LMDh : Il n’est jamais trop tard ! Imprimer
Lundi, 27 Janvier 2020 10:36

LMDH ACO IMSA Janvier 2020Enfin. Enfin ! Le 24 janvier 2020 pourrait être la date historique qui marquera le retour en grâce de l’endurance chez les grands constructeurs. Une date qui refermera, souhaitons-le les plaies du 18 janvier 2012 (retrait de Peugeot), du 26 octobre 2016 (Audi) et du 28 juillet 2017 (Porsche). L’ACO et l’IMSA ont en effet annoncé l’unification de leurs destins dans la catégorie de pointe en créant le LMDh (probablement Le Mans Daytona hybride). Pour ce qui concerne le WEC et Le Mans, cette nouvelle catégorie ne se substitue pas aux Hypercars récemment annoncées mais s’y ajoutera dès septembre 2021. Les Hypercars auront donc une saison complète pour elles seules (2020-2021) avant de se voir rejointes par les LMDh en 2021-2022. Pour l’IMSA, elle entrera en fonction lors de la saison 2022 en remplacement des DPi actuelles. Si l’on ramène cela aux 24 Heures du Mans, cela signifie par exemple que tout nouveau constructeur choisissant le LMDh plutôt que l’Hypercar ne pourrait pas être vu en Sarthe avant juin 2022. Les Hypercars et les LMDh seront équilibrées en terme de performance par une BOP, le mal nécessaire de notre époque, surtout avec l’arrivée annoncée de l’hydrogène pour 2024. Malheureusement, nous ne sommes pas prêts d’être débarrassés de cette méthode artificielle d’équilibrage des performances entre diverses technologies et diverses catégories. Cependant, convenons-en, pour s’assurer que des technologies aussi différentes que l’hydrogène alimentant une pile à combustible, une Hypercar à l’hybride spécifique ou une LMDh à l’hybride standardisé, seule une BOP (bien faite…) parait être à même d’assurer d’un réel équilibrage des performances, assurant ainsi à tous, des chances de victoires sur le papier ce qui est bel et bien le but recherché par les organisateurs.

LMDh, mais qu'est-ce donc ?

Alors qu’est-ce donc que ce LMDh annoncé par l’ACO et l’IMSA dans la salle de presse de Daytona ? Soyons clairs, c’est peu ou prou le concept que l’on nommait jusqu’à présent DPi 2.0, les DPi 2ème génération appelées à entrer en fonction pour les 24 Heures de Daytona 2022. La coque sera basée sur l’une des coques du futur LMP2 prévu pour entre en service en septembre 2022, fabriquée par l’un des quatre manufacturiers actuels de LMP2 : Dallara, Ligier, Multimatic et Oreca. Le communiqué officiel parle nébuleusement d’un châssis commun. Il est pourtant CERTAIN que chacun de ces 4 constructeurs homologuera sa propre monocoque qui sera ensuite mise à disposition de qui la souhaite. Un système hybride commun de type KERS est obligatoire. Ce qui était la base des discussions du DPI 2.0. La carrosserie devra obligatoirement et nettement, rappeler les codes stylistiques du constructeur concerné. Par exemple, une Ford LMDh devra réellement rappeler certains points des Ford de route. Si Cadillac poursuit en LMDh, il faudra que la voiture adopte certainement bien plus de formes propres aux voitures de série que ce n’est le cas avec la Dpi actuelle… Vraiment, tout cela rappelle tout ce qui était prévu pour le DPi 2.0.

