24H 2011 : Audi, pour un battement de cils... Imprimer Envoyer
Dimanche, 19 Juin 2011 09:58

Audi R18 #2 Le Mans 2011A quoi peut tenir un succès aux 24 Heures du Mans ? Ces fameuses 13 secondes qui, en cette 79ème édition, ont finalement séparé l'Audi R18 n°2 de Marcel Fässler, André Lotterer et Benoit Tréluyer de la Peugeot 908 n°9 de Pedro Lamy, Sébastien Bourdais et Simon Pagenaud, que représentent-elles exactement ? On sait qu'un écart si ténu ne constitue toutefois pas le record de l'épreuve. C'est en fait le quatrième écart le plus serré de l'histoire (derrière les 20 m de 1966, les 120 de 1969 et les 401 de 1933). Ces 13"854 représentent très exactement 774 mètres. Lorsque l'on sait que les vainqueurs en ont parcouru 4838,295, on prend conscience que ce n'est rien... Cela signifie que l'Audi n°2 a tourné, en moyenne, 4 centièmes de seconde plus vite que la Peugeot lors de chacun de ses 355 tours. 4 centièmes de seconde par tour. 10 fois moins que le temps d'un battement de cils...

Ces seuls chiffres placent déjà le cru 2011 dans les bonnes éditions. Mais ça ne s'arrête pas là. Jamais durant cette course, le leader n'a pu placer ses poursuivants à un tour et c'est un cas rarissime. 46 changements de leader ont été officiellement enregistrés ! On pourrait presque parler d'un record si les annales gardaient trace de genre de chiffres. Autre fait ? A très exactement 8 heures du matin, le dimanche, le meilleur tour en course, venait d'être signé par André Lotterer sur son Audi lors de son 226ème tour en 3'26"298. Un tour plus tard, Sébastien Bourdais sur sa Peugeot claquait un 3'26"298. Pas de faute de frappe, c'est bien le même chrono... Et lorsque l'on pense qu'à 33 minutes du terme, 6"4 séparaient les deux voitures de tête, on prend conscience de l'intensité de ce duel annoncé, tant espéré et finalement avéré... 2011 n'a pas simplement été une bonne édition, c'est un grand cru classé !

Mais à un duel sportif superbe, magnifié par l'incroyable bagarre des quatre leaders, roues dans roues, au petit matin, s'est ajouté des faits de course majeurs. De ceux qui frappent l'imagination, font couler des sueurs glaciales dans le dos, figent une foule entière la tête entre les mains, et font les choux gras des journaux mondiaux, qu'ils soient télévisés ou imprimés sur papier... Des accidents d'une violence inouïe, marquée par une chance folle. Le Mans 2011 n'a pas été endeuillé ni même marqué par des blessés graves, les dieux ont été bienveillants. Lorsque l'on revoit l'accident d'Allan McNish ou celui de Rockenfeller, on ne peut parler que de miracle...

Depart 24 H du Mans 2011Il est 15H51. Après un départ déjà chaud, les trois Audi ont réussi à se hisser aux trois premières places, lorsque McNish a fini par déborder Montagny, après 22 minutes de course. Après plusieurs tentatives infructueuses dont une sur la ligne droite des stands qui voyait le pilote écossais changer plusieurs fois de ligne pour tenter de trouver l'ouverture, c'est au freinage de la première chicane des Hunaudières qu'Allan s'impose. Dès lors, il peut tenter de se rapprocher de ses coéquipiers car Tréluyer et Bernhard ont commencé à s'enfuir. Mais avant qu'il ne le fasse, nous pouvons tirer un premier enseignement de cette course. Certes, les R18 semblent plus rapides que les 908, mais elles apparaissent également plus gourmandes. On s'y attendait un peu après avoir vu la course de Spa mais on en a désormais confirmation. Les n°1 et 3 stoppent dès le 9ème tour, la n°2 en fait de même au suivant. Elle est suivie de peu par la première des 908 à ravitailler, la n°8, ainsi que celle d'Oreca, qui n'aura donc pas d'avantage par rapport aux nouvelles diesel de ce point de vue là. Les n°7 et 9 resteront un tour de plus en piste ne ravitaillant qu'au 11ème tour. En incluant le tour de lancement, il semble donc que les Peugeot puissent boucler 12 tours et les Audi 11 seulement mais tant que les voitures n'auront pas bouclé un relais complet en rythme de course, nous n'en aurons pas la certitude. Or, ce premier relais complet va se faire attendre.

