1000 km de Spa (ou presque...) : Peugeot Sport survolté ! Imprimer Envoyer
Mardi, 11 Mai 2010 15:03

th_2010_02_Spa_Peugeot_3Nous avions déjà été à court de pétrole lors des 1000 km d'Istanbul 2006. Dimanche à Spa-Francorchamps, ce sont les électrons qui sont venus à manquer ! Soudainement, le circuit s'est vu privé d'électricité. Si la course a pu continuer quelques temps, les batteries d'appoint se vidant et le générateur de secours refusant toujours de se lancer, après deux heures de course, il fallait bel et bien interrompre la course au drapeau rouge ! Insolite et amusant... Malgré une interruption de près d'une heure, les concurrents, ont pu, au bout des six heures réglementaires (et maximales) rouler sur plus de 973 km. Sans cette interruption, et malgré quelques petites averses, la course n'aurait guère duré plus de 5 heures... C'est dire le rythme sur lequel on a roulé en tête de l'épreuve !

Sur des oeufs (ou de la glace...) !

Pourtant, le rythme des premiers tours était lent, par la faute des conditions évidemment. La piste humide par endroits, faute à une petite pluie qui n'avait pas touché l'intégralité du tracé, n'offrait qu'un grip très faible. André Lotterer s'en aperçut dès le tour de chauffe en perdant le contrôle de son Audi n°8 aux Combes et en percutant les pneus : « C'était comme piloter sur la glace, c'est difficile à imaginer, ». Il put ramener l'auto aux stands mais il fallut deux arrêts successifs pour remettre vraiment la R15+ en état de marche convenable. Convenable seulement car de visu en piste, la n°8 ne semblait pas rouler tout à fait sur le même rythme que ses sœurs. Effectivement, Benoit Tréluyer confirme que « le volant n'était plus droit après l'accident même si elle était encore rapide. » Avant même le départ, Audi ne disposait déjà plus que de deux autos pour aller jouer la gagne.

Une fois le (chaud) départ donné, on comprit très vite que les Audi étaient à la peine dans ces conditions et ce même si Pedro Lamy avait perdu immédiatement l'avantage d'un bon envol avec son tête à queue à La Source. Franck Montagny se plaçait donc en tête de la course et Olivier Panis parvenait à s'infiltrer devant l'Audi n°7 de McNish plaçant ainsi deux 908 aux avant-postes. Mais le safety-car intervint dès le premier tour après le crash de la Lola Racing Box n°29 dans le raidillon, une sortie de piste pour le compte...

Étrangement, le temps de dégager la Lola de sa périlleuse position et le peloton fut relâché par le safety-car vers le milieu du circuit et non devant les stands. Cela s'est fait en vertu de la nouvelle procédure qui veut qu'il y ait deux safety-cars en piste désormais en LMS au lieu d'un seul (il y en aura trois au Mans) et ce afin d'éviter de trop interférer sur les écarts réels avant les neutralisations. Ainsi, les concurrents ne sont plus sensés prendre un tour complet de retard si ils étaient mal situés avant l'entrée en piste du safety-car mais seulement un demi-tour. L'intention est louable et nous ramène quelques années en arrière lorsque non moins de 4 safety-cars prenaient la piste en même temps au Mans depuis 4 points différents du circuit. Reste toutefois à gérer cela correctement. Si ce premier restart de Spa ne pose pas réellement problème, l'on aurait préféré que celui-ci se fasse devant les stands pour que le public massé majoritairement dans cette zone en profite, l'instant étant toujours spectaculaire. Toujours est-il que le safety-car s'effaça du côté de Fagnes et cela en surprit plus d'un. Est-ce qui explique que Olivier Panis se fit immédiatement dépasser et qu'en arrivant dans le raidillon, il n'était plus que quatrième avec dans ses roues, un Jean-Christophe Boullion très rapide ? Toujours est-il que suite à une légère dérobade de sa Lola n°13, JCB vint heurter l'arrière droit de la 908 Arlequin dans le gauche du raidillon, l'envoyant dans le mur de pneus. Un simple fait de course malheureusement mais avec de lourdes conséquences pour les hommes d'Hugues de Chaunac car la Peugeot ne repartait pas ! La répétition générale du Mans était avortée et Loïc Duval, notamment, privé d'un précieux temps de roulage avant les 24 Heures du Mans. Décidément, le chat noir ne quitte plus l'équipe varoise, quelle déception et quelle déveine !

Toujours là, le chat noir...

