Henri Pescarolo : Il y a du mieux mais... Imprimer Envoyer
Dimanche, 05 Juin 2011 21:44

Henri_PescaroloUn petit coin de parapluie pour une interview avec Henri, c'est ainsi que s'est déroulé cet entretien avec probablement, le plus attendu des patrons d'écurie en ce dimanche après-midi de Pesage. Un Pesage marqué par une météo plus que capricieuse et qui n'est pas sans nous rappeler les vérifications techniques de 2009 tant les orages ont été présents... C'est donc à la sortie de son interview sur le podium

de Bruno Vandestick que j'ai pu m'entretenir avec celui qui l'an passé, était du côté des medias et non de celui des concurrents. 2011 est donc un véritable retour à la normale non seulement pour Henri mais aussi et surtout pour les membres de son équipe. Un retour salué par une foule considérable qui, malgré les « lâchers d'eau » orchestré par le ciel manceau, se pressait en masse autour du podium. Les gens allaient même jusqu'à s'agglutiner de l'autre côté de la route, sur les marches du Palais de Justice, pour ne rien manquer du spectacle. Le Pesage du dimanche est de nouveau un grand succès et reconnaissons le, du fait d'un aménagement différent de celui de l'an passé, il est bien plus aisé d'y circuler à pied. Mais revenons-en à Henri, notamment sur sa position quant à la création du Championnat du Monde d'Endurance.

 

Henri, es-tu surpris de l'annonce conjointe de l'ACO et de la FIA quant à la mise en place de ce Championnat du Monde ?


« Surpris, non pas vraiment car à ma modeste échelle, j'en suis un peu à l'origine. Cela fait longtemps que j'appelais de mes voeux la mise en place d'un tel championnat et lorsque Jean Todt, qui est un ami, est devenu Président de la Fédération, j'ai été l'un des premiers à le contacter et à le rencontrer en lui demandant de tout faire pour remettre un peu d'ordre dans la grande maison du sport automobile. Trop de séries monoplaces disparates représentant les intérêts de trop nombreux promoteurs différents, l'endurance se partageant entre de trop nombreux championnats aussi bien en protos qu'en GT, il était besoin de remettre les choses à plat. Je l'ai donc mis en relation avec les gens de l'ACO et j'étais convaincu que Mrs Plassart, Fillion ou Brouard parviendraient à trouver un terrain d'entente avec la FIA. Même si rien n'était gagné d'avance car il faut se souvenir du passif très important qu'il y a eu entre les deux parties durant de longues années, les troubles par lesquels ils sont passés, les actions en justice qui les ont opposés. Mais j'étais confiant en la bonne volonté de ces personnes et l'annonce récente ne m'a pas surpris. »

Pour ton écurie, est-ce que c'est une bonne nouvelle ?

« C'était en tout cas une étape indispensable à mon avis. Mais ça ne sera une réelle bonne nouvelle que si l'ACO et la FIA se décident à nous permettre, nous les tenants du moteur à essence, de nous rapprocher enfin réellement des moteurs diesels. On nous l'a promis pendant 5 ans sans que nous ne voyons rien réellement venir et cela a fini par nous tuer. Maintenant, nous avons pu nous relever mais pour que nous puissions réellement attendre quelque chose de ce Championnat, il faut nous permettre de nous exprimer. Tu sais, si il y a 5 ans, nous avions su que ce problème durerait aussi longtemps, nous serions passé au diesel. Judd avait un projet dans les cartons mais nous ne l'avons pas sorti car on nous promettait de nous remettre à niveau. Malheureusement, ce n'est jamais réellement venu. »

Mais financièrement, parviendrais-tu à inscrire ton équipe dans un tel championnat ? Tu n'as déjà pas pu le faire cette année pour l'ILMC ?

