Au matin des 6 Heures de Spa, j'ai eu la possibilité de rencontrer Pascal Vasselon, le directeur technique de Toyota. La TS030 Spec 2013 souffrait alors de la comparaison avec les trois Audi, notamment dans le secteur 2 du circuit ou elle perdait jusqu’à 2 secondes (en qualif) face à la meilleure des R18. De quoi être inquiet dans l’optique de la course mais aussi des 24 Heures du Mans ou l’on attend les TS030 au tournant après la brillante (mais un peu trop courte) démonstration de l’an passé…

« Nous savions en venant ici que cela ne serait pas facile pour nous avec un package aéro purement typé Le Mans. Sur le plan aéro, Spa est un circuit qui se rapproche du Mans. Mais ce n’est pas Le Mans et nous en faisons l’expérience. Et plus précisément dans le secteur 2 qui est celui nécessitant le plus d’appuis. Des appuis que nous sommes incapables d’obtenir avec cette version de carrosserie. Donc, nous avons à faire face à quelques difficultés mais clairement, nous l’avions anticipé. Nous espérions certainement faire un peu mieux et le warm-up nous aidera encore un peu à affiner nos réglages. Nous verrons alors où nous en serons. »

Vous êtes en configuration Le Mans. Est-ce un choix de votre part afin de préparer au mieux Le Mans ou est-ce parce que vous n’avez pas encore d’autre configuration disponible ?

« En fait, c’est un mélange des deux. Nous ne disposons pas d’autre version parce que nous avons choisi de nous focaliser sur Le Mans. Donc la version "appuis-forts" de notre TS030 Spec 2013 arrivera à Sao Paulo. Pas avant. Ce n’est pas un problème de manque de temps, c’est un choix. Si nous ne l’avions pas fait, nous aurions toujours eu, à la dernière minute, la tentation d’utiliser un kit aéro plus adapté à ce circuit. »

Mais Audi engage également une version Le Mans. Or si l’on compare avec la n°3, vous semblez être en retrait ?

« C’est une orientation similaire en effet. La n°3 est une R18 version Le Mans mais au vu de leur vitesse de pointe significativement plus faible que la nôtre, je pense qu’ils sont capables d’emmener plus d’appuis que nous avec cette auto. » (Il est étonnant de constater que les relevés officiels contredisent les propos de Pascal. Les deux voitures étaient créditées de la même Vmax après le warm-up, au moment où cette interview a été réalisée : 307,7 km/h. L’Audi avait même obtenu cette Vmax avant la Toyota. A l’issue de la course, elles étaient toujours sur un pied d’égalité, dominant nettement toutes les autres LMP1 avec 308,6 km/h chacune. TMG disposait-il d’autres chiffres ? Les réactions d'après-course, parues sur Autosport GB tendent à prouver que l'on n'est pas si satisfait que cela du week-end spadois côté TMG...)

Même si vous le vouliez, afin d’améliorer vos chronos sur un tour ici, quitte à vous éloigner d’une config typé Le Mans, vous ne pourriez donc pas ajouter d’appuis sur votre auto ? En ajoutant de plus gros gurneys par exemple ?

« Non, nous ne le pouvons car notre version Le Mans ne nous permet de générer qu’une certaine valeur d’appuis. Nous ne pouvons pas aller au-delà sans déséquilibrer l’auto. Visiblement, Audi a plus de latitude. »

Espériez-vous, ici à Spa, un écart plus grand entre votre version fort-appuis 2012 (la n°8) et votre version Le Mans 2013 (n°7) ?

« Non, pas vraiment. Nous sommes là où nous pensions l’être. Mais vous savez, notre but n’est pas de battre notre version 2012 ! (Rires) »

Puisque vous avez décidé de vous focaliser sur Le Mans, les enseignements que vous tirez de cette première journée vous donnent-ils satisfaction en vue des 24 Heures ? Pensez-vous que l’écart constaté jusqu’alors va se réduire ?