La 908 fut rapidement évacuée par la commissaires et la course ne fut donc pas neutralisée. Les pilotes des Audi R15 ne parvenaient pas à suivre le rythme des Peugeot 908 sur cette piste humide. Pire, les Lola Rebellion et la Lola Aston Martin du team Signature se montraient dangereuses pour les allemandes. Au point même que la n°9 était débordée tandis que la n°7 était menacée par Boullion ! En fait, avec leur configuration Le Mans (la seule disponible en venant à Spa, la R15+ n'ayant pas à l'heure actuelle de configuration appuis forts) les pilotes Audi ne parvenaient pas à monter leurs pneus en température. « Cela m'a pris un temps fou avant de pouvoir trouver enfin un peu de grip. Auparavant, je m'appliquais simplement à maintenir la voiture sur la piste. » confiait d'ailleurs Allan McNish. De ce fait, les écarts se creusèrent à toute vitesse. Mais la piste s'asséchant, les R15+ purent enfin reprendre leur marche en avant avec des chronos bien plus proches de ceux des 908. Toutefois, Pedro Lamy avait réussi à refaire le terrain perdu dans le tête à queue initial et à replacer la troisième 908 officielle au troisième rang, Peugeot Sport posant clairement sa griffe sur la course. Quant aux protos essence, l'assèchement signifiait également pour eux, l'obligation de rentrer dans le rang et de laisser les diesels jouer entre eux.

Après trois quarts d'heure de course, l'épreuve était de nouveau neutralisée. Thor-Christian Ebbesvik avec sa Zytek Bruichladdich se rabattant un peu trop tôt sur l'Aston Martin Vantage au Bus Stop ce qui l'envoyait droit vers le mur. Bien que cela se passa à une vitesse relativement lente, le choc frontal était violent et le pilote, souffrant du dos, était incapable de s'extraire seul de l'auto. Les commissaires tirèrent une bâche afin d'empêcher les caméras d'assister à l'extraction d'Ebbesvik. Les fourmis qu'il ressentit dans la jambe dès après le choc prouvaient que quelque chose n'allait pas. Thor-Christian souffre d'une vertèbre fracturée mais il espère être au Mans comme l'a confirmé Endurance-Info. Quant à la Zytek, « elle sera prête à temps sans problème. La monocoque n'est pas touchée, ce n'est que le crash box qui est détruit » me confiait Karim Ojjeh. Mais lui aussi déplore le manque de roulage avant Le Mans...

th_2010_02_Spa_Audi_7Durant l'intervention des safety-cars, Audi faisait rentrer la n°7 pour un ravitaillement. Coup de chance pour le team Joest, la voiture pouvait se relancer sans attendre à la sortie des stands. Le feu qui aurait dû être au rouge était au vert, suite à une erreur de manipulation d'un commissaire semble-t-il... Du coup, la n°7 reprenait sa place derrière le même safety-car et s'offrait un ravitaillement quasi « gratuit » en terme de temps. Chez Peugeot, on n'avait pas voulu anticiper ceux-ci, certainement pour en gagner un sur la durée totale de la course. Mais les premiers pit-stops des 908 se firent donc sous drapeau vert et la perte de temps sur l'Audi n°7 fut donc considérable... Surtout vue la longueur hors-norme de la voie des stands de Spa, car ce week-end, étant donné le nombre de concurrents, on utilisait les anciens et les nouveaux stands. Toute cette distance à parcourir à 60 km/h est extrêmement pénalisante ! Entre 1'35" et 2' suivant que l'on change les pneus ou pas... Bref, un fait de course un peu bizarre venait de redonner l'avantage au clan Audi Sport car après leur pit-stop, les 908 repartaient bel et bien derrière la R15 n°7... La course poursuite s'engageait.

A la fin de la deuxième heure, les trois 908 pointaient de nouveau aux avant-postes mais uniquement parce que Allan McNish avait cédé le volant à Dindo Capello. C'est pile à ce moment là que Franck Montagny partait en toupie à très haute vitesse dans Blanchimont puis tapait les pneus, suite à un contact avec la Lola Kruse ! Il ramenait une 908 privée d'aileron arrière. Et c'est là ou l'on s'aperçoit que la facilité d'intervention sur la 908 a énormément évolué avec le temps. La n°2 ne perdit en effet grosso-modo qu'un seul tour sur les leaders alors qu'il fallait changer la crash-box arrière et les capots avant et arrière ! La voiture se relançait donc vite pour être immédiatement stoppée comme tout le monde, pas le fameux drapeau rouge !

Plus de jus !

Un calme étrange s'installait donc sur le circuit... Que la fée électrique retrouvée, permettait de briser peu avant la fin de la troisième heure ! Toutefois, en salle de presse, nous étions toujours privés de chronométrage et d'images ! Donc, il m'est difficile de vous dire comment s'est passé ce nouveau restart... Lorsque revinrent toutes ces informations, Sébastien Bourdais avait le mors aux dents et reprenait des paquets de seconde à Dindo Capello, de nouveau en tête. Sébastien remontait fort tandis que Montagny, lui, parvenait à doubler l'italien, pile à la mi-course, pour se recaler dans le même tour que le leader. Quelques minutes plus tard, Bourdais est dans les roues de Capello et le duel débute. Après quelques tours, le manceau trouve l'ouverture à La Source. Avant de se faire implacablement repasser dans la ligne droite de Kemmel. L'Audi R15+ disposait dimanche d'une excellente vitesse de pointe, près de 20 km/h plus élevée. Il est probable que Peugeot Sport ait rajouté de l'appui pour faire face aux risques de pluie tandis que Audi devait composer avec son aéro Le Mans.

