Peugeot 908 HDi FAP, en route vers Le Mans ! Imprimer Envoyer
Mardi, 01 Février 2011 18:36

Présentation Peugeot 908 MortefontaineAprès plusieurs mois de « planche à dessin » ou plutôt de CAO, de matière grise, de soufflerie, de banc moteur, la Peugeot 908 est passé du stade virtuel à celui de prototype roulant lors du tout dernier jour de l'année précédente. En ce début 2007, il ne reste donc qu'un peu moins de six mois pour préparer au mieux la toute première participation du nouveau prototype aux 24 Heures du Mans. Le temps est compté. C'est la raison pour laquelle, peu après le shake-down de Vélizy, l'équipe prend ses quartiers d'hiver dans le sud de la France. Le circuit Paul Ricard HTTT va en effet devenir une sorte de seconde base pour les hommes de Vélizy même si contrairement à Renault F1, Peugeot Sport ne dispose pas de locaux sur place.

Peugeot 908 Tests HTTTDès le 5 janvier, la 908 roule sur la piste varoise. Cette première phase de tests, étalée sur quatre journées, consiste surtout à effectuer des premières validations basiques de la voiture. Seule, une pièce défaillante au niveau de la distribution a pu faire cesser cette séance au cours de laquelle, 800 km ont été couverts. Mais les pilotes, toujours inconnus du grand public à ce jour, ont eu le temps de juger la voiture et se déclarent déjà confiants après l'avoir pilotée. Ce qu'ils ne vont pas tarder à confirmer lors de la présentation de l'auto à la presse, 4 jours plus tard seulement ! Le planning est en effet plus que tendu chez Peugeot Sport et avec une seule voiture assemblée, il ne faut pas traîner pour ramener celle-ci du Castellet jusqu'aux forêts du circuit de Mortefontaine au Nord de Paris tout en repassant par les ateliers de Vélizy ! Faute de temps, la voiture sera donc présentée encore noire de carbone. Seuls les stickers des partenaires sont apposés sur la carrosserie.

Dévoilée !

Présentation  Peugeot 908 MortefontaineLe 10 janvier, la presse internationale est donc conviée au Siège d'Automobiles Peugeot, avenue de la Grande Armée avant d'être emmenée sur les pistes du CERAM à Mortefontaine. Le scénario prévoit une présentation dynamique de la voiture. Une dizaine de jours seulement après ses premiers tours de roue, voilà qui ne manque pas de bravoure. La direction générale a du redouter que le proto ne se taise de manière impromptue devant tout ce beau monde. Heureusement, tout se passe au mieux. Sur le coup de 11H30, on voit soudain six Peugeot 407 SW noires en formation de flèche, surgir de l'anneau de vitesse. Au tour suivant, un prototype noir s'est inséré au sein de la formation. Au troisième passage, quatre des six 407 viennent se ranger devant la presse. Les deux premières 407 les imitent lors de la boucle suivante laissant la 908 seule en piste. Le pilote accélère un peu le rythme et boucle deux nouveaux tours avant de venir stopper son prototype au milieu des six 407.

Présentation  Peugeot 908 MortefontaineEric Hélary s'extrait Présentation  Peugeot 908 Mortefontainealors de l'étroit cockpit et c'est pour nous l'occasion de constater que toutes les leçons de 905 n'ont pas été perdues. Le principe de la portière ne s'ouvrant que dans la zone de la bulle a été reconduit. Le pilote parisien est présenté comme étant le pilote de réserve de l'équipe. Les pilotes titulaires sont alors présentés au fur et à mesure qu'ils descendent des 407 et se regroupent autour d'Eric. Stéphane Sarrazin, le premier, puis Pedro Lamy, Nicolas Minassian, Marc Gené le rejoignent. Ces quatre mousquetaires constitueront l'escouade des pilotes réguliers de la saison même si l'on ne connait pas encore leur répartition sur les autos. Pour les trois premiers, il s'agit de pilotes de premier plan habitués aux joutes de l'endurance. Marc, quant à lui, est pilote d'essais pour Ferrari F1 et le programme Peugeot lui permettra de reprendre le volant en course. Viennent alors les deux Guest-stars appelés à disputer les 24 Heures du Mans en renfort et qui ne manqueront pas d'attirer les feux de la rampe. Sébastien Bourdais puis Jacques Villeneuve se joignent aux cinq autres pilotes. L'un est alors triple champion Champcar en titre et l'autre à la fois Champion Indycar 1995 et Champion du Monde de F1 1997, excusez-du peu ! Pas de doute, sur le papier, Serge Saulnier a fait appel à des pointures.

