12H Sebring 2006 : La grande première du diesel ! Imprimer Envoyer
Lundi, 21 Février 2011 23:47

Audi R10 Sebring 2006C'est désormais sensible, les jours commencent à rallonger, les premières fleurs de printemps sortent de terre. Ca sent bon, le printemps est en ligne de mire ! Vous me trouvez bien bucolique ? Il y a une bonne raison à cela. Ces quelques signes sont également là pour nous rappeler que ça va bientôt repartir, on en est maintenant tout proche ! L'Intercontinental Le Mans Cup est dans les starting-blocks, prête à s'exporter en Floride pour la grande première de la saison : les 59èmes 12 Heures de Sebring... Les équipes européennes mettent la dernière main à la patte avant l'expédition du matériel. Votre serviteur en fait de même. Mais en attendant le départ, l'air chaud du printemps dans le Comté des Highlands me manque... Alors, pour combler le manque, on se replonge dans les photos des années passées. Et notamment celles de 2006. Mon premier voyage aux USA, mes premières 12 Heures de Sebring in situ, la découverte : magique ! Pour comprendre le dépaysement que cela représente, imaginez deux secondes : vous arrivez sur un circuit, accueilli par des palmiers. Il fait entre 30 et 35°C en Mars. Et le soir en repartant, ce sont les odeurs des champs d'orangers qui vous chatouillent les narines. Tous les blasés vous diront qu'à Sebring, il n'y a rien à faire, que la ville est un dortoir. Peut-être... Mais la course est une vraie classique d'endurance, le circuit possède une âme unique à base de béton déglingué, les spectateurs sont présents en masse et surtout, ils sont en plein "Spring Break", les vacances de printemps délurées des étudiants américains. L'ensemble est unique, dépaysant et fait un bien fou lorsque l'hiver sévit encore sur la France...

Ces 12 Heures de Sebring constituaient une quadruple première pour moi. Premières 12 Heures certes mais également première occasion de voir de près les nouveaux Porsche RS Spyder alignés par le Penske Racing. Porsche n'a pas choisi n'importe qui pour le représenter à l'occasion de son retour en prototypes, ça ne rigole pas ! Les deux protos jaune et rouge aux couleurs de DHL ne sont pas très jolis mais on peut espérer qu'ils viennent un peu perturber de la nouvelle arme d'Audi. Elle, je la connais déjà. J'ai découvert miss R10 au pied de la Tour Eiffel quelques semaines auparavant lors d'un véritable déploiement de force du constructeur allemand pour dévoiler son premier LMP1 à moteur diesel. Mais c'est bel et bien la première fois que je vais la voir en action. Et surtout entendre son V12 à pleine charge. Autant dire qu'on n'entend pas grand-chose... Autre première, le Dyson Racing, s'il est resté fidèle à Lola, a grimpé d'un cran. Il est passé en P1 greffant le nouveau V8 4 litres turbo d'AER. Après avoir été longtemps le poil à gratter des Audi R8 avec sa "petite" LMP2, on espère qu'en affrontant ainsi Audi, les yeux dans les yeux, le team New-yorkais de Rob Dyson puisse enfin jouer à armes égales. Mais on sait aussi que AER n'a pas toujours été exemplaire en matière de fiabilité... Ce premier voyage me permet aussi de découvrir la « vieille » Lola EX-257 du team Highcroft agrémentée d'une déco jaune et bleue très sympa, celle du team Intersport restée en P2 et la Courage Mazda P2 également, officiellement soutenue par le constructeur nippon. Elle est décorée avec les mêmes motifs que la glorieuse 787B victorieuse au Mans en 1991. Seules les couleurs ont changé mais cela nous laisse croire en une implication future plus importante et plus solennelle encore de Mazda !

En GT1, Aston Martin vient défier Corvette sur ses terres et ce pour toute la saison. Le duel promet donc monts et merveilles mais il y a un bémol. Pour des raisons financières, Prodrive a choisi de passer dans le clan Pirelli pour chausser ses DBR9. Etant donné la main-mise et la domination de Michelin sur l'endurance, cela risque bien de constituer un vrai handicap face aux C6.R restées fidèles au manufacturier clermontois. Dans un tel contexte, on ne donne guère de chances de briller aux deux Saleen S7-R de Franz Konrad...

En GT2, c'est un match à cinq qui va mettre aux prises Porsche et Ferrari, les favoris logiques, Panoz et BMW, outsiders de choix et Spyker, qui semble un peu démuni dans un tel contexte, même si les néerlandais ont amené deux C8 Spyder...

Audi en Pole, sans surprise...

Les qualifications lèvent les premiers doutes. Les Porsche RS Spyder sont à deux secondes de la meilleure Audi R10, la n°2 de Allan McNish (qui a tourné en 1'45"828) précédant largement la n°1. En performance pure, la cause semble entendue... La surprise vient du fait que les Porsche précède toutes les autres P1 dont les deux Lola Dyson, 5ème et 6ème à près de 3 secondes des Audi ! En GT1, les deux Aston dominent facilement les Corvette, les Saleen étant assez largement hors du coup. En GT2, les Panoz Esperante du team Multimatic font parler la poudre en encadrant la Ferrari du Team Risi et la meilleure Porsche, celle du team Alex Job.

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Surprise lors de la mise en grille, les polemen s'élanceront des stands ! L'équipe technique a en effet changé un échangeur de turbo ce qui oblige l'Audi R10 n°2 de prendre le départ après la meute ! Mais sans forcer, la n°1 reste en tête devant les deux RS Spyder et les deux Lola Dyson. De son côté, Dindo Capello cravache et après 5 tours, remonte déjà au 9ème rang. Les pilotes Audi sont faciles et contrôlent la course sans trop forcer. Surtout que Porsche et Dyson connaissent leurs premières anicroches dès la première heure. La n°6 et la n°20 rentrent aux stands avec des soucis techniques et prennent déjà du retard. Bien avant la fin de la première heure, les deux Audi sont aux deux premières places, la messe semble déjà dite. De leur côté, les Aston Martin avouent leur impuissance à tenir les gommes italiennes en état correct durant un relai complet. Les deux Corvette C6.R doublent ainsi successivement les deux DBR9 avant même la fin de l'heure. Les choses sont claires, les anglaises vont devoir compter sur des petits pépins des américaines pour rester dans le coup. Ce qui se produit dès le début de la deuxième heure avec un Stop & Go pour la C6.R de tête au cours duquel Johnny O'Connel cale et repasse derrière les anglaises ! En GT2, les Panoz confirment leur Pole et tiennent tête à la concurrence, Ferrari et Porsche en premier lieu. C'est un duel de furieux qui s'est engagé et les ravitaillements ne troublent guère les écarts serrés, même si la Porsche AJR en ressort en tête... Ca ne durera pas car une crevaison provoque une sortie de piste lors de la deuxième heure. La Ferrari Risi prend la tête devant la Panoz n°50. Autre contre-temps facheux pour Porsche. La deuxième RS Spyder connait à son tour des problèmes et rentre au paddock pour réparation...

Aston Martin et Corvette s'expliquent !

Le duel Aston-Corvette se poursuit. O'Connell rejoint Enge et le harcèle tandis que Lamy harponne une Saleen sans dommage pour les deux. Une première neutralisation regroupe les 4 GT1 de pointe lors de la troisième heure, le duel reprend de plus belle !

A la fin de la quatrième heure, c'est la stupeur chez Audi et la renaissance de l'espoir chez les concurrents. La n°1 s'immobilise à son stand et ce n'est pas normal. Pour preuve, les mécanos allemands obturent la caméra embarquée avec un scotch pour que l'on ne puisse pas voir ce qu'ils manipulent sur l'auto ! La Lola Intersport, meilleure P2 prend donc la deuxième place du scratch !