Cadillac Daytona 2018Nombreux sont les fans qui voient là, une régression du niveau technique du LMP1, une régression des libertés techniques des ingénieurs ! Oui ! Tout à fait. Et il le fallait. Urgemment ! La révélation de la catégorie Hypercar n’a pas créé l’appel d’air escompté. Hormis Toyota et Aston Martin pour qui ce règlement a été fait, aucun autre constructeur ne s’est laissé convaincre pour l’instant. Peugeot a certes annoncé son retour mais on peut penser que le constructeur sochalien glissera assez aisément de l’Hypercar vers le LMDh si celui-ci s’avère moins couteux à aborder. Cela devrait être le cas puisqu’il sera inutile d’homologuer une coque ou de concevoir un système hybride spécifique. Comme Hugues de Chaunac l’a déclaré, les constructeurs, notamment européens sont contraints et forcés à développer largement leur gamme électrique, répondant ainsi au Diktat de l’UE, chasse au CO2 oblige. Or le véhicule électrique amenuise considérablement les marges des constructeurs car pour l’instant, il coûte plus cher à fabriquer que le véhicule à moteur thermique. Le consommateur n’étant pas forcément prêt à accepter le surcoût, les constructeurs sont obligés de rogner sur tous les domaines possibles afin de conserver un minimum de force de frappe. La communication n’échappe pas à la règle. Partout, on réduit la voilure… Pour preuve, le désamour de plus en plus marqué des constructeurs pour les salons automobiles qu’ils désertent. On pensait celui de Genève à l’abri de ce phénomène et pourtant, l’édition 2020 sera à son tour nettement touchée.

Autre fait avéré, personne ne sait à ce jour quelle sera la voiture de demain. S’il y a un point commun au discours de tous les grands constructeurs aujourd’hui, c’est bien cette immense inconnue qui plane au-dessus de leur tête. Carburants dérivés du pétrole, carburants verts, électrique à batteries, électrique à l’hydrogène, personne ne sait si une solution va réellement s’imposer. Et pour cause, il y a beaucoup trop d’inconnues dans l’équation. Inconnues techniques, inconnues économiques mais aussi et surtout, surtout, des inconnues politiques… Les constructeurs sont donc contraints de rester vigilants dans tous les domaines techniques. Ils ne peuvent se permettre de louper LA technologie qui s’imposera. Si tant est qu’il y en ait réellement une. Cela divise encore un peu plus leurs budgets de R&D. On ne peut donc absolument plus, dans ce contexte, se permettre de claquer un fric fou dans la conception, le développement et l’engagement de prototypes. Ni prétendre que c’est de la compétition que viendra la solution pour la voiture de série. Maintenant que les législateurs ont de nouveau posé les pieds sur terre, il serait bien que les fans jusqu’au-boutistes en fasse de même…

LMP2, la bonne plate-forme !

Beaucoup sont également inquiets sur le fait que, dérivées des monocoques du futur LMP2 2022, la formule ne devienne monotype de ce point de vue. Et finalement, il ne s’agira là « que » de LMP2 relookées. Tout d’abord, je rappelle que chacun des quatre constructeurs disposera bien de sa propre monocoque. Et que à ce titre, l’IMSA actuelle est loin d’être monotype puisque chacun des quatre châssis LMP2 a bien été utilisé pour l’une des DPi. Dallara pour Cadillac, Riley pour Mazda, Oreca pour Acura et Ligier pour Nissan. Ensuite, avec l’apport de l’hybride, on ne peut vraiment plus parler de LMP2. Enfin et surtout, les LMP2 actuelles ainsi que les DPi auraient déjà fait d’excellentes concurrentes pour la victoire finale sans que ça ne soit à aucun moment honteux ! Ces voitures tapent les 3’25" en qualifs, les 3’27" en course, c’est loin d’être du mou de veau ! C’est en tout cas mieux que les Hypercars dont a voulu fixer le niveau de performance aux alentours des 3’30". Il faut s’enlever de la tête que le LMP2 sont des protos low costs. Ce sont de superbes bases pour la catégorie de pointe. Et, avantage de cette communauté de coques entre catégorie de pointe et LMP2, elle assure un futur à cette dernière catégorie...

24H 2019 ToyotaOui, ce qui a été ce 24 janvier est très certainement, au vu de la situation actuelle du WEC et de l’IMSA, LA bonne décision pour assurer un futur aux deux séries. Car ne nous y trompons pas, si le WEC est actuellement en difficultés avec son LMP1, l’IMSA donne des signes de fléchissement également. Maintenant que ce rapprochement est officiel, on peut même se demander pourquoi il n’a pas été possible avant ! Les DPi actuelles avaient toute leur place au Mans et en WEC. C’était le souhait de nombreux fans pour un peu plus de diversité. Même si, ne soyons pas naïfs, le fait d’ouvrir la voie aux DPi n’aurait en rien assuré leur présence au Mans puisque leur engagement aux USA se fait souvent via des équipes privées. Le budget pour une expédition Le Mans est tout sauf négligeable pour de telles structures ! Mais une chose est sûre, l’interdiction réglementaire qui leur était faite nous assurait qu’elles ne seraient pas là. Or, se priver de la présence potentielle de noms telle que Mazda, Cadillac, Acura (ou Honda) est incompréhensible.