Le choix de Nicolas Minassian ne surprend personne lorsque l'on se souvient qu'il a été sacré vice-champion 1997 de F3 britannique (avec 7 victoires !) sur une Dallara-Renault gérée par Promatecme, l'équipe de Serge Saulnier. Nico a eu plusieurs fois l'occasion de briller en monoplace remportant notamment une course en F3000 à Silverstone mais il a surtout marqué les esprits au cours des trois saisons précédentes sur sa blue rocket, la DBA du team Creation toujours très rapide mais également assez peu fiable. Il connait bien Le Mans pour y avoir piloté pour le compte d'Oreca ou Pescarolo Sport. Son entrée chez Peugeot Sport est une juste récompense de ses efforts qui devrait lui permettre de renouer plus souvent avec la première marche du podium.

Quatre fine lames pour la saison

Présentation  Peugeot 908 Mortefontaine

Stéphane Sarrazin est le pilote éclectique par excellence, une rareté dans le monde moderne. Autant attiré par le monde des Rallyes que par celui de la piste, il aime à varier les plaisirs. Avec succès. S'il n'a eu l'occasion qu'en une seule occasion de disputer un GP de F1 (Sao Paulo, Brésil 1999), il a été sacré Champion de France des Rallyes en 2004 sur une Subaru. Une performance qui a attiré sur lui les yeux de David Richards qui l'intègre au sein de Prodrive. Si sa saison en WRC s'avère délicate, ses performances et ses capacités de metteur au point font le bonheur de l'équipe en endurance avec la débutante Aston Martin DBR9. Il connait lui aussi très bien Le Mans pour y avoir roulé à cinq reprises, deux fois pour Oreca et une pour Pescarolo Sport avant de rejoindre Prodrive.

Pedro Lamy est l'une des pointures de l'endurance. A l'aise dans le trafic, il a le caractère volontaire de ceux qui ne lâchent jamais rien. Champion d'Allemagne de F3 1992, trois saisons de F1 avec Minardi pour 32 GP disputés, pilote Mercedes au Mans en 1999 puis en DTM en 2000 & 2001, Champion d'Allemagne V8 Superstar en 2003 puis double champion Le Mans Series GT1 2004 & 2006 avec Larbre Compétition, sa nomination au sein du groupe des pilotes Peugeot est légitime d'autant qu'il connait parfaitement Le Mans ou il a notamment roulé aux côtés de Sarrazin que ce soit chez Oreca ou Prodrive.

L'expérience de l'endurance, Marc Gené ne l'a pas, c'est une évidence. Il n'a par exemple, jamais roulé au Mans auparavant. Toutefois, c'est un pilote habitué au haut niveau puisqu'il a fréquenté les rangs de la F1 durant 6 saisons de 1999 à 2004 (36 Grand prix à son actif). Durant cette période, il a été engagé par BMW F1 en tant que test driver avant de tenir le même rôle au sein de la Scuderia Ferrari à partir de 2005. D'ailleurs, sa nomination au sein de Peugeot Sport ne l'empêchera pas de continuer à exercer pour l'équipe italienne. S'il lui reste donc à acquérir l'expérience du trafic, il ne sera pas déboussolé par les performances d'une voiture aux appuis aérodynamiques importants.

A la découverte de la belle...

Sept pilotes nommés donc, pour piloter une auto que l'on peut enfin contempler de près. Ce qui ne manque pas de surprendre au premier abord, c'est l'étroitesse du cockpit. Par rapport à la Bentley Speed 8 de 2003, cela semble encore plus fin. Bien plus que la 905 ! Vous avez dit bi-place ? L'avenir le prouvera certes, mais au prix d'indispensables contorsions et d'une position de conduite peu confortable pour le pilote... L'intérêt d'une bulle étroite est évidemment double. D'un point de vue aéro, elle « traînera » moins dans les longues lignes droites mancelles en diminuant le maitre couple. D'un point de vue dynamique, la masse du pilote étant plus recentrée, le comportement sera meilleur. Pourtant, aussi bizarre que cela puisse paraître, Eric Hélary avoue que la nouvelle lui semble plus accueillante et généreuse en espace que l'ancienne. Mémoire altérée par l'effet nouveauté ou réalité ? En fait, si le pare-brise de 905 évo 1bis ou 1ter était nettement plus large que celui de 908 à sa base, c'était aussi parce que la bulle cachait les deux rétroviseurs extérieurs, placés ainsi très près des pilotes. Mais dans la zone réellement dédiée au pilote, les deux cockpits sont de dimensions similaires. Surtout que dans la 905, l'arceau en tube d'acier était plus invasif que la coque intégralement carbone de la 908.