Miracle n°1

Montagny McNish LM 2011Car il est effectivement 15H51. Allan McNish a ramarré Timo Bernhard depuis quelques minutes. Sous la passerelle Dunlop, les deux pilotes Audi rattrapent la Ferrari Luxury n°58 d'Anthony Beltoise. En un rien de temps, Allan déborde par l'intérieur un Timo hésitant, puis décide également de passer la Ferrari. Hélas, Anthony prend sa trajectoire sans voir Allan surgir avec un différentiel de vitesse énorme. Il heurte la R18 qui, déséquilibrée, file dans les graviers en les survolant sans être freinée. Par chance pour lui, Allan tape les pneus en deux fois car il les heurte à hauteur d'un sifflet, cet endroit ou l'on peut laisser rentrer une voiture derrière les rails en cas de panne. Il touche donc les pneus sur le premier rail, ce qui le freine beaucoup mais pas suffisamment. Sa R18 est envoyée sur le second rail ou elle part dans une impressionnante toupie en l'air, projetant des éléments de carrosserie et mécaniques dans toutes les directions. Et c'est là, au milieu de cette image apocalyptique que se produit le miracle absolu de cette course. La R18 est à la verticale, ne demandant qu'à retomber. Avec sa vitesse, elle va forcément franchir le rail et s'effondrer sur les commissaires et les photographes. Mais non. Est-ce cette roue avant apparemment bloquée par le mur de pneus qui la fait pivoter du bon côté ? Toujours est-il qu'elle se repose, à l'envers, mais côté graviers, à cheval sur les pneus. La Ferrari l'a accompagnée dans sa sortie de piste mais ne fait que taper les pneus de l'arrière à faible vitesse. Anthony la ramènera même assez vite à son stand. De son côté, Allan parviendra à s'extraire quasiment seul de sa voiture et ne sera emmené à l'hôpital que pour des contrôles. A part des coupures dues aux morceaux de carbone volant en tout sens, aucun commissaire ou photographe n'a été véritablement blessé. Qui peut le croire ?

La course est évidemment neutralisée et il faudra 1H12 pour dégager le squelette de l'Audi, remplacer les rangées de rail détruites et les protéger par de nouveaux pneus. Mais au moment du restart, chacun reste marqué par cette image dramatique. Incontestablement, Allan a pris un risque énorme. Il a été trop optimiste en doublant deux voitures dans la même manœuvre. On sait que c'est sur son habileté dans le trafic qu'Allan a bâti une partie de son palmarès et de sa légende. Des coups identiques ou presque, il en a réussi des dizaines. Mais là, à un battement de cil près, ce n'est pas passé. Audi ne joue plus qu'à deux contre trois...

Lors de la neutralisation, l'Audi n°1 s'est imposée au commandement mais peu de temps après le restart, Tréluyer, vraiment plus rapide que Bernhard reprend le leadership et creuse de nouveau l'écart. De leur côté, les Peugeot n°7 et 9 sont à moins de 10 secondes mais la n°8 a perdu du temps. Le répartiteur de freinage a cassé lorsque Franck a voulu passer les freins sur l'arrière comme on le fait habituellement sous safety-car. La 908 n°8 a plongé au 8ème rang avec plus d'une minute de retard. Les Audi ravitaillent simultanément à 17H08. La n°9 le fait au tour suivant, la n°7, une boucle plus tard encore. Peugeot parvient donc à occuper ponctuellement le commandement lors des arrêts des Audi.