« Ce n'est pas vraiment que je n'ai pas voulu le faire, c'est aussi et surtout que je n'avais aucun intérêt à aller me battre contre des usines en diesel en sachant très bien que je n'avais strictement aucune chance d'être à leur niveau. Certes, financièrement, ça aurait été un peu juste mais pas tant que ça. Nombre de déplacements sont identiques entre LMS et ILMC. Ce qui serait un peu plus couteux, ce sont les déplacements outre-mer. Mais il n'y pas une telle différence. Et puis dans le cadre d'un Championnat du Monde, les déplacements sont pris en charge par les organisateurs en théorie. »

C'est déjà en partie le cas cette année en ILMC ?

« En partie, oui, et ça va dans le bon sens. Ca prouve leur bonne volonté, il faut maintenir ce cap désormais. »

Henri_Pescarolo & CoParlons maintenant de ces 24 Heures 2011. L'équipe est fin prête ?

« Oui, je le pense. Nous avons roulé récemment sur la base aérienne de Chateauroux. Nous avons eu beaucoup de mal à trouver une base pour remplacer Brétigny qui est cette fois définitivement fermée. Lorsque nous y allions, la base aérienne était déjà fermée mais la piste restait disponible, c'était une tolérance dont nous bénéficions. Maintenant, pour des questions de sécurité qu'ils ne sont plus en mesure d'assurer, ce n'est plus le cas et nous avons dû trouver une solution de repli. Or de plus en plus de bases aériennes sont fermées donc celles qui restent ouvertes sont saturées du point de vue du trafic. Et dans les pistes civiles, il est très rare de trouver des pistes de plus de 3km. Heureusement, après énormément de recherches, nous avons pu trouver la piste de Chateauroux qui est une ancienne base militaire américaine (cf « Concerto pour Pilotes » de Michel Vaillant à ce sujet, NDLR). Elle a été récemment ressurfacée, c'est un billard, elle est superbe. Il n'y a pas beaucoup de trafic aérien, elle mesure 3,5 km et on peut y faire exactement ce que l'on a toujours fait à Brétigny : roder des moteurs et des boites, refaire de l'aéro. Nous avons d'ailleurs préparé trois set-up aéros différents en fonction des conditions que l'on risque de trouver. On a également regardé ce que l'on pouvait optimiser avec les 18 chevaux supplémentaires octroyés par la récente retouche de l'équivalence. »

Ces 18 chevaux supplémentaires, est-ce que ça ne risque pas de se transformer en handicap si cela vous prive d'un tour de circuit entre deux relais ? Car on n'a pas revu pour autant votre capacité en carburant or vous allez consommer un peu plus.

« Oui, c'est toujours le problème. Il fallait en même temps réadapter la capacité des réservoirs si l'on voulait que ce soit un réel avantage. Chaque fois, on nous donne un petit peu mais pas assez. Le règlement garantissait que rien ne serait fait pour ralentir les voitures les plus rapides. Cela signifiait que l'on allait réajuster en touchant aux moteurs essence, à 15 jours de la course... Les petits moteurs de 3,4 litres tournent déjà à 11.000 tours. Si vous les réajustez de manière importante, si peu de temps avant la course, c'est la garantie qu'aucun d'entre eux ne soit à l'arrivée... Donc ils ont touché un petit peu partout. Un petit peu sur les brides, un peu de poids en moins, un peu sur le débit de ravitaillement et au global, nous avons calculé que cela allait réduire notre retard de deux secondes, deux secondes et demie par rapport aux diesel ce qui ne va pas changer drastiquement la face des choses. Malgré tout, il faut noter qu'il y a une réelle volonté de l'ACO d'y arriver un jour. Il aura fallu 5 ans, il en faudra certainement une de plus pour y arriver complètement, notamment avec ce Championnat du Monde. »

Ce n'est pas la première fois que l'ACO vous donne 3% de puissance en plus...