« Nous l’espérons, oui. (le ton est ferme et convaincu) Le Mans est très différent, vraiment. Lorsque je constate notre vitesse de pointe, il y a des raisons de penser que nous serons en mesure de réduire l’écart dans la Sarthe. »

Y a-t-il encore d’autres développements qui vont arriver sur la voiture pour les 24 Heures ?

« Le développement est permanent et il va se poursuivre jusqu’au Mans. Mais il n’est plus temps de se lancer dans des modifications importantes. Ce ne sont que de petits raffinements dont il peut s’agir désormais. Rien de fondamental. »

Audi semble avoir adopté un système qui s’approche d’un diffuseur soufflé. Vous n’allez pas adopter un tel système ?

« C’est une solution que nous avons longuement testé dès l’année dernière et nous en sommes venus à une conclusion différente de celle prise par Audi. »

Pourtant, vous aviez a priori, plus à gagner avec un moteur essence atmosphérique que Audi avec son turbo diesel.

« C’est effectivement ce à quoi on pourrait s’attendre étant donné qu’il y a plus d’énergie dans les gaz d’échappements. Mais la combinaison des avantages et des inconvénients de ce système nous a poussé à ne pas l’utiliser. »

Des problèmes de fiabilité ? Notamment en raison de la température des échappements libérés dans la zone où se trouvent les éléments de suspension ?

« Les soucis de fiabilité, nous aurions pu les surmonter même si la température peut être un problème. Mais sans aller trop loin dans le détail, c’est plutôt le compromis aéro-fenêtre de fonctionnement des pneumatiques qui nous posait problème. » (Le fait que le système hybride des Audi soit situé à l’avant est peut-être dans ce cas, un avantage permettant d’utiliser un tel système.)

En parlant de pneumatiques, vous avez été mis en difficulté à Silverstone sur ce point précis, ou vous étiez pourtant dominateurs l’an passé.

« Nous l’avons été jusqu’à la mi-course à peu près, moment où nous avons trouvé la parade. Mais Silverstone a été tellement spécifique avec ces séances d’essais disputées en grande partie sur le mouillé. Nous n’avions pas pu réellement mettre au point la voiture, ni tester les pneus 2013. Dans l’incertitude, nous avons débuté la course avec les gommes 2012. Dès que nous avons chaussé les 2013, nous n’avions plus ces soucis. »

La seconde voiture en Spec 2013 est-elle déjà prête ?

« Oui, elle l’est. Elle a même déjà roulé. »

Etait-elle présente lors des essais à Portimao que vous avez mené après Silverstone ?

« Non. Lors des essais d’endurance, la plupart du temps, nous ne faisons tourner qu’une seule voiture. Nous opérons des rotations régulières afin de nous assurer que les personnes ne soient pas trop fatiguées donc il nous est difficile de faire rouler les deux voitures en même temps. Nous ne le faisons qu’une seule fois dans l’année avant Le Mans. »

Après cette course, avez-vous prévu d’autres tests avant la Journée Test ?

« Oui, nous allons à Aragon la semaine prochaine puis il sera temps de prendre la route du Mans. »

Les raisons d’espérer un bon niveau de performance au Mans sont apparues encore plus évidente sur les trois premières heures de course. Le warm-up a dû être bien mis à profit par l’équipe Toyota. A moins que ce ne soit les excellentes conditions météos qui ait permis à la TS030 Spec 2013 de se trouver plus à son aise ? Toujours est-il qu’elle était en mesure de disputer la victoire aux deux Audi du Championnat. Elle semblait même pouvoir dominer la R18 Long Tail, moins à l’aise avec ses pneumatiques. Reste à comprendre ce qu’il s’est passé avec le système hybride qui n’avait jamais posé problème sur la TS030 et qui a mis un terme à la course de la n°7. Mais l’optimisme reste malgré tout de mise dans le clan Toyota aux dires mêmes de Pascal Vasselon. Il conclue en ajoutant : « la Journée Test nous offrira la possibilité d’entrevoir réellement le niveau réel de performance de chacun des deux constructeurs engagés. » A bon entendeur…

Laurent Chauveau