24 Heures du Mans 1985. Tome 1 Imprimer Envoyer
Lundi, 04 Janvier 2010 23:00

th_1985_Rothmans_PesageEt si l'on faisait un petit retour dans le temps ? 86400.fr aura également pour vocation de vous faire revivre les épreuves du passé. Celles toutefois que votre serviteur a été lui-même en age de suivre... et je vous propose d'inaugurer cette partie Historique du site via les 24 Heures du Mans 1985.

 

Pourquoi, me direz-vous débuter cette série de résumé des 24 Heures par l'édition 1985 ? La raison en est simple. 1985 correspond à mon retour en tant que spectateur aux 24 Heures du Mans. J'avais déjà assisté aux éditions 1975 (6 ans 1/2...), 1977, 1978 et 1983. Depuis 1985, je n'en ai plus jamais raté une édition. De plus, en 1985, j'ai réalisé un résumé de "ma" course. Cela tenait dans un cahier de Travaux Pratiques. 14 pages manuscrites pour ne pas oublier... Sur les pages de dessin, j'avais collé mes photos perso. J'ai fait ce genre de cahier durant 5 années. La somme de travail demandée m'a par la suite décourragé. Et je le regrette aujour'hui...Mais que cela ne nous empêche pas d'enclencher la machine à remonter le temps ? OK ? Allez, on règle le curseur de la De Lorean du Doc Emmett Brown sur 1985. Trois, deux, un, Go !

Après quelques secousses spatio-temporelles, nous arrivons à bon port. Sur les ondes de la FM, nous pouvons entendre Michael Jackson et toutes les stars anglo-saxonnes chanter "We are the world" afin de soutenir les éthipiens victimes de la famine. Un tube planétaire...  Dire Straits sort également son mythique album "Brothers in arms" qui rafle toutes les récompenses... Drame, Roger Waters quitte Pink Floyd ! Sur les grands écrans, la France se plie en deux en regardant Michel Boujenah, Roland Giraud et André Dussolier apprendre péniblement à gérer un nourisson dans "Trois homme et un couffin". David Lynch sort Dune et la fameuse De Lorean s'apprète aussi à débarquer dans les salles obscures...

Un hélicoptère s'écrase dans le désert, Daniel ne chantera plus l'Aziza et Thierry délaisse son Dakar...

Au niveau politique, un changement majeur se prépare sur le plan de la guerre froide. Un certain Mikhaïl Gorbatchev vient en effet d'arriver au pouvoir en URSS après le décès de Tchernenko. Un vent nouveau commence à souffler sur l'Est de l'Europe. De son côté, la Dame de Fer, Margaret Thatcher a gagné son combat inflexible contre les mineurs. Après une année de lutte et de grève, ceux-ci abdiquent sans avoir rien gagné !

Dans le domaine du sport, le foot vit une année tragique. C'est tout d'abord un incendie, provoqué par un simple mégot, qui le 11 Mai à Valley Parade en Angleterre, fait 56 victimes et 260 blessés. Tout aussi dramatique mais plus révoltant, survient le drame du Heysel à Bruxelles, lors de la finale de la Coupe d'Europe des clubs Champions. Les supporters de Liverpool provoquent la panique dans les rangs de ceux de la Juventus de Turin provoquant une immense bousculade qui fait 39 victimes et 200 blessés, le tout retransmis en direct à la télé... Le match a tout de même lieu.

Plus réjouissant, en F1, un certain Alain Prost, parait bien parti pour la conquète du titre mondial qui lui a échappé de peu l'an passé. Après quatre Grands Prix, il en déjà remporté deux. Le cinquième GP, celui du Canada, aura lieu le 16 juin soit le jour même des 24 Heures du Mans, résulata d'une guerre continuelle opposant la FIA à l'ACO... Un certain Ayrton Senna s'est définitivement révélé à Estoril au volant d'une Lotus en s'imposant sous la pluie. Ce Grand-Prix portugais était le premier à compter pour le tout nouveau Loto Sportif créé en France. L'expérience ne sera pas renouvelée, laissant la place au foot...

Le 12 juin, l'Espagne et le Portugal rejoignent la CEE, l'ancètre de l'Union Européenne, qui compte donc maintenant 12 pays. Deux jours plus tard, l'Europe signe les accords de Schengen concernant la libre circulation des personnes et des biens. Enfin, presque toute l'Europe, pas le Royaume Uni évidemment... Trois jours plus tard, la capitale de la rillette se prépare à accueillir la 53ème édition des 24 Heures du Mans...

24 Heures du Mans 1985 : La der des 956…

Après plus de trois années d’existence, le règlement à la consommation semble avoir désigné son leader naturel : la Porsche 956 semble quasiment imbattable aussi bien sur les pistes du Championnat du Monde d’Endurance que sur celle du Mans ou elle reste sur trois victoires consécutives. Pourtant, à la veille de ces 24 Heures 1985, on se dit que la 956 pourrait bien subir sa première défaite mancelle.

Oh certes, l’équipe Lancia de Cesare Fiorio aligne deux LC3 officielles, mais on ne voit pas vraiment les voitures italiennes en mesure de tenir la dragée hautes aux allemandes. Leur fiabilité sur une telle distance a toujours été prise en défaut, mais surtout, le durcissement des normes de consommation en cette année 1985 (2210 litres seulement à la disposition des groupe C1) ne plaide pas en faveur du gourmand V8 turbo d’origine Ferrari, d’autant que les modèles 1985 sont beaucoup plus larges que ceux vus ici en 1983 et 1984. Elles mesurent en effet désormais 2 mêtres de large espérant ainsi améliorer la tenue de route au détriment toutefois de la vitesse de pointe, mais aussi, bien sûr, de la conso… Côté pilotes, l’équipe italienne est parée. Bob Wollek et Alessandro Nannini mèneront la n°4 épaulés par le pilote réserviste de l’équipe Lucio Cesario. Sur la n°5, Mauro Baldi recevait le renfort de Henri Pescarolo, qui a quitté le team Joest après la victoire de l’an passé. Malgré ce succès, Henri ne s’est jamais réellement senti intégré au sein de l’équipe allemande.

Certes les supporters anglais comptent sur les superbes Jaguar XJR5 d’origine américaine. Mais les voitures de Bob Tullius et du Group 44 ont prouvé l’an passé que la piste mancelle n’est pas réellement faite pour elles. Engagées en GTP (règlement IMSA), elles sont nettement plus lourdes que leurs concurrentes directes ce qui n’est bien sûr pas à leur avantage. Un moment espérées, les toutes nouvelles XJR6 du Tom Walkinshaw Racing ne seront finalement prêtes que pour la manche mondiale de Mosport au Canada.

Après le terrible double accident de l’an dernier dans les Hunaudières, les Aston Martin Nimrod ne sont pas revenues, Ray Mallock étant passé dans le clan du Groupe C2 ou sa toute nouvelle Ecosse ressemble beaucoup à une Nimrod miniature… La firme de Newport Pagnell se contente donc de fournir un moteur à la jolie Emka de Steve O’Rourke, ainsi qu’à la Cheetah n°24, deux voitures ne pouvant avoir d’ambitions pour le classement général.

Pellicule_pesage_LM1985

Que peuvent bien espérer les françaises ?

Côté français, le défi de Jean Rondeau s’est définitivement arrêtée et si cinq de ses voitures sont présentes, aucune ne peut plus prétendre au podium. Yves Courage quant à lui est passé dans le clan Porsche pour ce qui concerne la motorisation. Sa nouvelle voiture est superbe, et ne renie ni sa parenté avec la précédente Cougar C01, ni celle avec… la Renault Alpine A442, victorieuse ici-même en 1978. Logique puisque Marcel Hubert est toujours « aux crayons » et signe les lignes de la Cougar C02. Difficile pourtant d’espérer que la nouveauté soit au niveau des meilleures dès sa première sortie. Seule petite bizarrerie concernant cette voiture, la présence de cerclages chromés autour des phares dignes d'une Peugeot 403 et totalement anachroniques !

L’équipe WM est présente pour la dixième fois d’affilée ! Et pour fêter l’événement trois voitures sont présentes. Côté pilotes, c’est la grande surprise puisque Jean Rondeau, après sa deuxième place l’an passé au volant d’une.. Porsche, passe cette année dans le clan WM ! Jean Claude Andruet, lui aussi se retrouvait intégré dans l’effectif. Nul n’a oublié le brillant début de course de Roger Dorchy l’an passé qui a permis pour la première fois aux «petites» WM d’occuper la tête des 24 Heures. Maintenant que les Lancia ont vu leur « fessier » s’élargir, les WM demeurent les seules voitures du plateau à ne pas exploiter les 2 mètres de largeur maxi. Une finesse qui leur vaut d’être souvent parmi les plus rapides sur les Hunaudières, mais qui les handicape légèrement en tenue de route. Il paraît peu probable que l’équipe française puisse rééditer son exploit de 1984. Finir serait déjà bien.

La nouvelle Sauber C8 passe son tour !

La toute nouvelle Sauber C-8 est porteuse de bien des espoirs car sous sa belle robe blanche se cache un V8 turbo d’origine Mercedes, mais chut… ne le dites à personne ! On ne connaîtra malheureusement pas le potentiel en course de la nouveauté car John Nielsen a connu aux essais une frayeur énorme en réalisant un gigantesque looping au passage de la bosse des Hunaudières (la CLR avait de qui tenir…) Chance inouïe pour John, après sa cabriole sa voiture s’est reposée sur ses quatre roues !!! Mais Peter Sauber a sagement décidé de ne pas engager la voiture pour la course.

La nouvelle arme de Porsche : la 962C

th_1985_mulet_956Mais alors quelle voiture peut bien espérer s’imposer aux nombreuses Porsche 956 ? Tout simplement la toute nouvelle Porsche 962C de l’usine. Deux des trois voitures frappées des célèbres couleurs d’un cigarettier, monopolisent effectivement les deux premières places de la grille. En fait, la 962C est une évolution de la 962 conçue pour le règlement IMSA sur la base de la 956 et déjà vue ici même l’an dernier au sein de l’équipe de Preston Henn. Le règlement impose désormais que les voitures construites à partir de cette année place les pieds du pilotes en retrait de l’axe des roues avant. Il a donc fallu augmenter l’empattement de la 956 et raccourcir son porte à faux avant. Voilà qui a naturellement imposé l’utilisation du chassis IMSA tout en conservant le moteur à double turbo interdit aux Etats-Unis. D’ou l’appellation 962C, chassis 962 avec moteur type Groupe C. John Fitzpatrick avait déjà amené une voiture semblable l’an passé en l’absence de l’usine, mais équipée d’un capot avant type sprint. Les 962C qui vont maintenant prendre le départ, sont équipés d’un tout nouveau capot avant immédiatement reconnaissable de celui des 956. Il n’est pas aussi fin et « tranchant » que celui de la version sprint, et il n’a pas non plus la concavité de celui vu dans la Sarthe depuis 1982. La photo de François Cornette ou l'on voit les deux Porsche Kremer côte à côte permet de bien voir la différence entre ces deux capots. En plus des trois voitures usine, deux équipes privées engagent également la nouveauté : Kremer pour la n°11 et Brun pour la n°19. La « fausse » 962 de John Fitzpatrick, la n°55 est quant à elle privée de départ après un gros crash lors des essais (décidément agités) dans les Hunaudières, suite à un accrochage avec l’Alba C2 n°81. Les deux voitures sont Out !
Pour ce qui concerne les équipages Porsche usine, Jacky Ickx et Derek Bell n’iront pas chercher une quatrième victoire commune, puisqu’ils se retrouvent, pour le premier sur la n°1 associé à Jochen Mass, et pour le second accompagné de Hans Joachim Stuck sur la n°2. C’est d’ailleurs HJ qui est allé chercher la Pole en 3’14"80, Jacky s’inclinant de 48 centièmes. La troisième voiture est confiée à deux des trois vainqueurs 1983 sur la 956 portant le même numéro 3 : Vern Schuppan et Al Holbert. Hurley Haywood, le troisième homme de 1983 parti chez Jaguar, Vern et Al sont rejoints par John Watson, jeune retraité de la Formule 1 et ex-sociétaire de l’écurie McLaren.