Audi R18 #1 LM 2011Or un arrêt, la n°1 va en marquer un nouveau, largement anticipé. A17H34, Timo cède le volant à Romain Dumas, on change les pneus mais aussi le capot avant pourtant intact. Les pneus avaient-ils souffert d'un léger manque d'appuis, ce qui pourrait expliquer le rythme légèrement inférieur de Timo ? Ce changement de capot semble l'indiquer. Romain repart 6ème mais revient rapidement au 5ème rang avec l'arrêt normal de la n°8. A 17H48, l'Audi de tête s'arrête après un relai de 11 tours. Cette fois-ci, on va vraiment savoir si les Peugeot peuvent gagner un tour sur l'aspect consommation. Bourdais cède le volant à Pagenaud à 17H55. Wurz attend 17H59 pour laisser la n°7 à Davidson. Cette fois-ci, on est fixé. Les 908 consomment moins de gazole que les R18. Mais elles bouffent plus de pneus ! Tréluyer est en effet resté au volant de la n°2 pour un quatrième relais avec les mêmes gommes, tandis que les Peugeot, pourtant plus lentes en piste, n'en ont fait que trois. Les clés de l'équation se mettent doucement en place. Avantage en piste à Audi, avantage en conso à Peugeot, avantage en pneus à Audi, avantage en Vmax à Peugeot, avantage à Audi en appuis aéros. Tout cela va se vérifier tout au long de la course désormais. Les deux adversaires disposent d'armes très différentes qui donnent toutefois un résultat très proche. Le leadership ne va plus cesser de s'inverser lors de chaque ravitaillement jusqu'au moment ou la course se laisse glisser dans la pénombre. Au quart de l'épreuve, Audi prend en sandwich les trois Peugeot. La n°2 précède la n°7 d'une minute, la n°9 est trois secondes plus loin avec la n°8 dans ses roues. Puis la n°1 est une autre minute derrière les lionnes. La Peugeot Oreca tient très bien son rang à un tour de la tête.

Miracle n°2

Alors que l'on approche de la fin du tiers de la course, les caméras se figent sur un nuage de poussière entre Mulsanne et Indianapolis. Il y a des débris partout sur la piste... Le temps que la poussière redescende et l'on distingue une coque posée à droite de la piste le long du rail. Dans le même temps, alors que les leaders repassent les uns après les autres sur la ligne d'arrivée, la n°1 descend progressivement au classement. Il devient vite évident que cet accident touche de nouveau Audi. Les mines effrayées du stand allemand ne laissent plus aucun doute. Une image aérienne montre la coque, recouverte de poudre d'extincteur. Et rien autour. Puis une image de caméra embarquée montre un contact entre Mike Rockenfeller et une Ferrari. Mike a fait appel de phares sur appel de phares avant de se glisser à l'intérieur dans l'une de ses deux petites courbes à droite entre Mulsanne et Indianapolis, espérant doubler la Ferrari. Hélas, le pilote de cette auto (il s'avèrera qu'il s'agit de Robert Kaufmann) s'est rabattu légèrement sur lui. Le choc est léger pour la Ferrari puisque Robert finira son relais normalement. A un battement de cil près, il n'aurait même pas eu lieu. Mais Rocky est immédiatement déstabilisé et envoyé avec un angle important, à plus de 300 km/h dans les rails de sécurité extérieurs. Sa voiture ou ce qu'il en reste rebondit et revient ensuite frapper les rails intérieurs... Là encore, le pilote parvient à s'extraire seul de sa coque carbone, transformée en cellule de survie. Il passe au dessus des rails et s'effondre. Il sera emmené lui aussi au PC médical puis à l'hôpital. Mike n'est pas physiquement blessé mais un tel choc, à une telle vitesse, laisse des traces dans l'organisme. Là encore, on est dans le pur miracle. On en prend pleinement conscience lorsqu'une dernière image nous parvient. Elle est prise depuis une caméra de télé placée en bord de piste. De nuit, elles ne sont pas activées par un opérateur, c'est une image fixe. On distingue l'Audi n°1 se dirigeant vers le rail, puis, on n'aperçoit plus que des débris passant devant l'objectif. On n'ose imaginer ce qu'il se serait passé si le caméraman avait été présent. Aucun commissaire n'est blessé dans ce crash horrible. Qui peut le croire ? Audi ne joue plus qu'à un contre trois...

La neutralisation qui s'en suit est longue, encore plus que celle faisant suite à l'accident de McNish : 2H22'. Il y a énormément de travail, des deux côtés de la piste pour remettre les rails en état. Une nuée de camions est amenée sur place. Pendant ce temps, l'équipe Audi se calme et se reconcentre. Comme l'a déclaré le Dr Ullrich après la course, « personne n'est parti. L'équipe entière s'est concentrée sur la n°2. Avec les ingénieurs des trois voitures, nous avons formé un groupe uni duquel est sorti de bonnes idées concernant la stratégie. » Unie dans la difficulté, l'équipe Joest. Comme Porsche face à Jaguar en 1987, il ne reste plus qu'un atout dans la manche face aux trois 908 officielles, voire aux quatre, car celle d'Oreca n'est toujours distancée que d'un tour à 1 heure du matin... Et en 1987, la 962C n°17 avait triomphé des Jaguar une à une, en étant plus performante dans la Nouvelle Portion, étrange similitude.

Mais au même moment, l'équipe Peugeot Sport peut se souvenir de 1993. Les trois 905 avaient triomphé des Toyota TS010 tout en étant moins rapides dans cette même section du circuit... De plus, l'allié de Peugeot Sport, au moment du restart, c'est la nuit. Avec les températures plus fraîches, les pilotes des 908 vont enfin pouvoir passer les pneus softs, eux qui ont « galéré » avec les médiums en début de course. L'effet ne se fait pas attendre. Bourdais repart le couteau entre les dents lors du restart intervenant à 1H03. Les trois 908 sont alors groupées à 2'15" de l'Audi. Un relais plus tard, il a ramené ce différentiel sous les deux minutes. A mi-course, il est à moins d'une minute. Entre-temps, Peugeot perd l'appui de la 908 HDi FAP. Loïc Duval, qui était dans un relai très performant, tape à la première chicane des Hunaudières, en arrivant sur du gravier non signalé. 15 minutes sont perdues dans le stand à réparer. Les trois meilleures voitures essence, la Pescarolo Judd n°16 suivie des deux Lola Toyota Rebellion en ont profité pour doubler la 908 bleue et orange fluo.

Peugeot revient dans la nuit...

Peugeot 908 #7 LM 2011Après 12 heures 30 de course, Peugeot resserre l'étau. L'Audi n°2 rentre aux stands. Le changement de pneus est plus long qu'à l'accoutumée et le résultat ne se fait pas attendre. Peugeot reprend les rênes de la course. En fait, désormais, un sprint est lancé dans lequel on ne fait plus de cadeau. Pedro Lamy, qui n'a fait qu'un unique triple relais en début de soirée, a été prié de ne plus piloter la n°9 et de laisser ses coéquipiers, plus rapides, faire le boulot. Sur la n°8, Nicolas Minassian est également mis en réserve après un double-relais nocturne compliqué. Il a subi de très importantes vibrations impliquant des troubles de la vision. Sur l'Audi, Fässler ne conduira quasiment pas de jour le dimanche. Il n'a pas vraiment fait un mauvais boulot, mais de nuit, resté en médiums, là ou les Peugeot étaient en softs, il a vu son avance fondre. Après 14 heures de course, il est même devancé par deux Peugeot désormais ! En fait, depuis deux minutes, la course est de nouveau neutralisée. A 4H59, Jean-Christophe Boullion a tapé le mur dans la nouvelle portion. La Lola n°13 ne repartira pas, laissant Pescarolo Team et Rebellion à égalité numérique dans leur « duel des essence » et la course est contrôlée par la direction de course durant 23 nouvelles minutes. Ce qui a permis aux Peugeot n°9 et 7 de repasser l'Audi. La n°8 quant à elle, est toujours distancée de deux tiers de tour.

