Peugeot 908 : l'avis des pilotes Imprimer Envoyer
Lundi, 07 Février 2011 19:19

Marc Gené & Nicolas MinassianPour conclure cette série d'article suite à la révélation de la nouvelle Peugeot 908, il nous fallait connaître l'avis de ses principaux utilisateurs : les pilotes. Simon Pagenaud, Nicolas Minassian et Marc Gené (dont le français s'améliore sans cesse au point de le parler quasi couramment désormais) se sont prêtés au jeu des Questions-Réponses et de l'inévitable comparatif avec 908 HDi FAP...

En passant d'un V12 de 5,5 litres à un V8 de 3,7 litres, on savait par avance que la Peugeot 908 perdrait beaucoup de sa puissance. C'est évidemment un avis partagé par tous les pilotes tel Nicolas Minassian : « Évidemment, on ressent immédiatement cette diminution de la puissance. Il nous manque 150 chevaux, c'est donc très net. Mais on finit par s'y habituer et ce n'est pas un réel problème. De toute façon, nos concurrents connaissent la même situation. ». Simon Pagenaud ajoute : « Moi, je trouve ça dommage du point de vue du pilote. Nous avions des voitures exceptionnelles les années précédentes. On veut nous ralentir pour des raisons de sécurité, d'accord, mais j'aurai préféré que l'on nous diminue notre vitesse en courbe en nous enlevant de l'appui aérodynamique. Pas en ligne droite car les gens veulent voir des voitures qui roulent à 400 km/h. » On peut pourtant penser que la perte de puissance entraîne également une perte significative d'appuis qui diminue d'autant la vitesse de passage en courbes « mais les ingénieurs progressent à pas de géant chaque année en ce domaine et ils compensent sans cesse ce que les législateurs nous prennent. » précise le pilote de la Vienne

L'un des juges de paix pour les vitesses de passage, c'est la courbe de Signes du circuit Paul Ricard. Il était intéressant de connaître l'avis des pilotes sur le comportement de la nouvelle-née comparée à l'ancienne dans ce secteur. Simon pense que « la vitesse de passage est comparable mais sincèrement, je n'ai pas les données exactes. Ce n'est pas vraiment le but de nos essais donc je ne sais pas dire. » Nicolas en pense de même mais Marc ajoute que « sur certains tracés, on passe à fond des virages ou l'on devait soulager avec l'ancienne. Mais étant donné que l'on arrive également moins vite puisque l'on a moins de puissance, c'est très difficile de faire un comparatif précis. »

La 908 nouvelle génération se distingue aussi de la précédente par l'apparition de l'aileron de requin. Cet élément permet de maintenir la voiture appuyée au sol en cas de travers à grande vitesse mais on peut se poser la question de savoir si il ne perturbe pas l'équilibre de la voiture lorsque celle-ci encaisse une rafale de vent de travers. Nicolas Minassian avoue qu'il n'a « pas connu de tel effet sur la 908. Pourtant, j'ai effectué pas mal de roulage, notamment lors de tests d'endurance et je n'ai jamais été confronté à ce cas de figure. » Marc Gené corrobore les propos du marseillais tout en tempérant un peu : « Je pense que comme en F1, il y a des circonstances ou nous pourrons être soumis aux effets du vent latéral mais je ne l'ai pas encore expérimenté sur la 908. » Pour Simon Pagenaud, le son de cloche est différent : « Effectivement, j'ai ressenti une petite action du vent latéral sur l'aileron de requin ce qui est un peu déstabilisant mais c'est difficile pour moi d'en analyser directement la cause. Est-ce que cela vient de notre installation ou est-ce un problème générique pour toutes les autos équipées de cette dorsale ? Je n'en sais rien. »

Toujours est-il que Marc Gené est très concerné par la tenue au sol de la voiture en cas d'amorce de tête à queue. « Nous (pilotes) avons demandé à la FIA de se pencher de nouveau sur le problème de l'envol des voitures. L'aileron de requin ne peut tout empêcher à lui tout seul. Je pense qu'il faut aussi agir sur la forme du fond de la voiture. Avec les fonds à étage utilisés en F1, on a vraiment bien répondu à la problématique et je pense qu'il faut aussi creuser dans cette direction pour les prototypes. » Je précise d'ailleurs que Marc n'est pas le seul dans le milieu à penser que cette mesure ne suffit pas pour résoudre au mieux le problème...

Simon PagenaudLa voiture a beau s'appeler 908, elle a beaucoup évolué par rapport à sa grande sœur. Sur quels points s'en distingue-t-elle le plus ? Simon avoue être « impressionné par la puissance de freinage permise par les grosses roues avant. Elle est plus agile, plus réactive. » Marc confirme qu'elle « est plus réactive dans les enchainements. De par la masse du groupe moto-propulseur, l'ancienne nous posait quelques problèmes d'inertie. Ils sont gommés sur celle-ci. » Simon ajoute que « je suis en tout cas assez confiant sur les performances de la voiture. Les motoristes de Peugeot Sport sont exceptionnels donc je pense que l'on devrait encore avoir un super moteur cette année. » Et Marc Gené d'enchaîner à propos du moteur : « Il sonne différemment par rapport au V12. C'est plus grave et on l'entend mieux ! »

Avec la direction assistée, la présence de plus gros pneus à l'avant ne doit pas être un problème. Simon précise que « non, ce n'en est pas un. Cependant, il a fallu travailler pour qu'elle puisse supporter les efforts supplémentaires engendrés par ces pneus et par le déport plus important mais le bureau d'études a immédiatement su quoi faire pour qu'elle fonctionne correctement. »

Pour ce qui est de la vie à bord, Nicolas et Simon ne sont pas dépaysés. « C'est très semblable, les deux cockpits se ressemblent comme deux gouttes d'eau » avoue le marseillais « même si la visibilité a peut-être été très légèrement améliorée ». Ayant l'impression que le cockpit est légèrement plus bas que sur l'ancienne, j'ai demandé à Simon ce qu'il en pensait mais « je n'ai pas l'impression d'être plus allongé. Franchement, l'environnement est quasi le même. » Marc précise que « l'espace autour de nous est le même mais l'ergonomie a bien évolué sur notre demande. Le volant notamment est nouveau avec un grip différent. Et les fonctions sur la planche de bord ont toutes été revues et sont plus à notre goût désormais. »

Au travers de ces dialogues avec les pilotes Peugeot, on sent chez eux une confiance certaine envers leur nouveau bébé. La piste ne va pas tarder à nous donner des éléments de réponse chiffrés. Mais en guise de conclusion, laissons la parole à Marc Gené, le premier pilote à l'avoir pilotée sur circuit : « Pour moi, cette auto est la preuve que Peugeot Sport est maintenant une grande équipe d'endurance avec de l'expérience. Les ingénieurs ont su tenir compte de nos requêtes à tous les niveaux. Tout est mieux pensé sur cette nouvelle 908. La seule chose que nous n'avions pas vu venir, nous pilotes, c'est son petit nom ! Aucun de nous n'avait parié sur 908. La plupart optait pour 909. Raté... »

Laurent Chauveau

Pour être complet sur le sujet, retrouvez les articles précédents : Généralités et photos, Bruno Famin 1ère partie et Bruno Famin 2ème partie.