L'Audi n°1 finit par abandonner au milieu de la 5ème heure au moment même ou la Porsche RS Spyder n°6 retardée dans la première heure, revient au 3ème rang ! Peu avant, l'une des Aston, la n°007 a perdu son capot arrière à pleine vitesse ce qui la repousse loin des leaders de la catégorie désormais. La n°009 reste toutefois au contact des deux Corvette. D'autant qu'une nouvelle neutralisation l'aide dans sa tache en fin de 5ème heure. En GT2, Panoz a repris le commandement après une domination Ferrari puis Porsche à nouveau avec la belle n°31 du White Lightning/Petersen mais un problème à l'arrière gauche a fini par retarder celle-ci. Une nouvelle neutralisation se termine juste à la mi-course. Lors du restart, la Corvette n°3 tire tout droit et rentre aux stands. La boite de vitesses est en cause et fait perdre de nombreux tours à la C6.R la ramenant en lutte avec la deuxième DBR9 ! Aston et Corvette se retrouvent donc, avec un seul atout dans leur manche, groupés dans le même tour pour la victoire du GT1 ! C'est moins serré en tête. Le team Dyson est accablé d'ennuis même si la n°16 poursuit sa course au 5ème rang. Intersport ne peut constituer une menace pour l'unique Audi encore en piste. Une frayeur assaille d'ailleurs le team de Jon Field, lors d'un Stop & Go, le redémarrage est problématique. Mais ce n'est qu'un frayeur passagère. La Porsche RS Spyder n°6 se rapproche donc mais sur la piste, à la régulière, l'écart ne varie guère entre les deux meilleures P2. Sauf lorsque Liz Halliday prend le volant de la Lola. Là, c'est par paquet de secondes que l'éart fond à chaque tour. A la fin de la 7ème heure, la RS Spyder est à un tour...

L'embellie est de courte durée pour les Spyder. Quelques minutes plus tard, la n°7 est au ralenti sur la piste et va abandonner tandis que la n°6 subit une crevaison. La course est neutralisée ce qui permet à la Panoz de Bourdais de recoller à la Ferrari repassée en tête du GT2. Le restart donne lieu à une baston superbe sous le soleil déclinant. Le manceau finit par reprendre le commandement ! Panoz vend chèrement sa peau, bien aidé il est vrai, par les équivalences magique de l'IMSA... La plongée vers la nuit fige quelque peu les positions dans toutes les catégories. La Panoz respire désormais mieux avec l'air qui se rafraichit et Bourdais pense pouvoir contenir la concurrence. En GT1, la Corvette n°4 s'est désormais construit une avance de deux tours sur l'Aston n°009. Ce n'est pas joué mais ce sera dur pour l'anglaise. En P1, c'est la promenade de santé pour l'Audi n°2. En P2, la RS Spyder n°6 réduit progressivement l'écart sur la Lola Intersport. Celui-ci est désormais de moins d'un tour. A 1H30 de la fin, l'arrêt de la Lola est un peu plus long que d'habitude. Il a fallu enlever le capot arrière. La Porsche est passée ! La course semble jouée car la RS Spyder aux mains de Collard est légèrement plus rapide que la Lola.

Audi s'impose, Intersport deuxième et heureux !

A l'attaque de la dernière heure, le duel Aston-Corvette se poursuit mais entre les seconds couteaux seulement. La n°007 et la n°3 se battent à coups de seconde pour la 3ème place du GT1. A une demie-heure de la fin, stupeur : la Porsche RS Spyder n°6 s'immobilise presque devant votre serviteur au Turn 10. C'est la fin des espoirs pour le Penske Racing. La RS Spyder n'a tenu « que »11H30. Avec les normes américaines, elle sera toutefois classée mais au 8ème rang seulement... Intersport reprend la deuxième place tandis que la Corvette n°4 s'installe à la troisième place du scratch, juste devant l'Aston n°009 revenue à un tour. La nuit fraiche aide d'ailleurs les gommes italiennes des anglaises et Tomas Enge en profite. Il repasse Max Papis et la Corvette n°3 à l'issue de la dernière neutralisation qui a permis de ranger la RS Spyder. Malgré la pression de Papis, Tomas résiste jusqu'au bout grâce à la vitesse de pointe supérieure de l'Aston. Petite revanche pour les verts aux dépens des jaunes. En GT2, Panoz résiste jusqu'au bout et la n°50 s'impose. La Porsche n°45 du Flying Lizard et la Ferrari Risi suivent... dans le même tour ! Preuve d'une bagarre de tous les instants dans cette catégorie !

Quant à Audi, c'est une victoire sans appel. La R10 a remporté sa toute première course. Certes, la n°1 a eu un coup de chaud, mais la n°2, sans forcer le rythme, a signé une course claire et offert à un moteur diesel, sa toute première victoire dans une course d'une telle envergure. C'est le début d'une nouvelle ère, celle ou l'on va vite sans faire de bruit... Dans quelques semaines, cinq voitures à moteur diesel silencieux animeront les 59èmes 12 Heures de Sebring...

Laurent Chauveau