Cette toute première 908 n'est pas encore tout à fait prête à courir. Elle est privée de phares et de rétroviseurs notamment. Les snorkels situés à l'arrière des pontons et qui alimentent en air à la fois les freins arrières mais aussi les turbos, sont pour l'instant constitués d'une pièce rapportée et vissée sur le capot arrière. Les ajustements parfois aléatoires de cet assemblage semblent être le résultat de la fièvre qui a présidé à l'assemblage de l'auto. Il en est de même pour la grille d'évacuation d'air chaud sur le côté des pontons. En faits, ces pièces rapportées permettent de tester et valider rapidement plusieurs solutions sur une base unique. Les mats d'aileron sont métalliques et taillés dans la masse, solution qui paraît transitoire. En fait, elle va durer...

Présentation  Peugeot  908 HDi FAP Mortefontaine
Fine la bulle...
Présentation  Peugeot  908 HDi FAP Mortefontaine
Agressive de l'avant mais...
Présentation  Peugeot  908 HDi FAP Mortefontaine
...classique de l'arrière !
Présentation  Peugeot  908 HDi FAP Mortefontaine
Les "bulles" sur le capot arrière prouve que l'on est proche des éléments de suspension...
Présentation  Peugeot  908 HDi FAP Mortefontaine
Certains détails de finition trahissent la jeunesse de l'enfant...
Présentation  Peugeot  908 HDi FAP Mortefontaine
un nez de F1 !

Mais à part cela, l'auto impressionne même si, visuellement (ce qui peut être trompeur), son aéro semble être un poil moins léchée ou tout du moins novatrice que celle de la toute nouvelle Porsche RS Spyder dévoilée au Mondial. Le nez très acéré type F1 de la 908 et le cockpit étroit ont tendance à lui conférer un look d'« avion de chasse » qui contraste avec les volumes du reste de la carrosserie. Comme sur la R10 du « camp d'en face », les pontons sont en effet très imposants afin de refroidir le V12. Les diesels sont plus contraignants de ce point de vue que les essence car leurs radiateurs sont très gourmands en air.

On se rend maintenant compte de la similitude entre cette auto et la maquette du Mondial. Les pontons et les ailes avant notamment sont identiques. On a simplement ajouté les « plaques de légalité » entre les deux pour respecter le règlement à la lettre. La portière s'ouvre donc en deux parties ce qui lui confère les dimensions exigées par le règlement mais en fait la partie basse, située dans les pontons est indépendante de la partie haute et n'est pas utilisée. Cela lui confère donc un nouveau lien de parenté avec la 905 même si l'ouverture n'est plus du type papillon mais en élytre. Autre point commun avec l'ainée, l'évacuation de l'air du cockpit se fait via un décrochement entre la forme de la portière et celle du capot moteur. La carrosserie passe au plus près des éléments mécaniques comme on s'en aperçoit au-dessus de la suspension arrière. Le capot est en effet constellé de petites « cloques » destinées à laisser un jeu suffisant entre la peau de carbone et la mécanique tout en plaçant la première au plus bas et, par conséquent, améliorer la finesse aéro. Le décrochement conséquent entre les ailes arrière et la partie centrale du capot illustre cette volonté.

Un programme d'essais chargé

Présentation  Programme Peugeot 908 HDi FAP & moteur
D'abord on ajoute les phares...
Eric Hélary  aux côtés du V12
...puis les rétros et la déco !