Avec deux voitures pour le Joest Racing, une pour les frères Kremer, une pour Fitzpatrick, une pour Brun, une pour Richard Lloyd et une enfin pour le team Obermaïer, les Porsche 956 sont les voitures présentes en plus grand nombre sur la grille de départ. Et avec le quatrième meilleur temps aux essais, le Joest Racing prouve que la victoire acquise l’an dernier n’était pas due au hasard. La n°7 pose sa candidature pour se succéder à elle-même, toujours confiée à Klaus Ludwig, associé cette année à Paolo Barilla et John "Winter", tandis que la n°8 justifie son… numéro de dossard en signant le 8ème chrono ! A son volant débute le jeune Paul Belmondo ! Chez Kremer, la 956 est plus rapide que la 962C, et il en est de même au sein du Brun Motorsport, preuve que la 956 n’a peut-être pas tout à fait dit son «dernier mot».

En ce qui concerne les groupe C2, la lutte promet d’être chaude entre les Alba, l’Ecosse, les Tiga, la Gebhardt et les Mazda officielles qui persistent à se contenter d’une présence dans la petite catégorie. Il faut dire que le petit et braillard moteur birotor ne permet guère mieux ! D’ailleurs depuis le doublé obtenu en groupe C Junior (devenu C2 l’an passé) en 1983, l’équipe japonaise a du subir l’an passé une défaite face aux Lola T616 du team BF-Goodrich, heureusement équipées elles aussi, du petit birotor japonais. Privé de l’appui de ces deux Lola, cette année, la victoire en C2 semble difficile à viser pour les Mazda 737C, qui n’obtiennent que les 11ème et 12ème places lors des essais. La Pole de la catégorie est obtenue (et cela devient une habitude depuis 1983) par l’Alba à moteur Giannini de Martino Finotto qui a pourtant perdu cette année son coéquipier habituel, Carlo Facetti désormais chargé de diriger la bonne marche des stands. L’Ecosse est deuxième temps devant la deuxième Alba, la Gebhardt et la Tiga-Spice.

J’allais presque oublier de vous dire que quatre voitures sont engagées en Groupe B (les GT en clair) dont 3 BMW M1 et une Porsche 911 Carrera qui porte fièrement sur son capot avant l’inscription «911 au Mans, la fin d’une époque…» On peut en reparler 20 ans plus tard !

Enfin sur le circuit !

Pour ma part, les 24 Heures 1985 sont les premières auxquelles j’assiste sans la présence de mon père resté au foyer en Lorraine. Je suis accompagné d’un copain (un autre Laurent ! ) que j’ai convaincu de venir découvrir la Sarthe. Parti de Metz dès vendredi matin afin de profiter des réductions SNCF, nous avons fait étape à Paris hier soir avant de décaniller à 5 heures 30 ce matin, afin de prendre le train pour Le Mans. Bien qu’étant embarqués dans un train omnibus qui marque consciencieusement tous les arrêts jusqu’au Mans, nous arrivons à temps sur le circuit pour assister au warm-up qui a lieu à 11 heures. Pourtant les contrôleurs nous posent un petit problème à l’entrée, car nous disposons des billets d’entrée SNCF et non pas des billets officiels de l’ACO. Postés au virage du Tertre-Rouge, nous pouvons ainsi voir le mulet Lancia réaliser le meilleur chrono de ce warm-up en 3’38". Un mulet qui a d’ailleurs bizarrement troqué son numéro 5T des essais qualificatifs pour un 155T. Etonnant.

Après avoir cassé la graine à l’issue du warm-up, en s’énervant sur des boites de pâté à «ouverture facile» et malgré tout impossibles à ouvrir, nous reprenons la direction des tribunes ou nous voulons assister à l’avant-course. Au passage du contrôle de la Passerelle Dunlop, nous sommes de nouveau embêtés avec nos billets SNCF. Le problème se posera d’ailleurs quasiment à chaque fois que nous passerons un contrôle ! Finalement, nous pouvons rejoindre la ligne droite des stands. Malheureusement, les premiers rangs sont déjà noirs de monde et nous ne pourrons donc pas faire de photos, car de trop nombreuses têtes nous gâchent la vue. Leçon sera retenue pour l’année prochaine…

Cascadeurs moto, patrouille aérienne parrainée par Europe 1 et une marque d’alcool dont les couleurs ont brillé au Mans en 1971, 1976 et 1977 (Ouf, merci Evin…) parachutistes, les réjouissances d’avant-course sont classiques, mais nous permettent de patienter avant de voir les monstres se présenter en pré-grille. La suite est à lire dans le prochain épisode...

Laurent Chauveau