Safety-car LM 2011Lors du restart, la Peugeot n°9 rentre ravitailler. La n°7 l'imite un tour plus tard donc l'Audi reprend la tête. Mais ça ne dure qu'un temps. A 5H52, Davidson se fait pressant sur Fässler et prend l'avantage sur la piste. A 6H06 intervient la quatrième neutralisation de la course, la Ferrari n°59 ayant tapé de l'arrière dans le virage du karting. La piste est rendue à la course à 6H28. Mais une nouvelle neutralisation intervient à 7H37 suite au violent accrochage entre la Corvette n°73 de Magnussen et la Porsche n°63 à la sortie de la zone du karting. Toutes les voitures de tête en profitent pour ravitailler. Sur la Peugeot n°9, on en profite même pour changer la radio défillante sans trop perdre de temps. Et lorsque les safety-cars s'écartent (définitivement !) à 8H07, Pagenaud sur la 908 n°9 devance Tréluyer sur la R18 n°2 et Wurz sur la 908 n°7. Les trois hommes se tiennent en 7 secondes. Mais entre Benoit et Alexander s'est également inséré Stéphane Sarrazin sur la 908 n°8 qui est désormais à un tour après un Stop & Go d'une minute infligé parce qu'un mécanicien n'avait pas refermé ses lunettes protectrices lors d'une intervention... Sur la même image, nous avons donc les quatre leaders ! Tout est prêt pour un combat roues dans roues qui va se graver en dur dans nos neurones !

Fantstique Tréluyer !

th_Audi_2_eCe combat va durer 10 minutes, le trafic y jouant d'ailleurs un rôle majeur. Les images confirment de nouveau ce que l'on savait déjà. Dans des conditions normales, l'Audi n'a pas les moyens de doubler les Peugeot en ligne droite, même à l'aspiration. Par contre, dans la nouvelle portion, avec ses longues courbes à haute vitesse, elle est bien plus à l'aise que les lionnes. Au contraire, la 908 peut doubler en ligne droite. D'ailleurs à 8H26, c'est ce que parvient à faire Sarrazin entre la deuxième chicane et Mulsanne par l'extérieur, sans coup férir. Mais dans le même tour à 8H27, les deux pilotes rattrapent la Corvette Larbre après le virage du karting. Sarrazin est freiné et Tréluyer en profite pour réaliser LA manœuvre de la course. Il freine un minimum puis décide de doubler les deux voitures par l'extérieur en allant bien au delà de la ligne de course. Le coup est gonflé mais magnifique ! Il lui reste donc le cas Pagenaud à régler. Et c'est bel et bien dans les Hunaudières qu'il y parviendra ! A 8H30, Pagenaud est gêné par la Ford n°68 à la sortie de la première chicane, il ne peut réaccélérer comme il le souhaite. Il n'en faut pas plus à Benoit pour s'imposer, là même ou les 908 sont pourtant le plus à l'aise ! Dès lors, le pilote Audi parviendra à hausser le rythme et à s'extraire de la pression des trois Peugeot.

Trois_Peugeot 908 LM 2011Mais on imagine qu'il a dû pour cela, taper dans le capital de ses pneus. On se trompe lourdement. En fait, Benoit enfonce le clou en réalisant à ce moment là, l'unique quintuple relais de cette course avec le même train de pneus ! « On savait qu'on pouvait le faire, c'était préparé à l'avance » confiera-t-il après la course. Certes, les Peugeot parviennent encore à reprendre le commandement lors des arrêts aux stands mais il est clair que l'Audi a repris les commandes, qu'elle creuse de nouveau les écarts. Normal, les pilotes Peugeot ont dû remettre les pneus médiums... La course semble donc basculer définitivement dans le clan Audi. D'autant plus que Peugeot a perdu un atout dans la bataille. A 9H44, Alexander Wurz rentre dans Indianapolis avec un rien d'optimisme en trop. Il ne peut éviter de sortir dans le graviers ni de toucher les pneus. Le contact ne paraît pas trop méchant mais l'AVD est tout de même bien abîmé. Il faut plus de deux minutes pour le sortir de sa fâcheuse situation puis une dizaine de plus aux mécaniciens pour remettre la n°7 en état. Désormais distancée de 4 tours, la course à la victoire est finie pour elle.

C'est Dame Nature qui va une ultime fois relancer le spectacle et le suspense. Vers 11H10, les premières petites gouttes de pluie se font jour mais ne changent pas radicalement l'état de la piste. C'est à l'heure du déjeuner que cette fois-ci, la pluie tombe vraiment. Rapidement, les chronos montent, repassant même parfois au-dessus des 4 minutes au tour. Visiblement, les pilotes Peugeot s'en sortent mieux que Lotterer. Pagenaud reprend de gros paquets de seconde au pilote Audi mais Davidson, désormais bien attardé, roule encore plus vite, réalisant des chronos proches de ceux d'une piste sèche ! Impressionnant... Dans le même temps, Loïc Duval sort de nouveau de la piste à Indianapolis. Il tape les pneus puis perd le capot arrière en repartant. La course de la 908 victorieuse à Sebring se complique...

Peugeot revient sur la pluie...

A midi et demi, Pagenaud reprend 15 secondes en un seul tour à Lotterer. Celui-ci se met alors à zigzaguer dans les lignes droites. Visiblement, il a trop laissé ses pneus redescendre en température ce qui le met en difficulté sur cette piste humide. Il tente donc de retrouver de la chaleur dans ses gommes. En fait, parmi les leaders, tout le monde est resté en slicks. Tout le monde sauf la Peugeot n°8 ou l'on a rappelé Nicolas Minassian qui apprécie ces conditions mixtes. On tente le pari des pneus intermédiaires sur cette 908 mais on en changera dès le prochain arrêt. L'avantage qu'ils procurent ne s'est pas montré décisif. La pluie est alors fatale à la Pescarolo n°16. Manu Collard perd le contrôle dans le virage Porsche. Il sait immédiatement après avoir tapé les pneus qu'il ne repartira pas. La voiture est détruite. Dans le stand Pescarolo, les larmes coulent. Sauf sur le visage d'Henri qui admet immédiatement au micro que « cela fait partie de la course, Manu a dû arriver le premier dans une partie soudainement plus humide. » Grand bonhomme décidément...

André Lotterer doit également composer avec le comportement peu sportif des pilotes Peugeot. Tréluyer avait déjà été légèrement bouchonné lors de son quintuple relais mais voilà que Davidson remet ça avec notamment une passe d'armes très chaude à la deuxième chicane des Hunaudières. Pourtant, les commissaires agitaient bel et bien leurs drapeaux bleus ! Il va falloir mettre un terme à ces comportements et c'est à la direction de course d'agir. En fait, ce n'est pas la première fois que l'on voit cela dans le duel Audi-Peugeot. Des comportements limites dans un camp comme dans l'autre, on en a déjà vu à plusieurs reprises ces dernières années (Petit Le Mans 2008, Zhuhai 2010, Spa 2011 et maintenant Le Mans). Jamais, ils n'ont été sanctionnés ce qui ne peut que conforter les auteurs. Il faut mettre le holà. On a la chance d'avoir un duel de géants, ne le laissons pas dégénérer...

th_Audi_2_fDe 44 secondes à 12H20, l'écart en tête est retombé à 20 secondes peu avant 13H ! A 1H30 de la fin de course, il n'est plus que de 15 secondes. Les derniers ravitaillements vont être décisifs. L'Audi s'arrête à 14H04. Ses relais étant de 40 minutes environ, il lui faudra donc marquer un splash and dash avant la fin. Lotterer compte désormais 22 secondes d'avance mais la Peugeot va devoir s'arrêter à son tour. Mais surprise, c'est l'Audi qui s'arrête à nouveau à 14H22. A 14H23, la Peugeot n°9 rentre également. C'est la course dans les stands ! En fait, Lotterer a subi une crevaison lente et on lui change donc ses 4 pneus ce qui n'était pas initialement prévu. Sur la Peugeot, on se contente d'un ultime refuelling ! Les deux pilotes se relancent dans le même ordre mais l'écart est désormais tombé à 7"8. Il décroit rapidement. 6"7 à Mulsanne, 6"4 sur la ligne d'arrivée... On commence à croire en un possible remake de l'arrivée de 1969. Mais André trouve vite le rendement optimal de ses pneus neufs. Au tour suivant l'écart remonte à 8 secondes. Et il s'accroit jusqu'à 15 secondes à 14H59. Lotterer va devoir boucler encore un tour. Il sait qu'il a gagné, il relâche et commence à profiter. L'ultime écart est donc de 13"854... Audi a triomphé !

Mais Audi s'impose pour la 10ème fois !

th_Audi_2_gLa caméra embarquée montre alors l'énorme émotion qui s'empare de Lotterer. On distingue même les larmes malgré le casque. Dans le stand, c'est l'euphorie autant que l'étonnement, on revient de si loin à une contre trois. On voit même un Ralf Jüttner complètement interloqué, mettant un peu de temps pour réaliser, un peu de temps avant de céder comme ses camarades à une joie énorme. Les images d'après-course sont belles. Le Dr Ullrich, très grand monsieur de l'endurance, décidément, vient saluer un à un ses adversaires. La longue poignée de main avec Bruno Famin est chaleureuse. Comme l'an passé, les assistants de Peugeot Sport font la haie d'honneur à l'Audi victorieuse. Benoit Tréluyer est au bord des larmes. L'émotion est partout. Les mines des hommes de Peugeot Sport sont beaucoup moins sombres que l'an passé. Certes, c'est une nouvelle défaite mancelle, la quatrième face à Audi contre une seule victoire mais celle-ci n'a pas le goût de l'humiliation, de l'anéantissement vécu en 2010. On a conscience d'avoir tout donné. Les pilotes parviennent même à sourire sur le podium.

Audi a donc triomphé malgré le pire premier tiers de course imaginable, pire encore que celui de 2009, pourtant peu glorieux. Audi s'est imposé grâce à une voiture « qui me donnait du plaisir dans la Nouvelle Portion. » déclarait Benoit Tréluyer. « Rien à voir avec la R15 qui pouvait ta faire un peu peur dans cette zone. Là, on avait une grande vitesse de passage en courbe ce qui nous a permis de gagner une course incroyable. » Une voiture qui a finalement permis à André Lotterer de signer le record du tour de cette course en 3'25"289, soit 5 dixièmes de seconde plus rapide que la Pole ! « Ce meilleur tour, c'est le « happy hour » de la course. Mais au même moment, n'importe lequel de nous trois aurait pu le réaliser tant la voiture était facile... » Une Audi R18 rapide, très équilibrée, certes, mais également économe sur ses pneus. Est-ce cela qui explique la victoire ? C'est ce que nous verrons au cours d'un prochain épisode !

Car ce compte-rendu de la course en tête est en fait un roman fleuve. Bravo à ceux qui sont arrivés au bout de cette prose aussi longue qu'une course d'endurance ! Pour ce qui est des enseignements à retirer de cette 79ème édition, je vous donne donc rendez-vous dans un autre article à venir ;)

Laurent Chauveau