Après avoir découvert la peau (dont Guillaume Cattelani confesse qu'elle a déjà passé 500 heures en soufflerie...) la conférence de presse ne permet d'en apprendre qu'un tout petit peu plus sur les entrailles. Du côté de la transmission, le bureau d'études se distingue encore du concurrent en optant pour une boite à 6 rapports au lieu de 5 seulement sur la R10. Mais Bruno Famin joue le bluff en annonçant que l'on se réserve le droit de revenir à 5, voire à 4 ! De son côté, le V12 offre d'ores et déjà au banc les 700 chevaux et les 1200Nm espérés lors de son étude. Trois voitures vont être construites dans un premier temps, deux dédiées aux courses Le Mans Series et une troisième aux séances d'essais. Celles-ci vont se succéder à un rythme très accéléré puisque une quinzaine sont planifiées avant Le Mans ! Trois d'entre elles seront des simulations de 24 Heures. En 5 mois et demi, un tel programme parait colossal mais il est également nécessaire afin de rattraper le plus vite possible l'énorme déficit d'expérience vis-à-vis d'Audi Sport. Il est même envisagé de se rendre à Sebring pour y disputer des essais juste après la course avec une voiture. Cela permettrait de jauger la valeur réelle de la voiture face à la concurrence (et notamment Audi...) dans des conditions proches de celles connues en course : température externe et gommage de la piste. Et dès la conférence de presse terminée, l'équipe se remet au boulot.

Lors de la séance d'essais du 4 février, la 908 reçoit notamment ses phares. Un mois plus tard, le 6 mars, c'est une voiture de course prête à l'emploi qui tourne au Paul Ricard. Elle est enfin équipée de ses rétros, les snorkels sont désormais partie intégrante du capot arrière et la décoration officielle est apposée. Avouons-le, celle-ci est décévante et minimaliste. La direction technique n'a pas souhaité trop alourdir une voiture qui n'est déjà pas au poids mini. Donc, une large partie de la carrosserie reste en carbone brut, vierge de peinture ou de vinyl. Seuls le nez et la bulle reçoivent du blanc et du rouge qui égaient un peu l'ensemble mais cela reste assez peu glamour. Autre point négatif, vu de près, ce parti-pris minimaliste mettra en valeur les finitions hétérogènes entre les divers éléments de carrosserie, en fonction du fournisseur. Ainsi, deux panneaux de carrosserie juxtaposés peuvent pour l'un sembler assez bien fini, voire satiné, tandis que l'autre reste complètement mat...

Tests Peugeot 908 HDi FAP HTTT
La pluie a peut-être perturbé les tests mais...
Tests  Peugeot 908 HDi FAP HTTT
...elle a permis des clichés magnifiques !

L'idée d'aller à Sebring s'avère finalement impossible sur le plan logistique tant les délais sont courts. Mais l'équipe est présente, fin mars, lors des Test Days officiels des Le Mans Series au Paul Ricard. Il s'agit donc d'une première rencontre avec la concurrence même si Audi n'est pas présent. C'est aussi l'occasion pour Michel Barge de préciser que « Nous effectuons ici notre sixième séance d’essais et nous totalisons environ 4500 kilomètres de roulage. Nous avons déjà fait quatre séances ici au HTTT et une à Valence. L’objectif principal est de fiabiliser l’ensemble de l’auto. Nous ferons la même chose à Monza et Valence qui seront deux séances grandeur nature. Nous avons tenté une simulation de 24 heures il y a deux semaines, mais elle a été interrompue par une météo exécrable ainsi que des soucis moteur et de boîte. Cependant, nous sommes en phase avec le programme prévu. Environ 1500 km ont été couverts lors de cette séance d’endurance. » Le V12 donne des signes de faiblesse à la fin de la première journée de ces tests et doit donc être changé. Mais le week-end se conclut avec la meilleure performance absolue même si cela n'a qu'une valeur très relative lors de séances de test : 1'43"705 contre 1'44"025 pour la Pescarolo Rollcentre classée seconde. La 908 est donc d'emblée dans le coup ce qui n'est pas une réelle surprise pour une voiture d'usine opposée à des privées. Bruno Famin précise d'ailleurs que « nous avons encore du travail en performance pure. La barre sera probablement plus élevée lorsque Audi sera là... Il reste également beaucoup de travail pour fiabiliser la voiture. »

Débuts en course et victoire !

1000 km  Monza 2007
Pour sa découverte de la compétition...
1000 km  Monza 2007
...l'équipe s'impose en Italie !

