des brides d’air pour l’édition 2009. Car il va falloir grandement les freiner ces voitures pour revenir au-dessus des 3’30". Freiner les diesels sans trop freiner les essences (dont deux sont passées sous les 3’30" le week-end dernier…). Car l’ACO et Daniel Poissenot l’ont promis : l’équivalence essence-diesel sera revue. Reste à savoir dans quelles proportions. Et à faire les calculs les plus justes.

En tenant compte par exemple de l’incroyable marge de progression dont disposent les mécaniques diesels. Avouons-le, jusqu’à l’an passé, nous n’avions pas caché notre opinion : l’équivalence essence-diesel n’était pas si mal faite que cela. Mais huit secondes gagnées en une année pour le meilleur tour en course, on n’avait jamais vu cela ou presque dans l’histoire du Mans ! Normal et logique pour une technologie aussi neuve en compétition et qui progresse donc à pas de géants, surtout lorsqu'elle est soutenue par les importants moyens financiers de deux grands constructeurs. Un réajustement paraît désormais réellement nécessaire car les moteurs essence, quant à eux, n’offrent plus le même potentiel de progrès étant donné qu’on les peaufine depuis plus d’un siècle en course…

L'art de la rêgle à calcul !

En calculant les brides 2009, il faudra donc d’emblée intégrer les progrès que feront cet hiver encore ces deux constructeurs… Mais, il faudra également tenir compte des technologies nouvelles qu’ils comptent amener sur la piste. Peugeot travaille sur un prototype de compétition à motorisation diesel hybride, on le sait. Et c’est désormais un secret de polichinelle : c’est de la 908 dont il s’agit… Nous croyons également savoir qu’Audi planche sur un système semblable implanté dans une toute nouvelle voiture avec également un nouveau moteur. Etant donné que la réglementation actuelle est finalement prolongée au-delà de 2010, plus rien n’empêche Audi d’engager cette future R1x (avec x tendant vers le nombre de doigts sur une main…) dès 2009. Ces systèmes à récupération d’énergie procurant un surcroît de puissance durant certaines phases de reprises, il va falloir bien programmer les ordinateurs pour trouver les justes équivalences… Tout cela va devenir de plus en plus compliqué. En acceptant divers types de motorisation mais également d’hybridation, l’ACO se donne à résoudre une équation à multiples inconnues. Rajouter à tout cela une sous catégorie supplémentaire avec ces LM P1 à pare-brise large augmente encore d’un degré la difficulté d’équilibrage. De quoi rendre bien opaque le règlement pour le commun des mortels.

La voie du progrès est une nécessité, nous en sommes bien conscients. C’est l’histoire même du Mans. Mais elle ne doit pas pour autant offrir autant de niches qu’il y a de constructeurs. Sous peine de voir les vaincus accuser le système d’équivalence. Et fuir aussi vite qu’ils sont venus. L’ACO va donc devoir surfer avec habileté sur le sommet de la vague. Contenter toutes les usines tout en redonnant aussi un peu le sourire aux privés bien trop éloignés de la tête cette année.

Une fois ces multiples tableaux d’équivalence mis en place, nous pourrons alors voir de quoi l’avenir du plateau LM P1 sera fait. Jusqu’à quand Porsche acceptera-t-il de voir ses Spyder bridées en P2 ? Fera-t-on enfin le grand saut du côté de Zuffenhausen ? Peu probable tant qu’Audi restera présent. Aston Martin renforcera-t-elle sa présence aux côtés de Lola ? Ou David Richards lancera-t-il un programme proto propre à la firme anglaise ? Les dirigeants d’Acura donneront-ils le feu vert dès 2009 ? ou faudra-t-il encore patienter ? Nous entendons parler d’autres projets d’envergure également, d’autres alliances qui pourraient bénéficier à certains teams déjà présents. Nous verrons bien, il est encore trop tôt. Mais une chose est pourtant sûre. Le plateau 2009 sera au moins aussi beau que celui de 2008. Une seconde l’est également. Le record de 1971 et de la Porsche 917 restera debout. On ne fera probablement pas plus de 5335 km l’an prochain. Même si il fait grand beau. Ce qui nous serait agréable après deux éditions fraîches et pluvieuses. Ah oui, vraiment, vivement juin 2009. Pour une nouvelle bagarre à coups de secondes dans la quête du nouveau trophée 24…

Laurent Chauveau

PS : Il va falloir revoir le principe des feuilles de classement officielles car prenez la moyenne des deux premiers, mulitpliez la par 24 et vous obtenez 5191,200 km parcourus par l'Audi victorieuse et 5174,976 pour la Peugeot n°7. Soit 16,224 km d'écart. Or les deux voitures finissent dans le même tour et celui-ci mesure 13,629 km. Cherchez l'erreur...