Capello finissait par rentrer aux stands, Bourdais étant toujours collé à ses basques, les deux hommes nous ayant offert un joli spectacle dont le début de course humide nous avait malheureusement privé. Dès lors, la Peugeot n°3 ne sera plus vraiment inquiétée pour la tête de la course. Certes, une petite averse dans la dernière heure compliquera de nouveau la tâche des leaders. Simon Pagenaud (qui a relayé Bourdais) devra composer avec ses pneus slicks sur la piste bien mouillée (mais par endroits seulement) tandis que Kristensen, à bord de l'Audi n°7, tentait le pari de repasser par les stands pour chausser des slicks retaillés. Si sur l'instant, le pari était le bon car Simon connaissait quelques chaleurs, Tom lui reprenant des paquets de seconde, l'assèchement de la piste finissait par inverser la tendance et, au contraire, c'était le danois qui devait défendre sa position face à la 908 n°2 d'un Stéphane Sarrazin, lui aussi resté en slicks. Privé de traction par des pneus bien usés, Kristensen devait laisser filer le pilote Peugeot à quelques minutes de l'arrivée. La troisième 908, la n°1 finissant devant la R15+ n°9.

th_2010_02_Spa_Lola_13Les deux Lola Rebellion, si brillamment parties sur la piste humide, ont finalement connu toutes deux des problèmes, la n°12 devant même se retirer, stoppée en bord de piste sur un problème de boite. La n°13 parvint à franchir la ligne au 6ème rang du LMP1 mais en n'ayant plus que le 4ème rapport à sa disposition. Voilà le Rebellion Racing au prise avec un surprenant et inquiétant problème de boite juste avant Le Mans... L'Audi n°8, considérablement retardée en début de course termine au 7ème rang. Tout comme les Lola Rebellion, celle Signature, excellemment bien partie, a également été retardée par des problèmes de boite de vitesses peu avant la cinquième heure de course lui faisant perdre 12 minutes. Un petit hors-piste de Vanina Ickx retardera encore un peu plus l'auto en fin de course. La n°008 termine 8ème et dernière classée du LMP1.

Quels enseignements avant Le Mans ?

Le moins que l'on puisse dire est que l'on n'est guère plus avancé après ces 1000 km de Spa populaires (38.000 spectateurs) quant à l'affrontement qui nous attend dans un mois au Mans. Comment tirer des conclusions valables de cette course ou les deux adversaires principaux disposaient d'armes configurées de manière aussi dissemblable ? C'est quasi impossible. Malgré de plus gros appuis engendrant une trainée plus importante, les 908 dominent (mais de très peu) les R15 dans le premier secteur, certainement parce que cela leur permettait de passer bien plus vite dans le raidillon. Dans le deuxième secteur, il n'y a pas photo entre les 908 et les R15. C'est là que l'écart se fait (plus d'une seconde...) Quant au troisième et dernier, moins exigeant en termes d'appuis et faisant la part belle à la Vmax, ce sont les 3 R15+ qui dominent (mais de peu).

th_2010_02_Spa_Peugeot_2On peut par contre trouver plus d'enseignements quant aux équipages eux-mêmes. Chez Peugeot, si la n°2 et la n°3 semblent être sur un quasi pied d'égalité avec toutefois un léger avantage à Montagny-Sarrazin, la n°1 est plus en retrait. D'ailleurs, elle a joué un rôle plus effacé au cours de cette épreuve. Dans le clan d'en face, la domination de l'équipage de la n°7 semble assez évidente. C'est la seule R15+ qui ait réellement pu contrarier le clan Peugeot. Ne jugeons pas trop de la performance de la n°8 du fait de son accident précoce mais on peut être surpris par le rythme très conservateur des jeunes pousses de chez Audi face aux expérimentés. Bernhard-Dumas-Rockenfeller n'ont pas le rythme de McNish-Capello-Kristensen même si parmi ces derniers, Dindo est un petit cran en dessous.

A l'approche des 78èmes 24 Heures du Mans, nous manquons donc toujours d'éléments de comparaison entre le Lion et les anneaux. Doit-on s'en réjouir pour le suspense ? Ou regretter de ne pas disposer d'un semblant de petit indice ? Libre à chacun d'apprécier. Prenons juste le risque de penser que les deux adversaires seront relativement proches au Mans. Nous voulons enfin cette bataille royale entre les deux constructeurs ! Une chose semble probable en tout cas, l'affrontement durera longtemps car les deux autos sont fiables. On le savait pour la 908 mais la R15+ le prouve également puisqu'elle en est à quatre courses (1 auto au HTTT et 3 à Spa) sans aucun problème mécanique...

Laurent Chauveau