Arrive donc le mois d'Avril, il est maintenant temps pour la 908 de faire ses débuts en course. Cela se produit sur le circuit qui se rapproche le plus du Mans en terme d'exigences aérodynamiques : Monza. Les équipages sont connus depuis le 12 février dernier. Serge Saulnier a ainsi associé Nicolas Minassian et Marc Gené sur la n°7 qui seront rejoints par Jacques Villeneuve au Mans. Sur la n°8, ce sont donc Stéphane Sarrazin et Pedro Lamy qui disputeront la saison, épaulés par Sébastien Bourdais lors des 24 Heures. Pedro et Stéphane se connaissant parfaitement bien puisqu'ils étaient coéquipiers chez Prodrive et « Très rapidement il nous est apparu difficile de les dissocier » avoue le team-manager. Etant donné que Seb est proche de Stéphane autant en taille qu'en retour d'informations techniques, l'association est naturelle. « Parallèlement, Marc Gené et Nicolas Minassian ont beaucoup de points communs. Le principal est sans aucun doute leur style de pilotage. » confirme Serge. En se présentant en Italie, l'équipe technique n'est sûre que d'une seule chose : « N'importe quel élément mécanique peut nous empêcher d'aller au bout ! Nous n'avons pas encore prouvé pouvoir disputer 1000 km sans connaître de problème. »

Les séances d'essais libres des 1000 km de Monza sont abordées sagement par les hommes de Vélizy. Le vendredi, les 908 ne sont pas tout à fait en haut de la feuille de classement. De plus, les autos ont connu de petits problèmes : commande de boite de vitesses pour la n°7 et une grosse fumée sortant des snorkels aux stands pour la n°8. En fait, ce n'est rien de grave mais bien la preuve que l'équipe est encore en pleine découverte de son auto. Un flasque trop proche des freins a vu ses fibres portées à incandescence... La séance qualificative ne laisse cette fois-ci plus de doute quant à la valeur de la nouvelle-née. Les deux 908 lâchent la concurrence. Nicolas Minassian signe la toute première Pole de la 908 en 1'34"503, tandis que Stéphane Sarrazin est en 1'34"680. La Lola Judd du team Charouz, étonnante troisième pour sa première course, est tout de même reléguée à 1"6... La course confirme la main-mise des deux 908 qui creusent rapidement l'écart. Toutefois, la course n'est pas un long fleuve tranquille. Tout d'abord, un nouveau problème apparaît sur les deux autos simultanément. Elles roulent avec une portière entrouverte ! Cela n'a guère de conséquence mais leur impose un passage par les stands pour les refermer. Plus grave, la n°8 connait un problème de boite de vitesses bloquée qui lui fait perdre un peu de temps au box et deux tours sur la piste. La Pescarolo n°16 de Collard-Boullion en profite pour s'intercaler entre les deux 908 sur le podium final. Peugeot Sport vient de trouver son principal concurrent de la saison... Mais le drapeau à damiers vient tout de même saluer la toute première victoire en compétition de la 908 pour sa toute première course. Marc Gené et Nicolas Minassian inaugurent le palmarès de la Lionne. L'équipe quant à elle, explose de joie ! Il y avait encore tant d'inconnues autant sportives que techniques avant cette épreuve... Le soulagement est réel.

Nouveau succès à Valencia

1000 km Valencia 2007
C'est en repartant des stands après ce pit-stop que Marc Gené...
1000 km Valencia 2007
...laisse la victoire à la n°8 en terre espagnole !

L'épreuve suivante, trois semaines plus tard, convient moins bien, sur le papier aux 908. La série LMS se déplace en effet pour la toute première fois (et dernière à ce jour) en Espagne à Valencia sur un véritable tourniquet. Comme les voiliers de l'America's Cup (qui se déroule au même moment dans le port à l'autre bout de la ville) les 908 et leur puissant V12 sont taillées pour les grands espaces, moins pour les petits virages. D'ailleurs, les 908, qui ont conservé les blocs moto-propulseurs de Monza afin de leur donner du kilométrage en vue du Mans, voient l'écart avec la concurrence se réduire en qualifications : Marc Gené, à domicile, signe la Pole devant Pedro Lamy mais avec une seconde d'avance seulement sur la Zytek de Shimoda. En course, la situation se confirme, la Zytek restant longtemps menaçante et sur un rythme proche des Peugeot mais un problème d'accélérateur laisse les deux 908 loin devant le reste de la concurrence. Pourtant, une seule voiture voit la ligne d'arrivée. Marc Gené, hyper motivé évidemment, repart après un pit-stop en mettant un peu trop de gaz. L'embrayage est trop sollicité et finira par lâcher définitivement lors de la 5ème heure après que les deux 908 se soient livrées une véritable bataille interne. Ce sont donc Sarrazin et Lamy qui s'imposent à leur tour. La Pescarolo n°16 terminant 5ème, elle reste dans la course au titre, empêchant les pilotes Peugeot de ne jouer qu'entre eux. La bonne nouvelle vient toutefois de la fiabilité. Le Mans est maintenant en ligne de mire et en incluant les séances d'essais, l'ensemble moteur-boite de la n°8 a parcouru 3000 km. Ce n'est pas encore suffisant pour une course de 24 Heures, bien entendu, mais c'est bien mieux que ce qu'était capable de faire Renault avec son A442 en 1976, lors de sa première venue en Sarthe. Stéphane Sarrazin se montre d'ailleurs confiant : « Nous sommes bien partout. Dans le serré et dans le rapide. Donc nous devrions être dans le coup au Mans. Mais pourrons-nous durer ? Là est la question. »

Journée Test : Devant Audi !

Le 3 juin, tout le monde prend la direction du Mans pour la Journée Test. Les aérodynamiciens ont apporté quelques retouches imperceptibles visant à améliorer la finesse de la voiture et cela a été validé lors de la dernière simulation sur le Paul Ricard. Celle-ci n'a, une nouvelle fois, pas pu être mené à terme. Le fait de tenir 24 heures au Mans reste donc plus que jamais improbable. Un programme technique précis a été défini à l'avance pour cette journée du 3 juin et mené à bien grâce à une météo clémente. Et ce malgré quelques petits incidents émaillant la journée. Tout d'abord, les portières donnent de nouveau l'impression de vouloir reprendre leur liberté. Ensuite, une crevaison suivi d'une explosion du pneu arrière-gauche stoppe provisoirement la progression de la 908 n°8 en cours de matinée. Pour l'anecdote, cet incident entraîne l'envol du capot arrière. Lorsque la voiture rentre donc à son box, elle ouvre aux photographes placés au-dessus du stand, une opportunité unique de « shooter » le compartiment moteur. Ce que l'équipe tentait de cacher au mieux depuis le début de saison ! L'un des ces clichés trouvera une place de choix dans le livre annuel des 24 Heures du Mans... Mais hormis ces incidents, aucun pépin technique majeur n'est venu émaillé la journée. Mieux, les voitures se sont montrées rapides. Pile avant la fin des essais de la matinée, Nicolas Minassian réalise exactement le même chrono que la meilleure des Audi R10, celle d'Emanuele Pirro : 3'30"605. La petite nouvelle est donc au niveau de la tenante du titre.

Journée Test Le Mans 2007
Plus rapide qu'Audi lors de la Journée Test !

Mais une fois la n°8 réparée, le programme technique bouclé, Jacques Villeneuve et Marc Gené, les deux rookies, qualifiés, Sébastien Bourdais obtient carte blanche. Il en profite et lâche les chevaux. En 3'26"707, il s'octroie le meilleur chrono absolu de la journée à 20 minutes du drapeau à damiers. Il avoue qu'il a donné son maximum sans passer toutefois de pneus de qualifications. Pirro a lui aussi amélioré son chrono, demeurant ainsi le meilleur du clan Audi mais il est distancé d'une seconde et demie (3'28"277). Décidément, la 908 semble réellement être au niveau de la R10 en performance pure et ce dès sa toute première participation. A condition bien évidemment que le clan allemand n'ait pas trop caché son jeu. Mais étant donnés les efforts de Lucas Luhr sur l'Audi n°3 dans le dernier quart d'heure (passé lui aussi sous la barre des 3'30") on peut penser que ce n'est pas le cas et qu'il n'était pas question pour les quatre anneaux de laisser trop briller les lionnes. La course s'annonce donc sous les meilleures auspices pour ce qui est de la bagarre initiale. Il ne reste alors plus en suspens que la question de la fiabilité. D'ici deux semaines et les 16-17 juin 2007, tout le monde sera fixé...

Laurent Chauveau