Ralf Jüttner : Nous devrions être plus à l'aise qu'à Spa. Imprimer Envoyer
Mardi, 07 Juin 2011 17:17

Ralf JuettnerAprès le directeur technique de Peugeot Sport, il était logique d'aller rencontrer celui d'Audi Sport. La firme allemande a décidé de passer d'une barquette à un coupé avec sa nouvelle R18. Une auto qui a immédiatement marqué les esprits par sa constance et sa vitesse lors de la Journée Test. Puis qui a surpris par une course en demie-teinte à Spa. Une fois sa cigarette écrasée, à l'heure convenue, Ralf Jüttner s'installe confortablement et prend le temps de répondre longuement aux questions. Très ouvert, comme à son habitude...

Ralf, depuis que la voiture a été présentée en décembre à Ingolstatd, elle a déjà utilisé à plusieurs reprises, des évolutions importantes. La voiture semble évoluer de manière intensive. Les séances d'essais s'enchaînent à un rythme accéléré avec parfois plusieurs voitures en même temps. Les pilotes disent qu'ils ont l'impression de ne jamais arrêter. Vu de l'extérieur de l'équipe, on a la sensation qu'Audi n'a quasiment jamais fait un tel effort en vue des 24 Heures. Sommes-nous dans le vrai ?

« Il est vrai que la voiture évolue beaucoup mais ce fut le cas aussi avec les voitures précédentes. Simplement, à un moment donné, pour pouvoir mettre la voiture sur la piste suffisamment tôt, il faut se décider à lancer les outillages pour les éléments de carrosserie même si nous pensons pouvoir encore trouver des solutions plus performantes. C'est un processus habituel. »

Mais si on regarde la vie de l'Audi R10, une fois dévoilée en décembre 2005 à Paris, elle n'a quasiment pas évolué avant les 24 Heures 2006.

« Oui, c'est vrai. Peut-être est-ce dû au fait que le planning de développement de la R10 était plus long, que nous avions pu la préparer plus en amont. Mais aussi bien R8, que R10 ou R15 ont connu un processus à peu près semblable. Nous passons toujours par plusieurs steps avant de trouver la bonne version. »

Alors justement, à Spa, vous rouliez avec une version Le Mans. Pourquoi ce choix alors que le circuit nécessite plus d'appuis qu'en Sarthe ?

« Pour pouvoir rouler avec une version « High downforce », il faudrait déjà disposer d'une telle version... »

C'est donc la même raison qu'avec la R15+ l'an passé. Vous vous êtes avant tout concentré sur Le Mans, le kit carrosserie « fort appuis » viendra plus tard ?

« Tout à fait. Le Mans est notre objectif prioritaire. Tout est fait avant tout en fonction de cette course. Nous avons cependant déjà travaillé sur ce kit et nous espérons pouvoir en disposer dès San Marino. »

Toujours concernant Spa, comment expliquez-vous la différence entre vous et Peugeot lors des essais libres et le fait que ce soit tant inversé en course ?

« Honnêtement, je pense que Peugeot a eu besoin d'un peu de temps pour trouver le bon set-up et cela avait déjà semblé être le cas lors de la Journée Test. Ils ont commencé à améliorer leur chrono lorsqu'ils ont rajouté un peu d'appuis. Nous, nous avons eu la chance de trouver rapidement les bons réglages. »

Justement, c'est l'un des points que je souhaitais aborder. Cette R18 semble être pour vous, un peu plus facile à appréhender que la R15. Lors de la Journée Test, vous avez très rapidement pu réaliser d'excellents chronos.

« On pourrait dire cela. Il est vrai que la R18 me donne l'impression d'être un peu plus facile à mettre au point que ne l'était la R15 à une certaine époque. Mais je resterai encore prudent dans cette affirmation car nous n'avons, pour l'instant, fait qu'une seule course avec elle. L'avenir nous en dira plus. »

Revenons sur la course et sur votre rythme. Les pilotes Peugeot ont été en mesure de revenir extrêmement rapidement sur vos voitures, puis de les déborder. Cela a été une surprise pour vous ?

« Nous avons eu une course compliquée. L'une de nos voitures, la n°1, a vu sa course ruinée par une sortie de piste qui a abimé le fond plat. Après cela, elle n'a plus jamais eu le même comportement en piste. Elle n'était plus dans le coup. Sur la n°3, Dindo Capello a eu un comportement étrange de ses pneus. Il a été incapable de trouver du grip dans la première moitié de son premier relais. Puis subitement, de manière inattendue, c'est venu et il a pu hausser le rythme. D'ailleurs, sur cette même auto, Tom a pu aligner d'excellents chronos en fin de course et commencer à remonter sur les Peugeot. Sur la n°2, nos pilotes ont connu d'incroyables problèmes de pick-up. Je n'ai jamais vu un pneu ramasser des morceaux de gomme aussi gros de ma vie d'ingénieur ! Cela a ruiné la course de cette voiture d'autant que la première fois, cela s'est produit très près des stands. Benoit est rentré aussitôt mais bien évidemment, nous n'étions pas prêts. Nous avons donc perdu un peu de temps. Je pense que malgré tout, nous avions un bon rythme même si je dois admettre que nos pneus se dégradaient plus que ceux des Peugeot lors du second relais. »

Tous ces problèmes affectant vos pneumatiques, redoutez-vous que cela se reproduise ici ou les circuits sont-ils très différents de ce point de vue ?

« Je pense que nous souffrirons moins ici. Logiquement, au Mans, le pick-up n'est pas un problème. En tout cas, nous n'en avons quasiment jamais connu. Non, je ne suis pas particulièrement inquiet. »

La météo promet d'être capricieuse avec de possibles pluies d'orage. Avez-vous pu rouler dans de telles conditions lors de vos tests ?

« Non, pas de véritable pluie. Cependant, nous avons roulé sur piste artificiellement humide en plaçant deux voitures l'une derrière l'autre afin d'obtenir un véritable effet de spray telle qu'on peut l'avoir sous la pluie. »

Pas de véritable inquiétude donc concernant vos systèmes électroniques embarqués ?

« Non d'autant qu'en théorie, dans une voiture fermée, ce n'est pas un réel problème. Il nous est arrivé à quelques reprises de rouler sur des pistes absolument détrempées en DTM. L'eau s'accumulait dans les pontons de la voiture de manière impressionnante. Mais ça continuait à rouler sans souci ! »

Vous avez récemment communiqué sur le fait que vous n'utiliseriez pas la climatisation dans la voiture. Il n'y a donc plus de tel système à bord ?

« Oui, effectivement, nous n'en avons pas besoin. En fait, nous l'avions prévu initialement et nous avions même commencé à le développer. Puis, rapidement, nous nous sommes aperçus que nous pourrions nous en passer. Nous avons donc stoppé le travail dessus. Pourquoi dépenser de l'argent et de la matière grise sur un élément dont on peut se passer. »

En plus, coup de chance, la météo de ce week-end pourrait vous être favorable de ce point de vue car on n'attend pas les grandes chaleurs...

« Oui, effectivement. » (Rires)

Pour l'anecdote, vous avez créé une déco vantant les mérites du principe « ultra lightweight technology ». Pour ce faire, vous n'avez pas recouvert intégralement la carrosserie, laissant apparaître le carbone sur de larges surfaces. Combien de masse cela vous a-t-il fait gagner ?

« Figurez-vous que je n'en sais rien. J'imagine qu'au mieux, on gagne deux kilogrammes. A peu près... »

Laurent Chauveau