« Oui mais la première fois, nous avions un déficit de l'ordre de 12% donc c'était insuffisant, 4 fois moins que ce qu'il fallait. Cette année, c'était du même ordre de grandeur, entre 10 et 12% de différence de performance lors de la Journée Test. Le problème, c'est que l'ACO n'a pas voulu tenir compte des résultats de cette journée, sous prétexte que ce n'était que des essais justement. Or si l'on se base sur Spa, notre déficit est moindre par rapport aux diesel. Car c'est un circuit qui fait un peu moins la part belle à la puissance. Donc la règle de trois ne marche pas et le calcul est faussé mais au moins, il y a la volonté. C'est pour cette raison que j'appelle de tous mes voeux, la mise en place d'une commission technique qui soit indépendante, composée de l'ACO, de la FIA, de motoristes qui ne soient pas partie prenante afin de trouver une bonne équivalence. Mais en fait, on l'a déjà trouvée cette équivalence. Il suffit de regarder les temps de l'Oreca 2010, soit le moteur Judd 5,5 litres avec des grosses brides. On s'aperçoit qu'elle accélère comme les diesels 2011. Donc la bonne équivalence, c'est gros moteurs essence avec brides 2010 contre moteurs diesel 3,7 litres en brides 2011... »

Certes Henri, mais une nouvelle fois, tu compares un moteur client, déjà un peu âgé (d'autant que cette année, tu es revenu au 5 litres encore plus ancien que le 5,5 litres) à des moteurs diesel dernier cri, développés avec les moyens d'une usine...

« Moi, je regrette qu'une chose, c'est que la HPD ne soit pas là. Parce que tout le monde me dit « elle vous tournerait autour. » Moi, j'en attends encore la démonstration. Ce que vous appelez un « vieux » moteur dans le cas du Judd, c'est tout de même un moteur qui dispose de nouvelles culasses depuis trois ans, qui a un accélérateur à boisseaux, etc... Ils bossent chez Judd ! »

D'accord, mais c'est un moteur qui ne dispose pas de l'injection directe dont on sait qu'elle est dorénavant un élément quasi indispensable afin d'optimiser le rendement d'un moteur essence.

« Ce qu'il faut bien voir, c'est que la puissance d'un moteur essence est exactement dépendante du diamètre des brides. Si une usine, avec les moyens de Peugeot ou Audi travaillaient sur un moteur essence, il ne faut pas croire qu'ils obtiendraient une puissance très nettement supérieure à la notre. Ils gagneraient en couple, la courbe serait plus pleine, ils gagneraient un peu en autonomie avec l'injection directe. Mais ils ne gagneraient pas en puissance. Or en diesel, c'est tout à fait le contraire. Il y a de telles possibilités de faire évoluer un moteur diesel par ce qu'il se passe dans les culasses et dans l'injection qu'il n'y a plus rien de proportionnel. Pour qu'un nouveau moteur essence puisse allumer tout le monde, il faudra passer par le 2 litres turbo en libérant un peu la pression de suralimentation. Mais pour le moment, un moteur classique comme le Zytek, Porsche, HPD, ils sont proches du Judd, il n'y a pas de grosses différences. »

Pour finir, un petit mot à propos de tes fans, Henri ? Ils ont été importants dans le processus de ta renaissance ?

« Au delà de ce que l'on peut penser. Après le rachat de l'outil de travail par mes amis Joêl Rivière et Jacques Nicollet, la remise en route de l'activité de l'écurie a pu se faire en grande partie grâce à l'aide de l'association Pescarolo 2011, avant même le retour de mes partenaires financiers fidèles ou l'arrivée des nouveaux. C'est très touchant. Ce qui est le plus surprenant, ce sont ces gens qui passent à l'atelier pour nous donner un petit quelque chose. Pour la plupart, c'est un geste qui n'est pas anodin, ils n'ont pas beaucoup de moyens mais ils tiennent pourtant à le faire. Certains se privent pour nous venir en aide. Cet élan autour de nous est incroyable... »

Laurent Chauveau