Sous les pressions...

Si ce rapprochement a enfin pu se faire, c’est bien parce que les deux séries sont en difficulté. Le DPi 2.0 semblait avoir un peu de mal à s’imposer. Du côté de Mazda et Cadillac, on a récemment confirmé n’avoir aucun intérêt envers l’hybride. Cet accord avec le WEC renforce la position de l’IMSA, Mazda et Cadillac devront suivre… Daytona_2018_002Du côté du WEC, les rumeurs négatives concernant le programme Hypercar Valkyrie d’Aston Martin ne cessant pas, l’ACO ne pouvait pas risquer de ne se retrouver finalement qu’avec Toyota et Peugeot. Surtout que le constructeur français n’est pour l’instant engagé que pour trois saisons. De plus, le retrait brutal de Citroën du WRC le mois dernier, vient de prouver une nouvelle fois que la politique sportive du groupe PSA peut parfois manquer de constance. L’ACO en savait déjà quelque chose…

Si ce rapprochement a enfin pu se faire, c’est aussi et certainement sous la forte pression de divers constructeurs intéressés par la formule DPI 2.0 à condition qu’elle devienne internationale. Ford notamment, n’a jamais caché son intérêt pour ce DPI mais souhaitait pouvoir venir avec la même voiture en Sarthe… Mais on sait que d’autres mastodontes emboitent le pas à Ford. Les noms de Porsche, Ferrari et Lamborghini notamment circulent. Parions que si Peugeot Sport n’a pas encore dévoilé les contours techniques de son projet, ce n’est pas pour rien… L’intérêt de tels constructeurs aura donc fini par avoir raison de la résistance mancelle acharnée au DPi. Car n’oublions pas que, suite au départ d’Audi puis Porsche, l’ACO aura présenté chaque année un nouveau règlement LMP1 qui jamais, n’aura vécu plus de quelques semaines. Toujours trop cher… N’oublions pas que l’accouchement de l’Hypercar s’est fait dans la douleur et dans la durée, avec sans doute le secret espoir de parvenir à convaincre tout le monde sans faire appel au DPi. Qu’il en aura fallu des pressions pour que le changement de cap salutaire soit enfin effectif !

Constructeurs, à vous de jouer !

L’essentiel est là, c’est maintenant fait. Et c’est l’une des nouvelles les plus réjouissantes depuis un sacré bout de temps ! Merci d’avoir ouvert le cadre réglementaire ! Il nous reste désormais à patienter jusqu’à Sebring pour connaître avec plus de précisions, les contours techniques de ce LMDh. Il nous reste aussi à patienter avant de savoir si les Hypercars seront admises en IMSA. Espérons que cette présentation s’accompagne d’un flot d’annonces d’engagement ! Car désormais, chers constructeurs, la balle est dans votre camp. L’ACO et l’IMSA vous ont donné le feu vert. Nous savons que vous êtes nombreux à vous échauffer dans le vestiaire. A vous de mettre le pied à la planche ! A vous de ne plus nous décevoir ! Car, comme l’écrivait un certain Thibaut Villemant récemment dans Auto-Hebdo, Le Mans et l’endurance sont peut-être à l’aube d’une nouvelle ère dorée. On rêve déjà devant les plateaux somptueux que cela pourrait nous offrir. A vous, chers constructeurs, de transformer le plomb en Or !

Laurent Chauveau

PS : Le GTE Pro pourrait au contraire souffrir de cette éventuelle montée en puissance du LMDh. Cela ne réjouira personne tant cette catégorie nous fait rêver depuis deux décennies. Malheurement, son succès était aussi le signe du malaise dans les catégories de pointe. On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs…